Carole était une jeune femme d’à peine trente ans. Très mince, ses cinq pieds huit pouces ne laissait voir aucun embonpoint, mais il faut dire qu’elle entretenait son corps régulièrement par l’exercice physique.
Mère d’une petite fille prénommée Elodie qu’elle adorait et qu’elle laissait aux soins de ses parents retraités quelques jours par semaine, elle s’astreignait à fréquenter le gymnase municipal de sa banlieue dès l’aube car il n’y avait que très peu de participants à cette heure-là. Ainsi, elle espérait maintenir sa ligne jusqu’au retour de son mari, parti travailler à l’extérieur du pays pour une compagnie de prospection pétrolière. Elle-même détentrice d’une maîtrise en sciences appliquées, elle aurait pu l’accompagner si ce n’avait été d’Elodie. Pourtant, elle ne ressentait aucune frustration à ce sujet car elle avait trouvé un boulot temporaire comme chargé de cours à l’université qu’elle avait jadis fréquentée et où elle avait conservé de bons contacts.
Comme tous les mardi matin depuis plusieurs mois, Carole gara sa petite voiture dans le stationnement du centre sportif et elle s’empressa de gagner la chaleur du grand bâtiment car il ne faisait guère plus de 5 degrés Centigrade en ce jour de mars. Elle se félicita mentalement d’avoir pu convaincre son père de garder Elodie chez lui tous les lundi, mardi et mercredi de la semaine, même pour la nuit. Ceci lui épargnait l’aller-retour et outre le fait qu’elle pouvait allonger ses heures de travail, lui permettant même de comprimer sa semaine en quatre jours, elle avait mis à profit ses mardi matin pour faire un peu d’exercice.
Le gardien du centre sportif lui ouvrit la porte, la gratifiant d’un sourire qu’elle lui rendit sans même y penser réellement. Elle se hâta vers le pavillon abritant le gymnase, fit une brève pause au vestiaire pour passer son léotard noir, puis elle se dirigea vers la salle d’exercices encombrée de plusieurs appareils de musculature.
Sans surprise, elle ne vit qu’une poignée de lève-tôt à son image, deux autres femmes qu’elle reconnaissait de vue et le double d’hommes qui soufflaient en soulevant des poids. Comme elle n’était pas là pour lier conversation, Carole se dirigea vers l’aire réservée aux exercices d’assouplissement et qui n’était pas occupé. Elle procéda à quelques étirements statiques pour se mettre en forme. Elle s’allongea ensuite sur un matelas de caoutchouc et elle fit quelques exercices pour ses abdominaux. Bien réchauffée au terme d’une dizaine de minutes, Carole marcha vers le mur recouvert d’espaliers où elle poursuivit sa mise en forme.
Carole sursauta lorsqu’elle entendit une voix de femme à côté d’elle. A son habitude, Carole avait choisi un coin désert pour mieux se concentrer et elle n’avait pas entendu l’autre femme s’approcher. Sans trop avoir compris la phrase qui lui était adressée, elle tourna la tête vers la gauche tout en poursuivant ses exercices d’étirements. Elle découvrit une jeune femme, vingt-cinq ans environ à vue d’oeil, aux cheveux bruns comme elle, mais beaucoup moins grande et aux formes rebondies.
— Pardon? S?excusa Carole.
— Je vous demandais si c’était votre première visite ici, lui répondit l’autre femme.
— Oh! Non, je viens tous les mardi avant d’aller travailler…
— Ah bon! Moi, c’est ma première journée, je croyais qu’il y aurait beaucoup plus de monde.
— Pas à cette heure-ci, mais si vous restez un bon moment, vous verrez beaucoup de gens, surtout avant l’heure du dîner. L’exercice met les gens en appétit, vous savez…
Comme le temps passait, Carole laissa les espaliers de côté et elle se dirigea vers le cheval sautoir où elle procéda à trois ou quatre sauts avant de passer aux appareils de musculation. Sans y attacher quelque importance, elle remarqua que l’inconnue l’avait suivie d’une zone à l’autre. Elle se dit qu’elle devait être un peu perdue et qu’elle souhaitait lier conversation. Malheureusement, Carole tenait à poursuivre sa routine et ne fit aucun effort pour encourager sa compagne. Elle se contenta de répondre à ses interrogations, mais sans trop en mettre.
L’inconnue procédait d’une manière qui lui parut un peu étrange. Lorsque le double d’un appareil était disponible, elle l’utilisait à condition qu’elle puisse voir Carole de sa position. Chaque fois que Carole utilisait un appareil quelconque qui n’avait pas de double, elle se postait à côté d’elle et attendait qu’elle ait terminé pour prendre sa place. Carole fut tentée de lui proposer d’utiliser un quelconque appareil un peu plus loin, mais craignant de paraître désagréable, elle n’en fit rien.
Le tout se poursuivit durant une bonne heure, sans que l’inconnue ne se lasse de son manège. Plutôt que de déclencher une scène pour si peu, Carole décida de mettre un terme à sa séance d’exercice et elle marcha d’un pas décidé vers le vestiaire.
? Il y en a qui ne connaisse pas les bonnes manières, ? se dit-elle en retirant son léotard avant de se diriger vers les douches.
Décidant de chasser de sa mémoire le souvenir de l’inconnue, Carole pénétra dans la seconde cabine de douche où elle actionna le robinet pour déclencher le jet d’eau chaude. Tout en se savonnant, elle crut sentir une présence derrière elle, mais crut que son imagination lui jouait des tours.
Elle avait réussi à concentrer ses pensées sur les tâches qui l’attendaient à l’université lorsqu’elle pivota dans l’enceinte de douche pour se rincer. Avec une surprise doublée d’un soupçon de colère, elle découvrit l’inconnue occupant la cabine opposée, se douchant avec application.
? Une vraie mouche! ? pensa Carole en quittant précipitamment la salle des douches.
Carole se hâta d’enfiler ses vêtements après s’être rapidement séchée de peur que l’inconnue ne la rejoigne. Elle fit si bien qu’elle put quitter les lieux sans plus être embêtée ce jour-là. Chassant de sa mémoire la situation un peu loufoque qu’elle venait de vivre, elle gagna l’université pour se mettre au travail. Elle oublia tout jusqu’à l’heure du lunch où son groupe de filles discutait à tort et à travers des gens qui ne savent pas se conduire en société. Elle leur raconta son aventure en riant et baptisant l’inconnue pour la seconde fois de ? mouche ?.
— Mouche à merde! Rajouta l’une de ses compagnes qui n’avait pas l’habitude de mettre des gants blancs pour poser des épithètes sur les gens.
Si Carole avait pu se concentrer avec succès durant la matinée, il en alla tout autrement ensuite. L’image de l’inconnue la poursuivit durant le reste de la journée et elle y pensait encore lorsqu’elle regagna son domicile. Pour tenter de chasser cette pensée de son subconscient, elle appela son père et parla à Elodie durant une dizaine de minutes. Elle préféra passer sous silence sa rencontre fortuite du matin, mais elle ne réussit pas à oublier l’importune.
Elle s’efforça de préparer son souper, puis elle alla s’affaler devant la télévision, zappant frénétiquement. Finalement, exténuée, elle gagna son lit.
*
Vers deux heures du matin, Carole s’éveilla trempée malgré la température hivernale. Elle se remémora le rêve qu’elle venait de faire qui tenait bien davantage du cauchemar. Avec colère, Carole serra les poings, se souvenant soudain des événements du matin précédant. Dans son rêve, l’inconnue la poursuivait avec encore plus d’insistance que dans la réalité. A de nombreuses reprises, la Carole onirique n’avait pu échapper à l’étreinte de la ? mouche ? qu’au prix de continuels déplacements rendus difficiles par l’état vaporeux qui l’entourait.
Carole résolut de ne pas retourner à sa séance d’exercices la semaine suivante de peur d’y retrouver l’inconnue. Toutefois, le jour venu, elle avait oublié sa résolution et se retrouva à l’heure habituelle à l’entrée du centre sportif. Celui-ci était encore plus désert qu’à l’habitude car il neigeait plutôt fort ce matin-là; en fait, Carole se retrouva seule au milieu des appareils.
Comme à son habitude, Carole se changea, puis elle débuta sa période de réchauffement. Elle sursauta légèrement lorsqu’une voix bien connue se fit entendre à ses côtés :
— Quelle tempête, ce matin! Un peu plus et je serais arrivée en retard…
Carole chercha à ne pas laisser paraître son trouble, mais elle ne répondit rien. Puis tout se déroula comme une exacte répétition de la semaine précédente, l’inconnue accompagnant Carole d’appareil en appareil, copiant ses exercices avec un mimétisme bizarre.
Carole décida de ne pas laisser libre cours à son imagination et elle entreprit de scruter le visage de la ? mouche ? alors qu’elle s’affairait sur un appareil renforçant les abdominaux. Sans chercher à dissimuler ses regards, Carole voulait s’imposer face à sa compagne. L’inconnue la regardait aussi en s’ingéniant sur son appareil. Il lui semblait qu’elle lui décochait des regards étranges et chargés de mystère.
Encore une fois, Carole préféra abréger la séance et elle abandonna sa compagne pour se diriger vers les douches. Certaine d’être suivie, elle ne se retourna à aucun moment et elle pénétra dans la même cabine de douche qu’elle avait utilisée la semaine dernière. Cette fois cependant, elle attendit impassible que retentisse le bruit du jet d’eau dans la cabine opposée pour actionner la manette. Elle s’aperçut qu’elle tremblait et elle laissa échapper sa savonnette qui roula sur la plancher de la salle. Carole posa un pied hors de l’enceinte et elle s’inclina pour atteindre la barre de savon visqueux, mais une autre main que la sienne la lui tendait déjà. Carole leva les yeux vers la ? mouche ? et la remercia machinalement :
— Merci.
L’inconnue dut se sentir en confiance car elle s’approcha doucement et elle pénétra dans le cubicule où le jet d’eau chaude continuait de couler sur le corps enduit de savon de Carole. Celle-ci, trop surprise d’une telle désinvolture, recula d’un pas, mais se retrouva dos au mur de céramique. L’autre ne se laissa pas distraire de son but et se colla amoureusement contre elle, plaquant ses lèvres sur celle de Carole qui la repoussa faiblement en soufflant :
— Non, c’est mal!… Je vous en prie, laissez-moi!
Un peu surprise du succès de sa parade, Carole vit l’inconnue la laisser à sa douche et aller reprendre place dans le cubicule opposé où elle continua de la dévisager avec un amusement discret. Carole aurait voulu hâter sa tâche, mais il lui semblait que ses bras étaient devenus de plomb. Elle se força cependant à terminer sa toilette, puis elle se dirigea d’un pas mal assuré vers le vestiaire.
La ? mouche ? la rejoignit avant qu’elle n’ait terminé de passer ses habits de ville. Carole en était à passer sa jupe plissée lorsque l’inconnue passa devant elle pour parvenir au casier qu’elle occupait. Elle en profita pour effleurer sa taille de l’envers de la main droite; l’autre frissonna, mais ne dit rien. La mouche gagna sa place et ouvrit le casier métallique d’où elle extirpa, à la surprise de Carole, un très joli tailleur gris digne d’une femme d’affaire fortunée; sans savoir pourquoi, elle s’était imaginé que l’importune ne pouvait avoir qu’une tenue négligée. Carole détourna son regard, compléta son habillement et elle quitta les lieux non sans avoir noté que la ? mouche ? achevait également de revêtir ses habits civils. Elle allait devoir faire vite si elle ne voulait pas la croiser en sortant. Malheureusement pour elle, Carole s’aperçut en mettant le pied hors du centre sportif que la forte neige du matin s’était rapidement transformée en véritable blizzard. Il lui fallut écarquiller les yeux pour reconnaître sa petite voiture sous l’amoncellement blanc. En maugréant, elle dit :
— C’est bien ma chance! Avec ce temps, ils vont sûrement donner congé à l’université!
— Eh bien! fit une voix à côté d’elle, ce serait une excellente occasion pour faire connaissance!
?videmment, Carole tourna la tête du côté d’où provenait la voix pour y retrouver la ? mouche ?. Chaudement coincé dans un manteau de fourrure, l’inconnue la fixait avec son sourire énigmatique.
— Je vous demande pardon? fit Carole, un peu éberluée par tant de sans-gêne.
— Si nous allions nous réchauffer devant un café, nous pourrions nous présenter et discuter un peu… Et c’est moi qui vous invite, je vous dois bien ça!
Carole ne sut jamais si c’était la vue du tailleur distingué ou la lassitude qui en était la cause, mais elle accepta l’invitation. Délaissant sa voiture qui aurait nécessité davantage de temps de déglaçage, elle monta avec la ? mouche ? dans sa petite voiture 4 X 4 haut perchée qu’elle avait eu le bonheur d’abriter hors des vents dominants. Quelques minutes plus tard, elles roulaient sur les grands boulevards pratiquement déserts. Carole avait cru qu’elles se seraient arrêtées dans un quelconque fast-food, mais la ? mouche ? opta pour un grand restaurant huppé doté de larges banquettes confortables et où elle semblait connue de la maison. Elles furent conduites dans une salle à l’écart où on leur offrit des gâteaux et du café. Par politesse, Carole prit une brioche, mais elle ne la toucha qu’après un long moment, buvant plutôt son café fort tout en scrutant le visage de l’inconnue.
Le maître d’hôtel vint les saluer, s’attardant davantage auprès de la ? mouche ? auquel il donna finalement le nom de Madame Isabelle. Carole ne savait toujours pas s’il s’agissait de son prénom ou d’un nom de famille, mais elle nota l’information dans sa mémoire.
Une fois l’homme parti, Madame Isabelle se dépouilla de son manteau de fourrure et elle se tourna vers Carole pour entamer la discussion.
— Comme vous venez de l’apprendre, on m’appelle Madame Isabelle. J’aimerais bien connaître votre nom, chère amie…
— Carole, répondit la jeune femme sans faire de mystère. Je suis auxiliaire de recherches à l’université.
— Et dans quelle domaine? Interrogea la ? mouche ? avec un intérêt non feint.
— Je suis diplômée en sciences physiques. L’ingénierie industrielle me passionne, mais ce n’est pas une faculté où il y a beaucoup de femmes.
— Je l’imagine aisément. Vous êtes le genre à concocter des produits miracles dans des éprouvettes?
— Pas vraiment, répondit Carole en souriant. De nos jours, on passe beaucoup plus de temps devant l’écran d’un ordinateur que dans un laboratoire de chimie ou de physique.
— Ah! L?ordinateur, s’exclama la ? mouche ?. Enfin un sujet qui nous lie toutes les deux…
— Vous êtes dans l’informatique?
— Pas exactement! Mais je passe une bonne partie de mon temps devant un clavier d’ordinateur pour gérer mes placements ou surfer sur Internet.
— Vous êtes dans les affaires alors?
— Je dois surveiller les placements dont j’ai hérité lors du décès accidentel de mes parents, il y a deux ans. C’est là l’essentiel de mes sources de revenu, vous savez…
— Vous n’avez pas d’autres parents?
La ? mouche ? poussa un soupir de dénégation en haussant les épaules. Carole crut y discerner une cause de sa recherche de compagnie. Du coup, l’inconnue qui n’en était plus tout à fait une lui laissa une impression un peu moins négative. Désireuse de démontrer ses intentions amicales, Carole lui parla longuement de sa famille, de sa petite Elodie, de ses parents retraités jeunes et de son époux hors du giron familial. Madame Isabelle témoigna d’un intérêt grandissant, y allant de ses félicitations pour son travail et sa progéniture.
Au terme d’une bonne heure de conversation amicale, Carole s’excusa, prétextant devoir téléphoner à l’université pour vérifier qu’un congé spécial était bien annoncé, ce qui se révéla exact, lui laissant le restant de la journée libre.
Madame Isabelle allait ramener Carole au centre sportif où elle avait abandonné son véhicule, lorsqu’elle se tourna vers elle pour lui proposer :
— Puisque vous avez quartier libre jusqu’à demain, pourquoi ne viendriez-vous pas chez moi? Nous pourrions poursuivre cette agréable conversation et je vous avoue que je n’ai guère le loisir de parler à beaucoup de monde.
— Pourquoi pas, après tout! répliqua Carole sans réfléchir.
Trop heureuse d’être parvenue à ses fins, Madame Isabelle donna un coup de volant pour changer de direction et le véhicule se dirigea vers les hauteurs de la ville, là où se retrouvent les quartiers les plus huppés. Tout le long du trajet, elle se montra empressée à renseigner sa compagne sur les bâtiments qu’ils croisaient ou les secteurs qu’ils traversaient comme si elle voulait à tout prix l’empêcher de réfléchir et de regretter sa décision.
Malgré le blizzard, il ne leur fallut guère plus d’une vingtaine de minutes pour atteindre leur destination. Carole fut fort secouée de constater que la jeune femme d’à peine vingt cinq ans était la propriétaire d’un véritable domaine de plusieurs âcres ceinturé d’un boisé touffu au centre duquel se dressait un véritable manoir. Haut de deux étages, avec un toit en croupe bordé de cheminées symétriques, la résidence avait fière allure. Probablement la jeune femme en avait-elle reçu les titres de propriété en même temps que le reste de l’héritage.
Madame Isabelle laissa le 4 X 4 au pied de l’escalier monumental et invita sa compagne à la suivre. Sans qu’elle n’ait eu besoin d’utiliser sa clef, la porte d’entrée s’ouvrit pour les laisser entrer. Une jeune femme, guère plus âgée que la propriétaire, vêtue d’une tenue de servante noire avec un petit napperon blanc les accueillit et les débarrassa de leurs manteaux.
— Voici mon unique employée, Carole, expliqua la ? mouche ?. Elle se prénomme Annie et elle fera tout en son pouvoir pour que votre séjour soit le plus agréable.
En entendant cela, Annie baissa les yeux, mais elle ne dit rien et elle se dirigea vers la cuisine pour préparer le dîner.
Madame Isabelle entraîna Carole à sa suite sans prendre la peine de se débarrasser de la veste de son tailleur. Elle lui fit visiter le rez-de-chaussée, puis l’étage des chambres. Carole s’émerveillait de tant de richesses et commençait à ressentir de l’envie. Elles allaient descendre pour visiter les caves lorsque la clochette annonçant le dîner retentit. Remettant la suite de la visite à plus tard, les deux femmes se dirigèrent vers la salle à dîner où deux couverts avaient été dressés face à face.
Poussant un chariot dont une soupière fumante était le seul passager, Annie apparut, provenant de la cuisine et se dirigea vers la maîtresse de maison qui en souleva le couvercle pour dire :
— Bisque de homard, j’espère que vous aimez…
Carole opina en souriant car elle n’avait guère le loisir (et aussi les moyens) de savourer des plats aussi distingués et de plus, elle avait l’estomac dans les talons, après une matinée d’exercices.
Annie se dirigea vers elle avec le chariot. Elle prit son bol et l’approcha de la soupière fumante pour le remplir à l’aide d’une louche. Carole s’aperçut que la jeune domestique tremblait, peut-être à cause de la chaleur des ustensiles. Ce qui devait arriver arriva : au moment où Annie allait redéposer le bol fumant de bisque, elle fit un faux mouvement et une partie du contenu coula sur la cuisse gauche de Carole qui ne dut qu’à l’épaisseur du tissu de sa jupe de ne pas être ébouillantée gravement. Elle ne put cependant réprimer un cri de douleur lorsque le liquide brûlant eut passé au travers.
— Aie! cria-t-elle, saisie d’un tremblement fulgurant.
— Maladroite! hurla Madame Isabelle.
— Je… je suis désolée, Madame… J’ai fait un faux mouvement et …
— Inutile, idiote, reprit la ? mouche ? en la toisant d’un regard d’une dureté implacable. Tu seras punie pour ça!
Le visage d’Annie se marqua d’une couleur rouge brique, mais elle ne répliqua rien. Revenue de sa douleur, Carole se leva et elle épongea le potage de sa jupe plissée à l’aide de sa serviette. Madame Isabelle contourna la table et vint vérifier les dégâts. Elle souleva la jupe maculée et passa un doigt sur le collant recouvrant la cuisse rougie par la brûlure.
— Inutile d’en faire tout un plat, dit Carole. Je me brûle souvent sur l’abattant du fourneau de la cuisinière, chez moi, dans quelques jours il n’y paraîtra plus…
— Sur votre cuisse, peut-être, déclara Madame Isabelle, mais je doute qu’il en soit de même pour Annie.
— C’est inutile, voyons! C’était un incident fortuit…
— Croyez-vous?
Carole ne sut que répondre. Elle regarda vers Annie qui avait déjà tourné les talons en direction de la cuisine. Se pouvait-il que la jeune femme l’ait fait par exprès? Dans quel but?
Le repas se poursuivit sans autre incident. La ? mouche ? ne fit aucun autre commentaire et se comporta en hôtesse exemplaire, proposant même de faire laver la jupe par Annie comme partie de sa punition. N’y voyant là rien de bien compromettant, Carole accepta. Madame Isabelle la conduisit à sa chambre où elle lui prêta un vêtement de rechange. Il s’agissait d’une jupe de cuir très moulante qui ne lui venait qu’à mi-cuisse; heureusement qu’elle n’allait pas devoir repartir dans cette tenue car elle serait certainement morte de froid. Elle quitta sa jupe plissée et passa le vêtement de cuir dont l’odeur lui étreignit les narines. Madame Isabelle assista à son changement de vêtements et la regarda tout comme au vestiaire, avec un sourire amusé.
— Si nous en profitions pour poursuivre la visite, proposa-t-elle en l’entraînant dans les escaliers.
Lui emboîtant le pas, Carole se tint coite.
?trangement, les deux femmes retrouvèrent Annie qui se tenait à côté de la lourde porte donnant accès au sous-sol. Madame Isabelle lui tendit le vêtement souillé en disant :
— Tiens, petite sotte. Tu vas laver la jupe de notre invitée.
— Oui, Madame, répondit-elle d’une petite voix apeurée.
Carole regretta d’avoir accepté l’offre de nettoyage, tant cela semblait causer de craintes à la jeune fille. Madame Isabelle souleva la lourde clenche de la porte qui tourna silencieusement, ses gonds bien huilés. Carole sursauta en découvrant un escalier et des murs de pierre taillée; cela jurait avec le reste de la demeure qui se révélait moderne. Les trois jeunes femmes descendirent lentement la quinzaine de marches, Madame Isabelle devant, Carole au milieu et Annie en arrière-garde, étreignant toujours la jupe plissée.
Avec incrédulité, Carole découvrit un lieu incroyable au bas de l’escalier. Une rotonde occupait tout le centre du sous-sol avec des portes donnant sur des locaux sombres qui semblaient tenir de vulgaires cachots avec leur petite ouverture grillagée. Carole se sentit immédiatement apeurée.
— N’ayez crainte, chère amie, lui dit la ? mouche ?. Vous ne risquez rien… C’est Annie qui a le plus à craindre.
Carole allait ouvrir la bouche pour parler, mais Madame Isabelle l’en empêcha d’un mouvement de la main et lui désigna plutôt leur compagne. Tremblante, Carole pivota pour se rendre compte qu’Annie, dès son entrée dans la rotonde s’était agenouillée sur les pavés de pierre lisse.
La ? mouche s’approcha d’elle doucement, lui retira la jupe des mains et lui dit :
— Qui es-tu, petite fille?
Sans la regarder, Annie se prosterna, les bras levés, comme en un geste d’adoration pour répondre :
— Maîtresse, je suis votre esclave!
*
Avec une surprise évidente, Carole découvrait une partie des liens particuliers qu’entretenaient Mme Isabelle et Annie. Une petite voix lui disait qu’elle aurait mieux fait de quitter les lieux sans délais, mais étrangement, elle ressentait une curiosité malsaine. Une étrange moiteur se mit à sourdre de sa fente. De plus, elle ne voyait guère comment elle pourrait repartir avec cette minijupe empruntée et sans manteau car elle ignorait la localisation du vestiaire. Préférant attendre la suite des événements, elle se contenta de reculer de quelques pas pour embraser toute la scène du regard.
La ? mouche ? n’avait pas accordé la moindre attention à son invitée, du moins en apparence. Elle n’avait d’yeux que pour Annie qui achevait sa vénération probablement partie d’un rite secret. Elle attendit que ce soit complété pour ordonner :
— Déshabilles-toi!
Sans répliquer, Annie entreprit d’abaisser la fermeture-éclair de sa petite robe noire qui lui tomba des épaules, mais fut stoppée par la poitrine et le tablier de servante qu’elle portait toujours. Pour la première fois, Carole remarqua la beauté des seins de la jeune femme qu’elle avait fermes et globuleux, avec des aréoles bien rosées et surmontées de mamelons érigés, sans doute à cause de l’impudeur que l’on exigeait d’elle.
Madame Isabelle s’approcha d’elle et sans ménagement, elle dénoua le cordon du tablier qu’elle retira en disant :
— Tu n’auras pas besoin de ça cet après-midi.
Puis, toujours aussi brutalement, elle abaissa des deux mains les pans de la robe jusqu’à mi-cuisse. Elle en profita pour faire voir à son invitée que la jeune servante ne portait comme sous-vêtement qu’un porte-jarretelles et des bas. Pas de culotte! Malgré l’hiver, il lui fallait travailler cul nu pour satisfaire aux exigences de sa maîtresse.
— Allons, houspilla-t-elle Annie, nous n’avons pas toute la journée! à poil!
Maladroitement, la servante se débarrassa de sa robe sans quitter sa position agenouillée ce qui lui aurait probablement valu une punition additionnelle. Ensuite, elle dégrafa les jarretières, retira un à un les bas en soulevant la jambe, puis ultimement, enleva le porte-jarretelles. Enfin nue, Annie ferma les yeux, écarta les cuisses le plus possible et elle leva les bras au-dessus de la tête.
La ? mouche ? tendit la main droite entre les cuisses et palpa l’entrejambe de la jeune femme. Lorsqu’elle la retira, Carole put voir que les doigts étaient poissés d’un liquide un peu visqueux. Madame Isabelle les lui montra en indiquant, bien inutilement :
— Elle est toute excitée, vous voyez? Elle adore qu’on l’oblige à s’avilir ainsi… évidemment, cette fois, il y aura beaucoup plus qu’une simple humiliation.
— Qu’allez-vous lui faire? S?inquiéta Carole, ses yeux allant rapidement d’une femme à l’autre.
— Votre question est mal posée, chère amie. Il ne s’agit pas de ce que je vais lui faire, mais bien plus de ce que ? nous ? allons lui faire subir…
— Nous, mais je… je ne vois pas ce que… ce que nous…
La ? mouche ? lui décocha un regard chargé d’un intérêt mitigé. Elle reprit :
— Allons, chère amie, si je ne m’abuse, c’est à vous que cette jeune personne a manqué de respect. C’est donc justice que vous participiez à sa punition.
— Mais je vous ai dit qu’elle ne l’avait pas fait exprès, répliqua Carole. à quoi bon lui imposer des sévices?
La ? mouche ? se dirigea vers Carole à pas comptés en prenant un air courroucé. Ses yeux avaient pris une teinte sombre et lorsqu’elle parla, ces mots martelèrent l’atmosphère :
— J’en ai assez de ces balivernes! Annie est ici pour être punie et elle le sera, que cela vous plaise ou non!
— Mais je ne veux pas lui faire de mal, se plaignit encore Carole.
— écoute-moi, toi! fit la ? mouche ? en délaissant volontairement son vouvoiement poli, ou bien tu coopères, ou alors tu subiras un châtiment, toi aussi!
— Moi, mais… protesta Carole, abasourdi par une telle menace.
Sans lui laisser le temps de réagir, Madame Isabelle lui décocha une gifle sonore sur la joue gauche. Eberluée, l’autre ne savait que faire et se passait la main gauche sur la joue devenue rouge autant sous le choc que par la honte.
Madame Isabelle lui écarta la main sans ménagement et renouvela ses coups à deux reprises. Carole se mit à pleurer doucement en croulant au sol.
— Décidément, décréta la ? mouche ? en persifflant, je crois que je me suis trompé sur ton compte, tu n’es pas de ma trempe, tu n’es qu’une lavette!
Avec mépris, elle jeta :
— Allez, déshabilles-toi!
Carole regarda du côté d’Annie comme pour supputer ses chances d’obtenir du secours d’elle, mais elle s’aperçut qu’elle n’avait nullement bougé depuis qu’elle s’était dévêtue. Elle gardait toujours la même pose et on voyait sa mouille couler lentement sur l’intérieur de ses cuisses, commençant même à s’accumuler en une petite mare sous sa chatte. Comprenant qu’elle avait intérêt à filer doux, Carole entreprit de retirer ses vêtements, commençant par sa blouse.
— Garde la jupe de cuir, ordonna la ? mouche ?, c’est plus érotique! Enlève tout le reste!
Versant toujours son lot de larmes en silence, Carole poursuivit son humiliation en retirant son collant, sa culotte, puis son soutien-gorge. Madame Isabelle la prit par le bras, l’aida à se relever, puis elle la poussa vers une chaise de style bistro qui trônait au fond de la rotonde. Sans ménagement, elle la fit asseoir et écarter les jambes. Elle alla quérir un assortiment de cordes dont elle se servit pour ficeler la jeune femme à la chaise. Carole se retrouva immobilisée les mains attachées par derrière au dossier et les chevilles aux pattes avant de la chaise.
Rassurée de ce côté, Madame Isabelle reporta son attention vers la servante qui n’avait toujours pas bougé. Elle lui releva le menton, l’obligeant à la regarder en désignant son invitée et elle dit :
— Regarde, salope! Tu vas ramper jusqu’à ses pieds, dépêches-toi!
Annie s’allongea sur le plancher glacé et elle entreprit une lente reptation en s’efforçant pour bien plaire à sa maîtresse de maintenir autant que possible le contact de la pierre avec ses avant-bras, sa poitrine et ses cuisses. Trouvant néanmoins que ses mouvements manquaient de vigueur, la ? mouche ? alla prendre une cravache dont elle utilisa le bourrelet pour houspiller le fessier de la servante, lui arrachant des petits cris apeurés.
Lorsqu’elle fut parvenue à moins d’un mètre de son but, Madame Isabelle jeta devant elle la jupe plissée de Carole qu’elle reçut sur la tête.
— Allons, fit la maîtresse, nettoies!
Annie voulut se redresser, mais un coup de cravache sur les fesses l’obligea à demeurer à plat ventre. Carole se demanda comment elle allait bien pouvoir s’acquitter de sa tâche de nettoyage car il ne semblait y avoir rien qu’elle pourrait utiliser à cette fin. C’est donc avec une surprise doublée d’une légère excitation qu’elle vit Annie étendre sa jupe sur le sol pour entreprendre le nettoyage à l’aide du seul moyen dont elle disposait, soit la bouche. Ayant circonscrit la tache, Annie mouilla celle-ci de salive, puis lécha longuement le vêtement poissé de potage. Voir ainsi cette jeune femme nue procéder de manière si érotique à la lessive de sa jupe fit naître une sensation étrange dans l’entrejambe de Carole, mais elle s’efforça de n’en rien laisser paraître devant les deux autres femmes. La ? mouche ? devait cependant s’être aperçue de quelque chose car elle s’approcha de sa prisonnière et elle entreprit de lui caresser les seins, par derrière, à la fois pour jouir du spectacle d’Annie et sans rien en cacher à son invitée impuissante. Elle lui écrasait les globes comme si elle voulait lui en extirper tout le lait qu’ils pouvaient contenir.
Carole se mit à tressauter de plaisir et se laissa aller à haleter en murmurant :
— Oh! oui… faites-moi mal, ça m’excite!
N’attendant que cela, Madame Isabelle redoubla de force et elle profita de l’impuissance de sa prisonnière pour lui étirer le bout des seins comme si elle voulait les faire allonger de force. Insouciante de ce qui se passait devant elle, Annie continuait de lécher le vêtement souillé comme si son salut en dépendait. De leur côté, les deux autres femmes ne perdaient rien de sa prestation.
Lorsque la docilité de la jeune servante commença à décliner légèrement, la ? mouche ? abandonna son pétrissage mammaire pour se diriger vers elle et lui relever le menton sans ménagement. Elle la força à ouvrir la bouche et tirer la langue qu’elle trouva épaisse et desséchée. Elle lui fit parcourir à genoux le mètre qui la séparait de la chaise-bistrot, releva la jupe de cuir de Carole et lui enfonça la tête entre les deux jambes en disant :
— Maintenant, tu vas lécher sa brûlure, petite salope!
Annie ne se le fit pas demander deux fois. Elle fit jaillir sa langue d’entre les lèvres et elle entreprit de laper la cuisse encore rougie de Carole. Aussitôt, celle-ci se mit à gémir de plaisir et à tenter de se trémousser. Madame Isabelle reprit ses manipulations à la poitrine, mais avec plus de douceur, cette fois.
— Je vois que ça te plaît, maintenant!
Carole ne put qu’opiner de la tête, sans voix, s’abandonnant aux caresses saphiques de la jeune servante qui déjà délaissait la blessure pour pousser sa tête plus haut, vers la fente humide. Elle l’atteignit bientôt et poursuivit ses dévotions buccales avec une endurance étonnante. Très vite, Carole ne put plus contenir son émotion, ses lèvres s’écartant à l’encontre de sa volonté pour accueillir la douce caresse. Du bout de la langue, Annie entreprit de titiller le clitoris qui quitta son enveloppe et durcit. C’était plus qu’il n’en fallait et le vagin de Carole se mit à dégorger une mouille épaisse; elle jouissait pour la première fois aux mains d’une autre femme.
Quand elle eut récupéré, Carole sentit que ses liens se desserraient; la ? mouche ? allait-elle la libérer? La réponse ne se fit guère attendre car elle dit :
— J’espère que cela te servira de leçon! Ou tu es avec moi ou tu es contre moi, il te faut choisir dès maintenant…
Carole considéra la situation sans répondre. A ses pieds, Annie était toujours agenouillée, soumise; à ses côtés, Madame Isabelle se tenait avec toute la grandeur que chacun connaissait maintenant. Les plaisirs inconnus qui l?avaient submergés n’étaient-ils que la pointe de l’iceberg?
— Que devrai-je faire? demanda-t-elle.
— Tout ce que je t’ordonnerai, tu seras, selon ma volonté et mon humeur, ou dominatrice ou soumise.
— J’accepte! fit-elle sans trop savoir dans quelle aventure elle allait s’engager.
Madame Isabelle termina de défaire ses liens, puis l’aida à se lever de la chaise où elle fit asseoir la servante dans la même position que la première infortunée. Tendant les cordes à Carole, elle lui fit signe de l’entraver :
— Voyons comment tu te débrouilles…
Malgré des gestes mal assurés, Carole attacha les chevilles d’Annie aux pattes de la chaise, puis lui lia les mains derrière le dossier, mais contrairement à la ? mouche ?, sans utiliser les circonvolutions du bois pour l’immobiliser complètement. Cependant, la servante ne semblait nullement désireuse de tenter de se libérer, n’ignorant sans doute pas que toute velléité de rébellion se retournerait contre elle. Son ligotage complété, Carole s’aperçut qu’il lui restait un bon mètre de corde dont elle ne voyait guère l’utilité.
— Pas trop mal pour une débutante, déclara Madame Isabelle.
Ignorant quoi faire d’autre, Carole étreignait toujours le bout de corde inutile.
— Attaches-lui les seins avec ce qui reste! Ordonna la maîtresse.
— Lui attacher les seins? fit Carole sans comprendre.
La ? mouche ? soupira, puis laissa échapper un petit rire avant d’ajouter :
— Tu as beaucoup de choses à apprendre. Je vois que tu n’as pas dû passer beaucoup de temps à parcourir les groupes de news sur Internet…
Carole fit non de la tête, se rappelant vaguement son effroi lorsqu’elle avait par hasard abouti sur un site pornographique agrémenté de corps de femmes dénudés et ficelées, surtout des asiatiques au visage torturé. Mais nulle part elle n’avait aperçu de femmes aux seins attachés.
S’emparant du bout de corde, Madame Isabelle se posta derrière la chaise pour lui faire une démonstration. Tout d’abord, elle serra les liens au maximum ce qui lui permit d’ajouter quelques centimètres à ce qu’elle avait sous la main. Annie poussa une légère plainte en percevant son immobilisation plus complète.
Utilisant les deux mains, la ? mouche ? fit glisser le cordage autour des épaules de la jeune femme, puis le laissa couler vers le buste. Des deux mains, elle étira le lien qu’elle fit passer, de par et d’autre, sous les seins, puis les ramena vers le haut entre les deux globes, puis de nouveau, autour de ceux-ci et ainsi de suite. Elle fit plusieurs tours avant de compléter son ouvrage en nouant les deux extrémités du cordage pour en assurer la stabilité.
Avec stupéfaction, Carole avait vu les seins de la jeune femme se gonfler sous l’afflux de sang et prendre une teinte de plus en plus rosée.
— C’est joli, n’est-ce pas? interrogea la ? mouche ?.
Son invitée ne savait que dire. Elle n’arrivait pas à détacher son regard des seins d’Annie qui, de plus en plus, prenaient l’apparence de ballons bien gonflés. L’air crispé de la servante la renseignait assez sur la douleur qu’elle devait éprouver, mais qu’il lui fallait supporter en silence.
Madame Isabelle passa devant et effleura des doigts la poitrine ligotée, ce qui arracha à sa propriétaire un sursaut.
— Viens toucher! ordonna-t-elle à son invitée.
À petits pas, Carole s’approcha et tendit la main droite, retardant le plus possible le moment où ses doigts viendraient en contact avec les globes de chair. Finalement, elle s’enhardit et toucha le sein gauche. La servante sursauta encore une fois. Sa peau était moite, chaude et très dure à cause de la constriction. Carole n’avait jamais rien ressenti d’aussi étrange.
Coupant court, la maîtresse alla chercher sa cravache et quelques autres objets. Quand elle fut de retour, elle montra à son invitée ainsi qu’à la suppliciée deux épingles à linge en bois. Annie devait bien connaître la destination de ces accessoires car elle se tortilla dans ses liens en montrant tous les signes de la terreur. Ignorant ces soubresauts, la ? mouche ? se tourna vers son invitée et lui tendit les épingles à linge en ordonnant :
— Tu vas lui mettre ces épingles sur les mamelons!
Carole fut saisi d’un tremblement en s’approchant de la servante; elle ne savait trop comment s’y prendre.
— Il vaut mieux lui stimuler les mamelons avant pour qu’ils soient bien érigés, expliqua la maîtresse. Suces-les lui! Et dépêches-toi car si tu tardes trop, le gonflement des seins sera tel qu’il ne permettra pas aux mamelons de darder…
Faisant diligence, Carole se pencha sur les globes qui devenaient de plus en plus monstrueux et elle entreprit une succion rapide du mamelon gauche qui finit par se dresser d’excitation. Sans attendre, elle ouvrit l’épingle à linge entre le pouce et l’index et la mit en place, laissant les mâchoires de bois se refermer sur l’éminence toute rouge. Rapidement, elle s’attaqua au droit qui lui donna du fil à retordre car, ainsi que lui en avait fait mention Madame Isabelle, la congestion commençait à durcir dangereusement le sein. Elle compléta cependant sa tâche dans le double du temps et Annie se retrouva avec les deux épingles à linge aux mamelons et les globes toujours bien ficelés et de plus en plus rouges.
— Maintenant, décréta Madame Isabelle, nous allons nous amuser un peu pour la punir de sa maladresse… Tires sur les épingles!
Obéissante, Carole s’empara de l’extrémité des épingles à linge et, en alternance, les tira vers elle. Annie tentait de se tendre pour réduire la tension, mais elle n’y parvenait guère et ce, au prix d’efforts exténuants. Durant plusieurs minutes, le petit jeu se poursuivit, Carole prenant de l’assurance et optant pour des gestes moins prévisibles et moins répétitifs, tirant vers le haut, puis vers le bas, réussissant à exaspérer la jeune femme.
Soudain, la maîtresse intervint, jugeant que cela avait suffisamment duré :
— ?a suffit, comme ça!
Trop heureuse d’arrêter cet exercice sadique, Carole cessa et s’éloigna, laissant la place à l’autre femme qui s’approcha, toujours armée de sa cravache.
— Alors, petite salope, fit-elle en s’adressant à sa servante, tu aimes ça?
Trop endolorie pour répondre, Annie roula des yeux effarés. Pour l’obliger à parler, elle prit l’épingle à linge qui ornait le mamelon droit et lui fit faire un mouvement de rotation qui lui arracha un cri.
— Je t’ai posé une question, salope. Allons, réponds!
— Oui… oui… Maîtresse! J’aime ça, je suis votre esclave!
Satisfaite, Madame Isabelle entreprit de chatouiller chaque sein du bout de sa cravache, initiant une sensation trouble dans le corps de la suppliciée.
— Maintenant, il faut te débarrasser de ces breloques!
Pour ce faire, la ? mouche ? allait utiliser la manière forte. D’une main experte, elle leva la cravache et frappa à plusieurs reprises les globes de chair jusqu’à ce que les épingles, touchées, volent dans la rotonde. Les seins d’Annie, marqués de nombreuses lignes sombres, prenaient une couleur encore plus sombre, tournant au violacé.
Jugeant la punition suffisante, Madame Isabelle se hâta de défaire les liens de la jeune femme tout en gardant le bondage des seins pour la fin de la libération. Les globes tuméfiés pendaient lamentablement, marqués par les coups de cravache et les anneaux de cordes. On la fit mettre à genoux et marcher à quatre pattes pour demander pardon à l’invitée qui acquiesça sur un signe de la ? mouche ?.
Annie fut renvoyée à ses tâches ménagères et les deux autres femmes demeurèrent seules dans la rotonde du sous-sol. Carole se sentait étrangement excitée par le spectacle que l’on venait de lui présenter. En un sens, elle commençait à se demander si elle n’aurait pas préféré jouer le rôle de la suppliciée plutôt que de la tortionnaire. Peut-être qu’un autre jour, elle aurait la chance d’explorer cette autre facette de cette sexualité débridée à laquelle elle se voyait confrontée.
La ? mouche ? devait avoir deviné la tournure que prenaient les pensées de Carole. Elle lui dit en utilisant de nouveau son sourire énigmatique :
— Je crois bien que ce n’est qu’un début pour nous deux…
Carole réfléchit rapidement et se jeta dans ses bras où elles échangèrent un baiser brûlant.