Une terrible douleur me fendait le crâne en deux, équivalente à une bouteille de vodka. Force dix sur l’échelle de Soulôt. C’est peu, finalement, une bouteille, mais la vodka n’a jamais été une de mes grandes amies. Les sensations étaient cependant très proches : une diction qui s’écoulait tel un torrent de montagne. Le débit n’était pas tant rapide, mais tout aussi chaotique, bondissant d’un rocher à l’autre ; les mots s’écrasaient de bloc de granit en bloc de granit. Qu’on ne comprenne pas ce que je disais m’énervait, jusqu’à ce que je réalise que c’était à moi-même que je m’adressais.
Depuis quelques minutes je tentais en vain de rassembler mes souvenirs « éparpillés par petits bouts façon puzzle », mais je peinais à sortir de ma torpeur. J’entendais quelqu’un parler. Voix féminine. Ou pas. La voix semblait sortir d’une bande magnétique qui tournait irrégulièrement. J’avais du mal à définir si la voix était féminine car la bande ralentissait, descendant ainsi dans les graves, ou si, au contraire, la voix était masculine et l’accélération la rendait aigüe. Elle montait parfois si haut que j’avais l’impression que Donald Duck s’adressait à moi. Puis il laissait la place à un troll à la bouche pleine de chamallows.
Voilà, je parvenais enfin à ouvrir les yeux de manière cohérente. Quoique cohérente fût un bien grand mot. Au moins, ma vision n’était plus stroboscopique, suite de flashs éveillés entrecoupés de trous noirs.
Assise à côté du lit, une femme rousse feuilletait une revue pour faire passer le temps. Il y était question de voyages et la couverture montrait une photo d’un désert américain avec ses cactus caractéristiques. Constatant mon réveil, elle se pencha vers moi mais parut se déplacer au ralenti. Ma vue était tout aussi perturbée que mon ouïe. Plus elle se penchait, plus sa poitrine prenait de l’ampleur ; je me demandais s’il y aurait une limite. Sa poitrine frôlait le 120 sans pour autant risquer l’explosion. Par contre, pour le bonnet impossible à définir. D’ailleurs, à de niveau-là, on ne pouvait plus parler de bonnets mais plutôt de sombreros ! À l’inverse, son tour de taille, lui, rétrécissait.
─ On dirait une fille dessinée par Maester dans « Fluide Glacial », lançai-je, hilare.
─ Il est en plein délire !
Une infirmière se pencha vers moi. Comment savais-je que c’était une infirmière ? Elle était tout de blanc vêtue : aucune des filles que je côtoyais depuis quelque temps ne s’habillait de la sorte. Ce devait être elle qui parlait avec cette voix à vitesse variable. Oui, je voyais ses lèvres bouger. Ses lèvres quelles lèvres ! Elles étaient pulpeuses, presque énormes. On aurait dit qu’elle voulait m’avaler, tellement sa bouche semblait immense. Elle aussi, plus elle se penchait vers moi, plus sa poitrine grossissait. À croire que je me trouvais dans un film de Russ Meyer !
La femme en blanc tourna la tête vers la rousse. Elle devait lui expliquer quelque chose, mais je ne comprenais toujours rien. Ainsi, elle me présentait son profil, son magnifique nez retroussé, qui se retroussait tant et tant qu’il en devenait corne de rhinocéros.
─ On dirait qu’il fait un trip. Vu la dose de kétamine qu’on lui a administrée, il n’y a rien d’inquiétant, ni d’anormal.
─ Ça peut durer longtemps ?
─ Je dirais qu’il en a probablement pour une heure, minimum. Puis l’effet devrait diminuer peu à peu.
─ Et quel genre de trip donne ce produit ?
─ Il pourrait très bien voir passer un troupeau d’éléphants roses
Ces deux femmes aux mensurations extraordinairement exagérées ne pouvaient entraîner qu’une seule réaction : j’avais la gaule, et pas qu’un peu ! Elle était en proportion avec les seins. Mais pouvais-je finalement me fier à ma vue ?
─ Ce qu’il voit est peut-être rose, mais je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse d’éléphants, lança Alexandra, goguenarde, à l’infirmière en pointant du menton le drap qui commençait à se dresser comme un chapiteau.
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Les cactus de la photo de couverture il semblait y en avoir partout autour de moi. Une odeur envahissante de sable brûlé par le soleil inondait mes narines et embrasait mes poumons. Je marchais le long d’une route de campagne alors que je cherchais un raccourci que peut-être jamais je ne trouverais. La soif commençait à me dévorer. Soudain, un coup de klaxon retentit. Un pick-up rouge customisé façon « Hot Rod Eliminator », comme sorti de nulle part, s’arrêta à mon niveau. Je ne l’avais pas entendu arriver ; pourtant le moteur ronronnait chaudement dans le silence du désert. La conductrice une femme magnifique à la poitrine envahissante me héla. La passagère, dont l’opulence mammaire défiait également la pesanteur, se pencha en avant pour m’observer par-dessus ses lunettes de soleil pas chères. Elles proposèrent de me déposer à la station d’essence suivante où elles se chargeraient d’assouvir toutes mes soifs. Je grimpai dans le véhicule et m’installai à la seule place libre, entre les deux femmes. Il me sembla même que la passagère, afin de m’aider, me poussa d’une main délicatement collée aux fesses.
Aucun doute que la providence avait placé ces deux femmes typiquement américaines sur ma route. La chemise rouge à carreaux de la conductrice, nouée au-dessus de son nombril, emballait une poitrine manquant visiblement de place dans son écrin de dentelle noire. La chemise, dont les manches avaient été sommairement découpées, ne parvenait que partiellement à cacher les taches de rousseur parsemées comme un ciel étoilé sur ses épaules. Et si justement elles venaient des étoiles, ces deux terrestres extras ?
─ Je te sens tout raide laisse-moi vérifier que tu n’es pas un de ces mystérieux envahisseurs, montrant son auriculaire tendu.
Elle étira le bras et colla la paume de sa main sur mon bas-ventre. J’eus droit à un clin d’il suivi d’un sourire lubrique.
─ Eh bien, me voilà rassurée : ce n’est pas ton petit doigt qui se raidit.
Elle ôta sa main de ma braguette. Je n’aurais su dire si j’en étais déçu. Après tout, sa main n’était pas son atout majeur. Les deux mains sur le volant, elle le tapotait du bout des doigts, au rythme carré de ZZ Top sortant de l’autoradio. Elle me regarda d’un air implorant un remerciement pour sa sollicitude, remerciement qui se montrerait forcément agréable pour les deux parties ; enfin, les trois…
La passagère s’était installée de côté, dos à la portière. Ses longs cheveux blonds flottaient dans l’air par la vitre grande ouverte. Elle bombait le torse, et sa poitrine déjà énorme cherchait ainsi à gagner encore quelques lettres de noblesse au classement des bonnets d’Anne. Ses seins grandioses, empoissées de sueur, adhéraient au tissu et le gonflaient comme un spinnaker. La chaleur poisseuse de l’habitacle étant intenable, elle finit par se verser le contenu d’une bouteille sur le torse. Le tee-shirt blanc ne masquait plus grand-chose tant il était devenu transparent. D’où sortait-elle cette bouteille ? Elle aurait pu me laisser me désaltérer : je crevais de soif. N’y tenant plus, je me précipitai sur cette source d’eau et tentai de m’abreuver avant que le précieux liquide ne s’évapore. Je collai mes lèvres sur ses seins, mordis le tissu pour en extraire le fluide vital.
Je venais donc de nommer la passagère ; il ne me restait plus qu’à faire de même avec la conductrice. Quel prénom pourrait convenir à cette bombe anatomique ? Ses seins « obuesques » me suggérèrent Bertha, mais je laissai finalement tomber cette idée trop historique. Jennifer ? Non. Puisque cette superbe rousse me rejoignait dans un casting digne d’un film de Russ Meyer, Vixen serait parfait.
Le paysage, grandiose, défilait. Je me retrouvai au cur des décors des westerns de mon enfance que je regardais les mardis soirs. Je m’attendais à tout instant à voir surgir un Indien sur un cheval galopant aux côtés du véhicule, tant l’illusion était parfaite. D’ailleurs, par la vitre descendue, j’entendais le bruit des sabots d’un cheval au galop. Ou était-ce juste un son qui y ressemblait ?
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Marie confia Roxanne à Ingrid puis, accompagnée de Tom, elle rejoignit l’hôpital. Tout le monde s’était installé à une table de la cafeteria du bâtiment pour cogiter et établir une stratégie afin de retrouver Natasha.
La rencontre entre Valérie et Marie fut quelque peu compliquée, surtout pour Valérie. Une tension palpable s’était installée : Marie ne comprenait pas pourquoi celle qui lui avait succédé dans le cur de Franck la considérait comme une ennemie. Valérie ne supportait pas le retour de Marie qui soulignait son propre échec, comme si elle revenait occuper une place qu’elle-même n’avait plus depuis longtemps, qu’elle n’avait même jamais vraiment réussi à prendre. Marie avait placé si haut la barre en matière d’épanouissement sexuel que Valérie n’était parvenue qu’à se casser les dents dessus, provoquant une violente rupture.
Qu’elles soient toutes les deux les plus anciennes et longues relations de Franck intensifiait d’autant leur rivalité. Outre sa réputation de bombe sexuelle, Marie avait pour elle d’être la demi-sur de Roxanne, lui conférant des liens étroits avec Franck. En contrepartie, Valérie bénéficiait d’une puissance dont personne ne connaissait l’origine ni la réelle étendue, mais elle comptait bien en profiter pour rééquilibrer leur rapport.
Pour l’instant, la situation était grave ; Marie ignora donc les états d’âme de Valérie. La question qui se posait était simple : le groupe devait-il contacter la police pour signaler la disparition de Natasha ?
─ On ne peut pas avoir confiance. Trois flics ont débarqué ici soit pour éliminer Natasha, soit pour l’enlever, sans que l’on sache pour quelle raison, argumenta Kristina.
─ D’un autre côté, sans appui technique, comment faire pour retrouver Natasha ? Nous sommes dans un pays immense dont nous ne connaissons rien, même si Ingrid et Sigrid nous seront d’une aide précieuse, répondit Tom.
─ Vous semblez oublier les étranges capacités de Valérie, rétorqua Alexandra qui rejoignait le groupe.
─ Ah ! Comment va-t-il ? demanda Marie.
─ Il est réveillé
Alexandra laissa sa phrase en suspens et put lire sur les visages, après un bref enthousiasme, quelques soupçons de déception.
─ Il est en plein trip. La kétamine agit comme le LSD. Les quelques phrases qu’il parvient à prononcer démontrent qu’il a des hallucinations. Donc pour l’instant, on n’en tirera rien. Mais il va bien ; pas de souci à se faire, nous devons juste être patients.
─ Être patients ? Mais plus nous attendons, plus les chances de retrouver Natasha diminuent !
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Je contemplais Anne dont les cheveux flottaient dans le vent, telle la crinière d’un mustang en pleine course. Un instant je crus que c’était elle qui imitait le bruit des sabots martelant le sol, mais je vis un majestueux appaloosa galopant sur le côté de la route. Sur son dos, une squaw avait pour seul vêtement une peau d’ours qui se soulevait au rythme de la course du destrier. Le corps de la femme était par endroits recouverts de traits de peintures. Elle avait quelque chose d’étrangement familier, mais pour l’instant je ne parvenais pas à voir son visage, masqué par la tête d’ours qui la coiffait. Le cheval s’éloigna, obliquant le long du flanc de la butte. Arrivé à son sommet, la cavalière marqua une pause, se retourna pour nous saluer puis, reprenant sa course sur l’autre versant, disparut rapidement.
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─ Si on ne peut faire totalement confiance à la police, peut-être devrions-nous demander l’aide de l’ambassade ? suggéra Kristina.
─ Ils botteront certainement en touche, prétextant que cela ne relève pas de leurs compétences. De plus, il n’est pas dit que ce qui intéressait la police locale n’intéressera pas tout autant l’ambassade ? Je suis plutôt sceptique, répliqua Valérie.
─ Il se trouve que j’ai des relations à l’ambassade. En tant que résident étranger, on noue souvent des contacts, lors de réceptions, d’inaugurations, répondit Marie.
─ Ah ! Quel genre de contact ? demanda Alexandra.
─ Eh bien j’ai entretenu pendant quelques mois une relation avec un des membres de la sécurité de l’ambassade.
Alexandra eut un petit sourire. Outre le fait que cela lui confirmait la réputation de Marie, c’était la première véritable bonne nouvelle pour ces débuts de recherche. Valérie, elle, grimaça. Elle était partisane de l’option qui consistait à ne faire confiance à aucun officiel. Ses pouvoirs compenseraient forcément leur manque de moyens. Encore une fois, Valérie pestait intérieurement contre Marie. Elle se dit qu’elle allait donc leur faire voir. Pendant que Marie chercherait à joindre son contact à l’ambassade, elle s’occuperait de découvrir pourquoi, subitement, quelqu’un s’était intéressé à Natasha au point de la kidnapper.
Alexandra était d’accord avec elle sur ce point-ci : comprendre pourquoi on en était arrivé là pourrait être crucial par la suite. Forte de se trouver une alliée, elle se confia sur ses intentions.
─ Je suis persuadée que tout est en relation avec le malaise que Natasha a fait après votre concert. Il faudrait se procurer le résultat des analyses, mais il y a de grandes chances qu’aucune d’entre nous ne parvienne à y comprendre quelque chose. Il faudra trouver quelqu’un ayant des connaissances en médecine.
─ Comment comptes-tu procéder pour trouver le dossier de Natasha ?
─ Maintenant que Franck est réveillé, je vais pouvoir retrouver un peu de puissance. Hélas, tant qu’il est en plein délire, je ne peux pas le faire culpabiliser, et donc ce regain d’énergie sera limité. Si je pouvais pénétrer dans son délire, je pourrais l’amener à
─ Hop-hop-hop ! Je t’arrête tout de suite : il est hors de question que je te laisse manipuler Franck.
─ OK,OK ! Je peux tenter ainsi, temporisa Valérie, soucieuse de ne pas s’aliéner une de ses rares alliées. Mais il faudra que je prenne le contrôle d’une infirmière pour réussir.
Alexandra acquiesça et fit signe à Valérie de la suivre dans la chambre de Franck. Il serait plus discret qu’elle prenne le contrôle de l’infirmière qui veillait sur lui. À cette heure-ci, il n’y avait que peu de passage dans les couloirs de l’hôpital ; Valérie profita d’un coin en retrait pour disparaître : il était souhaitable que l’infirmière ne la voie pas arriver. Le pull-over qui lui servait de robe glissa doucement le long de son corps, découvrant d’abord ses épaules. Alexandra pensa qu’elle se ferait bien un petit plaisir entre rousses, une fois que les choses seraient rentrées dans l’ordre. Elle ramassa les fringues puis se dirigea vers la chambre.
Alexandra eut un sourire en entrant. La vision de l’infirmière penchée sur Franck ne la surprit qu’à moitié. Elle se doutait bien que la blonde finirait par succomber à la tentation, et elle l’avait laissée seule face à l’érection de Franck. L’infirmière fit mine de s’excuser, prétextant qu’elle aurait plus vite fait de se rincer la bouche que de changer les draps après l’éjaculation qui aurait forcément lieu.
─ Ne vous excusez pas : j’aurais fait de même, répondit Alexandra.
« Et cela facilitera bien les choses » pensa-t-elle.
Valérie était dépitée. Ainsi, même en plein trip, les filles succombaient toutes. Pourquoi fallait-il qu’elle ait été la seule à ne pas réussir à satisfaire Franck ? Pourquoi l’avait-il fait venir ici ? Elle pensa un instant qu’elle pourrait en profiter, une fois qu’elle aurait pris possession de l’infirmière, pour se donner l’illusion de faire elle-même une fellation à Franck, mais elle n’avait pas de temps à perdre. Déjà, prendre le contrôle de cette femme qui avait la queue de son ex dans la bouche la perturbait. Elle n’avait jamais ressenti ce trouble, mais elle fut incapable de résister. Elle s’approcha et s’accroupit derrière l’infirmière qui gémit de surprise quand elle sentit une bouche se coller à sa vulve. Elle ne se retourna même pas pour voir qui s’occupait ainsi d’elle.
La langue de Valérie s’immisça entre les lèvres humides de la Norvégienne qui écarta les jambes, laissant un meilleur accès à cette langue qui lui procurait du plaisir. C’était comme une récompense pour avoir cherché à satisfaire les besoins de Franck. Elle ne se posa pas de question, même quand elle eut l’impression que cette langue glissait profondément en elle, même quand elle eut la sensation que cette langue la pénétrait comme un serpent et qu’il n’y avait pas de va-et-vient.
Alexandra écarquilla les yeux ; ce qu’elle avait devant elle était tout simplement incroyable. Elle se pinça pour être sûre qu’elle ne rêvait pas : le corps de Valérie s’était dématérialisé et formait à présent un long tentacule dont elle était incapable de déterminer la matière. Au fur et à mesure qu’il s’introduisait, le ventre de l’infirmière enflait ; sa blouse n’allait pas tarder à se déchirer, cédant à la spectaculaire déformation que Valérie imposait à la femme qui se redressa. Ses yeux avaient changé de couleur, passant à ce vert étrange qui signifiait que Valérie avait pris le contrôle total de l’infirmière. Autant cette vision de ce tentacule se faufilant dans ce ventre qui s’étirait avait excité Alexandra, autant ce regard vert la mettait mal à l’aise.
─ Tu ne vas quand même pas défiler dans les couloirs dans cette tenue, ventre à l’air
Mais déjà le corps de cet étrange binôme devenait transparent. Alexandra haussa les épaules et se tourna vers Franck.
─ Tu vois, Franck, dans des moments comme ça, j’ai envie de me remettre à fumer. Je te raconte ça, mais tu t’en fous ; tu ne m’entends même pas, je suis sûre.
Alexandra pris son sac à dos dans lequel elle trimballait tout son nécessaire, tout ce dont une fille a besoin. Dans ce joyeux foutoir, il y avait une grosse boîte d’allumettes qu’elle gardait pour le jour où elle ne pourrait plus se retenir. Elle attrapa la boîte qu’elle fit tournoyer entre ses doigts comme un rudimentaire hand spinner.
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Le véhicule s’immobilisa et Vixen en descendit. Je n’eus pas le temps de m’intéresser à ce qu’elle faisait qu’Anne s’occupait de dégager mon sexe pour l’emboucher. Quel délice ! Mais si elle persistait à vouloir me soutirer du liquide, j’allais finir sec comme une momie. Je luttais donc afin de ne pas éjaculer ; en tout cas le plus tard possible, même s’il ne faisait aucun doute que cela finirait par arriver. Anne alternait fellation et branlette espagnole. Avec les arguments qu’elle avait, il était difficile de dire non, et elle était aussi douée pour l’une que pour l’autre. Je n’avais plus aucune notion du temps : tout comme mon ouïe et ma vue, il semblait se distordre aléatoirement. Aussi, quand les premiers jets de sperme fusèrent, je ne savais pas si j’avais résisté vaillamment ou si j’avais abdiqué trop rapidement. Anne voulut ensuite me chevaucher.
Elle s’était empalée sur mon serpent à sornettes lorsqu’une femme apparut dans l’encadrement de la vitre. Je pensai tout d’abord que la cavalière indienne avait fait demi-tour, mais cette femme était rousse et n’avait pas de marques peintes sur la peau. Ce ne pouvait être Vixen qui, elle, venait d’entrer dans l’habitacle et avait repris sa place de conductrice. Bizarrement il me semblait avoir déjà vu cette femme aux étranges yeux verts et à la peau striée de cicatrices, mais elle disparut et je ne m’inquiétai plus de sa présence. Anne continuait de s’empaler sur mon sexe, et je ne comprenais pas ce qu’il se passait. Était-ce ma queue qui n’en finissait pas de grossir ou déversais-je des litres de sperme ? Mais le ventre d’Anne enflait à vue d’il. Même dans ce monde surréaliste dans lequel je nageais depuis un moment, elle ne pouvait tout de même pas développer une grossesse instantanée !
Anne recula et se dégagea de mon amarre, mais même une fois ma verge sortie, son ventre resta exagérément distendu. Si mon foutre lui avait empli le ventre, un flot visqueux aurait dû s’en écouler ; or rien, pas une goutte ne s’en échappa. Que pouvait bien contenir ce ventre ? Je me tournai vers Vixen, espérant obtenir quelque explication, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle sourit et m’invita à m’occuper d’elle. Elle était entièrement nue, et une verge se trouvait là où je pensais trouver un vagin : une seule voie était possible. Chouette ! J’allais pouvoir lui démonter la porte arrière.
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Valérie déambulait dans les couloirs de l’hôpital, puisant dans les méandres du cerveau de l’infirmière les informations nécessaires pour trouver ce qu’elle cherchait. Elle passait de bureau en bureau. Dans une pièce désertée, elle tomba sur une blouse qui devait appartenir à une collègue de forte corpulence. Elle l’enfila, ce qui lui permettrait de ne plus dépenser de l’énergie à se rendre invisible. Peu importait qu’on la reconnaisse puisqu’elle se déplaçait dans le corps de l’infirmière. Peut-être son ventre proéminent pouvait tout au plus paraître étrange.
Elle s’installa devant un ordinateur allumé et pianota. Il lui fallait trouver le dossier de Natasha. Trouver les analyses. Elle n’avait aucune chance d’en comprendre les résultats, mais ce n’était pas sa partie : ils finiraient bien par trouver quelqu’un pour déchiffrer tout ce jargon médical. Elle espérait seulement que le dossier ne soit pas planqué ni même protégé par un mot de passe. Avec un peu de chance, la panique qu’elle avait semée dans l’hôpital avait précipité les choses et le responsable de la situation n’avait pas eu le temps de prendre autant de précautions. Ou avait-il tout simplement tout effacé ?
Rien ! Elle ne trouvait rien lorsqu’elle tapait le nom de Natasha. Elle entendit des pas dans le couloir. Si l’infirmière passait forcément inaperçue dans l’établissement, elle n’était peut-être pas autorisée à se promener sur n’importe quel ordinateur. Une seconde porte donnait sur un autre couloir ; Valérie s’éclipsa sans avoir à se rendre invisible. Mode économie d’énergie. Cependant, il lui semblait sentir un léger regain de puissance. Franck l’avait peut-être aperçue lorsqu’elle avait pris possession de l’infirmière, et cela influençait son délire, rétablissant un début de connexion. Si tel était le cas, elle devait en profiter.
Puisqu’elle pouvait lire les pensées, il fallait retrouver celles du policier hospitalisé ici même. Savoir ce qui lui avait été dit. Savoir ce qu’il était venu faire. En espérant qu’il ne soit pas décédé entre-temps. Direction l’accueil. Personne ne se méfierait d’elle, l’infirmière.
Il était aux soins intensifs, forcément. Au moins n’avait-il pas succombé, mais ce serait plus délicat d’y entrer. On ne la laisserait pas pénétrer ; cette infirmière d’emprunt n’était pas habilitée pour ce service. Il fallait donc libérer la jeune femme. Valérie ressortit comme elle était entrée. Le tentacule s’enroba autour d’une des jambes, s’agrippant pour faciliter l’extraction. La jeune femme se sentit dilatée comme jamais. Le long et lent glissement l’amena au bord de l’orgasme. Elle dut s’asseoir pour reprendre son souffle ; elle se sentait littéralement vidée. Et salement frustrée.
─ Retournez donc voir Franck dans sa chambre !
Valérie était écurée de s’entendre dire ces mots, mais elle devait continuer. Le tentacule s’infiltra sous la porte et rampa jusqu’au lit de Dagvard Lund. Tout était calme dans la pièce où seuls des bip-bips réguliers de l’électrocardioscope se faisaient entendre. La pénombre qui y régnait lui faciliterait bien la tâche. Seules les veilleuses diffusaient un peu de lumière et, amassée sous la couche du policier sous cette forme de nappe de brouillard, personne ne la remarquerait. Il restait seulement à espérer que ce qu’elle allait tenter n’aggraverait pas l’état de santé de l’homme étendu juste au-dessus d’elle.
De la masse planquée sous le lit s’extirpa un petit tentacule se déplaçant par reptation jusqu’à la tête du patient. La pointe se dirigeait vers l’oreille mais s’arrêta puis changea de direction. Dagvard Lund était sous perfusion, et le cathéter se trouvait dans son bras droit, quelques centimètres plus bas : cela permettrait à Valérie de se brancher sur son système nerveux de manière moins traumatisante.
À l’instant où elle se connecta, elle sentit le corps de son hôte frissonner. Les doigts se contractaient imperceptiblement et le rythme cardiaque gagna quelques battements par minutes. Sentait-il son esprit se faire envahir ? Comment retrouver le moment où il avait reçu le coup de fil ? Valérie voyait passer des images dans les souvenirs du policier ; cela lui permettait de naviguer plus rapidement, comme on feuillette une revue en cherchant une photo qui illustre l’article brigué.
Elle se vit se redressant sur le lit et provoquant ainsi l’infarctus. Puis il y avait un trou noir. Normal : il n’avait plus ouvert les yeux. Par contre il y avait des sons. Il fallait donc qu’elle remonte avant ce moment fatidique. Elle revit l’arrivée des trois policiers dans l’hôpital, Dagvard Lund s’approchant d’un médecin qui semblait l’attendre à l’accueil. Elle put ainsi mettre un visage sur celui qui avait probablement enlevé Natasha. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était déjà une information.
Le policier s’agita un peu plus ; de frissons, il était passé à tremblements. Le rythme cardiaque avait augmenté sensiblement. Rien d’affolant en soi : le pouls était passé progressivement de 80 à un peu plus de 90. Valérie remonta encore un peu dans le temps. Le trajet qui avait amené les trois hommes à l’hôpital s’était étrangement fait dans le silence. Elle pensait qu’ils auraient discuté de leur mission ou échangé sur la méthode à suivre. Par contre, ils avaient roulé à tombeau ouvert. Valérie avait hâte de découvrir la raison derrière tout ce branle-bas de combat. Le rythme cardiaque du malade frôla les 100. Une infirmière alertée par la hausse du pouls vint faire une petite inspection. Elle appela le médecin de garde et signala l’anomalie.
─ Le patient tachycarde. Il a eu plusieurs extrasystoles depuis une dizaine de minutes. Je suis inquiète car elles deviennent polymorphes et en salve.
─ J’arrive. Il risque de passer en fibrillation ventriculaire ; préparez le défibrillateur. Avec un peu de chance on pourra s’en passer, mais mieux vaut être prêt à intervenir.
Valérie cherchait, toujours en vain, le moment où Dagvard Lund recevait le coup de fil. Pourquoi ne trouvait-elle pas ? Elle enrageait d’être si proche de la solution et de buter sur l’ultime obstacle. Plus elle s’énervait, plus le pouls du policier accélérait : il passa au-dessus de 100 et continuait de grimper.
À l’instant où le médecin arriva, le pouls atteignit 120, monta rapidement à 136, et subitement l’affichage de l’appareil changea de couleur. Le nombre vert disparut, remplacé par un point d’interrogation rouge, le tout sur une belle embardée de sons disgracieux et aigus. Une fraction de seconde, le médecin se dit qu’on devrait mettre « La chevauchée de Walkyries » en guise d’alarme : ce serait tout aussi efficace, et plus agréable aux oreilles.
« Attendez encore quelques secondes, j’y suis presque » pensa Valérie pour elle-même en entendant le personnel médical s’affairer autour du patient.
─ Le patient présente une fibrillation ventriculaire ; êtes-vous prête ?
Valérie reçut une décharge électrique qui l’expulsa du corps de Dagvard Lund. Elle ne se maîtrisait plus et luttait pour ne pas reprendre sa forme initiale : elle devait quitter la pièce auparavant, si possible sans se faire repérer. Elle n’était encore qu’une nappe de brouillard se traînant sur le sol dans un mouvement désordonné.
─ Merde ! Regardez, Docteur !
─ Qu’est-ce que c’est que ce cette chose ?
La masse se contorsionnait, luttant pour ne pas reprendre forme humaine immédiatement, tenta de se glisser sous la porte mais Valérie ne se contrôlait plus suffisamment pour y parvenir. Elle heurta la porte dont les deux battants s’écartèrent sous le choc, et dans le couloir la nappe fumeuse se contorsionnait, laissant parfois apparaître une main grisâtre crispée, un visage sommaire
Un instant, le médecin eut envie de poursuivre cette chose et tenter de comprendre, mais la vie de son patient était plus importante que sa curiosité. Heureusement, le pouls descendait régulièrement, revenant à un niveau acceptable. Il se stabilisa autour de 115.
─ On dirait que l’anomalie venait de cette forme, je ne sais comment appeler ça.
─ Il va falloir signaler cela.
─ Personne ne nous croira. Imaginez, si nous racontions ce que nous avons vu à d’autres médecins, des scientifiques, ils nous prendraient pour des fous. Et je suis sûr que des policiers ne nous prendraient pas plus au sérieux. Motus et bouche cousue en attendant. On verra si le phénomène se renouvelle.