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1968 : une révolution puissance X – Chapitre 1

1968 : une révolution puissance X - Chapitre 1



Mai 1968. Un autre siècle. Un moment de bascule historique, de rupture. Quand le fossé se creuse. D’un côté de la faille, des esprits en conserve, immobilisés et sclérosés, et de l’autre, des étudiants utopiques, préférant le chaos au néant, prônant le désordre et la jouissance sans entrave. Donc, un printemps 68, sens dessus dessous, pour une société à bout de souffle. Et, à mille lieues de cette agitation, Sandrine, notre héroïne. Une jeune fille d’un autre temps, sage comme une image surannée. Sa génération surfait cette nouvelle vague censée emporter tout sur son passage ; elle évoluait sur une tout autre orbite, immuable, à l’abri de ce vent de désordre. Sandrine Delarue n’habitait pourtant pas une île déserte. Juste une petite ville de province, à quelque 300 kilomètres de la capitale. Le quotidien de cette jeune personne ? Imaginez le parfait chromo de la notabilité.

Papa notaire, un hôtel particulier en héritage, beaucoup de pièces vides, car pas de frère, pas de sur, beaucoup d’ennui donc, du temps pour rêvasser.

Aucun souci domestique. La bonne Espagnole récure, frotte, brique, essuie. Il suffit en toutes circonstances de sonner. Les négligences, les relâchements et la paresse étaient ainsi toujours ménagés, du lever au coucher, du petit-déjeuner au dîner, chacune de ces ponctuations, servies invariablement à la même heure par la servante, vieille fille, dévouée, même si parfois un peu ronchon, de toute façon, mère gère avec fermeté l’intendance, maman responsable, consciente de ses responsabilités, grande ordonnatrice des thés, bridges, dîners et autres mondanités garantes de la réputation de la maison.

Un agencement sans aspérité, immuable, et d’autant plus précieux qu’il est impénétrable, inaccessible pour la plèbe envieuse. Un monde à la fois uniforme et cloisonné, parfaitement hermétique au mélange des classes et des genres ; depuis l’adolescence, la séparation des sexes est posée comme un prérequis. Je vous parle d’un temps où la pilule n’est pas encore légalisée. Il convient de protéger à tout prix les jeunes filles de la tentation du sexe, d’anticiper la faute, le scandale d’un enfant illégitime. Hors mariage, « la chose » est un péché mortel.

Voici donc Sandrine, confinée dans un cercle étroit de demoiselles bourgeoises, égocentriques, insouciantes et superficielles. Elle a 20 ans et un projet de vie tout tracé par papa-maman : se marier avec le meilleur parti possible. Ces charmantes donzelles n’envisageaient l’émancipation que comme une passation de pouvoir : quitter enfin l’autorité du père pour se soumettre à celle du mari.

Sandrine avait jeté son dévolu sur Philippe. Depuis quelques jours seulement, ils étaient concrètement amants, mais depuis un an, ils se fréquentaient en cachette des parents. Un long processus de rapprochement qui avait abouti à leur dépucelage respectif. Sandrine n’était pas une rebelle. La perte de sa virginité laissait intacte son honneur, sa respectabilité, car, elle ne doutait pas de son destin : Philippe serait son époux.

Juillet 1968. Deux mois plus tard, seulement, mais un tout autre décor, un tout autre contexte. Maison de vacance de tonton Jacques, sur la Côte d’Azur. La même Sandrine prise au piège. Coincée dans cette cuisine pendant qu’à côté, dans la chambre, les trois autres s’en donnent à cur joie. Impossible de fuir, obligée d’attendre la fin de la partouze ! Forcée d’entendre la bestialité de ces trois animaux. Insupportable, à quelques mètres d’elle, derrière le mur ridiculement mince qui n’insonorisait rien, ce boucan abject. Une véritable symphonie pornographique. Combien de temps encore devrait-elle subir ce concert insane ? Les propos orduriers des deux hommes surenchérissaient sur les beuglements aigus de Marianne et en écho, la gueulante aiguillonnait la vigueur des mâles. D’ailleurs, ces derniers s’en donnaient à cur joie dans l’insulte.

En substance, il en ressortait : « que cette chienne aimait sacrément ça ! »

Et comble de l’inadmissible, la chienne en question n’était autre que sa cousine.

Mais c’est bien au-delà des mots que la bestialité pilonnait les esprits. Cris de plus en plus incontrôlés de la femelle submergée par le plaisir, choc des chairs sur un lit valdinguant, grincements lancinants des ressorts martyrisés par les assauts répétés et les coups de boutoir des deux étalons qui, de toute évidence, se relayaient, ou pire, se complétaient, alors une succion gloutonne commuait les vagissements en gargouillis assourdis baveux. Sandrine n’osait pas convoquer des images. Elle ne pouvait imaginer l’inimaginable. Elle était si candide. Mais qu’est-ce qu’elle faisait là ? Pourquoi les avait-elle suivis ? Par faiblesse ? Manque de caractère ? De volonté ? Commandée, jusqu’à l’inconcevable, par une exécrable fatalité ? Deux porcs et une putain… Une putain qui était sa cousine ! Oui, sa cousine était une hystérique sexuelle qui exigeait toujours plus de lubricité !

A la limite du hurlement, Marianne entonnait maintenant une litanie abjecte d’insatiable « encore encore encore encore encore encore encore… »

Sandrine, subjuguée par une telle obscénité ; confrontée à l’inconcevable ; pour unique référence, l’amour avec Philippe. Un amour tendre, maladroit et empressé. Insatisfaisant, mais noble. A se demander si les deux jeunes femmes étaient du même sexe. De la même race ? Elles étaient pourtant du même sang ! Comment pouvait-on désirer réclamer cette violence sexuelle ? Ce bouleversement des sens. Si intense. Si incroyable…

Les vacances, c’est fait pour s’amuser ! »

Marianne l’avait convaincue. A priori, rien de bien méchant. Juste une petite virée en ville.

A minuit, nous serons rentrées. »

Tu parles !

Sandrine n’avait pas vu le mal venir. Pourtant la tenue de Marianne, étudiée avec soin pour libérer le maximum de chair, délivrait un sacré indice sur l’état d’esprit de cette dernière. Une jupe plissée en cuir noire, moulante et haute sur les cuisses, un chemisier échancré, copieusement décolleté au balcon, avant-poste idéal pour deux gros obus, armes fatales pointées sur les mâles ; le combat était perdu d’avance, car seul un saint – ou un eunuque – aurait pu résister à la tentation de livrer bataille à ces soixante-trois kilos de lignes courbes au service d’un mètre soixante-douze d’assurance – plus cinq centimètres de talons pour accentuer le chaloupé de son derrière, par ailleurs divinement ferme et rebondi.

La maison était-elle en retrait du centre-ville ? Qu’importe, Marianne possédait une mobylette.

Sandrine chevaucha donc, non sans réticence, la machine. En cette nuit étoilée, particulièrement propice pour enflammer les esprits, la fragile poupée blonde, silhouette fluette engoncée dans une robe à fleur sobre et couvrante jusqu’aux genoux, s’arrima à la taille de son impudente cousine. Jamais de casque. La prudence, on s’en fout. Alors cheveux au vent, plein gaz ; et vive l’aventure !

La brebis égarée et la vamp avaient à peine plus d’un an de différence. 20 ans et deux mois pour Sandrine ; 21 ans et quatre mois pour Marianne. Mais, alors que Sandrine, sérieuse et prudente, élevée dans un cocon protecteur de préjugés, conduisait sa vie selon des principes immuables, Marianne, elle, n’était fidèle qu’à sa réputation de fille délurée qui accumule les expériences et les conquêtes. Le romantisme suranné, l’idéal de stabilité anachronique entraient en collision avec une aspiration à la jouissance immédiate, conforme à l’esprit du temps. Mais, mystère des atomes crochus, ces dissonances cimentaient une étonnante complicité. Malgré l’opposition des valeurs et des caractères, malgré les éducations antinomiques, les deux cousines avaient toujours été très proches.

Toute l’enfance, elles avaient partagé leurs vacances d’été. Sandrine, citadine et fille unique, goûtait à ces longues semaines de villégiature insouciante avec sa cousine, dans la villa de son oncle, une vaste et lumineuse bastide située à moins de 200 mètres de la mer. Un dépaysement, mais aussi un souffle de liberté, car tonton Jacques et tantine Sylvie étaient bien plus permissifs que papa et maman. A mesure qu’elles grandissaient, les deux cousines s’accordaient, non pas par la complémentarité, mais, plus radicalement, sans que l’une prenne le dessus sur l’autre, par leur dissemblance. Elles restèrent très proches, et ce, malgré le contraste saisissant dans l’éclosion de leur féminité respective. Imaginez le tableau.

Sandrine, l’introvertie, visage rond, yeux bleus azur, et sage frange blonde, une si jolie poupée, un adorable petit cul, tout en préciosité, avec pour unique pointe d’insolence ses deux tétons d’un rose vif, têtu, mais si parfaitement assorti à la blancheur virginale de la paire de pommes douces et tendres à croquer.

Face à cette sensualité réservée, Marianne, la pouliche indomptable, dévergondée de corps comme d’esprit : crinière brune, regard farouche, lèvres pleines, une silhouette élancée, mais des courbes arrogantes qui consacraient et sa croupe opulente et le défi à la pesanteur lancées par deux poires plantureuses, dont même les mamelons bruns foncés, insultaient la décence.

Inévitablement, un soir, leur complicité vira au charnel. Elles étaient déjà majeures quand survint le dérapage. Certes, il y eut des signes avant-coureurs. A l’adolescence, métamorphose des corps et trouble de la sexualité obligent, elles goûtèrent gentiment à l’illicite. D’abord, en toute innocente, par la comparaison de leur nudité et le constat indéniable que leurs attributs de femelle devenaient de plus en plus marqués. Puis les émois irrépressibles induisirent quelques attouchements moites. Mais que les censeurs se rassurent, la prude Sandrine se dérobait bien avant l’irréparable. Sa cousine téméraire moquait cette chasteté, mais n’arrivait pas à la vaincre.

Alors, pourquoi cette nuit-là ? Faut-il incriminer la pleine lune ? L’été caniculaire ? Ou tout simplement la nature ? Dix-huit ans, les hormones en folie. Bien sûr, c’est Marianne qui prend l’initiative ; Sandrine pourra toujours invoquer ses chaleurs de jeunes femelles. Peu importe la raison. Elle cède.

Jeux de mains qui dégénèrent, les peaux parfumées sont si douces au toucher, les seins, si sensibles, si réceptifs aux caresses, on s’enlace, on se frotte, les chairs s’emmêlent, s’ajustent, les collines, toutes rondes, au relief mesuré, mais non négligeable, viennent s’écraser contre les mamelles lourdes, jamais rembourrées n’auront été aussi moelleux, les tétons dressés s’acoquinent, les bassins ondulent, les délicieuses croupes balancent la torride danse de Lesbos, chatte trempée contre chatte trempée, moules pressées dans leur jus, et enfin, perdant toute contenance, à tour de rôle, le chevauchement obscène, cambrée au maximum, afin que la fente goulue se fourbisse au mieux contre la cuisse de la cousine en un irrésistible et fougueux astiquage de clitoris…

Rien de bien méchant. Mais après les plaisirs interdits, Sandrine, mal dans sa peau et complexée, culpabilise. Elle surinvestit l’acte, pourtant dérisoire, en secret honteux. Elle décide qu’elle ne passera plus ses vacances d’été dans la maison de son oncle. Pendant deux années, les cousines cessèrent de se voir.

Et en juin, de cette année 1968, un coup de fil anodin de Sandrine, juste pour prendre des nouvelles. Et Marianne l’impulsive qui lance :

Et si tu venais passer une semaine, en juillet, à Saint-Raf ? Les vieux ne sont pas là. On aura la baraque pour nous deux. »

Le souvenir de l’égarement ? Mis sur le compte de l’immaturité. Maintenant, Sandrine est adulte. Hétérosexuelle revendiquée. Quoi de mieux qu’un retour aux sources pour se ressourcer ?

Mais un écueil de taille barre la perspective excitante :

Papa ne voudra jamais. »

Sandrine, à 20 ans, était toujours considérée comme une mineure par ses parents. Marianne qui détestait l’esprit réactionnaire de son oncle usa de son pouvoir de conviction. Elle n’intervint pas directement, mais, bien plus efficacement, sollicita la médiation de son père. Tonton Jacques, cédant à la pression, apporta sa caution et même mentit puisqu’il garantit à son frère que les filles seraient constamment sous la surveillance des adultes.

Sandrine s’échappait, une semaine entière du giron familial. Une grande première et un petit pincement au cur au moment de dire au revoir à Philippe. Quelques jours de séparation sans conséquence, tant le lien qui les unissait était puissant.

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