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Les fantômes d'un passé lointin – Chapitre 1

Les fantômes d'un passé lointin - Chapitre 1



Devant nous, nous découvrons un rocher et une inscription à moitié cachée par la végétation. D’un revers de main, j’enlève tout ce qui cache l’inscription. On peut y lire deux mots, sans me tromper, je pense à du latin ; saltum vetitae. Quant à ce que cela signifie, je n’en sais rien et mon amie encore moins. On nous avait dit que cette région était très peu fréquentée à l’office du tourisme. C’est vrai que les sentiers sont très difficiles à suivre. Cela tient plus du passage de la faune que de sentiers. Pendant que nous continuons à progresser dans cette forêt, mon amie comment à prendre peur. Il est vrai que cette forêt est très dense. Plus loin, alors qu’il nous semble marcher sur des pierres, un chemin de pierre, nous tombons à nouveau sur un rocher gravé. Cette l’inscription est plus longue, plus de mot, toujours en latin ; hic dolor pænitentis subsidio peccatorum. De tous ces mots, un seul me parle, dolor, qui me semble vouloir dire douleur. Et si mon italien n’est pas trop rouillé, subsidio veut dire subir. Je souris à mon amie. Martine me demande ce que j’ai pu traduire. Sur un papier, je note les mots dans l’ordre. Pour elle, tout semble clair.

— Je crois que ça veut dire ici, le pénitent vient se soulager de ses pêchers dans la douleur.

— Et c’est quoi ce charabia ?

— Je n’en sais rien, peut-être un ancien sanctuaire romain. Mais, je ne suis pas rassurée.

— Bah, on verra bien. Il me semble voir une clairière sur la droite.

— Bon, si on s’y arrêtait pour la nuit.

— Ok. On y va.

Après une petite demi-heure de marche sur cette espèce de chemin, sous mes pieds je découvre ces pierres. Elles sont taillées avec soin, on y voit l’usure du temps. En relavant la tête, il me semble voir un toit. Je le montre à Martine, elle reste perplexe.

— Tu sais, ce doit être un rocher.

— T’as raison, on continue.

Je prenais sur moi de suivre cette route d’apparence romaine. On est arrivé vers ce toit. Un temple en excellent état de conservation. La végétation est très dense pour parvenir près de ce qui semble être la porte. Martine sort son plan de la région et ne trouve aucune trace de ce lieu.

— Tu crois que c’est prudent, Paul ?

— Mais oui, regarde, on n’est pas venu ici depuis des siècles. C’est quoi, une croix ?

— C’est bien une croix en relief sur les pierres du mur. Regarde, on dirait même qu’il y des anneaux fixés en haut etmême en bas, regarde. J’avais raison, c’est un lieu de pénitence. Ils venaient se faire punir pour leurs fautes. Maintenant, je sais ce que voulait dire la première pierre ; colline interdite.

— Un peu comme si t’allais dans un de ces clubs de cul. Pour l’interdiction, c’est loupé, on y est

— Mouai, un club sadomaso. Ça fait froid dans le dos.

— T’inquiète, on ne risque rien. Et s’il pleut, on a un abri.

J’entrais en poussant cette petite porte très basse. À croire que ceux qui venait la passait à genou ou en rampant. À l’intérieur, avec nos lampes de poche, je crus pendant un moment que Martine avait raison. Il y a de chaque côté, des croix en relief sur les murs. Elles ne sont pas toutes identiques. Il y en a des normales, mais aussi des Saint-André. En fait, elles sont alternées, six de chaque côté. Tout au fond, un escalier descend, nous posons nos sacs à dos. Je précède Martine dans cette descente. Là encore, tout est fait pour que le pêcheur subisse sa pénitence dans la douleur. Ces chaines témoignent de durs sévices. Sur le sol, un fer, genre menotte de l’époque. Martine se signe. Je le vois peureuse, je n’insiste pas, nous remontons. En fouillant encore, un autre escalier apparait, caché par une large colonne. Il monte et nous l’empruntons. L’édifice semble terriblement solide. En haut, une vaste charpente en bois soutient le toit, un toit en parfait état. Sur les poutres, de vieilles cordes pendent encore, passant à travers des anneaux en fer. À peine j’en touche une qu’elle tombe en poussière. J’entends Martine pouffer de rire devant ma surprise. Et puis, tout au fond, cette nouvelle inscription ; Poenitens regere possis genu damna pati et desinet Omnipotentis ira tua. Je ne sais comment, mais je parviens à traduire sans peine les mots et cette phrase dit que ce n’est pas très prudent de rester, car en français, cela se traduit pas ; pénitent, met toi à genou, subit la colère du tout puissant et endure ton châtiment. Un bruit sourd nous fait sursauter. Nous redescendons rapidement. En bas, près de nos sacs, sur une pierre, sous une bonne couche de poussière, Martine découvre une sorte de livre. Elle souffle dessus, l’essuie de sa manche. Elle me montre le titre de l’ouvrage, c’est encore du latin et cette fois, je parviens sans plus aucune peine à le traduire ; Journal d’une pénitente. Martine me tend le livre et je l’ouvre. C’est écrit à l’encre de poulpe, une bien jolie écriture de femme, cela ne fait aucun doute, me confirme Martine. Un autre bruit attire notre attention, comme si on fermait une porte. Ça vient de notre droite. Nous y allons, cette fois, c’est une porte plus grande. Martine me montre une nouvelle inscription que je traduis immédiatement et cela dit que la pénitente peut passer la dernière épreuve pour retrouver l’être aimé à l’autre bout de ce passage. La porte ouvert, le dit passage est bordé de rosiers aux épines acérées. Sur le sol, des cailloux aux bords presque tranchant comme des lames de rasoir.

— Ben mon colon, fallait avoir la foi et du courage pour rejoindre son amant ou son mari.

— Tu crois que seules les femmes venaient subir le pardon ?

— Tu sais, je ne connais pas la date de cet édifice, mais certainement que tu as raison.

— Paul, j’ai réellement peur.

— Il n’y a personne à des lieues à la ronde. Regarde, tout est à l’abandon.

— Mouai, mais n’empêche que j’ai les jetons.

— Viens, on prend les sacs et on se trouve un coin sympa.

— Je préfère. On prend le bouquin, il nous en apprendra peut-être sur ce coin perdu.

Les sacs sur le dos. C’est vers la petite porte qu’on se dirige. Mais le hic, c’est qu’elle est fermée et impossible de l’ouvrir. Là, Martine ne se sent plus rassurée du tout. Direction l’autre porte. Cette fois, elle est restée ouverte. Mais il faut passer à travers les épines de ces rosiers très serrés. Si le sol ne semble pas nous poser de problème, vu nos chaussures de montagnes, il n’en est pas de même avec nos vêtements.

— Écoute ma belle, on va lire ce bouquin, se manger un truc et on avisera ensuite.

— Si tu veux, mais on le fait en haut alors.

— Comme tu veux.

Martine me suivit au haut. Sur le sol, je disposais mon sac de couchage sur le sol et j’entamais cette lecture. La femme qui l’avait écrit donnait la raison de son premier pèlerinage. C’est son mari qui l’avait forcée à le faire. Pour soit disant faire en sorte qu’elle puisse enfin enfanter. Tout en bas de cette première page, une année, 1319. En repensant à l’histoire apprise à l’école, c’est en pleine période de l’inquisition. Ce qui me donne une piste sur ce bâtiment. Derrière nous le soleil pénètre par une petite fente en forme de crucifix. En suivant ce rayon de soleil des yeux, sur le sol. Je découvre d’autre inscription. Cela m’explique bien des choses quand je lis que la femme est la source du péché originel, qu’elle ne doit plus être qu’une pénitente tout au long de sa vie de pêcheur. En entendant mes mots, Martine est prise d’un fou rire. Il est vrai qu’à notre époque ces mots ont de quoi faire sourire.

— Tu sais, l’inquisition était monstrueuse. Le moindre faux pas d’une femme, même ordinaire et c’était le tribunal de l’inquisition, la torture et le bucher.

— Ce ne devait pas être drôle tous les jours.

— Ça non, imagine le mari qui avait une jolie Maîtresse. Il accusait sa femme de sorcellerie et hop, le bucher.

— La vache, ce n’était pas des tendres alors.

— Non, de nos jours, on appelle ça un divorce.

— Je préfère ça au bucher.

Enfin, elle me souriait à nouveau. Je continuais la lecture. Tout était en latin, mais je lisais ce livre comme si j’étais un romain parvenant à en faire une traduction parfaite. La femme décrit ses supplices, le fouet, les pinces, les pichets d’eau qu’on la forçait à boire. Et toujours suspendue à une croix différente chaque jour ou encore, couchée à même le sol, écartelée. Puis, il y a ce paragraphe terrible. Elle marque que celles considérées comme sorcières ou hérétiques étaient conduites au sous-sol pour y être torturée avec la plus grande sévérité et brulée vive sur la croix des impures devant la porte de l’enfer. Donc, il aurait une troisième porte. Je me levais pour la chercher. En bas, on ne trouva rien de plus que les deux portes. Au sous-sol, on chercha longtemps avant que Martine ne s’appuie contre une pierre du mur. Là, devant nous, une porte s’ouvrait dans un grand fracas. Martine ne me suivit pas. J’entrais seul, ma lampe de poche à la main. Une faible lueur guidait mes pas. Parvenu devant une nouvelle porte, je l’ouvrais facilement.

Ce fut une vision d’horreur, il y avait une croix de pierre. La pierre était noircie pas d’innombrables feux allumés à sa base. Si j’étais dehors, j’étais encore prisonnier, un haut mur lisse entourait ce cite de supplice. Dans un coin, je trouvais ce qui avait dû être les cendres des suppliciés. Je fis demi-tour, laissant cette porte ouverte. Mais à peine dans ce tunnel que la porte claqua violement. Près de Martine, je lui racontais ma découverte, elle frémit de peur. Tout en haut sous le toit, je repris la lecture. La femme y raconte ses sévices en détail. Cela allait des orties au fouet en passant par de monstrueuses pinces qui déformaient son corps. Elle précise avoir hurlé de douleur. Les moines, une précision de plus, s’ils étaient sadiques, ils n’hésitaient pas à se masturber en torturant les femmes venues faire pénitence. Parfois, ils allaient jusqu’au viol des pénitentes. Plus loin, elle raconte avoir elle aussi éprouvé du plaisir de ses sévices. Surtout quand un moine enfonçait une sorte de poire de bois dans son sexe et le tournait lentement. Plus elle détaillait ses supplices reçus, plus Martine se sentait transportée dans cette époque lointaine. Et moi, la voyant se caresser, je bandais comme un âne. Elle se levait, le regard perdu je ne sais où. Elle retirait ses vêtements un a un en marchant vers l’escalier qu’elle descendit. Là, elle fit le tour de toutes les croix en s’appuyant sur chacune, comme un chemin de croix. Je comptais les croix, il y en avait douze exactement. Puis, Martine se dirigea vers le sous-sol, comme guidée par une force. En bas, des torches étaient allumées et la salle remplie d’objets de torture. Martine restait debout, figée comme si elle attendait son tour. Je pris le couloir jusqu’à la porte donnant sur la cour du bucher. Sous la croix, un brasier était allumé, je sentais sa chaleur. Tout ça devenait un cauchemar, un véritable cauchemar. Je me souvins d’un passage du livre, un moine, le père supérieur, qui invitait cette femme à la suivre dans sa pénitence. D’après le récit, il était torse nu, portait un cilice autour de sa poitrine velue. Elle en fait une description très précise. Je rejoins Martine au plus vite. Elle était là, devant moi, sans me voir.

— Hé, toi, suis-moi !

— Bien Maître.

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