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Débauche à la Prison pour femmes. – Chapitre 1

Débauche à la Prison pour femmes. - Chapitre 1



La Polynésie Française.

Atolls et îles de rêve perdus dans locéan Pacifique, qui demblée inspirent enchantement et paysages majestueux.

Des montagnes verdoyantes, des plages de cartes postales, sable blanc et lagon translucide, relief onirique que les touristes émerveillés peuvent contempler de leur chambre aux premières lueurs dun soleil rougeoyant. Ici, lhomme et la nature semblent avoir trouvé un terrain dentente.

Hôtels de luxe, résidences superbes et complexes de vacances se confondent dans une végétation luxuriante, où les bungalows prolongent divinement la beauté des lagons. On y vient pour en prendre plein les yeux, sexclamer et sémerveiller, se nourrir de la splendeur des paysages, des coutumes hautes en couleurs et reliques dun autre temps, et partager des moments uniques avec ses habitants aussi généreux que chaleureux. Bref, on y vient pour passer des vacances inoubliables. Enfin, normalement. Pour la majorité des personnes. Mais pas pour Claire.

Pour elle, les vacances idylliques sétaient transformées en cauchemar. Ici, dans ce couloir sordide et impersonnel, il ny avait ni soleil, ni plage, ni récifs de coraux. Rien pour la faire rêver. La porte claqua derrière elle, lisolant à jamais du monde extérieur. Du paradis. Pour lui donner demblée un avant goût de ce que serait lenfer dans cet endroit horrible.

Deux gardiennes lencadraient sévèrement.

Visage impassible, yeux froids, démarche saccadée, elles ressemblaient à deux robots sans le moindre état dâme. Elles laccompagnaient tout le long dun immense couloir où salignaient de chaque côté des cellules qui nen finissaient pas de défiler. Dés la première cellule dépassée, une voix vulgaire cria :

— Hé ! Regardez qui nous arrive ! De la chair fraîche, cest pas mignon ça de renouveler notre garde-manger !

Aussitôt, ce fut la bousculade. Des femmes saccrochaient aux barreaux et, quand Claire passait devant elles, se permettaient des exclamations ravies et des commentaires salaces.

— Ils les prennent jeunes maintenant, et drôlement jolies ! sécria quelquun.

— Jeune ou pas jeune, elle vient quand elle veut me faire un gros câlin dans mon lit ! dit une autre voix.

— Pourquoi toi ? Non, quelle vienne plutôt me voir, jaimerais tant la border à ma façon.

— Non, avec moi !

— Vous disputez pas, il y en aura pour tout le monde !

— Tu parles ! Les gardiennes vont se laccaparer jalousement, comme à chaque fois !

— Sauf si on se dépêche de lui apprendre les bonnes manières. Entre détenues, il faut se serrer les coudes.

— Et écarter en même temps les cuisses !

A cette dernière réflexion, les rires gras fusèrent de partout.

Affolée, Claire pressa lallure, le visage figé par la peur.

Ses pas et ceux des gardiennes claquaient sur le sol et résonnaient douloureusement dans sa tête comme le plus lugubre et le plus discordant écho. Un son métallique et répétitif qui semblait sonner le glas avec une réalité incontestable. Silencieusement, sans pouvoir se retenir, Claire se mit à pleurer.

— Regardez ! Elle se met à chialer maintenant ! remarqua une femme avec hilarité.

— Cest quelle a pas eu son petit lait aujourdhui !

— Alors quelle vienne téter ici ! gloussa une grosse femme en empoignant à pleines mains ses seins pour les glisser entre les barreaux.

Cela provoqua dautres éclats de rire qui sélevèrent dans une clameur sinistre. Claire eut envie de tomber à genoux pour les supplier darrêter. Et ce couloir qui nen finissait pas Enfin, les gardiennes stoppèrent ensemble devant une cellule. Lune dentre elles, la tête tournée vers une caméra installée au bout du couloir, sécria :

— Ouverture de la cellule 12.

Une voix amplifiée par des micros retentit à travers tout le couloir.

— Ordre reçu et exécuté. Ouverture immédiate de la cellule 12.

Et la lourde porte coulissa sur sa droite. Comme une automate, Claire entra dans la cellule, les yeux embués de larmes. Aussitôt, derrière elle, la porte se referma dans un claquement lourd et sonore. Un bruit effrayant, insupportable, comme si un vide irréel et infranchissable venait de la séparer à jamais de son monde et de sa liberté. Sans force, Claire se sentit sombrer dans un gouffre infini, comme ce couloir interminable, et se laissa tomber mollement.

Françoise et Lucie émirent un cri de surprise. La jeune femme qui venait dentrer était tout simplement splendide. Assez grande, svelte et élancée, aux longues jambes déliées, aux formes dun galbe parfait et dune rare finesse, aux attache fines, aux bras légers et harmonieux, avec une courbe gracieuse des épaules et un long cou racé, elle incarnait la féminité fragile et délicate dune sensuelle beauté. La femme enfant à létat pur, aussi troublante que touchante. Elle possédait un petit visage ovale au teint rose et vivifiant, éclairé par de grands yeux dun bleu pervenche qui, pathétiques et plein de larmes, semblaient les plus beaux au monde avant quelle ne les ferme pour sévanouir. Sa bouche était ravissante, ronde comme un cur presque, avec des lèvres pleines joliment ourlées. Son nez était droit, fin, le front large un peu bombé et dégagé par des cheveux soyeux qui partaient vers larrière en boucles rousses. Cette vision de rêve reposait, affolée et assise, jambes repliées sur elle-même, vulnérable comme la plus délicieuse des offrandes.

La chemisette réglementaire moulait comme une seconde peau des seins épanouis et divinement insolents qui pointaient vers le ciel comme des obus prêts à senvoler. Il y eut à son arrivée un grand silence admiratif, que seules Françoise et Lucie rompirent sans sen cacher. Dun même élan, toutes deux se précipitèrent pour leur apporter leur soutien.

— Comme elle est belle ! sexclama Françoise dune voix enrouée par lémotion.

Son amie, Lucie, approuva en silence avant de remarquer.

— Elle est bien jeune et ne semble pas du tout à sa place ici Je me demande bien ce quelle a pu faire En tout cas, je lui donne pas une semaine avant de passer à la casserole.

— Comment ça ? Je ne comprends pas senquit une petite voix timide du fond de la pièce.

Françoise et Lucie se retournèrent vers celle qui avait posé naïvement la question.

— Parce quelle est très belle, genre sage et inoffensive comme une gentille fille qui ne peut pas se défendre toute seule, et cest la proie rêvée pour certaines dentre nous.

— Mais pourquoi lui voudrait-on du mal ? insista lautre, totalement abasourdie.

Lucie et Françoise échangèrent un regard agacé. Il est vrai que cette ravissante et discrète jeune femme était arrivée la semaine dernière, et ignorait bien des choses sur certaines règles particulières qui régnaient dans cette prison. Elles connaissaient son prénom, Lisa, étudiante en tourisme et effectuant un stage à Papeete. Elle avait été condamnée pour un accident de la route dont elle était seule responsable et qui avait coûté la vie à un couple de retraités qui, pour son plus grand malheur, étaient des notables respectés de la ville. Une perte locale qui avait lourdement joué en sa défaveur, et cest sur cette flagrante injustice quelle préparait sa défense en appel.

En attendant, elle en avait pour quelques années à être détenue ici, aussi était-il temps de la mettre au parfum, question de lui donner un aperçu du sinistre endroit où elle avait échoué. Ce fût Lucie qui sen chargea.

— Personne voudra lui faire du mal. Plutôt du bien au contraire Genre gros câlins et joyeuses galipettes si tu vois ce que je veux dire, et ce ne sont pas les candidates qui vont manquer à lappel pour sattacher ses faveurs. Tu comprends maintenant ?

— Mais cest horrible !

Lucie ne répondit pas. Elle jeta un bref regard à son amie qui soccupait de caresser la joue de la nouvelle venue avec une attention maternelle.

Elle le faisait avec tant dattentions quelle en ressentit une pointe de jalousie. Pour ne plus y penser, elle reporta son attention sur la petite et adorable Lisa. Cétait une jolie brune aux cheveux très longs, avec un corps fin et menu. Sa peau était soyeuse et mate, lui donnant un air exotique. Le visage ovale était pur et innocent, rayonnant dune beauté sereine, avec de très grands yeux ouverts sur le monde, francs et curieux sur tout ce qui lentourait.

Malgré son intérêt pour les gens et toutes choses de la vie, elle ignorait ce qui était mal et ne retenait que ce qui était bon ou généreux, ce qui la rendait aussi naïve quattachante. Le cur sur la main, dévouée et chaleureuse, réservée et discrète, elle pouvait difficilement se faire des ennemies, attirait peu lattention et se fondait tout aussi naturellement dans le décor.

Cétait, jusquici, ce qui lui avait permis de sen sortir sans dommage.

Pour linstant.

Jusquà ce quune femme jette son dévolu sur elle, ce qui ne tarderait pas à arriver un jour. Daprès les rumeurs, une gardienne, Monique, sintéressait de prés à la jeune femme, cherchant le moindre prétexte pour la provoquer.

Lisa, en plus dêtre jolie, possédait aussi beaucoup de charme, sans doute à sa façon de sexprimer qui avait quelque chose de comique, qui enchantait et amusait la plupart des détenues. En effet, Lisa avait un accent chantant du midi de la France, à la fois adorable et enfantin, avec des intonations aiguës et étonnées. Tout cela était délicieux, en parfaite harmonie avec son visage de madone.

— Toi aussi, méfie-toi. Ne fais confiance à personne si tu ne veux pas finir dans le lit dune gardienne ou dune autre détenue, la prévint gravement Lucie.

— Aucun risque. Jaime les hommes, jai un fiancé qui mattend dehors et qui se bat avec mon avocat pour me faire sortir de là

Lucie retînt un sourire. Ici, et avant, beaucoup de filles avaient aussi des fiancés ou des maris qui les attendaient à lextérieur. Mais, à lintérieur de la prison, cétaient dautres femmes quelles aimaient et partageaient dans leur lit, prêtes à tout pour un peu de tendresse

Lisa était comme les autres, de chair et de sang, avec ses faiblesses et ses émotions, et elle finirait pâmée et roucoulante dans les bras dune autre femme bien plus vite quelle ne le pensait. Les gardiennes avaient tout pouvoir, un droit de vie ou de mort, un droit de cuissage. Monique, connue pour ses penchants lesbiens et son sadisme, abusait de ce pouvoir avec outrance, et rien ne sauverait linnocente Lisa si la gardienne avait lintention de linitier à ses petits jeux pervers. Quelle le veuille ou pas, Lisa ny échapperait pas.

A cet instant, un gémissement lui fît relever la tête. La nouvelle venue reprenait des forces.

A travers un brouillard, Claire enregistra comme dans un cauchemar la grande pièce froide, impersonnelle, une triste cellule aux murs gris et sales, bariolés à certains endroits de graffitis et dinscriptions obscènes. Des lits de camp étaient alignés sur trois rangées, avec des armoires tordues et défoncées posées tout contre le mur. Une porte décrépie était ouverte sur ce qui semblait être des W.C. En respirant, Claire ressentit un terrible malaise qui lui donnait à chaque fois limpression détouffer. Elle cligna des yeux en observant avec attention les têtes qui venaient de se pencher au-dessus delle. En voulant se redresser, elle eut comme un éblouissement et se laissa retomber sur le lit. Françoise la saisit aussitôt par les épaules et senquit :

— Tu ne vas pas mieux, ma chérie ? Alors reste allonger, ne fais pas deffort inutile.

Claire gémit tristement :

— Je veux voir Hélène

Elle était au bord des larmes. Françoise murmura avec compassion :

— La pauvre enfant

Elle lui toucha le front, puis lui caressa le visage avec une infinie douceur.

— Naie pas peur, tu ne risques rien avec moi.

Elle continua de lui susurrer des mots apaisants à loreille. Mais Claire se mit soudain à se tortiller sur son lit en suffocant, le corps luisant de transpiration. Elle murmurait " Hélène " sans discontinuer, comme une prière désespérée. Lune des détenues remarqua :

— Jai entendu dire que, parmi le nouvel arrivage, il y avait une jeune femme et sa belle mère, condamnées toutes les deux pour trafic de drogue.

— Et elle est où alors cette belle-mère ?

— Sans doute dans un autre bloc. Cest bien le genre à la directrice de les séparer volontairement, par pure méchanceté

Françoise opina tristement de la tête, sans cesser de veiller sur Claire. Elle lui saisit les bras pour la maintenir étendue sur le lit, tout en la réconfortant de paroles et gestes tendres.

— Ne ten fais pas, tout va bien, je suis là maintenant pour veiller sur toi. Et tu as trop chaud, ma chérie, tu vas étouffer.

Alors, dun geste naturel, pour lui permettre de mieux respirer, elle lui déboutonna la veste jusquau nombril. Claire se retrouva la poitrine nue, sublime et troublante alors que ses seins volumineux se soulevaient difficilement. Françoise sembla fascinée, ses yeux écarquillés contemplant la finesse du cou, la fragilité de la gorge frémissante, le galbe magnifique des seins fermes et opulents, la finesse de la taille élancée.

Jamais elle navait vu autant de grâce et de splendeur chez une femme, et ce fût la gorge sèche quelle sextasia :

— Comme tu es belle !

Elle était littéralement envoûtée. Perdue dans sa contemplation, elle caressait avec fièvre le visage de poupée, sans se lasser. Claire, de plus en plus malade, se mit à geindre.

— Jai mal !

Elle était agitée par une forte fièvre.

— Nous devrions peut-être lamener à linfirmerie, intervint soudain Lucie dun voix sèche.

Françoise se redressa et hocha vigoureusement la tête.

— Non, il en est hors de question ! Tu sais ce qui lattend là-bas.

Lucie, furieuse, répliqua :

— Et alors, ce nest pas notre problème ?

— Jai dit quelle nirait pas ! sécria Françoise en pesant ses mots.

Puis elle se tourna vers les autres filles.

— Je moccupe delle jusquà ce que son état saméliore. Alors, en attendant, pas un mot à qui que ce soit, ou gare à vous !

Un grand silence gêné lui répondit. Lucie, seule, émit un grognement de mécontentement.

Puis, avec un geste rageur, séloigna à lautre bout de la pièce. Lisa, qui avait assistée avec attention à la scène, se sentit impressionnée par la force de caractère de Françoise et son autorité sur les autres détenues. Mais, en même temps, beaucoup de points lui demeuraient incompréhensibles. Surtout cette scène de jalousie qui avait un instant opposée les deux femmes.

Se pouvait-il quelles soient bien plus que de simples amies ?

Daprès les murs dont elle venait de prendre connaissance, cela naurait rien étonnant mais, si tel était le cas, larrivée de cette superbe jeune femme ne présageait rien de bon, ne ferait quattiser les désirs de lune pour attiser la jalousie de lautre.

Après tout, elle sen moquait.

Déjà, ce détail lui paraissait vite anodin. Rêveuse, elle pensait maintenant à la journée de demain où, folle de joie comme chaque jeudi lors de la distribution du courrier, elle se précipiterait sur la lettre que lui enverrait son fiancé. Seul cela comptait

Frissonnante sous les draps, les mains accrochées au drap quelle avait remonté jusquau cou, Claire essayait de trouver le sommeil. Sa fièvre sétait atténuée, grâce aux bons soins de Françoise, mais elle nétait pas encore très bien. Elle changea de position, étendue sur le dos, lorsquun léger bruit attira son attention.

Elle ouvrit les yeux, mais lobscurité lempêchait de distinguer quoi que ce soit. Elle entendit un frôlement sur le sol, puis reconnut des bruits de pas qui se rapprochaient doucement vers elle. Inquiète, elle se fît instinctivement toute petite dans son lit.

— Naie pas peur, cest moi, Françoise lui souffla faiblement une voix étouffée.

Rassurée, Claire voulut se redresser mais deux mains pesèrent sur ses épaules pour lobliger à rester étendue.

— Ne bouge pas.

Claire obéit alors quelle sentit la chaleur dun corps sétendre sur elle. La savoir à peine vêtue, juste en sous-vêtement, la rendit un peu nerveuse.

— Comment te sens-tu ? lui demanda aussitôt Françoise.

— Un peu mieux.

Elle sentit deux mains légères qui lui caressèrent le visage avec tendresse.

— Mais tu transpires toujours ! constata Françoise avec inquiétude. Attends, je reviens

Elle séloigna, allant sans doute vers la porte qui menait à la salle de bain et aux toilettes. En effet, elle entendit un léger bruit de robinet et un fin filet deau qui coulait, puis Françoise revint, penchée sur elle. Aussitôt, Claire sentit agréablement un tissu mouillé qui lui rafraîchit dabord le front, puis le visage et le cou où Françoise sattarda longuement, glissant doucement sur la gorge nue. Soudain, elle arrêta son geste. Un déclic venait de retentir dans le silence de la nuit et un faisceau de lumière éclaira le sol.

Cétait une détenue qui sétait levée et qui venait déclairer une lampe pour se déplacer librement entre les lits. Claire et Françoise simmobilisèrent, retenant leur souffle. Mais la détenue ne les vit pas et sarrêta à lautre bout de la pièce, devant un lit où, aussitôt, une silhouette nue se dressa, éclairée par le halo de lumière qui lencadra avec une soudaine agressivité. Alors Claire vit nettement la femme qui, tout en clignant des yeux, tendait ses bras avec un sourire ravi vers celle qui restait debout au pied du lit. La lampe séteignit brusquement, replongeant la cellule dans une profonde obscurité, juste après que Claire entrevit les deux corps sétendre enlacés sur le lit.

Il y eût un grincement de ressorts, et le silence revint, entrecoupé de temps en temps de légers gémissements et de frôlements imperceptibles. Claire ne comprit pas tout de suite. Elle était jeune, naïve, et ignorait bien des choses de la vie en ayant toujours menée une jeunesse si différente des autres, choyée et dorlotée dans un monde à part. Crédule, elle senquît :

— Que se passe t- il ?

Françoise se serra un peu plus contre elle et répondit dune voix oppressée.

— Elles font lamour, tout simplement

Claire eut un petit rire forcé.

— Et bien, on ne sennuie pas ici remarqua t- elle avec une fausse décontraction.

Françoise caressa avec fièvre le splendide visage quelle venait de prendre entre ses deux mains. Elle se pencha doucement vers elle, approchant son visage.

— Embrasse-moi, souffla t- elle dune voix rauque.

A sa grande surprise, Claire se redressa, leva les bras et noua ses mains autour de sa nuque pour venir à elle.

— Bonne nuit, lui dit-elle timidement.

Leurs lèvres se frôlèrent mais Claire détourna vite la tête pour lembrasser sur les deux joues. Puis elle sétendit aussi rapidement, lâchant Françoise qui neut pas le temps desquisser le moindre geste pour la retenir.

Déjà, elle se tortillait dans son lit pour se glisser au fond. Françoise hésita puis, sans un mot, séloigna et regagna son lit avec un minimum de bruits, priant en silence pour que Lucie ne se soit pas rendue compte de son absence. Elle nétait pas dhumeur à supporter une scène de jalousie. Heureusement, son amante dormait à poings fermés. Soulagée, elle essaya de sombrer elle aussi dans un profond sommeil, mais son état de nervosité len empêcha, et elle tourna et se retourna dans son lit une bonne partie de la nuit. Malgré elle, Claire ne cessait de lobséder, éveillant une forte attirance quelle navait plus ressentie depuis longtemps, la plongeant dans les affres dun amour aussi déraisonnable que dangereux.

Larrivée de Claire au réfectoire provoqua une grande agitation. Toutes les détenues se retournèrent, crièrent, sifflèrent, se levèrent comme des diables ou cognèrent leurs couverts sur la table.

Terrorisée, Claire nosait plus bouger. Elle venait tout juste de se remettre de ce qui semblait avoir été une grippe, et déjà elle devait affronter une épreuve à laquelle elle nétait pas préparée. Et Françoise qui nétait pas là pour la protéger Celle-ci avait été convoquée chez la directrice pour lavoir cachée et protégée à linsu de ladministration pénitentiaire, une entorse au règlement qui risquait de lui causer maintenant quelques ennuis. Durant trois jours, Françoise avait soudoyé la gardienne qui était alors de permanence toute la semaine dans leur bloc, évitant à Claire de sortir et de dévoiler son état fiévreux qui aurait aussitôt attiré lattention et aurait nécessité une visite à linfirmerie.

Ainsi, cest dans le plus grand secret quelle avait bénéficié des soins tout particuliers que lui avaient prodigué Françoise, Lucie, Lisa, et les autres filles de sa cellule, toutes leur apportant à manger pour quelle reprenne des forces, ainsi que des médicaments subtilisés aussi discrètement.

Un secret malheureusement éventé lorsque la gardienne avait cédé sa place à une autre lors de la relève du personnel. Françoise était alors tombé sur une femme beaucoup trop rigide et tatillonne sur le règlement qui sétait empressée de les dénoncer.

Maintenant, Claire navait plus le choix, et cest seule quelle devait faire face à un univers aussi effrayant que barbare, un univers qui serait le sien pendant deux longues années si son avocate ne se montrait pas à la hauteur de sa réputation.

— Voilà enfin la nouvelle !

— Et bien , il était temps quelle nous montre son joli minois ! sécria une autre fille.

— Quelle vienne donc me donner à manger, mais avec sa bouche en guise de cuiller ! rigola sa voisine.

— Et sa langue pour venir messuyer la bouche ! renchérit une autre.

On frôlait lémeute alors que deux gardiennes hurlaient en vain pour rétablir le silence. Les réflexions aussi salaces que vulgaires fusaient à travers la salle bruyante, couvrant leurs avertissements. Alors, soudainement, une voix forte et clinquante brisa le brouhaha général :

— Vos gueules, les filles, ou je vous jure que vous allez le regretter !

Cétait Françoise qui venait dapparaître, se plaçant tout de suite devant Claire en défiant les meneuses dun air de défi. Aussitôt, un grand silence sétablit.

De soulagement, Claire eut presque envie de se jeter dans ses bras pour la remercier. Tout était redevenu normal lorsquelle la suivit de prés, avec assiettes et couverts sur un plateau quelle portait en tremblant. Elle copia Françoise sur son choix culinaire, choisissant du poisson avec pommes de terre. Ici, cétait libre-service, bien que les plats étaient guère appétissants et le choix assez limité.

Derrière les rayonnages où étaient présentés les plats, deux femmes en toque blanche ne cessaient dalimenter tout en surveillant étroitement la consommation de chacune. Le choix effectué, les prisonnières allaient ensuite sinstaller librement à des tables de huit places, se regroupant par affinités. Claire se retrouva donc entre Lise et Lucia, avec Françoise en face delle.

— Cette bouffe est toujours aussi dégueulasse ! commenta cette dernière avec dégoût.

Claire ne dit rien, lobservant avec chaleur.

Elle lui était tellement reconnaissante de soccuper ainsi delle, la protégeant et lavertissant de tout danger. Cest par elle quelle connaissait maintenant les risques de se rendre à linfirmerie, après quelle eût tout mis en uvre pour lempêcher de sy rendre. Claire était véritablement heureuse davoir noué des liens damitié avec une alliée aussi précieuse.

Seule, elle se sentait incapable de survivre dans cette jungle aussi impitoyable, où seule la loi du plus fort régnait. Déjà, dans le monde normal, Claire avait toujours bénéficié de faveurs exceptionnelles, menant une vie dorée et insouciante. Fille dun officier influent et respecté, elle avait souvent déménagé selon les affectations de son père, tout en profitant de tous les privilèges et passe-droits inimaginables.

Elle avait été habituée à être servie et entourée par un personnel militaire aux petits soins. Et, lorsquelle nétait pas chaperonnée par un aide de camp cédant à tous ses caprices et se pliant à toutes ses exigences, par peur de lui déplaire et de déplaire surtout à son père si elle venait à se plaindre, cétait sa belle-mère Hélène qui la couvait et la surprotégeait. Ainsi, Claire reconnaissait être ignorante et ne pas avoir lhabitude de se débrouiller seule, un lourd handicap dont elle risquait ici de payer le prix fort.

Mais, heureusement, elle pouvait compter sur Françoise.

Une alliée qui avait dû malgré tout en subir les conséquences Inquiète, elle demanda :

— Comment cela sest passé avec la directrice ? Jespère que vous navez pas eu trop dennuis à cause de moi

Françoise, sans cesser de dévorer son repas à pleine dents, lui adressa un clin dil rassurant.

— Tinquiète, je gère la situation. Le problème est réglé, ne te fais pas de souci

— Et moi, je ne risque rien ?

— Pas tant que tu seras avec moi.

Claire mangea un peu avant de questionner encore.

— Quallons-nous faire après le repas ?

— Rien. On va réintégrer nos cellules jusquà seize heures parce quil fait trop chaud à cette époque de lannée pour cuire dehors en début daprès-midi.

— Et après ?

— Après, cest le meilleur moment de la journée. Sortie sur lîle, plage et baignade, activités sportives ou sieste à lombre dun cocotier, chacune fait ce qui lui plaît

Claire en resta bouche bée, les yeux écarquillés de surprise.

— Cest pas vrai ? Cest une blague ?

— Non. Cest notre seul petit coin de paradis dans cet enfer, et heureusement quil existe

Toutes les filles de la table approuvèrent de la tête.

— Quest-ce que cest cette sorte de grande coupole vitrée qui est située au bout du couloir ? voulut encore savoir Claire.

— Cest la salle de contrôle. Le centre opérationnel qui dirige tous les blocs individuellement, déclenchant louverture et la fermeture automatique des portes, surveillant tout le contexte à laide de caméras vidéo, et diffusant par des haut-parleurs les informations et ordres du jour. Les gardes qui sont à lintérieur veillent à la sécurité et à lexécution des consignes, cest de là quils gèrent notre triste quotidien et font respecter leur foutu loi

Claire hocha sa petite tête blonde avec compréhension. Cest toujours avec autant de curiosité quelle posa mille questions, mais elle eut le malheur un instant de sinformer auprès de Lucie. Celle-ci, en guise de réponses, se contenta de lui jeter un regard glacial et si empli de haine que Claire, déroutée, se tourna vers une autre détenue pour senquérir dautres choses. Le repas se déroula sans autre incident.

La discipline au réfectoire était maintenue par les deux mêmes gardiennes qui se promenaient avec vigilance entre les tables.

Pensive et observant tout avec minutie, Claire réalisa brusquement quelle était la dernière à rester à sa table, les autres sétant déjà levées pour se débarrasser de leur plateau. Elle se retrouva soudain seule, avec linsupportable impression dêtre guettée et épiée par une multitude de regards avides. Elle ne sy habituerait jamais Crispée, elle se dressa dun bond et partit précipitamment à la suite de Françoise qui, bienveillante, lattendait au bout de la salle.

Les gerbes décume blanche de lOcéan Pacifique semblaient suspendues dans lair avant de retomber en cascade sur le récif. Elles jaillissaient en permanence avec fracas, sécrasant de nouveau sur la barrière de corail, sinsinuant entre ses crevasses acérées, avant dêtre aspirées par lOcéan et retourner ainsi à sa source. Un combat éternel entre les vagues et les récifs que Claire contemplait sans sen lasser.

Malheureusement, la beauté du site était gâchée par ce lugubre poste de sécurité et le mirador installés avec un total irrespect de lharmonie en plein milieu du motu qui émergeait dans le lagon, prés de lunique passe. Un emplacement stratégique qui empêchait toute intrusion par la mer, et surtout toute évasion.

Des vedettes lourdement armées patrouillaient en permanence derrière la barrière de corail, allant et venant en pleine mer à vitesse réduite.

Et, de temps en temps, lhélicoptère privé de la prison passait bruyamment dans le ciel, tâche noire et menaçante qui troublait le bleu dazur du ciel.

Claire se retourna, enfonçant davantage ses pieds dans le sable, tournant le dos à la mer pour faire face à la forêt tropicale qui était constituée dune végétation arbustive, aux couleurs variées avec ses orchidées et hibiscus multicolores. Un paysage touffu et enchanteur qui dissimulait la bâtisse grise et imposante du pénitencier qui se dressait de toute sa hauteur, prolongée par des murs épais, des miradors, des barbelés électrifiés, le tout sur toute la largueur de lîle. Une installation moderne et efficace ne lésinant sur aucun moyen pour rappeler aux détenues que séchapper savérait une mission impossible, ce qui jusquici sétait révélé exact. Françoise le confirma sur un ton lugubre :

— Ne te fies pas à la beauté des lieux. Noublie jamais que cest un pénitencier de haute sécurité et que personne na encore réussi à sévader.

Claire, perdue dans ses pensées, avait oublié sa présence. Pourtant cest Françoise qui lui servait de guide, lui montrant la cour atténuante à la prison, là où les plus sportives pouvaient sadonner au basket ou au handball, et ensuite jusquà la plage où les plus fainéantes pouvait se prélasser à lombre dun cocotier, avant de piquer une tête dans le lagon.

Françoise nétait pas avare dexplications en continuant la visite, et Claire se remit à boire ses paroles comme si tous ses conseils étaient parole dévangile. Grâce à cette femme, elle avait guéri et repris goût à la vie, et elle lui en serait éternellement reconnaissante.

Maintenant, elles seraient amies pour toujours, du moins entre les quatre murs de cette prison

Cette soudaine et profonde amitié lui semblait naturelle et providentielle, comme un signe du destin qui la soutiendrait dans lépreuve. Confiante, elle ne se posait pas dautres questions. Évidemment, les sentiments quéprouvaient Françoise étaient bien différents, guidés par des pulsions beaucoup moins innocentes.

Il y avait dans cette jeune femme une telle lumière de pureté, une telle spontanéité et fraîcheur, que le contraste quelle offrait dans cet univers de débauche et de violence en était encore plus grand. Françoise en était étrangement sensible, comme sil était de son devoir de veiller sur elle. De la protéger. De laimer. Cette vague de tendresse linquiéta brusquement. Ressentir de la compassion et de lamour pouvait être considéré comme une marque de faiblesse.

Jusquici, Françoise sétait montrée dure et sans pitié, une femme dangereuse qui avait imposé son autorité sans le moindre état dâmes. Cétait la loi du plus fort et Françoise pouvait se considérer comme le chef de la meute, celle que lon craint et respecte, un combat de tous les jours qui nautorisait aucun relâchement. Baisser la garde était signer son arrêt de mort. Ses pensées furent soudain interrompues par lexclamation ravie et admirative de Claire.

Sans sen rendre compte, elle se laissa guider dans leur bloc, où toutes les cellules étaient ouvertes. Toutes les détenues sadonnaient à leurs occupations, pause cigarettes, jeux de société, bavardages, dans une ambiance bon-enfant qui faisait presque oublier lendroit où elles se trouvaient. Françoise le lui fit remarquer dun ton sec et cynique :

— Ne te fie pas aux apparences. Lenfer a plusieurs visages.

Pensive, Claire acquiesça :

— Cest vrai

Et elle prît un petit air malheureux et confus, comme une collégienne venant dêtre sévèrement sermonnée. Suivant Françoise de prés, cest à peine si elle réalisa que toutes deux venaient de regagner leur cellule. Son expression boudeuse enchanta Françoise qui ne pu sempêcher de rire.

— Allons, ne fais pas cette tête. Et puis, après tout, tu as raison de prendre les choses du bon côté. Même en enfer, on peut toujours trouver quelques compensations pour passer le temps et samuser un peu Viens tasseoir prés de moi.

Claire, intriguée, plissa le front. Elle vint la rejoindre sur le lit.

— Des compensations ? De quel genre ?

— Des choses passionnantes qui nous permettent temporairement de nous évader

Françoise prenait un air grave et énigmatique, le regard fixe, tandis que Claire semblait réfléchir et ne pas comprendre. Elle sénerva.

— Je veux savoir ! dit-elle sur un air buté, croisant les bras avec détermination.

Amusée, Françoise perdit son sérieux plein de mystère.

— Je te le dirai plus tard.

Elle ne pu se retenir davantage et éclata de rire. Claire se rendit compte alors quelle se jouait delle et, de bonne guerre, entra dans son jeu. Elle se fît mutine.

— Non, maintenant. Ou je te ferai parler.

Puis, prenant un ton autoritaire avec un fort accent allemand, reprit :

— Madame, nous avons les moyens de vous faire parler. Beaucoup de moyens !

Françoise se tint le ventre en riant aux éclats, les larmes aux yeux. Il y avait tellement longtemps quelle navait pas autant ri. Elle était sous le charme, appréciait le changement dhumeur de Claire qui, en reprenant confiance, se montrait sous son vrai jour. Elle adorait son entrain, son allure alerte et puérile, son espièglerie, sa manière de se déplacer souplement avec des gestes à la fois denfant et dune terrible sensualité. Elle se plaça devant elle, les bras croisés avec le même air résolu.

— Très bien, je demande à voir ! Fais-moi parler si tu loses !

Claire plissa ses yeux rieurs.

— Tu lauras voulu !

Elle se précipita soudain sur elle, la poussant en arrière pour la faire tomber. Surprise, Françoise sécroula pour se retrouver sur les fesses. Elle voulut se redresser mais, avec un cri victorieux, Claire était déjà sur elle. Elle sassit sur ses jambes et tortilla son joli postérieur sur ses cuisses avec une volupté de chatte qui assure sa prise avant de jouer avec sa proie. Françoise se redressa et atterrit naturellement dans les bras de Claire qui la toisait avec un petit air rusé.

— Alors, on refuse toujours de parler ?

Françoise était trop troublée pour répondre tout de suite. Le corps souple et chaud qui ondulait doucement contre ses cuisses éveillait de bien mauvaises pensées, ainsi que la vision des longues jambes à la chair dorée qui sétendaient de chaque côté de son corps. Elle se sentait soudain nerveuse.

— Tu peux tout essayer pour me faire parler, jamais je ne céderai réussit-elle enfin à articuler dune voix enrouée, tout en posant doucement sa main sur une cuisse nue.

Avec un drôle de petit air espiègle, Claire lobserva étrangement. Elle leva les bras au-dessus de sa tête, faisant ainsi saillir ses seins épais avec une incroyable insolence, avant de tortiller de la croupe sur ses cuisses avec encore plus de provocation.

— Cest ce quon va voir

Elle noua ses mains autour de la nuque de Françoise, lenlaçant de prés. Puis lembrassa tendrement sur la joue, à la commissure des lèvres. Françoise ressentit ce contact comme une décharge électrique. La délicieuse Claire la rendait folle Brûlante de désir, elle passa un bras autour de la taille flexible pour lattirer à elle, mais Claire sécarta vivement en riant. Elle se dégagea en roulant sur le côté, pour se rasseoir un peu plus loin. Elle lobservait dun air moqueur.

— Tu viens.

Françoise était abasourdie, se demandant si Claire était simplement inconsciente de jouer ainsi avec ses nerfs, ou si cétait la plus effrontée des allumeuses. Elle hésita entre la patience bienveillante ou le viol immédiat. Et opta pour la première solution. Elle se sentait incapable de la brusquer ou la choquer, une attention qui ne lui était pas coutumière pourtant. Elle se leva et sassit à côté delle. Toutes deux se sourirent tendrement.

— Alors, tu ne veux pas savoir tout compte fait ? demanda Françoise en tournant la tête vers son interlocutrice.

Claire, étendue sur le dos et bras écartés avec les mains croisées sous la tête, esquissa une moue boudeuse.

— Je finirai bien par le savoir un jour

Elle se passa ensuite la main dans les cheveux, toujours cambrée, ses seins sécrasant lourdement contre le tissus de la chemisette réglementaire à len déchirer. Claire, malgré elle, fut sensible à la beauté féminine qui savait si bien se mettre en valeur. Troublée, elle battit des cils. Elle était si heureuse davoir une amie, une vraie, qui savait simpliquer et se compromettre pour la protéger, et cétait là un sentiment nouveau qui la rendait confiante et reconnaissante. A cause des fréquentes affectations de son père, elle navait jamais eu damies avec qui elle avait pu établir des liens durables et sur qui elle pouvait réellement compter en cas de coup dur.

Et il fallait quelle se retrouve en prison pour rencontrer une véritable amie. Mais il ny avait pas que ça

Cette amitié très forte semblait basée sur des sentiments beaucoup plus subtils et ambiguës, si insondables quelle avait du mal à se lexpliquer. Cétait trop rapide, si nouveau. Et Françoise était si mystérieuse, pouvant passer de la douceur à la violence, de la gentillesse à la cruauté, tantôt frivole, rieuse, ou alors dune grande gravité

Claire, pour tout cela, la trouvait fascinante, une femme à part, forte et solide qui pouvait affronter tous les obstacles sans la moindre hésitation et sans se préoccuper des conséquences, fonçant tête baissée alors que son allure nonchalante laissait penser le contraire.

Cétait une grande femme souple et élancée, dune grâce langoureuse, aux gestes lents et mesurés, comme une habituée des défilés de mode. Un peu comme Hélène. Avec ses cheveux coupés courts à la garçonne, Françoise avait un profil équivoque, déphèbe, avec des arcades sourcilières bombées et une large bouche aux lèvres fines qui lui donnaient ce côté masculin et asexué si troublant. Mais la douceur des joues un peu creuses et la sensualité de la bouche gourmande étaient furieusement féminines. Dailleurs, tout le caractère de cette femme semblait se refléter dans sa bouche : vorace et moqueuse, avec des fossettes marquées qui, souvent ironiques, sélargissaient dans un pli satisfait et rusé lorsquelle souriait. Ses yeux étaient aussi fascinants. Vifs et intelligents, ils sétiraient en amande comme deux pinceaux à la lueur avide et victorieuse, plein de malice. Cétait cette même ruse qui brillait alors quelle continuait dobserver Claire en silence.

Elle lui sourit en lui demandant brusquement :

— Tu ne trouves pas quil fait chaud ?

— Un peu, si

— Exact, et cest pour cette raison que je vais me mettre à laise.

Et, tranquillement, elle défit un à un les boutons de sa chemisette bleue jusquau nombril. Elle demeura ainsi, à demi- nue, avec ses seins magnifiques qui jaillissaient fièrement, les pointes dressées. Claire, gênée, tourna la tête.

— Vas-y, fais-en autant, lui suggéra Françoise.

— Non

— Tu devrais pourtant

Claire, le feu aux joues, secoua sa petite tête blonde avec énergie. Françoise la dévorait des yeux tout en résistant à lenvie de se jeter sur elle.

— Est-ce que cest ma présence qui te gêne ? avança t- elle avec un petit sourire moqueur.

— Bien sûr que non ! protesta Claire avec véhémence.

Françoise prit ses mains et lobligea à sasseoir en face delle.

— Alors fais comme moi.

Puis, sans attendre son accord, commença à lui déboutonner les premiers boutons de la chemisette. Le premier réflexe de Claire fût davancer ses mains pour lempêcher de continuer, mais elle arrêta son geste à mi-chemin, hésitante. Après tout, il ny avait rien là de mal à se mettre à laise

Aussi laissa t- elle retomber lentement ses bras le long du corps et, docile, se laissa faire. Françoise la déshabilla à moitié, écartant dune main fébrile les pans de la chemisette ouverte. Son regard fût irrésistiblement attiré par la troublante nudité des seins qui pointaient avec arrogance. Les seins étaient parfaits, accrochés hauts, à la fois lourds et délicats avec leurs pointes érigées qui ressemblaient à des petits boutons de rose. Ils étaient si attirants que Françoise en eut des picotements au bout des doigts.

— Tu sais que tu es vraiment très belle lui dit-elle dune voix un peu trop oppressée.

Ny tenant plus, cédant à la tentation, elle lui caressa du bout des doigts son visage de poupée.

— Ne trouves-tu pas cette situation très troublante, lui dit-elle dune voix rauque. Toi et moi sommes si proches, presque nues, quil suffirait de peu pour que je te prenne dans mes bras et te renverse en arrière. Là, il en faudrait encore beaucoup moins pour que nous finissions totalement nues et enlacées sur ce lit, et je pourrai alors te faire lamour comme on ne te la jamais fait, avec une telle envie que cela ne finirait jamais Nest-ce pas très excitant ?

Claire eut de plus en plus chaud. Le regard fixe et brûlant qui la déshabillait des yeux lui faisait monter le sang au visage. Confuse, elle esquissa un pâle sourire en hochant timidement la tête.

— Un peu, oui reconnut-elle faiblement.

Françoise se pencha en avant, continuant de caresser avec fièvre chaque trait du visage enfantin.

— Il me suffirait dabord de te toucher le visage, très délicatement, comme je le fais actuellement. Puis, ensuite, de tembrasser longuement, le plus doux et exquis des baisers

Elle la saisit par la nuque avec douceur et lattira à elle, approchant son visage du sien. Claire sentit son haleine brûlante tout prés et, rougissante, tourna légèrement la tête de côté. Les yeux brillants, sans se décourager, Françoise lui déposa donc un baiser sur la joue, frôlant la peau lisse prés des lèvres entrouvertes. Claire se raidit aussitôt.

— Naie pas peur, la rassura Françoise. Tu vas voir, cest si agréable

Elle laissa glisser sa bouche jusquau lobe de loreille quelle se mit à mordiller délicatement, léchant dune langue aiguë le pourtour. Claire frissonna brusquement. Un frisson de plaisir comme elle nen avait jamais connu, si délicieux quelle en avait la chair de poule. Haletante, elle avait du mal à respirer, incapable de reprendre ses esprits alors que Françoise se montrait plus empressée, la bousculant dans son excitation.

Désorientée, elle voulut la repousser faiblement.

— Non, Françoise, arrête gémit-elle.

Ses yeux étaient troubles et suppliants. Sa détresse la rendait encore plus désirable. Sensuelle, Françoise sapprocha de sa bouche en un long et doux frôlement. Elle sattarda un instant sur la commissure des lèvres, agrippant en même temps la chevelure rousse pour maintenir la tête et presser le visage contre le sien.

— Françoise, il ne faut pas haleta Claire alors que leur bouche se frôlait.

Mais, au lieu de sesquiver, elle entrouvrit ses lèvres, sans savoir réellement pourquoi elle le faisait. Et elle gémit bruyamment lorsque Françoise lui lécha la bouche de longs et appuyés coups de langue, de façon si voluptueuse que Claire respira encore plus bruyamment, plus fort que les soupirs stupéfaits quelle poussait sans sen rendre compte. Suffocante, elle ouvrit la bouche, et Françoise neut aucun mal à franchir aussitôt la barrière de ses dents pour en prendre possession.

Claire accueillit le baiser avec un râle éperdu, répondant malgré elle aux tendres sollicitations de la langue qui laspirait toute entière.

Leur bouche se pressait et se butinait violemment avec une ardeur croissante, saffolant de subtiles et enivrantes succions. Fr

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