J’étais bien jeune -à peine 12 ans- lorsque j’ai connu la passion la plus dévorante de ma vie. Une passion galopante, une passion… à quatre pattes.
Non, vous ne vous trompez pas, je ne vous entraîne pas dans une histoire de zoophilie, loin de là ! Car si ma passion est bien celle des chevaux, c’est uniquement en tant que cavalier, en tant que moniteur et éleveur qui a voué sa vie « à la plus noble conquête de l’homme ».
Découverte de l’équitation jeune donc, dans un Club Hippique de la banlieue est de Paris, avant de poursuivre dans l’Oise pour y découvrir avec beaucoup de plaisir la monte en extérieur, qui allait me mener tout droit à la compétition en Concours Hippiques (à cette époque on ne parlait pas encore de C S O ).
Le cheval entrait dans ma vie par la grande porte, surtout quand je fus dans l’Oise, car j’y passais bientôt tous les week-ends ainsi que pratiquement toutes mes vacances. En effet, le moniteur ayant assez rapidement décelé en moi un bon cavalier, très intéressé par l’équitation et motivé pour s’occuper des chevaux, il m’avait proposé comme il avait aménagé de vieux greniers pour en faire quelques chambres, de venir me chercher à la petite gare du village voisin, distante de 2 ou 3 kilomètres et donc de loger sur place. Moyennant quoi je m’occupais des chevaux, les préparais et nettoyais les boxes. Et il en était de même pour les vacances….
Quant à la semaine, je dois bien avouer que je passais plus de temps la tête dans le stud-book du cheval Français et dans les manuels équestres que dans mes livres scolaires.
Les chevaux, il n’y avaient que les chevaux dans ma vie !
Les filles, les boums comme l’on disait à l’époque, je n’avais pas de temps à leur consacrer, et déjà je disais que je me sentais beaucoup plus à l’aise sur une selle que sur une piste de danse…
Mais il y avait… Marie Hélène !
Âgée d’un an de plus que moi, elle avait elle aussi attrapé très jeune le virus de l’équitation, et était devenue une excellente cavalière. Ce qui au départ fut une source de conflits entre nous deux, car nous nous sentions un peu en compétition pour pouvoir monter les meilleurs chevaux. Mais ce conflit ne s’éternisa pas car nous avions chacun des montes différentes et notre style propre ne nous prédisposait pas pour travailler les mêmes montures. Dès lors nous devînmes les meilleurs amis du monde, notre attrait réciproque pour nos amis à quatre pattes nous rapprochant énormément.
Et en plus d’être une excellente cavalière, Marie Hélène était également une très jolie jeune fille.
Des cheveux longs, très blonds, un petit nez assez court, une bouche fine aux lèvres sensuelles, bien dessinée, des yeux… qui pour moi étaient les plus jolis yeux bleus du monde… même si je dois avouer que je n’avais certes pas beaucoup de points de comparaison ! Sa poitrine ne semblait pas trop volumineuse, mais ses chemisiers étaient cependant bien tendus et laissaient deviner des formes très attirantes. Pour le reste, je ne peux rien dire, car à cette époque je l’avais toujours vue en ténue d’équitation… et les culottes de cheval en ce temps-là étaient loin des pantalons serrés et moulants que portent aujourd’hui les cavalières.
À 18 ans, je n’avais pratiquement jamais eu d’aventures avec le sexe opposé, seulement quelques petits flirts sans importance, une petite amie qui me laissait la prendre par la main, passer mon bras autour de ses épaules ou autour de sa taille. Mais j’étais complètement amoureux de Marie-Hélène, avec qui je passais, au club, de plus en plus de temps. Et je crois qu’elle appréciait déjà beaucoup ma compagnie car nous cherchions souvent à nous retrouver ensemble, abordant tous les deux de nombreux sujets, et chaque balade en forêt, quand nous nous retrouvions en fin de semaine nous voyait régulièrement derrière tout le monde pour pouvoir échanger tranquillement tous les deux.
D’un naturel très réservé, je me sentais cependant très à l’aise en face d’elle, ne ressentant aucune gêne à parler de n’importe quel sujet. Oui, Marie Hélène m’attirait, mais je ne savais comment le lui dire, comment lui faire comprendre tout ce qu’elle représentait pour moi. J’étais beaucoup trop timide à cette époque et, même si durant toute la semaine je me traitais d’imbécile en me disant que le week-end suivant il faudrait que j’ose la prendre par la main, je me trouvais toujours aussi désarmé lorsque la fin de semaine arrivait et que nous nous retrouvions.
Et cela aurait pu continuer indéfiniment sans doute si, un week-end….
Nous étions tous les deux au club ce samedi soir, et une jument devait pouliner. Comme généralement elle avait du mal à mettre bas toute seule, il fallait la veiller toute la nuit. Le moniteur et son épouse, qui la veillaient depuis deux ou trois jours nous avaient demandé de prendre des tours de garde pour la surveiller, qu’ils puissent se reposer un peu. Je devais la veiller de 23 heures à 2 heures, puis réveiller Marie Hélène qui la veillerait ensuite jusqu’à 5 heures.
J’allais partir prendre mon tour de garde lorsque Marie Hélène me dit :
— j’ai peur de m’endormir à la veiller toute seule. Si tu veux je viens avec toi maintenant, et tu resteras ensuite avec moi, cela sera plus facile à deux je pense.
Six heures à passer seul avec Marie Hélène ! C’était trop beau, inespéré. J’acceptais bien sûr, et nous nous dirigeâmes tous deux vers les écuries. Nous étions au mois de mars, et il faisait bien froid dans le couloir qui longeait les boxes. Assis sur des bottes de paille, dos au mur, nous avions de grosses couvertures pour nous protéger du froid, qui partant de nos épaules nous recouvraient jambes et genoux, pour descendre jusqu’à nos pieds. Nous parlions tranquillement de choses et d’autres, les sujets ne nous manquaient jamais, pour passer ce début de nuit le plus agréablement possible. Pour nous réchauffer nous étions épaule contre épaule, et mes mains étaient sur mes cuisses, sous la couverture. Voyant que celle-ci ondulait souvent là où Marie Hélène avait dû poser les siennes, je me dis que sa main ne devait pas être bien loin de la mienne…
Était-ce le moment que j’attendais depuis si longtemps ? J’ai hésité encore un peu, mais imperceptiblement ma main glissait, glissait vers l’endroit où je pensais trouver la sienne.
Je me souviens… mon débit de paroles s’est soudain accéléré, elle m’a alors regardé d’un air interrogateur, ma main glissait le long de ma cuisse, se rapprochait de la sienne, je savais que mon petit doigt devait être à portée de sa main… Mon doigt bien tendu, il me sembla soudain sentir sa chair contre mon doigt. Je glissais encore un peu ma main vers elle et là je sentis vraiment sa chaleur contre moi. Elle ne retirait pas sa main, alors d’un doigt malhabile je caressais doucement les siens. Je parlais, parlais…… et sa main restait contre la mienne… et puis nos deux mains bougèrent et je sentis alors sa main dans la mienne tandis qu’une douce chaleur envahissait tout mon corps. Nos doigts se croisèrent et je me tus soudain de peur d’interrompre cet instant féérique.
C’est elle qui la première reprit la conversation.
— Tu sais Yann, cela fait longtemps que je me demandais quand tu ferais ce geste !
— Oh tu sais, moi c’est depuis de longues semaines que j’y pense, mais je n’osais pas, j’avais tellement peur que tu le prennes mal, peur que tu me rejettes.
— Moi, te rejeter ! Non, sûrement pas ! Même si je ne voulais pas faire ce geste la première, me disant que peut-être tu me trouvais insignifiante, j’espérais toujours qu’un jour tu oserais, qu’un jour tu poserais les yeux sur moi.
— Poser les yeux sur toi ! Si tu savais Marie Hélène ! Il y a si longtemps que j’ai posé les yeux sur toi ! Mais je me disais que même si tu me semblais heureuse de notre amitié, tu ne désirais peut-être pas que nous dépassions ce stade. Et puis, tu me paraissais tellement mûre, alors que je me considérais vis-à-vis de toi comme un tout petit garçon.
— Tu es bête ! Ne vas pas croire que j’ai autant d’expérience que cela. C’est vrai, depuis un certain temps je trouve que notre amitié, que notre entente est très belle, et j’espérais vraiment qu’un jour nous dépasserions ce stade.
Tout en parlant, les pressions de nos mains l’une sur l’autre se multipliaient. J’abandonnais cependant sa main, pour la reprendre bien vite avec mon autre main, et de mon bras libre j’enveloppais ses épaules, la ramenant ainsi plus près de moi. Elle posa sa tête sur mon épaule et je caressais ses cheveux, je caressais son cou.
— Tu sais, je suis content d’avoir autant attendu, heureux que cela se passe maintenant, ainsi et ici, la première fois que nous sommes seuls tous les deux pour un long moment. Cela ne nous était encore jamais arrivé !
— Oui, tu as raison. C’est très bien ainsi, ce soir, où nous pouvons nous rapprocher, nous serrer l’un contre l’autre pour nous réchauffer.
— Tu as froid ?
— Oui, un peu.
Mon bras descendit dans son dos, et je la caressais longuement, pour la réchauffer, puis je réajustais autour de nous les couvertures qui avaient un peu glissé et je la repris par le cou en la serrant bien contre moi.
— Je suis bien ! Je sens ta chaleur, tu me réchauffes, je suis vraiment bien avec toi.
Je me tournais davantage vers elle, posant doucement mes lèvres sur sa joue, descendant sur sa nuque, dans son cou. Je la sentais qui frissonnait, elle se serrait encore plus tendrement contre moi. Et puis je sentis à mon tour ses lèvres sur ma joue. Des lèvres qui imperceptiblement se rapprochaient des miennes… mais je me dérobais. Elle ne disait rien, recommençait… et je me dérobais de nouveau…
Elle chercha mon regard.
— Yann… c’est… la première fois ?
— Oui… j’ai trop peur d’être maladroit répondis-je dans un souffle.
— Ne crains rien, laisse-moi faire, je vais simplement laisser glisser mes lèvres de ta joue sur les tiennes. Ce qu’elle fit, une première fois et je ressentis en frissonnant le contact de ses lèvres fraiches sur les miennes. Elle s’arrêta au bout d’un moment, me regarda et me dit tout bas :
— Maintenant je vais entrouvrir mes lèvres, avancer ma langue… entrouvre toi aussi les tiennes, laisse passer ma langue… et viens toi aussi entrelacer ta langue à la mienne.
De nouveau je sentis ses lèvres sur moi, sa langue qui venait caresser mes lèvres… j’entrouvris la bouche, laissait également dépasser ma langue. Elle avait passé ses bras derrière ma nuque, me pressait contre elle.
C’est ainsi que nous échangeâmes notre premier baiser.