Enfin, le train est annoncé en gare. Déjà presque une demi-heure que je piaffe sur ce quai. Je suis habillée légèrement, nu-pieds, jupette évasée, débardeur blanc, string et soutien-gorge en dentelles, chapeau de paille, alors que j’attends impatiemment le train régional qui va traverser la montagne et me ramener chez moi.
Je me demande souvent si j’en veux ou pas à mes parents de m’avoir envoyée dans cet internat à l’autre bout de la région : d’un côté je ne vois pas souvent mon copain et mes amies, de l’autre je suis libre, loin de l’autorité, je me suis fait d’autres connaissances, et ce n’est que plus fort avec mon chéri quand on se retrouve, alors mon cur balance.
Ce qui est sûr, c’est qu’à 19 ans, ces semaines sans le voir m’ont paru des mois, voire des années. Je suis en manque, j’ai très envie de lui. Je sens une moiteur sourdre au creux de mes reins, cela doit faire une semaine que j’ai la culotte qui palpite. J’ai dû me soulager dans la touffeur de mes draps, la nuit dernière, et j’ai hâte d’autres mains sur mon corps, d’une langue étrangère, d’un corps qui m’écrase, et d’une autre sensation que celle de mes doigts qui me pénètrent. Alors en cette surprenante chaleur de mai, je laisse avec plaisir l’air de la montagne me rafraîchir, s’engouffrer sous ma jupe et sous mon haut, caresser mes cuisses et mon ventre, atténuant légèrement mon brûlant désir.
Dans un grincement métallique, le train stoppe finalement sa course folle. J’entre dans le premier wagon qui se présente à moi, choisis un carré, m’affale sur une banquette et jette mon sac de voyage sur celle en face de moi. J’y étends aussi mes jambes après avoir libéré mes pieds. Le signal est clair, il me semble, que je réserve deux places pour moi, voire quatre si les autres passagers ont un tant soit peu de jugeote.
D’ailleurs, je les entends, ils ne tardent pas à me rejoindre. Ils sont un peu bruyants à mon goût, sans doute se connaissent-ils. Le troupeau arrive de derrière moi et me dépasse. Je comprends mieux l’impression de groupe que leur jacassage laisse deviner : ce sont des militaires en permission.
Le dernier individu croise mon regard. Je ne sais pas ce qui me prend, mais je ne baisse pas les yeux. Est-ce l’envie qui me tiraille le ventre ? Un brusque désir de défier quelqu’un ? Ou m’a-t-il prise par surprise ? Peu importe, parfois on ne sait pas expliquer son comportement, on agit juste par instinct. Je le sens ralentir. C’est infime, mais je suis sûre qu’il a hésité. Il a quand même passé son chemin.
La meute s’installe à l’autre bout du wagon. Ça parle fort, ça rit. Ça chuchote tout d’un coup, puis ça rit de plus belle. Le rouge me monte aux joues, je les imagine poussant mon militaire à venir provoquer le destin. Je ne le souhaite pas, j’aime mon copain et lui suis fidèle, et en même temps je crois que j’en ai furieusement envie. Je me sens joueuse, je veux être désirée.
Dans le noir total de nos nuits d’internat, il n’est pas rare que les confidences fusent. Assez pour que je me rende compte que du haut de mes 19 ans, je suis en retard sur mes copines. Certes, j’ai bien eu des relations sexuelles avec mon copain, maté quelques pornos comme tout le monde, mais question expériences, je suis restée bien sage en comparaison de mes voisines de dortoir : plan à 3, avec 2 mecs ou 2 nanas, sodomie, lesbianisme, et d’autres choses encore, me sont inconnus.
Tout ne me tente pas, loin de là, mais ces discussions attisent ma curiosité, développent ma libido et mettent le feu à mon esprit et à mon corps de jeune femme. L’obscurité du dortoir favorise les expérimentations, aussi, alors que ça susurre, glousse et ricane à quelques mètres de moi, je m’en suis autorisée quelques-unes : sentir puis sucer langoureusement mes doigts après m’être pénétrée, et connaître ainsi mon goût de femme, caresser mon anus et même tenter de m’aventurer à l’intérieur.
La sensation est étrange, déplaisante la première fois ; pas vraiment douloureuse, étant moi-même aux commandes, mais pas agréable. Et pourtant, l’envie revient, à la fois mentale et physique. L’attrait de l’inconnu, sans doute, et puis bien sûr la curiosité provoquée par les expériences en apparence positives de mes copines. Mais peut-être est-ce de la vantardise de leur part ? Elles ont l’air d’apprécier la chose alors que les actrices porno semblent souffrir. Je ne sais quoi en penser, mais faire plaisir à mon chéri tout en assouvissant ma curiosité et en satisfaisant cette palpitation sourde qui naît parfois dans mes entrailles me semble de plus en plus une éventualité.
Ces souvenirs de confessions nocturnes m’assaillent et me bouleversent, moi qui suis restée trop longtemps séparée de mon amant. Aussi, avide de m’enflammer, je laisse mes paupières s’alourdir et me créer une petite cabane de fantasmes. A base de beau militaire, tiens, aujourd’hui : une mâchoire carrée, un regard pénétrant, des muscles saillants roulant sous sa peau, moulés par sa chemise, et de l’endurance, oh oui de l’endurance ! Rien qu’à évoquer mentalement ses attributs, je sens l’humidité gagner mon intimité, et mes seins gonfler de désir.
Un craquement de faux cuir me tire de ma rêverie j’entrouvre furtivement les yeux. Mon pas-si-beau-que-ça-militaire vient de se laisser tomber lourdement sur la banquette en face de moi, juste à côté de mon sac de voyage. Dans ma position avachie, je suis presque allongée, il voit sûrement une bonne partie de mes jambes, peut-être même le string que j’ai prévu pour mon copain. Pas de bol, ce n’est pas lui qui est avec moi, mais cet inconnu. Et pourtant je me surprends à espérer qu’il aperçoive plus loin que le simple haut de mes cuisses.
Toujours les yeux fermés, je fais mentalement le tour de ma personne, détaillant ce qui s’offre à son regard gourmand, ce qui met le feu à son cerveau de jeune militaire : mes doigts de pieds en éventail, mes chevilles croisées sur le faux cuir brûlant, mes jambes nues et fraîchement épilées, le fin tissu de ma jupe indécemment relevée -qu’il serait si facile, d’un simple mouvement de main, d’écarter entièrement pour découvrir le plus intime de ma personne-, peut-être une infime parcelle de mon ventre, ou même mon nombril, si mon débardeur ne tombe pas correctement Impossible qu’il manque ma poitrine, épanouie et tentatrice, et sûrement le dessin de la dentelle qui l’étreint, peut-être même l’emplacement et la taille daréoles et des tétons, enflammés par mon désir, le tout probablement facilité par la sueur qui a du coller l’étoffe à ma peau.
Quelle chaleur étouffante, d’ailleurs ! Quelle idée de me mettre côté soleil sur cette banquette ! Je me maudis intérieurement, puis reprends l’inventaire : mon cou, mes épaules dénudées, offertes à sa langue et à ses dents, ma mâchoire, mes lèvres charnues et légèrement entrouvertes, mes pommettes, mes yeux clos, mes oreilles, mes cheveux longs, négligemment attachés et tombants sur mon cou. Sans fausse modestie, je me dis que le tableau a de quoi attiser les convoitises.
J’imagine mon militaire engoncé dans son pantalon de toile kaki, l’érection douloureuse, cherchant une position moins inconfortable mais ne pouvant pas bouger au risque de faire grincer ce satané simili-cuir, les mains moites, le petit ange sur l’épaule droite lui rappelant ses devoirs "tu es un mec bien, on ne force pas les filles", luttant contre le diable ricanant sur l’épaule gauche et lui susurrant "prends-la sauvagement, elle n’attend sûrement que ça, regarde cette position, ce demi-sourire sur ces lèvres délicieuses" !
J’en souris mais ne m’attarde pas sur ses fantasmes, je crois qu’il ne m’attire finalement pas tant que ça, et je préfère m’abandonner aux miens : et s’il osait ? Il viendrait s’asseoir à côté de moi, poser sa main sur ma cuisse, comme par erreur. Il l’effleurerait à peine, faisant quelques doux va-et-vient, déclenchant d’irrépressibles frissons jusque dans mon échine.
Puis s’enhardissant, il remonterait, passerait sous ma jupe, attendrait patiemment que j’écarte imperceptiblement les jambes, déposerait un instant sa paume sur mon string, sentant à travers l’étoffe le moelleux de ma vulve. Enfin, d’un savant et habile mouvement des doigts, il les glisserait sous la dentelle
Pendant ce temps, son autre main s’autoriserait à s’emparer d’un sein. Mes seins sont larges et doux, pas trop gros, non, mais généreux, parfaits pour sa main. De sa paume, il en emprisonnerait un, le comprimerait à travers les couches de tissu. S’il était habile, il trouverait le bout raffermi par ses caresses, le presserait, savourant la rigidité du téton, m’arracherait un gémissement étouffé.
Mince, j’en suis toute inondée cette double sensation de moiteur, sueur et cyprine, me rend brusquement mal à l’aise et interrompt ma rêverie. C’est de mon copain que j’ai envie, pas de ce j’entrouvre les yeux boutonneux malhabile qui me sourit benoîtement, tout en s’épongeant le front. Sa chemise est couverte de traces de sueur et colle à son torse insuffisamment musclé. Non décidément, il ne me plait pas, l’excitation va retomber s’il reste là trop longtemps.
Je renifle et tourne la tête vers le paysage qui défile. La montagne me paraît soudainement passionnante. Je n’ai pas engagé la conversation, même pas souri, même un idiot comprendrait le message. Les minutes qui s’égrènent me semblent des heures, je lutte pour ne pas regarder dans sa direction, mais je surveille par le reflet de la vitre crasseuse qu’il est toujours là, dans l’indécision la plus complète. Il a parfois le regard vissé sur mon anatomie. Ce qui me plaisait tout à l’heure me dégoûte à présent. Qu’il retire ces sales yeux de mes cuisses !
Enfin, il se lève en soupirant. Son retour qu’il espérait triomphant n’est que railleries et ricanements. Les tapes sur l’épaule de félicitations, imaginées quelques minutes auparavant, se transforment en traits d’ironie humiliants, mais je m’en moque, j’en suis débarrassée. Il me faut un bon moment pour chasser cet épisode de mon esprit, et me concentrer sur mon objectif initial : arriver le plus vite possible, retrouver mon copain et mmm
Progressivement des images savoureuses s’impriment dans mon esprit, souvenirs de nos derniers ébats mêlés de fantasmes générés par les confessions de mes camarades d’internat. Je me sens me détendre, je suis bien, malgré l’impatience qui me tiraille. Les minutes passent, dans une sérénité relative, les militaires du fond se sont un peu calmés.
Un grincement métallique à vous glacer les sangs retentit soudainement et emplit le wagon de sa plainte stridente. Instantanément un sentiment de panique étreint chaque passager. Le train nous semble tanguer dangereusement. En réalité, il ralentit seulement. Il finit par s’immobiliser, sous nos regards médusés, au milieu du long pont suspendu qui enjambe la vallée que nous devons traverser pour rejoindre la civilisation.
Stoppés ainsi au-dessus du vide, le moindre bruit, le moindre souffle de vent faisant osciller notre habitacle fait monter notre terreur d’un cran. Un crachotement salvateur se fait enfin entendre, et nous devinons plus qu’autre chose le message du contrôleur : "suite à un problème technique, le train est momentanément immobilisé. Surtout ne descendez pas sur les rails sans en avoir reçu l’ordre d’un membre de l’équipage".
Me voilà bien : cent mètres au-dessus de la terre ferme, prisonnière de mon wagon, en compagnie d’une meute de militaires