CHAPITRE 9 – DÉLIVRÉE !
Cinq heures du matin au radio réveil de la table de nuit. Laure dort profondément à mes cotés. J’entame ma dernière journée dans cette maison, si j’ai bien compris le sens du message de Denis. Je ne la regretterai pas même si tout n’a pas été négatif, les séances de nettoyage avec Simon en particulier (ça faudra que je le refasse !) et les câlins de Laure. Que va-t-elle devenir après mon départ ? Sûrement le souffre-douleur de la famille. Dame ! Ils n’auront plus qu’elle à martyriser ! Au fait, pourquoi je ne dors pas à cette heure matinale ? Qu’est-ce qui m’a réveillée ? J’écoute… Silence… Non pas tout à fait. Je distingue des bruits confus, on dirait des pas, des sortes de gémissements. Que se passe-t-il ?
La porte s’entrouvre. Je n’ose me manifester, partagée entre la crainte et l’espoir. Une ombre s’encadre. Elle se retourne vers le couloir.
— Je crois que nous l’avons trouvée, monsieur.
Une autre ombre la rejoint qui scrute la pièce sombre.
— Sylvie ?
— Denis ?
— Chut ! Personne ne doit savoir que je suis dans cette maison.
Il est là ! Denis est venu me chercher, fidèle à sa promesse ! Je me lève d’un bond, oubliant ma nudité et me jette dans ses bras. Au lieu de sa joue, mes lèvres rencontrent un tissu rugueux, il porte une cagoule ! Je regarde mieux le premier homme, lui aussi a les traits cachés. C’est un vrai commando qu’il a mis sur pied pour me délivrer !
— Tst ! Tst ! Tst ! Un peu de tenue, madame ! Nous ne sommes pas seuls.
Que sa paume est douce sur mes reins !
— Ma chérie, murmure-t-il à mon oreille, tant que nous ne sommes pas sortis, adresse-toi à moi comme à un étranger.
— Compris !
— Habillez-vous madame, nous partons, reprend-il à voix haute.
J’empoigne la robe grise et l’enfile par la tête.
— Vous voulez sortir comme ça madame ?
— Bien obligé, mes vêtements sont sous clé.
— Qu’à cela ne tienne, nous allons les récupérer.
— Ainsi que mes papiers d’identité ?
— Pas de problème madame. Venez au salon, on nous attend.
Je me dirige vers la porte. Laure qui est restée silencieuse jusqu’alors, se manifeste.
— Dis, Sylvie ? Tu t’en vas ?
— Oui, tu vois, on est venu me chercher.
— Tu me laisses seule ? Emmène-moi ! Moi aussi je veux fuir cette maison… S’il vous plait !
Je regarde mon père et son collègue et précise devant leur hésitation :
— Madame est majeure, si elle veut nous suivre, rien ne s’y oppose.
— Bon ! Qu’elle vienne, concède le premier homme sur un signe de tête de Denis.
Laure se redresse d’un bond, puis recouvre sa poitrine du drap.
— Dépêche-toi, lui dis-je… Allez ! Vite ! Ne fais pas de chichi, on n’a pas le temps.
Elle consent à se lever. Sa silhouette est faiblement éclairée par la lumière en provenance du couloir. Je devine les sourires de Denis et de son complice devant le spectacle du corps gracile et du ventre lisse, vite voilés par la robe grise.
Toute la maisonnée est rassemblée au salon, Jacques, Julien, Suzanne, Joseph et les deux domestiques. Assis sur le canapé et des chaises, ils ont les mains liées dans le dos. Deux hommes cagoulés les surveillent.
— Ah ! Vous voilà ! s’écrie l’un d’eux. Vous partez ?
— Pas avant d’avoir récupéré les affaires de ces deux gentes damoiselles, déclare celui qui a accompagné Denis et qui semble être le chef de groupe. Ces messieurs-dames ici présents vont se faire un plaisir de nous indiquer où les trouver.
— Cherchez-vous même ! crâne Joseph.
— Vous savez, nous avons les moyens de délier les langues, menace le cagoulé qui s’approche de Joseph et lui tord le nez.
— Aïe !… Allez vous faire… Aooouuh !… C’est… Aïe !… dans la chambre de Père.
— Oui, renchérit celui-ci. Nous les avons rangés dans la grande armoire du fond. La clé est sur un trousseau que vous trouverez dans une petite boite en porcelaine sur la table de nuit de gauche. S’il vous plait, ne mettez pas de désordre.
— Les papiers de ces dames sont avec ?
— Oui, dans un tiroir de l’armoire. La clé est sur le même trousseau.
— Bon, dit le chef, mesdames, suivez-moi, et vous autres surveillez-les bien.
Au moment de passer la porte, j’entends Suzanne râler :
— Pourquoi leur faciliter la tâche ?
— Ils auraient trouvé de toute façon. Inutile qu’ils mettent la maison sens dessus dessous, réplique Julien.
Nous découvrons nos vêtements bien rangés. Laure se précipite et les embrasse.
— Mon Dieu ! s’écrie-t-elle, je croyais jamais les revoir.
— Habillez-vous… Oui, oui je me tourne, dit notre guide en se plaçant près de la porte d’entrée.
Je ne mettrai pas ma main au feu qu’il ne profite pas de l’occasion pour nous reluquer. Grand bien lui fasse ! Petite récompense pour notre délivrance, ce n’est pas cher payé. Je jette la robe grise et en tenue d’Eve, je choisis mes dessous, un t-shirt, un pantalon jeans et des ballerines. J’enferme le reste de mes vêtements dans le sac de voyage que je découvre au fond de l’armoire. Je me tourne brusquement vers notre guide et le surprends en pleine observation. D’un doigt sur les lèvres je le rassure et commence à m’habiller. Laure a terminé avant moi. Comme annoncé, nous trouvons dans le tiroir nos papiers d’identité, mon passeport, mon permis de conduire, cartes bancaires etc. au milieu d’autres documents que nous laissons en place.
— Voilà monsieur, nous sommes prêtes.
— Rejoignons, les autres, s’il vous plait… Vous êtes très belle, vous savez, me glisse-t-il en aparté.
— Merci du compliment.
Nous retrouvons le salon tel que nous l’avons quitté. Notre guide prend Denis à part. Leur discussion semble concerner Joseph.
— Merci, merci, dit Denis, vos renseignements me seront fort utiles.
Puis, le chef du groupe s’adresse à nous.
— N’y a-t-il rien que vous voudriez faire avant de prendre congé de ces messieurs-dames ?
— No… Ah ! Si ! Une petite minute s’il vous plait.
Je fonce dans la salle aux supplices et m’empare de la cravache. J’allais oublier ma promesse de la lui faire goûter !
— Oh ! Oui ! s’exclame Laure en voyant ce que je ramène.
Je me retourne vers les cagoulés.
— Vous pouvez demander à madame d’exposer ses fesses ?
— Oh oui ! Oh oui ! renchérit ma belle-sour ravie de prendre sa revanche.
Deux hommes font agenouiller Suzanne sur le canapé et soulèvent la robe grise. Elle est nue dessous comme je le pensais. Ils maintiennent le tissu levé. Laure se précipite et lie les cordons comme on nous l’a fait tant de fois. Je m’approche, j’assure ma prise sur la cravache. Tous les regards de l’assistance sont rivés sur moi et sur le somptueux fessier découvert. Je lève le bras… pour le rabaisser sans frapper.
— Non, je peux pas !
J’entends le soupir de soulagement de Denis encore plus fort que celui de Suzanne. Il m’approuve de ne pas me venger. Laure n’a pas ces scrupules. Elle m’arrache la cravache et cingle trois violents coups sur les fesses de sa tortionnaire.
— Aouh !… Aoouh !… Aooouh ! crie Suzanne plus furieuse qu’endolorie.
Je bloque le poignet de ma belle-sour qui allait continuer la correction.
— Ça suffit, Laure ! Ne te rabaisse pas à leur niveau, ce serait dégradant. Viens, on n’a plus rien à faire dans cette maison.
— Tu… Vous avez raison mesdames, nous dit Denis, votre départ est une punition suffisante.
— Que faisons-nous d’eux ? demande le chef de groupe en aparté.
Denis m’interroge du regard.
— Ce que vous voulez. Si ces deux là vous créent des difficultés, dis-je à voix basse en désignant Joseph et Jules, n’hésitez pas. Pour les autres hommes, ne leur faites pas trop mal.
— Et la femme ?
— Oh ! La femme ! Je me fous de ce qui peut lui arriver !
Le chef de groupe regarde sa montre.
— Il est sept heures. Nous quitterons ces braves gens vers neuf heures. D’ici là, je sens qu’on va bien s’amuser. N’est-ce pas madame ? ajoute-t-il en flattant les fesses de Suzanne qui n’a pas bougé.
Je prends mon sac et me dirige vers la porte.
— Sylvie ! supplie Jacques dans mon dos.
Je m’arrête sur le seuil. Non, tu m’as fais trop mal en me laissant à la merci de ta famille. Je ne me retourne pas et sors du salon sans lui jeter un regard.
Denis m’attend dans le vestibule. Il me tend des clés de voiture.
— Il y a une Mégane bleue de location devant la porte. Prends-la. Sois à 17 heures au comptoir d’embarquement Air France à Orly. Un billet… non, deux billets, car je devine que madame nous suivra à Nice, n’est-ce pas ?
— Elle s’appelle Laure, dis-je en hochant affirmativement la tête.
— Bon, deux billets vous y attendront à ton nom de jeune fille. Vous me verrez à l’arrivée à Nice, je ferai celui qui vient vous accueillir.
— Dis Denis, Est-ce qu’il ne serait pas prudent que je passe d’abord à la banque ? Mon beau-père y a ouvert un compte à mon nom sur lequel il a procuration, il en est de même pour Laure. J’aimerai régler ce problème avant mon départ.
— Tu as raison. Si jamais le directeur te faisait des difficultés, car ta belle-famille est puissante dans la ville, contacte le directeur de la Banque de France du Mans, monsieur X… Dis-lui que tu téléphones de ma part, c’est une bonne connaissance. Comme l’agence n’ouvre qu’à huit heures et demie, vous avez le temps de prendre un petit déjeuner. Voilà de quoi vous payer quelques faux frais, ajoute-t-il en me glissant une liasse de billet dans la poche. Au revoir ma chérie, à ce soir à Nice. Au revoir Mad… Laure, nous ferons plus ample connaissance dans les prochains jours. Ne me suivez pas.
J’attends une minute avant de sortir à notre tour. La voiture est là qui répond à ma commande à distance. Je place les sacs dans le coffre et m’installe au volant.
— Tu sais conduire ? demande Laure.
— Oui, et toi ?
— Non, j’ai pas le permis.
— C’est pas grave, je suis capable de nous emmener à Orly !
Nous nous payons un petit déjeuner copieux dans un café de la place principale. Croissants, tartines beurre et confiture, yaourt, fruits, deux tasses de café au lait, le grand luxe quoi ! Certaines personnes croient nous reconnaître et sont tout étonnées de nous voir sans chaperon à cette heure matinale. Laure a peur, je la rassure, il ne nous arrivera rien. A huit heures et demie sonnantes nous entrons dans la banque.
Nous sommes les premières clientes et exigeons de rencontrer le directeur. Celui-ci, comme le prévoyait Denis, fait des difficultés pour nous communiquer nos comptes.
— Je ne peux rien faire en dehors de la présence de monsieur Gouraud.
— Mais, monsieur Gouraud n’a rien à dire puisque les comptes sont à notre nom.
— Mais c’est lui qui…
— Oui, je sais, vous ne nous avez jamais vues avant aujourd’hui. Ces cartes d’identité prouvent que nous sommes celles que nous prétendons être, et j’aimerais savoir ce que pense la Banque de France de comptes ouverts en l’absence du titulaire ? Je peux téléphoner à Monsieur X… au Mans si vous voulez.
— Euh… Ce ne sera pas nécessaire madame.
Le reste fut facile. Si je suis surprise de la somme rondelette inscrite sur mon compte, la petite fortune amassée sur celui de Laure m’épate. Sûrement des fonds secrets de la société. Toutes les procurations sont annulées. Mon beau-père sera obligé de nous contacter s’il veut revoir la couleur de son argent. A neuf heures et demi nous prenons la route Laure et moi, sans nouvelle de la famille Gouraud.