J’aurais voulu vous raconter cette histoire un peu plus tôt dans la saison, mais j’ai été un peu prise par le temps. Vous comprendrez mieux si je vous dis qu’elle s’est passée le 24 décembre 2017… A cette période, après avoir vécu mon aventure avec Prométhée, je m’étais jetée à corps perdu dans la vie associative de Digne.
Et ce soir-là, c’est une soirée spéciale pour les enfants défavorisés de la ville et des alentours. Pendant plusieurs jours, avec les équipes de bénévoles, nous nous sommes tués de fatigue à ratisser les fonds de tiroir des magasins de jouets, récupérer les invendus, négocier des prix avec de forts rabais et collecter des dizaines de jouets d’occasion offerts par les particuliers. Je vous dirai volontiers que je suis arrivée avec un grand sac de jouets de ma part, mais… vous connaissez ma modestie…
Et ce soir, c’est le grand soir ! Le père Noël vient d’arriver dans la grande salle où règne un brouhaha comme vous l’imaginez. Des dizaines d’enfants courent, vont et viennent, se bousculent pour approcher le père Noël et recevoir chacun leur cadeau, dans une ambiance sonore digne d’un concert de Patrick Bruel ou de qui vous voudrez !
Alex et moi participons au ravitaillement des enfants et des parents. Je passe de table en table, servant ici un chocolat chaud ou un jus de fruit, un pain aux raisins, un croissant. Pour être tout à fait dans l’ambiance, Alex et moi portons un costume de fonction ! Tout y est : la tunique vert sapin bordée de fourrure pure acrylique blanche, je porte un collant rayé horizontalement jaune et noir, des bottines en imitation daim et bien évidemment un bonnet en velours assorti à la tunique… avec une clochette à la pointe !
— Vous êtes un lutin du père Noël, Madame ? Me demande un petit bout de chou de quatre ans au plus.
— Mais oui ! Dis-je avec un grand sourire. Tu as eu ton cadeau ?
— Non… j’ai un peu peur du gros monsieur en rouge…
— Oh ? Viens avec moi, il va te donner ton cadeau !
La soirée dure bien une paire d’heures. Quand enfin, les enfants et les parents ont quitté la salle, il ne reste que l’équipe de lutins, complètement vannés et abrutis de l’ambiance sonore qui a régné dans la salle tout l’après-midi. Et c’est plus ou moins en titubant que nous regagnons la voiture qui va nous ramener à la maison.
— Prends le volant Alex s’il te plaît. Je suis morte !
— Tu pourrais effacer ta fatigue d’une seule pensée ? Me dit-il.
— Oui, mais tu sais que je mets un point d’honneur à vivre au quotidien comme une personne ordinaire sauf exception.
La nuit est tombée. Nous avons choisi de passer le réveillon de Noël en tête à tête dans mon petit chalet à côté de La Javie. Il fait froid. Il a neigé il y a quelques jours et les alentours de Digne sont tout blancs. La route est dégagée mais il nous faudra quand même une prudente demi-heure pour arriver à destination.
Alex conduit d’une main experte. Je me suis appuyé la tête sur son épaule et tant pis pour la gêne occasionnée. A l’Est, la pleine lune vient de se lever et baigne le paysage d’une lumière bleutée, amplifiée par les tapis de neige qui recouvrent le paysage. Nous venons de dépasser La Javie et nous sommes presque arrivés lorsque la neige se met à tomber à gros flocons.
— Alex, arrête-toi !
— Hein quoi ?
— Regarde, il neige !
Alex a stoppé. J’ouvre la portière et me mets à marcher dans le champ qui borde la route. Il y a bien vingt centimètres de neige. Je suis comme saoule ; saoule de fatigue, saoule de lumière, de musiques de rires et de cris d’enfants. J’ai envie de me lâcher, d’évacuer toute cette ivresse. Je me mets à danser dans la neige sous les yeux amusés d’Alex, j’essaie d’avaler les flocons qui passent à ma portée, je projette la neige vers le ciel, j’ai dix ans, je suis une gamine, j’ai envie de m’amuser. Je confectionne une boule neige.
— Ah non ! Christine ! Ne fais pas ça ! Oh la garce…
Il me prend en chasse. Je m’enfuis en riant, je le laisse me rattraper., me ceinturer. Je me débats en riant pour le principe. Il me plaque, je bascule, il s’écrase sur moi, m’immobilise. Mais en réalité c’est moi qui l’ai attrapé. Je passe mes bras autour de son cou et l’embrasse langoureusement. Je suis enfoncée dans la neige poudreuse, elle me rentre dans mes bottes, dans mon cou, dans mes cheveux, des glaçons ne vont pas tarder à se former dans ma chevelure. Et je m’en fiche !
— Prends-moi Alex, maintenant !
— Quoi ? Comme ça ? Dans la neige ?
— Oui, tout de suite, dépêche-toi !
Je me tortille déjà, m’acharne à enlever mon collant malgré le poids de mon partenaire. Je me bats frénétiquement contre son pantalon, le baisse suffisamment pour lui permettre de me pénétrer. La neige pénètre entre mes fesses, au diable la fraîcheur ! Et puis une froide colonne de chair se glisse dans ma chaude intimité me faisant pousser des soupirs d’aise et m’occasionnant mille frissons.
Alex est inépuisable. Ce ne serait le froid, je vous le recommanderai tellement c’est bon. Ceux qui se sont amusés à marcher pieds nus dans la neige poudreuse savent combien le contact est doux. Je suis piégée entre la douceur du matelas et la force de mon partenaire qui multiplie les mouvements rapides et profonds.
Je le repousse. A genoux, mon bel étalon, j’ai envie de goûter à ton bâton de crème glacée ! Qui n’a rien de glacé d’ailleurs… Il est à présent brûlant, parcouru de spasmes. Je plonge une de mes mains dans la neige et m’en sers pour lui masser l’entrejambe et ses boules. Il faut que je le calme un peu, ça va venir trop… Et flûte. Plusieurs jets puissants se déversent dans ma gorge. Sacré Alex, il ne fait jamais d’économie sur ce plan, à tel point que je ne peux tout avaler et qu’une partie s’écoule sur ma joue.
— Tu ne vas pas t’en tirer comme ça, mon salaud !
Je lui enserre les jambes, le pousse, le fais tomber. Je lui bondis dessus, tel un fauve affamé sur une proie. Je m’empale sur son pieu, il est à moi. Je monte, je descends, je soupire, je râle, Alex glisse ses mains glacées sous ma tunique, la remplissant de neige au passage, le salaud ! Très rapidement, trop rapidement, je jouis à mon tour avec un cri qui résonne de façon étouffée dans la campagne environnante.
— Hoooo ! Fait soudain une voix du côté de la route.
Il y a eu comme un bruit de sabot, quelque chose qui se renverse, des objets qui roulent sur le sol. Merde alors, qu’est-ce qu’il se passe ? Je me retire rapidement. Alex se redresse, rajuste son pantalon et nos regards se portent vers la route. Ah ben ça ?
C’est un traîneau à ski qui s’est renversé, attelé à deux cerfs, ou des chevreuils je sais pas. Un homme habillé en père Noël se redresse péniblement. Il y a un énorme sac qui a roulé sur la route laissant échapper tout un tas de paquets-cadeaux. Nous nous précipitons.
— Oh là là, ça va ? Que vous est-il arrivé ? Dis-je au « père Noël ».
— Oui… ça va, merci jeune fille, vous êtes bien aimable. C’est juste que… j’ai dû serrer sur le bord parce que votre voiture gênait un peu et j’ai dû toucher un rocher qui m’a fait basculer. Oh la tuile ! Je vais être en retard !
— Attendez, nous allons vous aider. Et puis c’est un peu notre faute… Je suis désolée.
Avec l’aide d’Alex, nous redressons le traîneau, et attelons les animaux.
— Mais ce sont de vrais rennes ? Dis-je étonnée. Mais où alliez-vous comme ça ?
— A La Javie, j’ai des paquets à livrer là-bas. Eh oui, ce sont de vrais rennes, il n’y a pas mieux pour tirer un traîneau vous savez.
Nous rechargeons le grand sac sur le traîneau, y remettons les paquets qui s’en sont échappés.
— Mon Dieu, dis-je, pourvu qu’il n’y ait pas de casse. Je paierai les dégâts s’il y en a monsieur.
— Ho ! Ho ! Ho ! Ne vous inquiétez pas, c’est du solide. Dans le pire des cas, je vous embaucherai, vous faites des lutins très réalistes ! Mais vous devriez remettre votre collant mademoiselle, vous allez prendre froid…
Oh merde… Depuis tout à l’heure j’ai le cul à l’air. Je remets mon collant en rougissant. L’homme a vraiment un très joli costume. Il a une vraie barbe, des cheveux argentés, le costume rouge sombre avec les options, les bottes, les gants, les lunettes, tout y est.
— Félicitations, lui dis-je admirative. Vous faites un père Noël très réaliste.
— Mais je SUIS le père Noël, dit-il en riant. Il faut croire au père Noël. Vous n’y croyez pas vous ?
— J’y ai cru comme tous les enfants, dis-je presque gênée. Mais c’est bien de continuer à faire vivre l’esprit de Noël.
Il pointe son index sur ma poitrine avec un sourire coquin.
— Je vais vous dire un secret jeune fille. Le père Noël a été inventé par les parents parce qu’ils n’osaient pas, retenus par une étrange pudeur, dire à leurs enfants combien ils les aiment. Mais tant que cet amour existera, la magie de Noël perdurera et le père Noël sera une réalité… Allons, il faut que reprenne ma route.
— Christine ? Fait Alex.
— Joyeux Noël Christine, joyeux Noël Alex ! Ho ! Ho ! Ho !
— Christine…
— Hé mais… comment connaît-il nos noms ???
— Christine ?
Le traîneau s’élance, glisse sur la route et… quitte soudain le sol vers le ciel laissant derrière lui un sillage de lumière.
— Putain ! J’y crois pas !!!
— Christine ? Me fait une fois de plus Alex avec un léger mouvement de bras.
Je sursaute. Nous sommes dans la voiture ??? Je suis encore avec la tête appuyée contre son épaule. Je reconnais la cour du chalet
— Christine, nous sommes arrivés ?
— Oh putain ! J’ai rêvé !
On se retrouve un peu plus tard devant la cheminée où crépite un bon feu. On s’est déshabillé et on s’est glissés tout nus sous une couette duveteuse à souhait à se réchauffer devant les flammes. On le fait souvent. Je me suis blottie dans les bras d’Alex. Je joue machinalement avec sa queue pendant qu’il me caresse doucement. On aime ces moments, loin des problèmes des immortels, leurs complots, leurs conflits, leur soif de puissance. Enfin un peu de paix dans ce monde de brutes. J’ai raconté mon rêve à Alex…
— C’est mignon, me dit-il. Tu crois encore au père Noël Christine ?
— Idiot…
Je me redresse, sors un petit paquet que j’avais planqué sous le lit et le lui tends.
— Le père Noël existe bel et bien Alex. Ce n’est pas sous la forme qu’on présente aux enfants, mais il est là, ici, au fond de notre cur. Joyeux Noël Alex.
— Joyeux Noël Christine, répond-il en me tendant à son tour un paquet.
Quelques minutes plus tard, j’admire le magnifique bracelet inca qu’il a dégoté Zeus sait où, pendant qu’il entreprend de domestiquer le dernier modèle de smartphone. Je suis au chaud dans ses bras. Je suis au douillet, je suis bien… Je regarde les flammes danser dans la cheminée. Et puis soudain je vois par la fenêtre des flocons qui commencent à tomber.
— Alex, tu as déjà fait l’amour dans la neige ?
Fin de l’épisode.