43 – Le « pot de l’ouverture » et ses suites.
J’ai conservé de ce « pot de l’ouverture » un souvenir ébloui.
Il y avait tous mes amis, Nadine et Charles, mon filleul et son frère, Rarrain et sa femme, qui discutaient sans arrêt avec la mère de Marc et, bien entendu, mon Marc dont je ne me serais passée pour rien au monde ce jour-là.
Il y avait aussi toutes mes première clientes, certaines étant venues avec leur mari (ou leur amant, je ne sais pas exactement et à vrai dire peu m’importait). Parmi elles, il y avait bien entendu Sophie, qui est venue, pour l’occasion avec son mari et non pas avec l’un de ses amants comme je l’avais craint au départ, parce qu’il aurait alors suffi que l’une des femmes de l’assistance soit justement celle de l’amant pour que ma petite réception sans prétention tourne au pugilat. Ce ne fut heureusement pas le cas et tout s’est bien passé.
Comme il me l’avait promis, le journaliste est venu et a pris quelques photos, puis il s’est éclipsé discrètement après m’avoir souhaité une bonne chance avec mon magasin.
Une bonne heure après, mes invités se sont tous dispersés après m’avoir dit au-revoir. Ne restaient plus dans la salle de réception que Rarrain et sa femme, Nadine, Charles et leurs enfants, Marc et sa mère ainsi que moi, bien entendu.
Je me suis dit que le « moment de vérité » entre Rarrain et sa sur allait vraiment commencer, puisque nous étions, pour ainsi dire, en famille. Je me demandais bien ce qui allait se passer quand Marc prit la parole et nous apprit :
Je vous invite tous pour manger, parce que moi j’ai faim et boire sans manger n’est pas une solution.
J’objectai :
Oui, mais… c’est le premier jour de mon magasin. Tu ne veux tout de même pas que je le déserte !
Bon ! Venez tous avec moi, je vais vous montrer ma solution.
Nous repartîmes en direction du magasin. Devant la porte, une jeune femme brune semblait attendre. J’ai glissé à Marc :
Tu vois, j’ai une cliente !
Il se mit à rire :
Non, ma chérie, c’est celle qui va te remplacer pendant que nous allons manger.
J’étais surprise et, apparemment, je n’étais pas la seule personne à l’être.
Devant la porte encore fermée, il fit les présentations en disant :
Martine, qui est styliste pour une maison londonienne. Elle a accepté de remplacer Sylvie pour la fin de l’après-midi. Je lui ai dit que nous ignorions à quelle heure nous aurions fini. Tu peux lui faire toute confiance, Sylvie !
J’ai serré la main de la jeune femme, qui s’est présentée en m’indiquant :
Vous savez, j’adore les dessous. Alors tenir votre rôle me convient parfaitement, d’autant plus que j’aime jouer à la vendeuse, ça me rappelle quand j’étais petite fille et que maman était ma cliente !
Elle dégageait une sorte de sensualité animale et je me demandais bien comment Marc l’avait « recrutée ». Ce fut elle qui m’a appris :
Quand Marc m’a proposé ce « travail », j’ai accepté immédiatement. Au nom de nos souvenirs… et aussi par curiosité, pour vous voir ! Je comprends pourquoi il vous préfère à toutes les autres. Vous êtes merveilleusement belle et très « class ».
Elle baissa le ton pour me murmurer :
Mais vous savez, il n’y a plus rien entre Marc et moi. Depuis qu’il vous connaît, il vous est extraordinairement fidèle et pourtant, apparemment, vous ne vous voyez pas tout les jours.
Je lui ai répondu par un sourire et je lui ai glissé doucement :
Merci !
Elle reprit à voix haute :
Bon, allez manger, je crois que ce jour extraordinaire mérite aussi un repas extraordinaire.
J’ai alors compris que Marc avait tout combiné. Il invita Charles et Nadine à le suivre en voiture avec leurs enfants ; j’ai pris place dans sa Mercédès, avec mon filleul qui voulait à toute force venir avec nous et la mère de Marc, ravie par le babil du petit Alain. Rarrain prit sa voiture et nous suivit en compagnie de sa femme.
Marc nous conduisit directement au restaurant dans lequel nous avions déjà emmenés les ouvriers anglais. J’ai souri en le constatant : c’était de très loin le meilleur restaurant de la ville.
Nous étions attendus. Une longue table était dressée. Charles et Nadine encadraient leurs deux fils, Marc m’installa à la place de présidente de la table, puis il répartit les autres invités en alternant, comme il est de coutume, un homme et une femme. Ce ne fut pas sans une certaine inquiétude que j’ai vu la mère de Marc installée entre son fils, qui était à ma droite et Rarrain, tandis que la maman de Nadine se mettait de l’autre côté de son mari, juste en face de sa fille.
Je regardais la scène en sentant une sorte d’angoisse en moi. Marc a dû le sentir, car il a posé sa main sur la mienne, puis il s’est levé et a annoncé, après avoir fait un signe aux serveurs qui sont venus avec des coupes de champagne :
Je vous suggère de boire tous à la réussite du magasin de Sylvie.
Il prit deux coupes et m’en tendit une. Rarrain se mit debout, aussitôt imité par tout le monde. Il s’empara de la coupe que lui tendait le serveur et la donna à sa sur puis il fit la même chose avec sa femme. Il se servit à son tour et son naturel d’avocat reprit le dessus. S’adressant à moi, il déclara :
Ma petite Sylvie, tu sais que tu es ma filleule préférée. Je souhaite de tout cur que ton magasin réussisse et je tiens aussi à féliciter mon neveu de t’avoir choisie. Peut-être que l’harmonie reviendra ici grâce à toi.
Rarrain, qui d’habitude est assez impassible, probablement à cause des années qu’il a passées à plaider des causes, me semblait très ému. Sa femme, apparemment, l’était aussi et sa sur de même. Nadine et Charles me regardaient en souriant.
Rarrain a quand même réussi à articuler distinctement :
Je propose que nous buvions à ta prospérité, ma petite Sylvie !
Je lui ai répondu :
Merci, Rarrain ! Je n’oublierai jamais que c’est grâce à toi que j’ai ce magasin !
J’ai donné ma main droite à Marc après avoir posé ma coupe sur la table, puis j’ai bu une goutte de ce délicieux breuvage. Marc a reposé sa coupe, puis il a pris la mienne et l’a posée à côté de la sienne. Il a déclaré :
J’ai aussi quelque chose à vous dire.
Tous les regards se sont tournés vers lui. Avec un sourire, il dit :
Je profite du fait que nous sommes tous réunis pour vous annoncer une grande nouvelle dont j’aimerais que vous soyez tous témoins.
J’étais à cent lieues de m’imaginer ce qu’il allait dire et je crois que tout le monde était comme moi.
Il se tourna vers moi et me dit :
Sylvie, je sais que tu n’es pas encore divorcée officiellement, ton parrain me l’a expliqué quand je l’ai eu au téléphone.
J’ai regardé tour à tour Marc puis Rarrain, qui m’a semblé un peu gêné. Mon homme a ajouté:
Alors, j’aimerais que tu consentes à te considérer comme ma fiancée. Acceptes-tu, ma Sylvie ?
Je lui ai fait un immense sourire et je me suis précipité à son cou. Nous nous sommes embrassés longuement sous les applaudissements de l’assistance et j’en ai profité pour lui glisser à l’oreille :
Évidemment que j’accepte ! Je te rappelle que je t’ai encore dans moi.
Il me prit par les épaules me regarda longuement et replongea sur mes lèvres.
Après notre long baiser, il mit sa main droite dans sa poche de veste et il sortit un petit boîtier. Il l’a ouvert. J’étais suffoquée : il y avait dedans une sorte d’alliance, parce que je ne pouvais pas considérer ce qu’il m’offrait comme une simple bague, constellée de petits diamants et surmontée d’un diamant beaucoup plus gros que les autres. Il a pris ma main et me l’a glissée au doigt. La bague était juste à ma taille. Je lui ai demandé :
Comment as-tu fait ?
Il me répondit en sourient :
Tu ne te souviens pas que tu avais posé ton alliance dans ta table de nuit ?
J’ai souri, me souvenant de notre première nuit. J’ai repris :
Mais elle est bien trop belle pour moi ! Jamais je n’oserais porter une si belle bague.
Il me répliqua d’un ton sec :
Oh que si ! Et celle-la, tu ne l’ôteras jamais, fais moi confiance !
J’étais heureuse et ça devait se voir. Nadine s’est levée et s’est approchée de moi. Elle m’a dit :
Ma chérie, pour une surprise, c’est une surprise ! Tu as vu, Charles, continua-t-elle en prenant ma main pour la faire admirer à son mari. Mon filleul arriva à ce moment et me dit :
Oh marraine, elle est belle ta bague ! Tu as vu, elle a plein de reflets.
Il s’adressa aussitôt à Mac :
C’est bien, Parrain, elle est contente, Marraine ! Tu ne la fais plus pleurer.
Il se souvenait de ce qu’il avait vu lorsque sa mère lui avait expliqué, il n’y a pas si longtemps, que les adultes étaient parfois obligés de se séparer.
La mère de Marc, qui arrivait avec le reste de la famille, l’interrogea :
Comment ça, Marc ! Tu as fait pleurer ces beaux yeux ? Je te rappelle que la vérité sort toujours de la bouche des enfants.
Nadine intervint :
Ne vous inquiétez pas, ma tante (et elle insista volontairement sur le « Ma tante » en fixant son père droit dans les yeux), elle pleurait parce que Marc repartait à Londres.
Là, évidemment… répondit l’intéressée.
Elle n’eut pas le temps d’en dire plus car la mère de Nadine reprit :
Mais maintenant, Gisèle, elle n’a plus aucune raison de pleurer.
Je fus interloquée un petit moment, puis Marc dit :
Oui, ma chérie. C’était un secret que je voulais te réserver. Je ne repars plus à Londres, je vais m’installer définitivement ici, le plus près possible de chez toi… si tu veux bien !
Si je voulais ? Il avait le culot de me poser la question. Je lui ai sauté au cou et je lui ai dit :
Bien sûr, que je veux !
Marc me répondit, avec son sourire malicieux :
Tant mieux, parce que tu vas devoir m’héberger quelques jours ! Mais.. et si on passait à table ? J’ai faim, moi !
Sa mère répondit à ma place :
C’est vrai qu’autant d’émotions, ça creuse. Qu’en penses-tu, Sylvie ?
J’ai aussi une petite faim.
En riant, toutes les personnes présentes se sont assises à leur place et ont fait honneur au délicieux repas, à l’issue duquel nous sommes repartis vers mon magasin.
Martine nous attendait, un grand sourire aux lèvres. Elle m’indiqua :
Bravo, Sylvie ! Vous avez pratiquement tout vendu.
J’ouvris de grands yeux. Je lui répondis :
Vous voulez dire qu’il ne reste presque plus rien ?
Exactement. Regardez.
Elle ouvrit le tiroir-caisse, il était rempli de billets et surtout de chèques. En revanche, il ne restait effectivement plus grand chose en réserve. Heureuse, je l’ai embrassée en lui disant :
_ Merci.
Elle me répliqua :
Vous savez, je n’y suis pour pas grand chose. C’est vous qui avez fait le bon choix, il y a même eu deux clientes dont je croyais qu’elles allaient se battre pour prendre une parure. J’ai dû les calmer en leur précisant que vous alliez en recommander. Mais je veux bien rejouer à la vendeuse pour vous une prochaine fois !
Je me suis précipitée sur mon téléphone et j’ai appelé mon fournisseur, puis j’ai renouvelé ma commande, identique à la première. Je savais, il me l’avait dit, qu’il attendait mon coup de fil. Il était très heureux de la réussite de ce premier jour et il m’a promis une livraison ultra-rapide.
J’ai aussi téléphoné au journaliste en lui demandant s’il pouvait faire passer un petit encadré dans son journal, afin de remercier toutes les personnes qui étaient venues et leur apprendre que de nouvelles collections arrivaient. Il m’a répondu qu’il était d’accord.
Finalement, jusqu’à la fermeture, nous sommes tous restés ensemble. J’ai servi quelques clientes qui sont tout de même venues plutôt par curiosité, j’ai eu l’impression et qui ont été un peu stupéfaites lorsque je leur ai appris qu’il ne me restait pratiquement plus rien.
À un moment, Nadine m’a glissé à l’oreille :
Tu as vu ? Papa et sa sur ne se sont pas quittés et maman a l’air ravie. Merci, ma chérie.
Elle me fit notre petit baiser de complicité habituel, mais Marc arriva et dit :
Non, regarde, Nadine !
Et il m’embrassa somptueusement, en glissant sa langue dans ma bouche. Nadine lui répondit en riant :
Marc, Sylvie et moi n’avons pas les relations que tu as avec elle, nous sommes les meilleurs amies du mode, nous ne sommes pas lesbiennes.
En riant, il interrompit notre étreinte et lui répliqua :
C’est vrai, j’oubliais !
C’est ainsi que, fatiguée mais très heureuse, j’ai fini par fermer mon magasin. Tout le monde partit, après que la maman de Nadine nous ait fait promettre de venir chez elle, demain à midi, pour le repas auquel elle nous invitait.
Lentement, la mère de mon homme et moi nous sommes montées vers l’appartement. Arrivée en haut, Gisèle me dit, en me prenant la main :
Il est complètement à toi, il est heureux comme un gosse que ton magasin ait si bien marché. Rends-le heureux !
Je fais tout pour, vous savez !
C’est bien, ma petite. Tu sais que c’est une de ses ex qui a tenu ton magasin ?
Oui, elle me l’a dit. Elle m’a aussi appris qu’il m’était très fidèle.
Elle me caressa la joue puis me répondit :
C’est bien. Je suis très heureuse pour toi et pour lui.
A cet instant, Marc, qui avait, comme il nous l’avait précisé, fait le tour du magasin, tout fermé, baisse le rideau, arriva.
Il nous déclara, en s’étirant :
Je n’ai pas très faim, j’ai surtout envie de dormir. Dis donc, Sylvie, c’est crevant, une journée comme celle-là.
Je lui ai répondu d’un sourire. Sa mère nous apprit :
Moi non plus, je n’ai pas faim. SI tu permets, Sylvie, je vais me servir de ta salle de bains et après, au lit !
J’acquiesçai silencieusement.
Dès que nous fûmes seuls, Marc me dit :
Pendant qu’elle se démaquille, tu ne crois pas qu’il faudrait que je te libère de ce que tu as dans le sexe ?
Je lui répondit :
Non, mon amour ! Tu ne le feras que lorsque tu pourras remplacer immédiatement ton imitation en moi.
Bon, je vais patienter encore un peu.
Quelques instant plus tard, la mère de Marc sortit. Elle nous souhaita une bonne nuit puis partit dans sa chambre. Marc et moi sommes entrés dans notre chambre et il ne lui fallut pas longtemps pour me déshabiller pendant que je lui en faisait autant.
Précautionneusement il m’ôta son cadeau et, d’un coup, le remplaça par sa grosse barre de chair, tout chaude.
Cette nuit encore fut magique pour nous deux, d’autant plus que résonnait dans ma tête le fait qu’il n’allait plus repartir.
Lorsque nous nous sommes endormis, tôt le dimanche matin, j’avais joui plus que jamais. Nous avons glissé tous les deux, étroitement unis, dans un sommeil de plomb.
(à suivre)