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Pot de colle – Chapitre 1

Une vente pas comme les autres - Chapitre 1



Pot de colle – Chap.1

En fin daprès-midi, je reviens du travail. A quelques pas, sur le trottoir, je reconnais la silhouette de Louis. Avec ma télécommande, jouvre la porte du jardin puis celle du garage qui se referment automatiquement derrière moi. Grâce à la distance et aux vitres fumées, le beau brun, sentinelle surprenante à proximité de notre maison, na pas reconnu le conducteur. Jarrive au salon, la sonnerie du téléphone retentit. Je ne me presse pas. Je pousse discrètement un rideau et jobserve lhomme debout, un mobile à loreille. Il est pressé ?I l pourra rappeler un peu plus tard. Jinstalle mon caméscope entre deux livres, sur un rayon de la bibliothèque, en vue plongeante vers le canapé. Comme prévu, la sonnerie reprend; je patiente avant de décrocher. Ce type est un hurluberlu qui a failli me brouiller avec Myriam, mon épouse, lautre nuit au bal. Il la invitée à danser une fois. En valsant elle a ri aux éclats.

– Mon Jean, si tu savais comme ce Louis est drôle. Il y a longtemps que je navais pas entendu raconter autant de blagues. Tiens, le revoilà, il faut que jy retourne, cest trop

Trop quoi ? Le reste sest perdu dans le brouhaha de la salleDu coup jai trouvé la situation moins « drôle ». Une jolie blonde me fixait avec insistance.  Mais Myriam est revenue et nous avons fait quelques tours de piste. Jétais moins en verve que Louis apparemment, car Myriam riait moins à mes plaisanteries. Et arriva la troisième courbette du même candidat. Il avait réapprovisionné sa boîte à histoires drôles au point que ma femme se tordait de rire contre lui, lui tapait sur lépaule, se retenait à lui et attirait les regards en sesclaffant. Entre deux séries de danses, il leur est arrivé dattendre debout et de continuer à bavarder. A bout de patience je me suis dirigé vers ma blonde voisine. Jai eu droit à une cavalière de remplacement. Elle dansait à ravir, levait vers moi de beaux yeux dun bleu lumineux.

— La dame qui vient parfois sasseoir à votre table est-elle votre épouse ? Le dénommé Louis sait la faire rire. Attention, cest le dragueur le plus connu, le plus rapide et le plus efficace du canton. Il adore séduire et se jette sur les femmes qui ne le connaissent pas. Votre femme est sous le charme du jeune homme.

— Myriam aime rire. Mais il en faudrait plus pour la séduire. Je lui fais confiance, elle sait se conduire. A vrai dire je ne mattendais pas à en être privé aussi souvent par un inconnu. Merci davoir bien voulu me tenir compagnie. Japprécie votre façon de danser.

-Tout le plaisir est pour moi. Cest mon retour dans un bal après un an de deuil. Mon défunt mari était professeur de danse. Je revois des visages familiers, mais beaucoup des danseurs ou danseuses sont nouveaux. Merci davoir été mon premier cavalier.

— Puis-je vous offrir une coupe à ma table ? Vous ferez connaissance avec Myriam.

Ma femme a remarqué ma rencontre avec la blonde et vient de laisser Louis sur la piste. Elle aussi a soif. Les présentations sont vite terminées. Les deux femmes sympathisent, échangent des politesses. Myriam est curieuse de savoir ce qui a mis en contact cette blonde et moi. Je sens quelle poserait volontiers la question. La bouteille sert pour trois coupes. Louis arpente les allées, attend au passage un signe : je ne veux pas le voir, Myriam nose pas lui faire signe de sasseoir. Lorchestre reprend position. Sabine se lève, tend la main à Louis qui rôdait tout près pour fendre sur Myriam à la première note. Que veut-elle, pourquoi sempare-t-elle du séducteur contre lequel elle me mettait en garde ? Veut-elle être courtisée et plus si affinité ? Elle vient de voler Louis à Myriam. Je ne le lui reprocherai pas. Myriam raille :

— Tu vois ce que cette fausse blonde cherchait ? Tant mieux, je vais pouvoir me reposer un peu. Comment êtes-vous entrés en relation elle et toi, tu la connaissais ?

Myriam veut se reposer. Je nai rien gagné grâce à Sabine, ma femme ne souhaite pas danser avec moi. Je nous verse une deuxième coupe et je réponds à sa question

— Non, cest notre première rencontre. Elle était seule à sa table, je mennuyais depuis une bonne demi-heure, aussi seul quelle. Elle est veuve, je suis marié mais délaissé par ma femme : nos deux solitudes ont fait connaissance.

— Délaissé par ta femme ? Tu exagères, mon amour. Ne suis-je pas assise à côté de toi ?

— Cest accidentel. Devine ce que je viens faire dans une salle de bal ? Attendre que tu veuilles bien venir tasseoir quelques minutes à côté de moi ?

— Hi hi ! Comme tu es mignon ! Tu viens pour danser.

— Danser seul, danser avec qui ? Toi tu passes ton temps avec le séduisant Louis ou tu te reposes avant de retourner rire avec lui. Par bonheur Sabine avait envie de danser. Femme dun prof de danse décédé, elle est pour moi une bouée de sauvetage dans locéan de solitude où tu mabandonnes ! Quand tu daigneras maccorder une danse, tu constateras immédiatement les progrès que jai réalisés en dansant avec elle.

— Daccord, à la reprise jévaluerai ces progrès. Comme si tu avais besoin de cours de danse. Tu me caches quelque chose.

Sabine reprend place à notre table.

— Quel baratineur ce Louis. Il parle sans cesse, mais na aucun sens du rythme. Cest un boulet. Vous ne lavez pas remarqué Myriam ? Il ma demandé pourquoi je lavais choisi. Il me croit amoureuse de lui : il est lourd, prêt à quitter le bal avec moi.

Myriam pouffe de rire :

— Il danse mal, cest vrai, il frotte trop cest vrai aussi, mais sa façon de draguer est amusante. Il fonce, passerait immédiatement la porte avec la première à le suivre. Cest un naïf inoffensif. Il ma proposé de sortir avec lui en passant par la porte du fond. Jai ri et il na pas insisté, mais sest mis à rire aussi. Cest un farceur. Il fait plus pitié quenvie.

Louis est en marche. Sabine décline son offre. Il grimace un sourire, se tourne vers Myriam. Elle me regarde puis déclare

— Je regrette, mon mari ma réclamé la prochaine. Nous verrons plus tard. Merci.

Sabine ouvre de grands yeux en entendant cette réponse. Myriam prévoit de danser encore avec Louis ? Je pense à une imprudence. Mais quest-ce quelle lui trouve après ce quelle a dit de lui ? Elle samuse du garçon, est sure de ne pas se laisser prendre à ses pièges éventés. Il frotte ? Elle a besoin dun contact osé ?

Nous tournons. Myriam me complimente. Elle aimerait profiter dune leçon avec Sabine. Ensuite nous aurions plus de plaisir à danser ensemble. Dans la foulée Sabine et Myriam dansent. Ma femme est heureuse de prendre une leçon. La deuxième leçon suit, puis deux ou trois autres. Les rythmes et les pas changent. Louis boit une bière au comptoir, je vide le champagne avant quil ne soit tiède.

— Jean, cest formidable. Paie nous à boire. Tu devrais danser encore avec Sabine, si elle veut bien. Quelle pédagogue.

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