Ah, le scoutisme.
Quelle merveilleuse école de la vie ! Même si j’ai souvent râlé contre mes parents parce qu’ils m’y traînaient de force alors que je n’avais qu’une envie, c’était de rester chez moi à bouquiner, je ne regrette pas un seul instant d’y être allé. Tenez, j’ai fini par moi-même devenir chef, et ai passé plusieurs étés à faire jouer des louveteaux (de jeunes scouts de 8 à 12 ans, pour les non-initiés) dans le soleil et le grand air des quatre coins de la France.
L’un de mes camps se passait au fond de l’immense propriété d’un des paroissiens, en Normandie. L’endroit était idyllique, en partie parce que dix minutes à pied avant de rencontrer la première prise électrique nous garantissaient une immersion totale dans la nature, et en partie parce que cette dernière avait été laissée particulièrement tranquille sur notre lieu de camp. Ainsi, nous avions la chance de pouvoir boire directement à la source claire qui jaillissait d’entre deux rochers, mais aussi d’admirer le vol gracieux des libellules et de goûter des mûres gorgées de sucre pourpre. Imaginez-vous un coin de forêt parsemé de petites clairières qui formaient autant de lieux de vie distincts, ici la table et l’intendance, là, les tentes des enfants, et là-bas derrière la rivière celle des chefs.
La coutume dans ma troupe était de faire venir les chefs une semaine avant les louveteaux pour qu’ils préparent le lieu en avance. Les (anciens ?) scouts parmi vous, s’ils avaient de pareilles habitudes, reconnaîtront avec moi que ce qu’on appelle le précamp, un moment privilégié à partager avec ses amis-chefs.
Pour comprendre pourquoi ce précamp vaut que je vous en parle ici, il faut que je vous présente celles et celui qui ont partagé cette expérience avec moi. Il y avait d’abord Thomas, un gaillard brun, concentré et grave, qui avait monté ce camp de bout en bout et s’était battu seul contre l’administration ; lui et moi étions des copains d’enfance que le temps avait séparés et le scoutisme réunis. Il y avait aussi Laure, une petite blonde pétillante que j’ai rencontrée quand Thomas me l’a présentée en tant qu’infirmière du camp, et une autre fille dont le nom m’a étonné, Astrée. C’était une grande brune dont les cheveux lisses effleuraient les épaules et qui avait fait ses armes dans un autre mouvement que le mien, les scouts d’Europe. Thomas l’avait recrutée à sa faculté, et personne à part lui ne la connaissait, nous ne savions pas exactement quelle relation les unissait.
Les premiers jours du précamp font partie des plus fatigants : en plus de monter les tentes, il faut couper les arbres que le propriétaire a souhaité nous donner, les scier en traverses de taille convenable, et les travailler pour en faire une table solide sans clous, colle ou vis. C’est l’occasion de travailler en chantant, et de découvrir les techniques des uns et des autres. Par exemple, si ni moi ni Thomas ne rechignions à porter les lourds morceaux de bois, Laure avait le chic pour disparaître au moment critique pour ne revenir qu’à celui où on pouvait travailler assis, et aussi celui de se faire pardonner d’un trait d’humour et de bonne humeur. Elle et moi avons pu découvrir en Astrée une jeune femme ingénieuse et forte, aux techniques affûtées, mais somme toute assez taciturne. En réalité, ce n’est qu’au troisième soir que nous avons pu la faire parler.
Thomas n’avait autorisé l’alcool que pendant le précamp, alors que les enfants étaient absents, et nous en profitions pour prendre des réserves pour les deux semaines à venir. Nous étions assis autour d’un feu de camp, comme à notre habitude, et partagions notre repas dans nos uniformes habituels, à savoir, une chemise, un short, et l’indispensable foulard scout que nous portions autour du cou. L’ambiance était guillerette : nous étions dans les temps pour nos installations, et le propriétaire avait complété nos courses en nous offrant quelques bouteilles de rouge qui n’étaient pas de refus. Nous bavardions gaiement autour des flammes qui dansent, nous passant la bouteille après en avoir pris de copieuses rasades, et parfois, l’un de nous entonnait un chant que les autres s’empressaient de reprendre. Toutefois, l’intérêt de cette histoire ne réside pas dans ce feu de camp, mais dans ce qu’il a éclairé. En effet, c’est à la lumière du feu de camp que j’ai vraiment pu découvrir Astrée.
Et si je parle de lumière du feu, c’est parce que ma découverte a avant tout été visuelle : je ne l’ai vraiment regardée pour la première fois qu’à cette soirée où sa langue s’est déliée.
Après quelques jours dans les bois et sous la chaleur, à ne se laver que dans la rivière, les cheveux d’Astrée étaient devenus plus raides, ils encadraient plus grossièrement son visage. Ce dernier avait pris une couleur de bronze qu’on pouvait attribuer autant au soleil qu’à une fine couche de poussière déposée pendant la journée ; mais cette dernière n’avait pas pu cacher l’harmonie stupéfiante de ses traits, la hauteur de ses pommettes, la finesse de son nez. Si elle se cachait probablement dans ses sourcils, elle ne faisait qu’en rehausser la couleur, et celle de ses yeux m’a donné le vertige. Elle avait des iris d’un vert pâle, un vert qui rappelait le jade du lointain Orient et la teinte éthérée de l’eau d’un étang calme. Quand elle a posé son regard sur moi, j’y ai vu, dans les remous de l’alcool, une joie que je ne lui connaissais pas et qui m’a réchauffé le cur.
Détachant malgré moi mes propres yeux de son visage, j’ai parcouru son corps comme un voyageur. J’ai découvert un buste couronné d’une poitrine dont elle n’avait pas à rougir et que sa chemise d’uniforme semblait vouloir cacher même si, son foulard reposant dessus, ses efforts étaient vains- ; j’ai vu des bras et des mains dont la lumière dansante révélait la délicieuse couleur ; j’ai trouvé, au creux de la bûche sur laquelle elle était assise, une silhouette féminine qui m’inspirait une puissance magistralement contenue. J’avais l’impression de faire face à un fauve au repos.
Thomas, qui lui aussi s’était laissé aller sur la bouteille, la taquinait en racontant leurs souvenirs communs les plus embarrassants. Astrée, bonne joueuse, lui coupa l’herbe sous le pied pour parler d’elle-même de sa plus grosse cuite, une sombre histoire impliquant un concours de shots dans un bar à Bastille. Et à mesure qu’elle nous donnait des détails, puis qu’elle nous les mimait en jouant tour à tour les protagonistes de son histoire, j’avais l’impression de voir s’envoler de ses épaules une sorte de poids. Et Thomas renchérissait, éclatant de rire en voyant sa propre imitation, puis se hâtant de corriger l’histoire. Pendant ce temps, Laure se chargeait de remplir les verres, avec une application particulière pour celui de Thomas.
La soirée passa agréablement. Le climat normand avait été clément avec nous, tant et si bien que nous avons pu finir la soirée, allongés à côté des braises encore chaudes, bras croisés derrière la tête, à regarder les étoiles filantes. Alors que l’humidité remontait de la terre, les brumes de l’alcool semblaient transpirer des arbres tout autour de nous pour nous noyer dans une torpeur bienfaisante. Laure, prétextant remuer les braises, se releva pour chercher un bâton qui lui servirait de tison et revint s’allonger à côté de Thomas une fois son uvre accomplie. Au premier bruit mouillé, je tournai machinalement la tête de l’autre côté, ne pouvant cependant m’empêcher d’entendre une peau frotter contre du tissu ; mon attention ainsi forcée de se concentrer sur autre chose, je remarquai l’absence d’Astrée. Le prétexte pour m’éloigner étant trop bon, je fis appel à toute ma volonté pour me relever.
Je la trouvai assise sur une des pierres qui bordait la source. La lumière de la lune baignait la clairière d’une lumière fantomatique, et j’ai d’abord eu du mal à reconnaître son humaine silhouette parmi les objets inertes qui l’entouraient. Accroupie sur son piédestal, immobile et silencieuse, Astrée regardait l’eau jaillir des entrailles de la terre et filer sur les galets polis depuis des siècles par son incessant passage. En faisant un pas en avant, j’eus l’impression de pénétrer dans un tableau.
Tout va bien, Astrée ?
La jeune femme tourna lentement la tête vers moi. Ses yeux millénaires semblaient me traverser de part en part, sans me voir.
Oh, c’est toi, répondit-elle distraitement.
Qui veux-tu que ce soit ? repris-je d’un ton badin, avant de me mordre les lèvres pour avoir rompu le charme d’un moment si surnaturel.
Astrée secoua la tête et m’adressa un sourire plein de tristesse. Je fis un pas de plus en avant, sans trop savoir si je pouvais l’approcher de plus près. Son regard, de sa couleur toujours aussi pure, semblait être revenu à la réalité et se concentrait dorénavant sur moi, mais curieusement, j’eus l’impression qu’il m’avait figé dans le marbre. D’un mouvement souple, elle s’assit sur sa pierre et tapota la surface rugueuse à côté d’elle. Elle m’avait adressé un sourire qui se voulait léger, mais dont je sentais qu’il cachait quelque chose.
Je peux faire quelque chose pour toi ? rompis-je le charme et le silence en m’asseyant à côté d’elle.
Elle avait levé la tête vers les étoiles. Basculée en arrière, appuyée sur ses bras, les jambes pendant au-dessus de l’eau fuyante, elle était plongée dans la contemplation des choses célestes ; moi, dans celle de son corps, puisque sa position cambrait son dos et faisait ressortir ses seins. La lumière laiteuse baignait sa silhouette et l’habillait comme d’une toge. Ma vision, encore brouillée par l’alcool, dissolvait les contours et émoussait les arêtes de sa stature, si bien que j’avais l’impression de faire un rêve.
Et comme dans un rêve, c’est en tant que spectateur que je me suis vu soulever une main tremblante pour effleurer du bout des doigts ses phalanges diaphanes.
J’aimerais vous dire qu’elle a frémi, qu’elle a soupiré, qu’elle s’est jetée dans mes bras, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Mes terminaisons nerveuses excitées -par la boisson ?- m’envoyèrent une décharge électrique qui ébranla ma colonne vertébrale. Je serrai les dents, persuadé d’avoir profané une idole païenne ; mais Astrée n’avait pas bougé. En réalité, elle semblait pétrifiée. A vrai dire, j’ai peut-être parlé un peu vite… peut-être l’alcool m’a-t-il joué des tours, mais à ce moment-là, je suis persuadé de l’avoir vue trembler. Ce dont je suis certain, en revanche, c’est d’avoir senti ses doigts chauds enserrer mon poignet alors qu’il tentait de battre en retraite. Je tournai la tête vers elle. Ses cheveux bruns, devenus noirs dans la nuit, avaient enchâssé son visage dans l’écrin de cette dernière ; mais était-ce le voile nocturne qui avait troublé ses yeux ? La lune les avait-elle remplis de larmes ?
Le moment où j’ai ouvert la bouche pour bredouiller quelque chose de rassurant est celui qu’elle a choisi pour m’embrasser. Avant que je me rende compte de ce qui était en train de se passer, j’étais pris entre ses bras puissants, son souffle se mêlant avec mon souffle, ses lèvres happant avidement mes lèvres. Je sentis mon sang bouillonner ; sans réfléchir plus avant, je lui rendis son baiser, aventurant ma langue au-delà de la barrière de ses dents et mes bras dans le fleuve de ses cheveux. Notre baiser était si silencieux qu’on pouvait entendre le clapotis de la source et le murmure des insectes autour de nous, et pourtant, quelle tempête ! Quelle fougue dans son élan ! On eût dit qu’elle m’avait sauté à la gorge dans un assaut désespéré.
Mes mains s’enhardissaient. Attrapant ses cheveux, glissant sur sa gorge, elles vinrent trouver son col et les premiers boutons de sa chemise. Je ne réfléchissais pas une seule seconde. Une chaleur impérieuse se concentrait dans mon entrejambe. De mes doigts engourdis par l’alcool, je fis sauter un bouton, puis le deuxième, alors qu’Astrée plongeait sa tête dans mon cou pour le couvrir de baisers. Nous basculâmes en arrière au mépris de la dureté de la pierre et roulâmes l’un sur l’autre pour retirer nos jambes du vide, tant et si bien que je me retrouvai en dessous d’elle, pantelant, les yeux fous de désir. Elle était penchée sur moi, son foulard usé et sale se balançant au-dessus de moi, le regard incandescent ; sa chemise à moitié ouverte avait du mal à contenir ses seins pendants, et je découvris en plongeant du regard dans l’abysse ainsi ouvert qu’elle ne portait rien en dessous.
J’aurais aimé vous dire que la nacre de sa peau contrastait avec le hâle de son visage, mais, à vrai dire, la faible lumière stellaire sur laquelle se découpait Astrée ne me permettait pas de percevoir de tels détails.
Sans plus de cérémonie, elle arracha les boutons de ma chemise avant de se plaquer contre moi. Seule une infime partie de son corps brûlant touchait ma peau, pourtant j’avais l’impression d’embrasser la foudre même. Mes mains glissaient, peu expertes, de ses omoplates à la cambrure de ses reins, comme si, alors même qu’elle se frottait contre moi, quelque pudeur les retenait encore ; n’y tenant plus, je m’aventurai sur ses fesses, pressant avidement sa chair à travers le jean, la pétrissant de mes doigts enhardis. Un incendie formidable s’était déclaré dans mon pantalon, et Astrée, furieusement accrochée à mes cheveux comme une naufragée à son rocher, jouait de ses reins encore couverts de tissu pour l’alimenter.
Elle se frottait à moi, haletante, gémissante, sublime dans les rayons lunaires ; son foulard caressait mon cou, toucher étrangement doux au milieu de cette explosion d’énergie ; sa bouche suçotait mon oreille, tantôt l’agaçant de sa langue, tantôt l’employant comme un bâillon pour couvrir son bruyant plaisir, y plantant ses dents et décuplant au passage mon envie. Son souffle s’accélérait, et troublait à présent le silence lunaire de la clairière ; la pressant contre moi pour ne rater aucune miette de son torse suant frottant contre le mien, je sentis de ma main gauche tous les muscles de son dos se contracter progressivement tandis que, de ma main droite, j’amplifiais de ma poigne solide le mouvement divin de ses fesses.
Le frottement chaste de nos deux sexes finit par embraser le sien, et le gémissement de son orgasme couvrit le bruit des insectes pour résonner j’en étais sûr- dans tout le lieu de camp. Mais si elle pouvait sembler satisfaite, moi, je n’avais pas encore commencé ; aussi la fis-je basculer sur le côté d’un vif coup de hanche avant de m’attaquer à tous les boutons que je pouvais trouver. En un tournemain, sa chemise était entièrement ouverte ; elle laissait les rayons de la lune baigner deux tétons qui pointaient vers le ciel ; enfin, sa braguette était ouverte. Un rapide coup d’il vers son visage me fit découvrir sa tête rejetée en arrière et comme baignant dans sa chevelure brune ; elle se mordait la lèvre en gémissant, tremblante encore de désir. Alors je n’hésitai pas à faire couler son short sur ses jambes, dévoilant ses cuisses frissonnantes et son sous-vêtement que je devinais humide.
Une odeur puissante de transpiration et de cyprine vint se mêler à celle de la pierre mouillée et de la rosée du soir.
Je me débarrassai de ma chemise et de mon short d’un seul mouvement. Le sang affleurant ma peau transpirante, l’effluve d’Astrée et la froideur de la pierre sous mes genoux avaient achevé de me faire dessoûler, et je sentais distinctement mon sexe bandé tressaillir au rythme des battements de mon cur. La brise qui soufflait alors dans la clairière vint caresser mon gland à travers le tissu trempé de liquide séminal de mon caleçon. Astrée fit glisser ses mains sur son corps dans un mouvement d’un érotisme indescriptible, attrapant son sein d’une main tandis que les doigts de la deuxième venaient caresser, à travers l’étoffe de sa culotte, les pourtours -rendus visibles par la mouille- de son abricot. Son regard n’avait plus rien du jade ou du calme étang ; c’étaient la tempête sur le Pacifique, les danses langoureuses des geishas japonaises, la farouche soumission de la tigresse en chaleur.
Dans un rugissement qui se foutait du monde extérieur, je me jetai avidement entre ses cuisses, enserrant fermement la chair de ces dernières entre mes phalanges pour les presser autour de ma tête. Je devais absolument boire à la source cette fragrance de femme. Mordant presque le fruit défendu, je plongeai mon nez au niveau de son clitoris pour fouiller avec ma langue le tissu détrempé. Il exhalait une odeur salée, amère, âcre, de transpiration et de sucs féminins dont je me délectai tant et si bien que la main ferme d’Astrée vint attraper mes cheveux pour pousser ma tête plus avant entre ses jambes. Mais elle ne comptait pas me libérer pour autant ; je l’ai compris quand j’ai senti quelque chose remuer, de l’autre côté du tissu, et que j’ai réalisé qu’elle était en train de se masturber avec ma bouche et ses doigts en même temps.
Je sentais les muscles puissants de son bassin turbiner les uns après les autres en des cercles délectables tandis que sa main dans mes cheveux redoublait d’ardeur pour m’attirer vers son corps. N’y tenant plus, je lâchai la cuisse de mon amante pour dégager sur le côté l’étoffe sous ma bouche ; je découvris une grotte trempée qui dégoulina sur mon menton lorsque j’y fourrai un doigt et ma langue. Le gémissement assourdissant qui s’ensuivit redoubla mon excitation, et je me mis à fouiller furieusement et pendant une délicieuse éternité- l’intérieur du sexe de ma compagne.
Enfoui jusqu’à la dernière phalange au fond de son intimité, j’accomplissais des cercles de plus en plus larges qui électrisaient chacun des tissus ruisselants de son intimité tout en me repaissant de ses sécrétions ; la puissante fragrance de son sexe me poussa à prolonger l’exploration buccale tout le long de ses grandes lèvres, embrassant cette deuxième et odorante bouche de ma langue avide, roulant, explorant, titillant de ma langue le moindre recoin. Je me réservais le clitoris pour la fin ; immobilisant soudain mon doigt, mais le laissant en elle, je me mis à souffler dessus d’une façon qui devait à entendre son gémissement désespéré- lui être insupportable. Je résistai une cruelle douzaine de secondes aux poussées pressantes de sa main droite sur ma tête, chassant la gauche qui voulait briser l’intenable situation- de ma propre main gauche, pour enfin reprendre l’activité de mon doigt dans son intimité tout en suçotant son bouton d’amour.
Les cuisses de mon amante se hérissèrent d’une formidable chair de poule, et j’entendis presque la détonation de son orgasme fulgurant.
Cette fois, je saisis l’opportunité pour prendre l’avantage sur celle qui avait joui deux fois sans moi. Elle avait en effet complètement soulevé son bassin du sol pour l’écraser contre ma tête toujours fermement maintenue ; d’un geste vif de ma main gauche, je commençai à faire glisser le long de ses cuisses la ficelle qui emprisonnait l’objet de mon désir, et me dégageai cruellement de son étreinte pour écraser son corps avec le mien. Mes oreilles libérées de la sourdine de chair de ses cuisses purent percevoir ses halètements épuisés. De ma main qui tenait son sous-vêtement victorieusement arraché et encore trempé, je me dégageai du mien sans lâcher du regard les yeux fermés d’Astrée. Mon sexe palpitait juste à l’entrée du sien ; il glissait de quelques millimètres à chacun de mes mouvements, pris entre les deux lèvres humides comme sur un rail électrisant.
Soudain, je sentis la main d’Astrée attraper ma verge. Je relevai mon bassin pour lui faciliter la tâche jusqu’à ce qu’elle positionne mon gland à l’entrée de sa vulve. Alors, forçant ses lèvres pour imprimer dans sa bouche le goût de sa propre cyprine, je m’enfonçai en elle d’un seul coup sans pouvoir réprimer un grognement nasal. Commença alors une furieuse lutte au corps-à-corps entre mon désir par deux fois avivé et la nécessité de lui faire payer, par un ultime orgasme, son égoïsme. Je m’accrochais à ses épaules pour enfoncer mon chibre au plus profond de ses entrailles par des coups de boutoir répétés, je pénétrais sa bouche du plus loin que je pouvais avec ma langue imbibée encore du goût de son propre sexe, je faisais claquer mon bassin contre le sien, écrasant ses délicieuses fesses contre la pierre froide. Nos corps nus coulissaient l’un contre l’autre, baignés de sueur, maculés de poussière, comme ceux de deux animaux en rut.
Hors de tout contrôle, je lâchai soudain ses épaules pour me redresser de toute la hauteur de mes bras et faire jouer à plein régime les muscles de mon bassin dans une accélération qui lui arracha un gémissement. Ses yeux ouverts, presque exorbités exigeaient que je la fasse jouir une troisième fois ; ses ongles griffaient mon dos et agrippaient mes fesses pour accélérer encore les va-et-vient ; ses cuisses relevées enserraient mes hanches, verrouillées au-dessus de mes fesses par le reste de ses jambes interminables. Dans la lumière de la lune, je voyais distinctement ses seins brillants d’une odorante sueur rebondir à chacun de mes assauts et faire voler par la même occasion la dérisoire étoffe de nos foulards. Je discernais à peine sa peau devenir carmin pour la troisième fois alors que les vagues de ma propre jouissance venaient lécher les barrières de mon endurance.
Les muscles de son vagin se contractaient spasmodiquement autour de mon chibre, l’emprisonnant dans leur chair incandescente et l’amenant au point où tout mouvement pouvait le faire craquer ; tout à coup, je sentis leur pulsation s’accélérer, tandis que la main d’Astrée jaillissait pour attraper mon foulard et tenter de me plaquer sur son corps ; mais cette fois-ci, je résistai à son désir pour lui imposer le mien. Dans un puissant mouvement d’échine, je me cabrai pour échapper à sa poigne, attrapai fermement sa main et sortis de son corps pour enserrer de force mon sexe entre ses doigts. Dans un regard impérieux, j’imprimai à son poignet les premiers mouvements d’un aller et retour libérateur. Et si ses yeux se firent soumis, son sourire, lui, était mutin ; elle se mit à me masturber à une vitesse que seule la présence de sa cyprine sur ma peau et sur sa main rendait supportable.
Enfin, supportable ; en voyant qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de se toucher de son autre main tout en réprimant à grand-peine ses gémissements, une vague de plaisir immense renversa les dernières barrières de ma volonté, et, dans un grognement libérateur, je déversai ma semence sur son ventre sale et transpirant, en longs jets lactés qui vinrent zébrer sa peau jusqu’à la naissance de ses seins, jusqu’au nud de son foulard. Elle n’avait pas cessé de me masturber pour autant ; et au contact de mon sperme chaud sur sa peau mouillée, elle se cambra une fois de plus en arrière, jouissant dans une exclamation qui déchira la nuit.
Pantelant au-dessus d’elle, tremblant sur mes bras tendus, je jetai à Astrée un regard rendu trouble par mon orgasme. Un sourire rêveur fendait son visage épuisé, et nulle larme ne roulait de ses paupières fermées. Alors, je m’autorisai à saper l’appui de mon bras gauche pour rouler sur la pierre et me placer à ses côtés. J’aime à penser à la chaleur de nos deux corps qui s’échappa dans la nuit comme une flamme invisible, au retour du silence assourdissant des insectes et de la lune, à l’impassible source qui continua de couler sans se douter de ce qui venait de se passer. L’engourdissement nous prit tous les deux sans que nous nous en aperçûmes ; embrassés du même mouvement par Morphée, nous sombrâmes dans l’indolence jusqu’aux premiers rayons de l’astre du jour.