Le mois qui suivit se révéla être un véritable calvaire professionnel ; les tensions étaient tellement intense que j’en étais malade le matin. Je mangeais, mais j’étais toujours fatiguée et éprouvais de violentes nausées. Par-dessus le marché, Frantz et moi ne nous voyions plus des masses en dehors du boulot ; seulement, nous profitions des moindres occasions qui nous étaient offertes pour des "petits rapports vite faits", mais pleins de tendresse durant lesquels il me disait des petits mots tendres.
Un matin, au boulot, une de mes collègues était présente lorsqu’une autre violente crise de nausée s’est déclenchée. Ma sur était au courant de tout, et elle m’a convaincue après m’avoir suggéré l’idée farfelue d’acheter au plus vite un test de grossesse car, selon elle, certains signes ne trompaient pas. Je décidai donc d’en acheter un et fis le test au boulot. Je suivis scrupuleusement les instructions point par point et attendis le résultat. Je savais que je n’étais pas enceinte : c’était forcément le stress qui me jouait des tours, et sachant que j’y ai toujours été sensible, ben, ça n’a pas loupé. Les minutes passaient aussi lentement que des heures ; je tournais en rond et voulais avoir une réponse claire et nette le plus vite possible.
Calme-toi, Salomé, ça ne va pas arranger ton état, dit ma collègue en plaisantant.
Je suis pas enceinte, merde ! répliquai-je de façon agressive. On a beaucoup de stress au boulot et ça me travaille, point. Oh merde ! fis-je en filant à la cuvette, sentant une autre crise arriver.
Tu parles ! Tu gerbes le matin, tu as des sautes d’humeur, tu manges de plus en plus, et pour finir tu fais un test de grossesse. Ah, le délai est passé on dirait… dit-elle en regardant sa montre. Je peux regarder ?
Oui, et donne-moi la réponse tout de suite, qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec cette mascarade ! lui ordonnai-je en m’essuyant la bouche.
Je sortis de la cabine, et me rinçai la bouche. Elle prit le test que je n’osais pas regarder ; je vis son visage s’éclairer, et elle me regarda.
Alors ? Je le suis pas, hein ? l’interrogeai-je avec une certaine inquiétude malgré tout.
Félicitations, ma belle ! me fit-elle, souriante, en me tendant le test.
Déconne pas ! criai-je presque en lui arrachant le test des mains.
Je regardai le résultat et constatai un "+" qui trônait fièrement. On ne voyait que lui. Je crus défaillir. Une fraction de seconde avait suffi pour que tout se chamboule dans ma tête. J’attendais un bébé, et il ne faisait aucun doute quant à l’identité du père. Je n’en croyais pas mes yeux… Je restai figée, le regard dans le vide, me rendant à peine compte de ce qui m’arrivait. Il fallait que je le tienne au courant, mais comment allait-il réagir ? Surtout, le plus délicat, c’est qu’il avait une copine. Oh merde, mais dans quoi métais-je embarquée ?
Tout va bien ? me demanda-t-elle joyeusement.
Oui, oui, je crois… balbutiai-je, toujours dans le même état. Je dois y aller, dis-je en marchant comme un robot pour sortir des toilettes.
Attends ! me dit-elle en m’attrapant par le bras. Il faut que tu appelles ton copain pour lui annoncer la bonne nouvelle, non ?
Il faut d’abord que je digère la nouvelle, si tu veux bien. Je vais déjà en parler à notre tyran de patron, et ensuite on verra.
Bon courage, ma belle ! Tu veux quoi, comme fleurs pour ton enterrement ?
Je ne répondis rien et me dirigeai vers le bureau de Frantz en m’interrogeant sur la façon dont je pouvais lui annoncer la nouvelle. Il fallait vite prendre une décision, car j’étais déjà devant la porte de son bureau. Je frappai à sa porte, inquiète de la tournure des événements à venir.
Oui, qui est ce ?
C’est Salomé, Monsieur.
Entrez !
J’entrai, cachant soigneusement le test derrière mon dos. Je refermai la porte derrière moi.
Tu tombes bien ; assieds-toi, j’ai à te parler.
Moi aussi je dois te parler, et c’est quelque chose de très important, dis-je en m’asseyant.
Ça n’a pas l’air d’aller, toi… remarqua-t-il en me prenant la main. Qu’est-ce qu’il y a ?
Qu’est ce que tu voulais me dire ? enchaînai-je.
Eh bien voilà ; je ne vais pas y aller par quatre chemins. J’ai réfléchi et j’ai pris une décision pour nous deux. J’ai rompu ce matin même avec ma copine pour être avec toi.
Cette nouvelle était certes joyeuse, mais je ne pus m’empêcher de me mettre à pleurer comme une Madeleine. De joie ou de tristesse ? Impossible à dire : les deux sentiments étaient mélangés. Mes hormones avaient-elles déjà commencé à me jouer des tours ?
Je suis désolé ; j’ai dit quelque chose qui t’a blessée ? m’interrogea-t-il, visiblement surpris de ma réaction.
Mais non, espèce d’idiot, tu n’as rien dit, dis-je, rassurante et en séchant mes larmes. C’est autre chose.
Qu’est-ce qu’il y a ? Dis-moi. Je pensais que tu serais heureuse d’apprendre que je voulais me consacrer à toi. Et si l’envie te prend, tu pourras emménager d’ici deux ou trois petites semaines, le temps que ma copine… disons plutôt que mon ex-copine déménage, corrigea-t-il rapidement.
Je suis heureuse, c’est pas le problème. Ce qu’il y a, c’est que…
Je pris une profonde inspiration, déglutis et le regardai droit dans les yeux, ayant décidé de prendre mon courage à deux mains.
Que quoi ? demanda-t-il.
Quelle serait ta réaction si je t’apprenais que je suis enceinte ?
Je serais heureux, quelle question ! Pourquoi ?
Sans un mot, je lui montrai le test de grossesse que je posai sur son bureau. Son visage s’est mis à rayonner lorsqu’il l’a pris et vu le résultat affiché.
Oh, mon Dieu… Tu… tu l’es ? bégaya-t-il.
Je hochai de la tête de manière affirmative.
On dirait que j’ai fait la conne, oui… dis-je, le sourire aux lèvres.
Il se leva. Je le rejoignais, et nous nous sommes enlacés de toutes nos forces ; je ne pus m’empêcher de pleurer.
C’est génial, Salomé, c’est génial : tu ne pouvais pas m’annoncer une plus belle nouvelle ! dit-il, la voix pleine de fierté. Je t’aime, et je ferai tout pour que toi et le bébé soyez bien.
Moi aussi, je t’aime, déclarai-je en l’embrassant tendrement. Pardonne-moi par avance si mes émotions ne sont pas à l’image de mes mots.
Aucun problème, ma chérie.
Ce qui devait arriver arriva : la nouvelle s’est répandue comme une trainée de poudre. Nos parents, ma sur, nos amis, sa famille, tout le monde a été mis au courant de ma grossesse.
L’histoire que je viens de raconter s’est déroulée il y a quatre ans. Depuis, Frantz et moi nous sommes mariés ; nous vivons ensemble dans une maison de la banlieue parisienne et nous sommes les heureux parents d’un petit Théo qui est aujourd’hui âgé de trois ans.
Afin d’éviter toute jalousie éventuelle de la part de mes collègues, j’ai donné ma démission : nous ne voulions pas qu’ils se rendent compte que notre patron était le père de l’enfant que j’ai mis au monde. J’ai retrouvé rapidement un travail dans une succursale de lentreprise qui a ouvert depuis un peu moins d’un an, tant la boîte s’est révélée fructueuse.
J’estime être la femme la plus heureuse de toutes, et notre famille est pour moi la chose la plus importante au monde. Toutefois, j’ai deux questions qui me taraudent. Voilà, vous qui connaissez mon aventure, suis-je vraiment une salope ? Et la seconde question et pas des moindres est "Combien de temps, selon vous, dois-je attendre avant de révéler à mon mari adoré que mon ventre va s’arrondir pour la seconde fois ?"
FIN