« Sur internet, tout le monde peut se créer la vie quil veut »
Erika avait trouvé cette formule pour clôturer un énième débat qui dégénérait ; largument avait la force de lévidence, il sonnait comme un slogan.
Elle était administrateur de Xstory, et elle traitait par conséquent les débordements inhérents à un site de cul. Ce nétait pas toujours facile, vu les fortes personnalités quelle avait à gérer, pourtant elle sen acquittait avec fermeté mais avec tact, car elle tenait à ménager les susceptibilités.
Les membres les plus retors lui donnaient du fil à retordre, car ils attendaient la nuit et surtout le week-end pour donner libre cours à leur fiel, quand ils ne sétripaient pas ouvertement entre eux. Elle les mettait devant leurs responsabilité quand elle constatait les dégâts, et distribuait les cartons jaunes, et plus rarement rouges selon leurs méfaits
Ce matin là, Erika se leva et senferma dans la salle de bain.
Elle se regarda dans la glace en se brossant les dents, eut une moue désabusée devant son reflet. Elle était jolie, ce nétait pas la question, mais elle navait rien à voir avec son avatar, elle en était même lexact opposé ; elle était désarmante de naturel dans la vie réelle, alors que sa photo la présentait comme une vamp sophistiquée.
Elle était bien placée pour savoir que nimporte qui a la possibilité de devenir un autre sur internet !
Elle retourna dans sa chambre, découvrit que son compagnon était réveillé et quil était assis dans le lit, le dos calé contre loreiller. Sans prendre la peine de la saluer il abaissa lentement le drap, lui montra sur sa grosse érection matinale dans une invite tacite.
— Je nai pas le temps, mon chéri, je suis très en retard, le rabroua-t-elle gentiment en enfilant sa robe.
— Allez quoi, sois mignonne, regarde comme jen ai envie, la tenta-t-il en exhibant fièrement sa queue raide.
Résignée, Erika sapprocha du lit, lui fit les gros yeux, sagenouilla
Quand ce fut fini, elle se précipita dans la salle de bain pour recracher le sperme dont sa bouche était pleine.
— Tes vraiment une championne… tu mérites la médaille dor de la pipe, la flatta-t-il pour lui témoigner sa reconnaissance.
— Je te signale que cest MON anniversaire aujourdhui, pas le TIEN Cest TOI qui aurais dû me faire plaisir ce matin, pas MOI, rouspéta-t-elle en laçant ses sandales.
Avant de rencontrer le père de son fils et de se caser avec lui, les hommes quelle fréquentait simaginaient tous – après quelle leur eut révélé le travail quelle faisait – quavec le catalogue de perversités quelle avait sous les yeux toute la journée, elle devait en connaître un rayon sur le sujet. Elle ne leur avouait pas quelle ne lisait presque jamais les récits, que les fantasmes des autres navaient aucune prise sur sa libido. Elle était une affaire au pieu, un très bon coup même, mais seulement parce quelle aimait le sexe, quelle adorait donner du plaisir à ses amants ; elle navait pas besoin davoir recours à des scénarios tordus pour être excitée.
— Je me rattraperai ce soir, ma Sissi fais moi confiance, lui promit-il en sortant du lit.
Il est temps de dissiper un malentendu : dans la vraie vie, Erika ne sappelle pas Erika, elle sappelle Simone !
Mais comme Simone nest pas un prénom particulièrement glamour, son patron, lorsquelle avait rejoint les rangs de Xstory, lavait baptisée Erika, et Erika était son nom de code désormais
Elle arriva en retard au boulot, sinstalla dans son box, alluma son ordinateur afin den découdre avec tous les pervers qui sortaient des clous, ainsi quavec les vicieux qui profitaient de son absence pour se lâcher ; certains poussaient même la bassesse jusquà éditer leurs forfaits avant quelle nen prenne connaissance !
Ce matin, pour une raison quelle ne comprenait pas, Mr Xstory lui tournait autour. Il la complimenta sur sa bonne mine elle revenait de vacances – fit des commentaires élogieux sur sa jolie robe estivale sans manches, lui souhaita son anniversaire une bonne dizaine de fois.
« Mais quest-ce quils ont tous aujourdhui ? » se demandait Erika, perplexe.
Quand elle se rendit aux toilettes et quil la suivit comme un petit chien, elle neut plus aucun doute : son patron, si discret habituellement, lui faisait ouvertement du rentre dedans.
— Quest-ce qui te prend, Maurice, as-tu perdu la tête ?
(Maurice nest pas non plus un prénom sexy, nest-ce pas ? Cétait pourtant le prénom de son patron !)
— Je viens de lire un récit qui ma fait penser à toi et il était si bien écrit, si excitant que je ne te vois plus de la même façon
— Mais enfin, ça veut juste dire que lauteur est bon, il ny a pas de quoi en faire toute une histoire ce ne sont que des fantasmes, et tu le sais !
— Je sais, je suis désolé, mais cest plus fort que moi jai envie de toi, maintenant
— Voyons Maurice, nous vivons dans la réalité toi et moi Je suis en couple, bon sang et toi aussi dailleurs ! Tu veux tout gâcher parce quune histoire ta émoustillé ? Tu nes pas raisonnable, mon pauvre Momo
— Allez Erika sil te plait !
— Allo cest moi, cest Simone ! Erika nexiste pas, tu las inventée et tu ne mappelles jamais comme ça ! Quest-ce qui tarrive ?
— Justement, je voudrais que tu sois Erika pour moi ma création rien quune fois
Elle était à bout de nerf, sur le point de fondre en larmes, mais, dun autre côté, le désir insensé quelle inspirait à son patron la troublait. Elle navait jamais envisagé ladultère comme une possibilité la concernant, mais un petit écart de conduite, ni vu ni connu pourquoi pas, après tout ?
— Allez viens, Maurice, tu es vraiment impossible, tu sais ça ?
Elle lentraina dans les toilettes, ferma le verrou. Elle se mit à genoux, lui dégrafa la braguette, fit sortir le sexe du pantalon et laspira tout entier, jusquà la butée des couilles. Il était moins gros, mais aussi dur que celui de son chéri, et il sentait plus fort. Elle le suça voracement un moment puis se releva, fit passer sa robe par dessus la tête, abaissa sa culotte.
— Jespère pour toi que tu as une capote sinon tu ne me baises pas !
Par chance, il en avait une dans la poche pourquoi un homme marié avait-il un préservatif sur lui ? et il sen couvrit le sexe fébrilement. Il la prit debout, contre la porte, la pilonna en soufflant comme un buf, et il éjacula presque tout de suite en sanglotant de soulagement.
— Ça va mieux, tu es calmé, tu as pris ton pied ? Dis-toi bien que cétait la première et la dernière fois, le prévint Erika qui navait même pas joui.
— Oh Simone, si tu savais Jen avais tellement envie Merci pour ce merveilleux cadeau !
— Tu vois, Momo, cest ça le problème Cest mon putain danniversaire aujourdhui, et il ny a que moi qui distribue les cadeaux depuis ce matin Cest le monde à lenvers, merde !
— Javais dans lidée de taugmenter a la rentrée, balbutia-t-il, piteux, à bout dargument.
Elle se rhabilla, mit de lordre dans ses cheveux, et retourna à son poste de travail à toute vitesse
Le staff dXstory partageait ses locaux avec les employés des autres noms de domaine que possédait Maurice.
Ils formaient une sorte de famille hétéroclite pas des geeks, mais tout comme pour certains – qui avait appris à composer ensemble comme le font toutes les familles. Erika était une chic fille, appréciée de tous, aussi avaient-ils décidé de lui faire une surprise en fin de journée. Ils burent du champagne tiède dans des gobelets, grignotèrent du bout des lèvres un gâteau bourratif qui faisait honte à la pâtisserie. Elle se fit draguer par Emmanuelle, la fille discrète du service technique, qui avait forcé sur le mousseux et révélait sa nature.
« Il doit y avoir quelque chose de spéciale dans latmosphère cest pas possible autrement, cest la seule explication ! », se lamentait Erika, médusée, en pensant au déroulé de sa journée.
Plus tard, elle rentra retrouver son homme, pour une soirée en tête à tête prévue de longue date. Elle avait honte elle avait été infidèle, et ça la rendait malade – mais elle ne savait pas dire non aux gens quelle aimait, et son patron était lun des rares élus.
« Mais il voulait juste tirer son coup, bon sang ! Cétait un plan cul pour lui, cétait glauque, jaurais dû refuser ! »
Elle se fit la promesse que ça ne se reproduirait jamais
Son amoureux lui avait préparé un repas de gala il était fin cuisinier et il avait acheté deux bouteilles de vin millésimé, il sétait ruiné ; il savait quelle adorait le Bourgogne.
Ils dinèrent, parlèrent, rigolèrent en senivrant ; elle ne lavait pas choisi par hasard, il était le seul avec lequel elle redevenait elle-même.
Ils allèrent se coucher et, comme il le lui avait promis, il la saccagea toute la nuit, la fit crier jusquau petit matin.
Elle se réveilla avec la gueule de bois.
Elle enfila un vieux débardeur, mit sa culotte avant daller préparer son fils qui était dores et déjà en retard pour lécole.
Le garçonnet jouait sur le tapis avec ses petites voitures, et il laccueillit en sagitant, impatient quelle soccupe enfin de lui.
Elle lhabilla, lassura quil était le plus merveilleux des petits garçons au monde, et il se laissa faire, en babillant inlassablement.
« Dire que dans quelques années, il aura peut-être envie de me baiser, lui aussi ! »
Elle regarda son fils les yeux écarquillés, épouvantée par lidée qui venait de lui traverser lesprit.
Maurice avait intérêt à laugmenter rapidement sil voulait quelle reste ; son travail, les frasques et les fantasmes auxquels elle était confrontée tous les jours lui montaient sérieusement à la tête, et ils étaient sur le point davoir raison de sa santé mentale !