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III – À corps perdu – Chapitre 20

III - À corps perdu - Chapitre 20



Mail du 30 mai :

Bonjour ma belle,

Shama est arrivée hier, je te dis pas comme ça m’a fait plaisir de la revoir !

Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le soir même, elle a réussi à décrocher le précieux sésame pour se rendre chez ton bourreau. Elle a hâte d’y être pour participer activement à ta vengeance, mais j’avoue être inquiet de la savoir seule en sa compagnie, même si c’est sans doute lui qui a le plus à craindre !

Je croise les doigts pour que tout se passe bien et que je puisse vite revenir près de toi. Tu me manques, Jenny, et j’ai besoin de te voir réellement, mes souvenirs ne me suffisent plus

À très bientôt, mon amour.

Je t’aime.

Flo.

Le lendemain matin, Shama insiste pour aller se faire chouchouter à la balnéo de l’hôtel. Vu sa mission, il est légitime qu’elle ait envie de se vider la tête.

Typhaine et Florian ont deux programmes différents : la rouquine doit encore aller acheter deux trois choses pour parfaire son plan afin d’avoir des images plan dont elle ne veut toujours rien dire , quant à Florian, après avoir écrit le mail quotidien à sa petite amie, il se rend à la piscine, histoire de se détendre.

L’après-midi, Typhaine va s’enfermer dans sa chambre pour mettre au point son projet. De leur côté, Shama et Florian se rendent dans un sex-shop en périphérie de la ville. L’endroit est immense et ils sont impressionnés par la quantité d’articles disponibles ; c’est l’illustration du gigantisme à l’américaine dans toute sa splendeur !

Ils arpentent les rayons en discutant.

 Alors, t’es prête à m’en dire un peu plus sur ta rupture ? demande Florian.

 Y a pas grand-chose à dire, on était arrivé à un point de non-retour, c’est tout, répond-elle.

 C’est venu de lui ou de toi ?

 De lui.

 C’est étonnant, tu m’avais dit qu’il faisait comme si de rien n’était. Pourquoi, d’un coup, il a décidé d’arrêter ?

 Je c’est c’est comme ça, faut pas chercher à comprendre, balbutie-t-elle avec un petit sourire gêné.

Florian soupçonne Shama de ne pas tout lui dire.

 Il s’est passé quelque chose qui a précipité cette décision ?

Shama ne répond pas et se contente de marcher en regardant les articles.

 Shama, qu’est-ce qu’il s’est passé ? lui demande-t-il à nouveau en l’arrêtant.

Elle n’a pas envie de lui raconter ce qui a poussé David à rompre, car elle sait que ça va le rendre fou de rage et il n’a pas besoin de ça en ce moment. Mais elle n’a pas non plus envie de lui mentir.

 C’est c’est pas important, Flo, c’est du passé.

 Un passé très récent !

Elle essaie d’avancer, mais il l’en empêche.

 Shama, s’il te plaît, ajoute-t-il.

Elle soupire. Après quelques instants à le regarder dans les yeux, elle décide de cracher le morceau.

 Bon, OK. Oui, il s’est passé quelque chose, avoue-t-elle.

 Et quoi ?

 Avant que je te le dise, je veux que tu me promettes de ne pas t’énerver !

Florian est surpris.

 Mais pourquoi je m’énerverais ? s’étonne-t-il.

 Promets-moi ! insiste-t-elle.

 Ben d’accord, je promets.

 Lève la main droite en même temps que tu promets !

 Ça va, Shama, j’ai compris !

L’Indienne croise les bras et attend. Florian s’exécute et lève la main droite tout en promettant solennellement de ne pas s’énerver.

 Voilà, t’es contente ?

 Oui.

 Allez, dis-moi.

 Quand tu m’as appelé pour que je bloque les serveurs de la boîte, tu t’en souviens ?

 Bien sûr.

 J’ai dû aller mettre le virus de Typhaine sur le pc de Timothé.

Florian acquiesce d’un signe de tête.

 Ben Tim m’a pris en flag’.

 Et ?

Shama ne répond pas et se contente de le regarder en soupirant. Au départ, il ne comprend pas, puis il remet en place les pièces du puzzle.

 Ne ne me dis pas qu’il t’a fait chanter, dit-il, presque en chuchotant.

Shama répond positivement d’un signe de tête. La bouche de Florian frémit et il prend une grande inspiration pour garder son calme. Il se racle ensuite la gorge.

 Et il t’a demandé quoi ? demande-t-il, faussement calme.

 D’après toi ? Tu connais Tim comme moi !

Florian lève la tête en se mettant à rire nerveusement.

 Espèce de fils de pute, grogne-t-il en serrant les poings, quand je rentre en France, je lui arrache la tête !

 Non, Flo, tu n’arracheras rien du tout, tu m’as promis !

 Attends, Shama, c’est grave là, c’est comme s’il t’avait violé !

 Il ne m’a pas violé, il m’a laissé le choix. J’ai accepté de mon plein gré.

 Ouais, il t’a laissé le choix en sachant très bien que tu ne l’avais pas !

 Si, je l’avais, et j’ai choisi, voilà !

Florian soupire en essayant tant bien que mal de ne pas laisser sa colère le déborder.

 Et c’est quoi le rapport avec ta rupture ? Tu l’as avoué à David ? demande-t-il après avoir lissé ses nerfs.

 Non. Au début, Tim ne m’a pas demandé ce que je voulais trafiquer sur son pc, il s’en foutait. Donc je l’ai sucé et j’ai mis le virus. Sauf qu’ensuite, il s’est fait reprendre de volée par Fred et il m’a menacé d’aller tout révéler, donc j’ai dû remettre le couvert pour qu’il garde le silence.

Le visage de Florian redevient rouge de colère. Shama continue son récit.

 Pour cette seconde fois, il a voulu baiser donc on est allé dans un coin tranquille entre midi et deux. Sauf que le midi, je devais manger avec David, et j’ai donc annulé le repas en lui disant que j’avais trop de boulot. Il a eu un doute et il a décidé de me suivre. Il a filmé quand Tim m’a sauté et m’a mis la vidéo sous le nez le soir, quand je suis rentrée, et voilà.

 C’est pas possible, Shama, on ne peut pas le laisser s’en tirer comme ça, il faut lui donner une leçon à cette grosse merde ! rage Florian.

 J’ai dit non, Flo ! Maintenant, j’ai juste envie de tourner la page.

 Mais tu te rends compte qu’il a foutu ton couple en l’air ?

Shama rigole.

 Mon couple était déjà foutu, ça n’a fait que précipiter quelque chose qui serait arrivée tôt ou tard, c’est tout, dit-elle.

 Tout est ma faute, j’aurais pas dû te demander tout ça

 Non, arrête, c’est ni de ta faute, ni même celle de Timothé. La seule fautive dans tout ça, c’est moi !

Florian regarde Shama d’un air étonné.

 Qu’est-ce que tu racontes ?

 La vérité ! Tu me connais, tu sais comment je suis, j’aime provoquer, même au boulot, et tu m’as toi-même dit à plusieurs reprises que parfois, j’allais trop loin dans ma manière de faire, entre les positions lascives et les tenues aguichantes. Et t’avais raison !

 Je t’arrête de suite, Shama, ce n’ai en rien de ta faute, ça ne justifie pas ce qu’il

 Timothé est un con, mais c’est pas un fou, le coupe-t-elle, et jamais il n’aurait été demandé ça à Claire, ou bien Anne-Marie, par exemple ! J’ai allumé tout le monde au bureau un nombre incalculable de fois et il a profité de cette occasion, voilà tout.

 Non, je ne suis pas d’accord ! tonne Florian.

 J’ai ouvert les yeux sur beaucoup de choses, Flo. Pendant très longtemps, j’ai pratiqué le sexe de diverses façon, toutes plus ou moins extrêmes. Ma présence ici en est la preuve : il te fallait quelqu’un qui s’y connaisse en SM et tu as pensé à moi.

 Et après ? Tu as le droit d’avoir les pratiques que tu veux !

 Oui, sauf que je me suis tellement enfermé là-dedans et surtout dans cette image de chaudasse que j’ai toujours revendiqué être, qu’au bout d’un moment, je ne contrôlai plus rien. Ça m’a dépassé et empêché de me rendre compte qu’il y avait un sérieux souci dans mon couple, entre autres choses.

 Donc, si je comprends bien, tu es en train de me dire que tu regrettes tout ce que tu as fait avant ?

 Pas tout. J’ai pris beaucoup de plaisir, mais je regrette de n’avoir pas su trouver un équilibre. Avec le recul, je me rends compte que le plaisir que je prenais quand je baisais n’avait plus la même saveur. À force, je couchais de manière mécanique et si, physiquement, je jouissais, dans ma tête, il ne se passait plus rien. Je ne sais même plus ce que c’est que de faire simplement l’amour, tout ce que je connais, c’est les baises musclées avec fessées, insultes et toute la panoplie, et je crois que je sature. J’ai envie de revenir à quelque chose de plus sensuel sans pour autant mettre le reste de côté, juste trouver un équilibre, tu comprends ?

Florian est à présent un peu plus calme. Son amie est à un tournant important et il ne veut pas rester focalisé sur ce qu’il s’est passé avec Timothé.

 Oui. Du coup, je suis désolé de te replonger dans tout ça avec Stover.

 Ne t’en fais pas, on aura qu’à dire que c’est un baroud d’honneur avant de me lancer dans un petit ménage de printemps ! dit-elle avec un grand sourire.

Florian lui sourit à son tour avant de la prendre dans ses bras. Voilà ce qu’il manque à Shama, profiter de simples gestes de tendresse comme celui que lui offre son ami. La tête calée au creux de son épaule, elle savoure cette étreinte avec un plaisir qui ne cesse d’étirer ses lèvres.

Ils continuent ensuite leur shopping et passent en revue pas mal de tenue. Ils arrêtent leur choix sur une robe en cuir, courte et très moulante, dos nu, ainsi que de la lingerie mixant joliment dentelle et cuir, le tout de couleur noire, comme l’exige Stover. Une fois leurs emplettes finies, ils rentrent à l’hôtel.

Dans la chambre de Typhaine, une forte odeur de plastique cramé leur titille les narines ; un joyeux bordel règne sur une table où se côtoient des outils en tout genre.

 Mais qu’est-ce qu’il s’est passé, ici ? lance Shama en mettant sa main devant son nez.

 T’as foutu quoi ? la questionne Florian.

 C’est bon, vous avez trouvé ? demande Typhaine en ignorant leurs questions.

 Euh, ouais, on a tout ce qu’il faut, répond Florian en montrant les sacs, et toi ? T’as fabriqué une boule puante ou quoi ?

 Asseyez-vous ! ordonne Typhaine.

Shama et Florian s’assoient sur le lit. La rouquine prend une boite posée sur la table et plonge sa main dedans ; elle en sort un plug anal d’une belle dimension.

 Et voilà ! dit-elle avec un grand sourire.

Shama et Florian restent incrédules.

 C’est quoi ça ? demande Florian.

 Un plug, ça se voit, non ? réplique Typhaine.

 Oui, merci, mais pourquoi tu nous montres ça ?

 C’est ce qui va nous permettre d’avoir des images, et peut-être même un peu de son, de ce qu’il va se passer ce soir !

 Avec un plug ? s’étonne Shama.

 C’est pas un plug comme les autres ! Regardez

Typhaine leur montre l’arrière du jouet qui est orné d’une sorte de pierre précieuse rose ; elle attrape le bijou, qui est en fait une imitation en relief, et le retire. Apparaît alors l’objectif d’une mini-caméra enfouit dans le corps du plug.

 La vache, t’as été foutre une caméra à l’intérieur ! s’exclame Florian.

 Et ouais ! J’ai creusé dedans, c’est pour ça qu’il y a une sale odeur.

Shama tend la main et Typhaine lui donne le jouet.

 Wahou, il pèse son poids, le pépère ! s’étonne l’Indienne, c’est la caméra qui est lourde ?

 Non, la caméra est très légère, c’est le plug qui est costaud.

 Ah oui, je confirme, souffle Shama.

Elle observe le jouet d’une taille peu commune.

 Donc, si je comprends bien, reprend l’Indienne, je vais devoir me mettre ça dans le cul, c’est ça ?

 T’as tout compris ! lui dit Typhaine avec un grand sourire, Florian m’a affirmé que ça ne te posait de soucis.

 Ben oui, ça passera, oui. Mais comment tu veux que je filme quoi que ce soit quand il sera en place ?

 Ah ben faudra que tu l’enlèves pour filmer ! Tu le mettras juste pour rentrer et sortir de chez lui, c’est tout. Ensuite, tu enlèves discrètement le petit cache et tu orientes le plug pour qu’il filme tout ce que vous ferez. La caméra a un angle assez large, donc ça devrait aller, même si tu n’as pas beaucoup de recul.

 T’es la fille à MacGyver, toi ! lance Shama en continuant d’observer l’engin.

 MacGyver sonne plutôt écossais, et je suis Irlandaise, précise Typhaine.

 Mais ta mère est écossaise, donc ça marche, ajoute Florian en lui lançant un clin d’il.

La rouquine esquisse un sourire.

 Tiens, dit-elle à Shama en lui tendant un tube de lubrifiant, prends ça et va te le mettre.

 Quoi, maintenant ?

 Non, demain ! Ben oui, maintenant ! Je veux voir si tout reste bien en place quand il est en toi, surtout le petit cache.

 Ah euh OK. Je je vais dans la salle de bains alors.

 Fais comme chez toi.

 Tu viens pas avec moi ?

 Pourquoi faire ? Tu reviens quand tu l’as mis. Me dis pas que t’as honte, quelque chose me dit que Florian t’a déjà vu faire bien pire, glousse Typhaine.

 C’est pas faux, répond Shama en regardant son ami.

L’Indienne disparaît ensuite dans la salle de bains.

 Je ne savais pas que tu étais aussi bricoleuse, dit Florian à Typhaine.

 C’est pas parce que l’autre soir, je t’en ai dit beaucoup que tu sais tout, répond-elle.

 C’est vrai. En tout cas, merci, c’est génial.

Ils se sourient quand leur attention est attirée par un bruit ; ils tournent la tête et voient Shama, le bas du corps à l’air, qui avance vers eux en grimaçant.

 T’as mal ? l’interroge Florian.

 Non, c’est pas ça, mais ça fait un bail que j’ai plus marché avec ce genre de truc en moi ! souffle-t-elle.

 Penche-toi, lui demande Typhaine.

Shama se penche précautionneusement ; Typhaine met en place le faux bijou qui tient grâce à un petit aimant autocollant.

 Voilà, vas-y, marche un peu dans la chambre.

Shama fait quelques pas mal assurés.

 Si tu marches comme ça devant lui, il risque de trouver ça bizarre, lui fait remarquer Typhaine.

 Faut juste que je me réhabitue, c’est tout.

 Réhabitue-toi vite parce que c’est ce soir que ça se passe !

 J’aimerais bien te voir marcher avec un bordel comme ça dans le cul ! bougonne Shama.

 C’est pas moi la spécialiste de l’anal, c’est toi ! Allez, reviens vers moi.

Typhaine contrôle que le cache ne bouge pas.

 Bon, ça va, ça tient bien. Je vais essayer autre chose, bouge pas.

Elle prend une petite télécommande qu’elle dirige vers la caméra ; elle appuie sur un bouton et un petit bip résonne. Sur son téléphone, Typhaine ouvre une application où elle peut voir un retour vidéo de ce que filme la caméra ; elle constate que l’image est nette.

 On pourra voir en direct ? demande Florian.

 Non, on sera trop loin, et puis ça bouffe trop de batterie de toute façon. Là, c’est juste pour tester, répond Typhaine, bon, tout est OK, tu peux enlever le plug, lance-t-elle à Shama.

 Non, je le garde en moi, dit l’Indienne.

 T’es sûre ?

 Ben si je veux me réhabituer, c’est le meilleur moyen !

 OK, comme tu veux. Va pas sous la douche avec, par contre. La caméra est censée être waterproof, mais bon, on ne sait jamais.

 Pas grave, je me laverai au gant. Bon allez, je vais me préparer.

Shama prend les sacs de fringues et se dirige vers la porte.

 Euh, Shama ? l’interpelle Florian.

 Quoi ?

 Tu comptes sortir cul nu ?

Shama baisse la tête, elle s’apprêtait, en effet, à partir sans son pantalon.

 Oh, merde, quelle conne ! lâche-t-elle, vous pouvez aller me chercher mes affaires ? leur demande-t-elle.

 Ah non, va les chercher, c’est un bon entraînement pour te réhabituer ! s’esclaffe Typhaine.

Shama regarde Florian.

 Elle n’a pas tort, lui dit-il en étouffant un rire.

 Bande d’enfoirés que vous êtes ! grogne-t-elle.

L’Indienne se rend donc dans la salle de bains sous les yeux de Typhaine et Florian, hilares ; elle en ressort habillée et part en les fusillant du regard.

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