Chapitre 8 : Bécassine et la belle-famille
Je reste avec toi ce week-end ; Becca est encore en voyage.
Bécassine, souviens-toi : ce week-end, je ne suis pas là. Je fête l’anniversaire de ma mère.
Oh, mince soupire-t-elle, déçue. Je vais me retrouver toute seule alors.
Tu veux venir avec moi ?
Quoi ? Tu es sûr ? Je ne voudrais pas déranger.
Mais non, tu ne dérangeras personne. Au moins, si tu viens, je n’aurai pas ma mère sur le dos tout le week-end à me harceler pour savoir quand est-ce que je lui ferai un petit-enfant ; elle sera ravie que j’amène une femme.
Tes parents ne savent pas pour ton homosexualité ?
Ils l’ignorent, en effet, et je tiens à ce que ça continue ainsi.
Alors je devrai me faire passer pour ta copine, c’est ça ?
Euh, oui, si ça ne te dérange pas.
Non. Et puis je te dois bien cette faveur, avec tous les services que tu m’as rendus.
J’accélère la cadence. Nous retenons nos cris et jouissons. Après avoir remis un peu d’ordre à notre tenue, nous sortons des toilettes en vérifiant que personne ne nous a grillés. Mes journées de boulot passent encore plus vite depuis que je couche avec elle. Je n’ai jamais autant aimé aller bosser de toute ma vie. Je pense que nos collègues soupçonnent quelque chose : il est vrai que nous disparaissons souvent au même moment. Et puis, ils se sont toujours posé des questions sur ma relation avec notre rouquine de collègue.
Bécassine passe donc la nuit avec moi. C’est chaud, comme à chaque fois avec elle. Elle a le don de m’exciter à mort. Elle va finir par me faire faire une crise cardiaque un jour. Malgré nos corps-à-corps torrides, elle ne remet toujours pas en cause mon orientation sexuelle. Elle se plaît à s’imaginer être la seule femme à me faire de l’effet. J’ai essayé d’évoquer cette question de l’orientation, mais je ne sais pas comment aborder le sujet.
Elle est sortie le matin lorsque je me lève. C’est donc seul que je me prépare pour ce week-end. Elle n’est toujours pas revenue quand je sors de la douche. Merde ! Elle va finir par nous mettre en retard. Elle rentre finalement une vingtaine de minutes plus tard.
Désolée, me dit-elle, j’avais une course à faire.
OK. Bon, ce n’est pas grave, mais il faut qu’on y aille maintenant.
Attends, deux secondes. Je me mets plus à l’aise, déclare-t-elle en commençant à retirer sa culotte.
Euh Bécassine, il vaut mieux éviter pour cette première fois. Je ne veux pas que mes parents se fassent de fausses idées sur toi.
Pff ! C’est pas drôle.
Nous nous mettons en route et prenons la direction de la petite commune de Solérèse où résident mes parents. Sur le chemin, Bécassine ne dit pas grand-chose. Elle paraît songeuse. Je lui demande si tout va bien ; elle me répond qu’elle est juste un peu fatiguée. Arrivés à destination, nous sortons de la voiture et nous dirigeons vers la maison qui m’a vu grandir. Bécassine me sourit et me prend la main. Sa fatigue de tout à l’heure semble avoir soudainement disparu. Son visage est maintenant radieux. Elle compte jouer son rôle de petite amie à fond. Nous sonnons. C’est ma mère qui nous ouvre la porte. Son visage s’illumine de bonheur.
Bonjour, maman. Désolé de ne pas t’avoir prévenue que je venais accompagné, mais ça s’est décidé au dernier moment. J’espère que ça ne posera aucun problème. Je te présente Bécassine.
Mais non, ça ne pose absolument aucun problème. Oh, Bécassine, vous êtes tellement magnifique Je suis heureuse de vous rencontrer. Je m’appelle Maria.
Enchantée, Maria. Moi aussi je suis contente de vous rencontrer. Armand m’a beaucoup parlé de vous.
Nous rentrons et je lui fais une rapide visite des lieux en lui racontant au passage quelques anecdotes sur ma jeunesse. D’autres invités sont déjà arrivés, mais pas tous : des amis de mes parents, la sur de ma mère et son mari, deux cousins… Ouf, j’ai horreur d’arriver le dernier. Je fais les présentations. Tous les regards sont dirigés vers Bécassine qui semble heureuse d’être au centre de l’attention et qui en fait trop dans son rôle de petite amie : elle me colle, me fait plein de bisous, me donne des surnoms ridicules du genre "mon petit lapin". Bref, elle a l’air de parfaitement s’intégrer, alors j’en profite pour m’éloigner un peu et prendre l’air. Suite à mon apparition, un canard s’envole de la mare qui occupe le fond du jardin. Une fumée s’échappe du barbecue ; mon père a dû commencer à s’en occuper. Ma mère me rejoint.
C’est une femme charmante. Tu ne m’en as jamais parlé.
Mais si, je l’avais déjà évoquée mais tu n’as pas voulu me croire. Tu as préféré supposer que j’étais gay. Et de toute façon, tu sais que je n’aime pas parler de ça.
Bon, ce n’est pas grave. Maintenant elle est là. Je vais te l’emprunter pour qu’elle m’aide en cuisine. On pourra faire un peu plus connaissance.
En cuisine ? Autant te prévenir que ce n’est pas une bonne idée ; elle a beaucoup de qualités, mais la cuisine n’en est pas une.
Ça lui donnera l’occasion d’apprendre ; elle pourra te préparer de bons petits plats après.
J’ai déjà essayé de lui apprendre, en vain. Après, tu fais comme tu veux, mais c’est à tes risques et périls. Je t’aurai prévenue.
Je m’avance vers le barbecue et remets un peu de charbon de bois. Je remue le tout et observe la fumée s’échapper, perdu dans mes pensées. Je n’entends pas Bécassine s’approcher de moi. Elle pose sa main sur mon épaule. Je me retourne ; elle se colle à moi et m’embrasse.
Ton père me mate les seins, m’indique-t-elle.
Quoi ? T’es sérieuse ? T’en es sûre ?
Sûre et certaine. C’est le genre de truc que j’ai l’habitude de repérer.
Merde alors. Désolé pour toi.
Oh, t’inquiète, ce n’est rien. C’est marrant, même !
Marrant ? Je connais bien Bécassine ; le mot "marrant" dans son vocabulaire n’est pas innocent. D’ailleurs, je remarque que deux boutons de sa chemise ont déjà sauté.
Non, attends, je te vois venir : interdiction de toucher à mon père, ni même de le chauffer. Rattache-moi ces boutons.
Oh, t’es pas drôle boude-t-elle.
Elle obtempère quand même en mimant une mine grincheuse qui lui donne un petit air mignon. Je l’embrasse de nouveau. Elle est ma petite amie pour le week-end ; autant en profiter.
D’ailleurs, en parlant de ton père, reprend-t-elle, c’est marrant mais il ne te ressemble pas du tout.
Et alors ?
Tu es sûr que c’est bien ton père ?
Bien évidemment.
Vraiment ? Parce que vous ne vous ressemblez pas du tout.
Mais si, c’est mon père. En fait, je ressemble plus à mon oncle aujourd’hui décédé. C’est bien la preuve que je suis du même sang que mon père.
Dans ce cas, ça ne voudrait pas plutôt dire que c’est ton oncle ton vrai père ?
« Quoi ? Non ! Je refuse de croire ça. Ce n’est pas possible. Ma mère n’aurait jamais trompé mon père. Tout ça c’est des histoires de gènes ! Le fait que je ressemble plus à mon oncle ne veut rien dire. » Finalement, Bécassine me laisse et part aider ma mère en cuisine sans grande motivation. Moi, je rentre et me sers un verre d’alcool pour chasser le doute que Bécassine a installé en moi.
À l’intérieur, tout le monde me questionne sur Bécassine ; ils veulent tout savoir de notre histoire. Je leur raconte le strict minimum : c’est une collègue nouvellement arrivée, nous avons sympathisé, et une chose en entraînant une autre, nous avons fini ensemble. J’évite tous les détails gênants comme ma prétendue homosexualité et les nombreuses conquêtes de Bécassine. Ils ont tous l’air heureux pour moi et me félicitent. Je commence à me sentir gêné. Malheureusement, toute cette histoire avec Bécassine n’est qu’une illusion. Elle n’est pas à moi et ne le sera jamais. Elle n’est qu’une amie qui s’amuse avec moi. Mon cur se serre ; je vide un autre verre. J’entends des rires s’élever de la cuisine. Tout à l’air de bien se passer de ce côté.
J’aide mon père à dresser la table à l’extérieur. Nous allons profiter du beau temps pour manger à l’air libre. Le reste des invités nous rejoignent ; les derniers retardataires sont arrivés et les femmes sont sorties de la cuisine. Bécassine me lance un sourire et me fait un signe de main pour me signifier que tout se passe bien. Elle semble bien s’amuser. J’aide mon père à s’occuper de la viande qui grille sur le barbecue. J’observe Bécassine discuter et rire avec ma mère. Elles ont l’air de vraiment bien s’entendre. Cela fait plaisir à voir. Je souris comme un con.
Je suis heureux pour toi, mon fils : Bécassine est ravissante !
Oui. D’ailleurs, si tu pouvais arrêter de regarder ses seins
Euh désolé. C’est que ça attire les yeux.
Je sais.
Elle semble très gentille aussi. C’est une très belle femme dont tu es tombé amoureux.
« Amoureux ? Mais pourquoi me dit-il ça ? Est-ce seulement parce qu’il croit que c’est ma petite amie, ou bien a-t-il vu autre chose ? Il est vrai que l’on s’entend bien Bécassine et moi. Elle me manque quand elle n’est pas là. Et au contraire, quand elle est là, je me sens bien et détendu. Suis-je amoureux ? »
J’me demandais, papa : tonton Henri passait-il beaucoup de temps à la maison avant son déménagement dans le nord ?
Oui, il venait souvent aider ta mère quand je bossais, pour s’occuper du gazon par exemple ou labourer le terrain. Pourquoi ?
Non, pour rien.
« Merde ! La théorie de Bécassine se révèle probable. Aurait-elle été plus clairvoyante que moi sur ce coup ? Cela voudrait dire que ma vie serait un mensonge. Mon père n’est pas mon père. J’ai du mal à accepter l’idée. Non, attends ! Peu importe ! Mon père est l’homme qui m’a élevé et qui a toujours été là pour moi, un point c’est tout ! » Malgré tout, cette idée me dérange et je vide encore quelques verres. La viande cuit. Nous passons à table. Bécassine se précipite à mes côtés.
J’adore ta mère ; elle est cool et drôle.
Je suis sûr qu’elle t’adore aussi.
Le repas commence, les plats et les bouteilles circulent, les vannes et les souvenirs de famille fusent de partout. C’est un joyeux brouhaha. Je n’ai jamais été fan des repas de famille, mais je me surprends à chaque fois à m’amuser une fois que je suis plongé dans l’ambiance, même si, pour le coup, on ne peut pas dire que celle-ci soit très amusante puisque mes parents viennent d’évoquer le dernier fait-divers sordide à avoir remué la région : cette histoire du mec qui a été séquestré dans une ferme abandonnée du coin. Bécassine a retrouvé son air maussade qu’elle avait pendant le trajet. J’essaye de la chatouiller pour lui redonner le sourire mais essuie un échec.
Qu’est-ce qu’il y a ? m’inquiété-je. C’est cette histoire qui t’a remuée ?
Non, rien Où sont les toilettes ?
Dans la salle de bain, indiqué-je. Tu prends le couloir, et c’est la première porte à droite.
Elle nous abandonne et disparaît à l’intérieur alors que la fête continue sans elle. Nous retournons vers des sujets plus gais et trinquons à présent en l’honneur d’un de mes cousins qui a obtenu son diplôme de médecine. Nous trinquons ensuite pour fêter l’anniversaire de ma mère. Nous trinquons une dernière fois en l’honneur de ma nouvelle petite amie et parce que "jamais deux sans trois". Toutes les occasions sont bonnes pour boire un coup, dans cette famille ; Bécassine y aurait parfaitement sa place, me plais-je à songer. Mais non, ça n’arrivera pas. Elle pense encore que je suis gay et joue les lesbiennes avec une folle castratrice.
Bah, dis donc, ça fait longtemps qu’elle est partie, ta rouquine ! me lance bruyamment un oncle éméché. Qu’est-ce qu’elle fait ? Elle est tombée dans le trou ?
Je ne sais pas, je vais voir.
C’est vrai que ça fait un moment. Elle n’a pas l’habitude de rester si longtemps aux toilettes. Ce n’est probablement rien, mais avec son attitude précédente, je commence à m’inquiéter. Je rentre donc à l’intérieur et la trouve appuyée contre le mur du couloir. Elle semble inquiète. Je m’avance vers elle d’un pas chancelant ; je devrais peut-être ralentir un peu l’alcool.
Alors, qu’est-ce qu’il t’arrive ?
Je suis une sainte, comprends-je, légèrement ivre.
Quoi ? Une sainte ? Mais qu’est-ce que tu racontes ?
Non ! Je suis ENCEINTE, répète-t-elle.
Quoi ? Mais tu es sûre ?
Oui. Je viens de faire un test de grossesse. C’est ça que je suis partie acheter ce matin.
Mais tu sais qui est le père au moins ?
Bah oui imbécile : c’est toi !
Moi ? Mais mais mais non !
Mais si !
T’en es sûre ? Comment tu peux en être sûre ?
Parce qu’à part toi, la seule personne avec qui j’ai eu des relations sexuelles, c’est Becca.
Mais comment est-ce possible ? Avec la pilule, ça n’aurait pas dû arriver !
Ah mais oui ! se claque-t-elle le front. C’est donc ça !
De quoi ?
Bah, depuis que j’ai arrêté les mecs, j’ai arrêté la pilule aussi. Je n’en voyais plus l’intérêt.
Et tu n’as pas pensé à la reprendre avant de vouloir coucher avec moi ?
T’es gay, je n’y ai pas pensé.
Merde alors !
Qu’est-ce qu’on fait ?
Je n’en sais rien ; c’est la première fois que je me retrouve dans ce genre de situation.
J’me doute ! se moque-t-elle.
Bon, on y réfléchira plus tard. En attendant, on n’en parle pas et on continue la fête comme si de rien n’était. Si quelqu’un l’apprend, ça va être une catastrophe.
OK.
On retourne à table. Un bébé ? Avec une femme qui n’est qu’une amie, et en plus en couple avec quelqu’un d’autre Pourquoi faut-il que ça tombe maintenant ? J’apprends, dans la même journée, que mon père n’est peut-être pas mon vrai père et que je pourrais devenir père à mon tour. Je vide un nouveau verre. Ma mère se lève et disparaît à l’intérieur. J’imagine : si elle avait appris la nouvelle, ça l’aurait mise dans tous ses états. Nous nous serions retrouvés, Bécassine et moi, dans une situation compliquée. Là, nous avons évité le pire. On pourra réfléchir à la situation à tête reposée sans avoir la pression de ma famille derrière. Mais je suis soudain pris d’un doute.
Juste une question par rapport à tout à l’heure, murmuré-je à l’oreille de Bécassine ; le test de grossesse, tu en as fait quoi ?
Je l’ai jeté dans la poubelle de la salle de bain. Tu voulais que j’en fasse quoi ?
OH MON DIEU ! s’élève la voix de ma mère en provenance de la salle de bain.
Et merde ! Pas besoin de demander sur quoi elle est tombée. Ma mère déboule comme une cinglée, le test de grossesse à la main.
Bécassine, s’exclame-t-elle, c’est bien à toi ?
Euh oui. Surprise !
Ha ha ha, c’est merveilleux ! Dans mes bras, ma chérie !
Et les voilà qui s’enlacent toutes les deux. Ma mère saute dans tous les sens et rit de bonheur aux éclats. Bécassine se laisse entraîner par sa bonne humeur et l’imite. Moi, je vide un autre verre nerveusement. On nous réserve des applaudissements et une ovation. Mon père va chercher des bouteilles de son meilleur vin, le genre de bouteille qu’il a l’habitude de garder uniquement pour lui. Il remplit le verre de tous les invités en finissant par le mien. Je n’attends pas que l’on trinque pour le vider d’un trait.
Et moi, je n’en ai pas eu, s’étonne Bécassine.
Il vaudrait mieux pas, lui répond mon père.
Pourquoi ?
Pour le bébé, ma chérie, explique ma mère. C’est mauvais pour lui.
Qui est-ce qui a décrété ça ?
Les médecins.
Oh, rouspète-t-elle, c’est pas juste !
Je me sers un autre verre ; Bécassine le regarde avec envie. Elle résiste cependant à la tentation.
Désolée pour cette boulette, me murmure-t-elle. Je n’avais pas pensé que quelqu’un tomberait dessus.
Bah, c’est pas ta première bourde, et ce ne sera pas la dernière.
Tu m’en veux ? s’inquiète-t-elle.
Pour l’instant, j’en veux surtout à cette bouteille de ce délicieux vin, affirmé-je en vidant une nouvelle fois mon verre.
Je saurai me faire pardonner, affirme-t-elle en déposant sa main sur mon entrejambe.
Sacré Bécassine Même dans cette situation, elle ne perd pas le Nord. Comment peut-elle avoir envie de ça maintenant ? Ne se rend-elle pas compte à quel point c’est la merde ? Malgré tout, je me surprends à sentir ma queue se durcir légèrement. Bécassine sourit. Elle ouvre ma braguette et glisse sa main dans l’ouverture. Ses doigts parviennent à se glisser sous mon caleçon et se promènent maintenant sur mon pénis. Le contact chaud de ses doigts me fait oublier le vin de mon père et tous les soucis qui m’accablent d’un coup. Elle me caresse alors que nous sommes à table au milieu de toute ma famille. J’espère que personne ne grille rien.
Ce n’est pas juste : je n’ai rien eu à boire, moi. Tu ne pourrais pas me donner quelque chose à boire ? Tu ne pourrais pas me rendre ce service ?
Ce service ? Le message est clair. Elle se lève et me fait signe de la suivre, ce que je fais sans vraiment réfléchir. Elle me mène jusqu’à la salle de bain, referme la porte derrière elle et me colle contre le mur. Agenouillée devant moi, elle me libère le sexe qu’elle gobe. Sa bouche s’active voracement le long de ma tige et sa langue me déguste. Malgré mon état d’esprit et physique, le plaisir grimpe rapidement et il me faut moins de cinq minutes pour lui gicler dans la gorge. Elle sourit et nous ressortons de la pièce.
À l’extérieur, les autres sont passés au dessert. Mon père a sorti les bouteilles de champagne. C’est vers ces dernières que je me dirige. Ma mère et une de ses surs m’arrachent Bécassine. J’attrape une bouteille et vais m’asseoir dans mon coin. Pas besoin de flûte, je bois au goulot. « Quelle journée de merde Ma vie n’est qu’illusion ; mon père est une illusion pour moi. » Je bois une gorgée. « Mon orientation sexuelle est une illusion pour Bécassine. » Je bois une gorgée. « Ma relation avec elle est une illusion pour ma famille. » Je bois une gorgée. « Quel avenir avec tous ces mensonges ? Sur quoi puis-je m’appuyer pour avancer dans la vie ? Qu’est-ce que je veux ? Suis-je amoureux de Bécassine ? » Je suis complètement perdu. Il me faut quelque chose de vrai sur laquelle m’appuyer. L’alcool me tourne la tête ; je crois que j’ai abusé. Mais en même temps, j’ai l’impression d’avoir les idées claires. Il est temps d’annoncer la vérité à Bécassine : je ne suis pas gay, et elle me plaît ; advienne ce que pourra ! Au moins, je pourrai me fixer sur une éventuelle relation avec elle.
Je m’approche d’elle d’un pas trébuchant, lui prends la main et lui fais signe de me suivre. Je l’emmène près de la mare, à distance du reste de la foule.
Bécassine, il faut que je te dise euh c’était quoi déjà ?
Tu es saoul, se moque-t-elle.
Chut, chut, chut ! Laisse-moi parler C’est important Ah oui, j’ai quelque chose à te dire Avec tout ça, je me dis qu’il est temps que tu saches
Oui ?
Ce que j’essaye de te dire, c’est que Marions-nous !
Quoi ?
Deux secondes !
Je lève l’index et recule de quelques pas. La tête me tourne, j’ai des nausées. Je tombe à genoux et suis pris de vomissements. Je régurgite tout ce que j’ai avalé dans la journée. J’ai l’impression que ça dure trois plombes, mais finalement la crise passe et me soulage un peu l’estomac.
Ça va ? s’inquiète Bécassine.
Je lève un pouce en l’air et tente de me relever mais, dans mon geste, je trébuche et tombe la tête la première dans la mare.