— Des fois, t’es vraiment un gros blaireau !
Ce dimanche 19 août 2018 est le théâtre d’une nouvelle engueulade entre Christine et moi. Elles sont quotidiennes et multiples depuis le début de nos vacances en Sardaigne, alors que j’imaginais que ces deux semaines de break en famille allaient justement nous permettre de retrouver un peu de calme. Mais les beautés de Porto Cervo et de la Costa Smeralda semblent agacer nos comportements et tout semble susceptible d’entrainer une nouvelle dispute. A commencer par notre fils ainé, Toby, 13 ans. Ses velléités de passer du temps avec des copains rencontrés sur place sont contrariés par sa mère qui exige qu’il fasse toutes les activités avec nous, comme sa sur. J’essaye de trouver des arrangements mais je me heurte sans cesse à Christine pour me retrouver ensuite en porte-à-faux vis-à-vis de Toby.
Il en est de même à la maison où Christine ne semble pas prendre conscience que notre enfant grandit. Par ailleurs, elle est elle-même perturbée par des soucis professionnels depuis le printemps et l’annonce d’une future restructuration au sein de son entreprise. Il y a néanmoins de fortes chances qu’elle conserve son poste de travail, mais le stress est là, présent, au quotidien.
Entre nous, la communication se limite aux enfants, à la vie quotidienne. Les projets concernent uniquement la famille. Notre couple s’est à nouveau noyé. Nos disputes sont verbalement violentes et notre mal-être relationnel s’extériorise à travers elles. Je me sens à nouveau délaissé quand bien même nous maintenons des relations sexuelles régulières. J’y prends toujours beaucoup de plaisir. Cependant, la tension qui émane de Christine lorsque nous ne couchons pas ensemble me sape le moral.
De mon côté, je ne suis probablement pas au mieux non plus. A 43 ans, je me rends compte que je suis plus ou moins au milieu de mon existence. J’en ressens les côtés négatifs, des articulations qui coincent, des douleurs ici et là, mes cheveux qui tombent, la nécessité de porter des lunettes quasiment en permanence. Je refuse cependant que l’âge prenne le pas sur moi. Je fais en sorte de rester actif. Je ressens surtout le besoin de plaire, de séduire, d’obtenir un regard, un sourire. Ces petites choses qui me comblent de joie et qui boostent mon moral en berne. Je me contente de ces fugaces plaisirs et, à la rentrée de septembre, je suis ainsi soulagé de reprendre le travail, de retrouver un environnement apaisé. J’ai le compliment plus facile envers mes collègues féminines et il ne fait aucun doute qu’elles en sont ravies. Et j’obtiens des sourires magnifiques.
Début novembre, Christine et moi allons manger en tête-à-tête au restaurant et nous prenons soin d’éviter les sujets qui fâchent. Nous passons ainsi une excellente soirée au terme de laquelle nous faisons l’amour à trois reprises : entre deux voitures en sortant du restaurant, en arrivant à la maison et au moment de nous coucher. Deux heures, trois rapports et Christine qui m’exhorte de la sodomiser plus fort lors de notre second ébat. Soirée de rêve. Mais sur le fond, sur notre relation quotidienne, nous n’avons pas avancé, car il y a encore et toujours des dissensions, des reproches avec mon épouse.
Cette soirée en couple faisait suite à ma promotion au sein de l’entreprise. Je vais en effet devenir responsable des valeurs. Quand bien même je n’aurais personne sous ma responsabilité, le poste qui m’est proposé est l’un des plus intéressants et des plus importants de l’entreprise. Ma mutation est prévue pour le 1er janvier 2019.
Ainsi, le mercredi 5 décembre 2018, nous accueillons au sein du bureau une nouvelle collaboratrice, Mélissa, engagée à temps partiel, qui doit soulager le travail administratif durant les deux mois de transition. Son aide sera précieuse et son expérience devraient lui permettre d’effectuer les tâches demandées. Néanmoins, ce jour-là, nous avons toutes et tous une sensation étrange, voire une appréhension, en voyant arriver cette immense brune aux longs cheveux. Habillée d’un pull gris foncé, d’une longue jupe noir et de bottines à talons compensés, il ne manque à Mélissa qu’un peu de maquillage noir ou deux accessoires pour en faire un cliché gothique.
Mais après quelques jours seulement, elle est devenue indispensable. Et de plus, elle nous surprend à "encaisser" avec un sourire non feint les blagues sur son mutisme, ses sombres tenues ou ses cheveux éternellement devant son visage. Mais physiquement, avec ses épaules marquées, des hanches un peu larges, un visage rond et peu avenant, en dépit d’une jolie bouche large et ourlée, Mélissa n’est pas du tout mon style de femme.
Une dizaine de jours après l’arrivée de Mélissa, le vendredi 14 décembre, nous sortons entre collègues pour une sorte d’apéro de Noël, organisé à la va-vite. Nous sommes huit, dont Mélissa. Dans un bar à vin, nous dégustons de la charcuterie et du fromage en goûtant divers cépages de la région, quand une main se pose sur mon épaule :
— Salut Florent ! Je ne savais pas que tu fréquentais cet établissement.
Je me tourne et Alina me fait la bise.
— Salut ! C’est la première fois que je viens ici, c’est un collègue qui nous a conseillé ce bar.
Nous papotons quelques instants. Alina me demande si je reste encore. Comme moi, elle est avec plusieurs collègues. Ils cherchent une place mais le bar est plein. Nous décidons de nous serrer d’un côté de notre table pour qu’ils puissent rester. Une décision amicale qui va avoir des conséquences, car la soirée avançant, notre immense tablée se vide petit à petit et les deux groupes se réunissent finalement pour parler ensemble. A 23h30, nous ne sommes plus que quatre à table, Alina et moi, ainsi que deux de ses collègues. Ces derniers s’en vont dix minutes plus tard.
Alina et Michaël, son mari, s’étaient séparés à notre grande surprise juste avant l’été. Quelques jours avant leur séparation, ils mangeaient encore chez nous et je n’avais rien remarqué de particulier dans leurs comportements. Par la suite, Alina avait vaguement indiqué à Christine qu’ils avaient "de grosses divergences". C’est tout. Cet été, elle nous avait invités chez elle et il y a trois semaines, elle était revenue manger à la maison. Elle me demande :
— Tout va bien entre Christine et toi ?
— Oui, oui, ça va. Il y a des hauts et des bas, comme dans tous les couples, mais ça va
— J’avais été surprise de vous voir vous disputer quand j’avais mangé chez vous. L’ambiance de la soirée s’en était ressenti.
— Je suis désolé. En ce moment, c’est un peu plus fréquent, malheureusement
— Il y a des phases dans les couples. L’essentiel est de sortir rapidement des négatives.
— Oui
Elle me regarde.
— Ça n’est pas le cas, c’est ça ?
— Pas vraiment, non.
Alina tente de me faire sourire.
— Allez, Florent ! Tu sais très bien qu’on se réconcilie sous la couette !
— Oui. Mais là, il n’y a aucun problème justement. C’est quand nous ne sommes pas sous la couette qu’il y a des soucis.
— Il n’y a plus de porte-jarretelles ?
Je souris cette fois.
— Il y en a encore, de temps en temps. Mais plus rarement. Et toi ?
Alina est surprise par ma question. Elle rit.
— Aaah, ces deux fameuses soirées. C’était quand ? Il y a deux ans ?
— Trois ans déjà.
— Ça avait été épique. Et je dois bien dire que ça nous avait fait du bien à Miki et moi. Mais nous n’avons fait que repousser l’échéance.
— Tu en avais porté plus fréquemment après la soirée ?
— Des porte-jarretelles ? Oui, trois ou quatre fois
Je souris.
— Et moi qui en imaginais un sous la charmante petite robe noire que tu portes ce soir !
Elle sourit, touchée.
— Je crains que ça ne soit pas le cas. Même pas des Dim’Up !
Il est minuit. Je paie les dernières consommations et nous partons. Alina n’a pas de voiture et je lui propose de la ramener. Elle a gardé la maison qu’elle occupait avec Michaël et je me gare devant.
— Puis-je te proposer un dernier verre ?
Je ris.
— Est-ce vraiment raisonnable ?
Elle sourit mais pas franchement. Peut-être n’a-t-elle pas compris mon allusion. J’en rajoute en riant :
— Et puis je devrais répondre non maintenant que je sais que tu n’as pas de porte-jarretelles sous ta robe !
Toujours ce sourire, énigmatique. Elle dit :
— Tu sembles vraiment très intéressé par ce qu’il y a sous ma robe
— Oui Enfin, non ! Heu Par simple curiosité
Je bafouille. Alina prend de l’assurance. Je me sens pris au piège. Ça va trop vite.
— Tu es curieux, Florent ?
— Oui
— Alors je te permets de regarder ce qu’il y a sous ma robe.
Que se passe-t-il ? Jusque là, tout s’était bien passé. Je me sentais bien avec elle, une discussion agréable, sans arrière-pensées, avec une amie, une amie de ma femme. Je n’avais rien remarqué. Je m’étais un peu livré, j’avais confirmé ce qu’elle avait remarqué par elle-même en venant manger chez nous. M’avait-elle senti vulnérable ? Sa proposition est directe et je suis tiraillé entre cet agréable jeu de séduction et tout ce qu’un éventuel geste de ma part pourrait déclencher. J’essaye de penser vite, d’analyser la situation, mais je sens que cela est peine perdue. Je dois me rendre à l’évidence : je meure d’envie de soulever sa robe et à cette heure de la nuit, rien d’autre ne compte.