Non. Je fais fausse route. Ni Pawin, ni ses trois compagnons ne sont Viracocha. Hier ils étaient à des kilomètres d’ici alors que ma « boussole » m’a amenée droit sur le campement. Je suis désemparée. J’en suis toujours au même point. Et je commence à douter. Et si la « boussole » m’avait en réalité guidée vers autre chose ? Et si Viracocha était une des femmes ? Ou un des chiens ? Ou un perroquet ? Christine, ressaisis-toi ! Mais j’ai conscience que s’il ne se produit rien de nouveau, ma recherche sera un échec.
En attendant, ça discute dur à mon propos. Pawin et quelques autres souhaitent me guider vers un camp où il y a des blancs ou du moins des tribus inféodées aux blancs. D’autres préfèrent me trancher la tête ! S’ils me libèrent, je risque de revenir vers leur camp avec des soldats, leur révéler l’emplacement du campement. Pawin rétorque que les blancs savent déjà ou est leur campement puisque des « colibris de fer » les ont déjà survolés et observés. Me tuer n’apportera rien, sauf peut-être des représailles de la part des blancs.
Je comprends qu’ils parlent d’hélicoptères… La question est de savoir si cette communauté sera laissée en paix par les autorités ou si quelques tordus ne se mettront pas en tête de leur apporter le progrès et la civilisation, ou de les évangéliser…
Problème qui me dépasse…
Mes réflexions sont interrompues par l’arrivée de la « mégère ». C’est une femme d’un certain âge qui a déjà quelques cheveux blancs. Sa peau est plissée, elle est ridée, ses seins se sont affaissés en « gant de toilette », et elle n’a toujours pas l’air commode ! J’ai remarqué qu’elle faisait autorité auprès des autres femmes.
— Kirin, viens ! Me dit-elle d’un ton sans réplique.
(NDLA : à partir de maintenant, la compréhension de la langue par Christine étant presque totale, je vais retranscrire les dialogues de la façon habituelle, y compris les réponses de Christine, sans les blancs ou les hésitations qui seraient inévitables. Irina)
— Puisqu’on doit te donner à manger, tu dois travailler comme les autres ! Rajoute-t-elle.
Je lui emboîte le pas, un regard interrogatif vers mon cerbère. Mais celui-ci se désintéresse de mon sort. La décision a dû être collective… Elle m’entraîne auprès d’un groupe de femmes qui sont en train de se charger de filets et de paniers vides. L’une d’elles me tend un filet en souriant gentiment. C’est la jeune fille qui m’a donné à manger tout à l’heure. Elle semble très jeune, à peine passé le seuil de l’adolescence, mais semble d’une grande amabilité. Toujours en souriant, elle pointe son doigt sur elle.
— Taima, dit-elle.
— Chri… Kirin, dis-je en retour.
Elle me désigne alors la mégère
— Kanuna, l’ancienne.
Les unes après les autres, elle nomme les autres femmes, ainsi que des enfants qui nous accompagnent pendant que nous nous enfonçons sous le couvert de la forêt. Notre promenade ne dure guère que cinq minutes et je suis surprise de trouver un espace dégagé : un potager. J’y découvre des plants de haricots, maïs, piments, pommes de terre, tomates, et quelques autres dont je ne connais pas le nom. Mon étonnement disparaît après qu’ayant rassemblé mes souvenirs, je réalise que ces légumes sont originaires d’Amérique. Taima m’entraîne vers des rangées de pommes de terre, et me tend une sorte de petite bêche.
— Nous allons récolter les racines de cette rangée, me dit-elle, puis nous y mettrons de nouvelles racines mères. Regarde, on fait comme ça.
Et me voilà à quatre pattes à côté de mon « professeur », chacune sur une rangée. Nous fouillons la terre de notre outil, puis de nos mains. Taima me félicite ! Les tubercules s’accumulent dans nos filets. On se retrouve noires de terre pratiquement de la tête aux pieds. Si je fais la moue en constatant qu’une fois de plus je suis crottée, Taima rit ouvertement de ma réaction. Et pourtant elle est dans le même état que moi !
Le sol ici est d’une richesse incroyable. Je l’ignore, car je ne sais pas exactement où nous sommes, mais les rivières, dont celle qui borde le campement, descendent directement des zones volcaniques de la cordillère. La chaleur et les précipitations font le reste… Les autres femmes récoltent ou entretiennent pareillement les autres cultures. Tout se déroule dans la bonne humeur. Et soudain, au bout du potager, un cri perçant !
C’est un enfant qui a crié, suivi des pleurs d’un autre. Des appels à l’aide. Les cris des femmes qui éclatent, un mouvement de reflux. Un feulement. El tigré ! El tigré !… El tigré ? Un jaguar !!!
C’est en effet un jaguar qui est apparu. Il a coincé deux enfants, qui dans un réflexe se sont perchés sur une saillie rocheuse au flanc de la falaise. Mais le fauve est à leurs pieds et calcule son saut ! Les femmes s’enfuient en désordre en criant, en appelant les hommes au secours. Une seule veut se précipiter, mais les autres la retiennent. Je ne réfléchis pas, je réagis d’instinct.
J’ai arraché un solide piquet de tomate et je cours au secours des deux enfants. Le jaguar surpris marque un temps d’arrêt ce qui me laisse le temps de m’interposer entre lui et eux. Et je me mets en garde, le piquet pointé vers lui. En un éclair, j’ai poussé ma force physique au-delà des limites humaines. Si le fauve m’attaque, je vais le casser en deux ! Mais je ne veux pas le tuer…
Je pénètre son esprit, cherche à atteindre ses centres de réflexion malgré la différence existante entre nos deux cerveaux. Arrête jaguar ! Ne fais pas de mal à ces enfants ! Recule, retourne dans ta forêt et il ne te sera fait aucun mal. Oui… je sens que tu me comprends, je te perçois, tu me perçois…
L’animal hésite. Il a compris mon ordre. Il est déconcerté. Comment peut-il comprendre ce que cette femelle humaine lui dit ??? Une simple femelle humaine… mais il perçoit aussi la force redoutable qui l’habite. Se battre ? Au risque d’être blessé ?
Les guerriers qui arrivent en criant, lances et arcs aux mains découvrent un spectacle qui les cloue de stupeur. La blanche, un simple bâton à la main, tient tête au seigneur de l’Amazonie et le force à reculer. Là où les autres femmes ont fui, elle a fait face et protège les deux enfants terrorisés.
A la tête des guerriers, Pawin lance un ordre bref. Des lances s’envolent déjà vers le jaguar. Mais ce dernier a compris et d’une détente prodigieuse, s’arrache en direction de la forêt et disparaît en deux bonds. Pfiou… Encore émue, j’aide les enfants tremblants à descendre de leur piédestal et reprends mes caractéristiques de mortelle ordinaire.
Et merde…
Mais je n’ai pas le temps de me lamenter. On m’entoure, on me félicite, je suis traitée de grande guerrière. Pawin hoche la tête le regard admiratif. Kanuna, l’ancienne me serre affectueusement contre elle.
— Tu as sauvé les enfants de mon enfant ! Me dit-elle. Dorénavant, tu es ma fille ! Vous entendez ? Jai une nouvelle fille !
Une des femmes serre les deux petits contre elle. Leur mère. La fille de Kanuna. On continue à me féliciter, on me tapote dans le dos, on me célèbre. Taima sourit largement. Mais je suis inquiète. Instinctivement, j’ai activé mes facultés à pleine puissance ! Malgré la distance, Viracocha n’a pu que la sentir ! Que va-t-il se passer ?
Kanuna ne me lâche pas quand nous retournons au campement. J’ai tenu à porter les sacs remplis de légumes que nous avons récoltés, comme les autres femmes, et on admire ma vigueur. Et cette fois, on m’invite à pénétrer franchement sous la plus grande des maisons. L’ancienne m’invite à m’asseoir à côté d’elle, au milieu des autres femmes. C’est un grand jour. El tigré a attaqué et il a été mis en déroute. Aujourd’hui c’est la fête, et j’en suis l’héroïne.
— Ce que tu as fait est très courageux, me dit solennellement Pawin. Tu as sauvé deux enfants de notre tribu. Dorénavant, tu n’es plus notre prisonnière mais notre invitée. Tu peux rester autant que tu veux ou partir. Tu es libre.
— Merci, dis-je. Je… j’aimerais rester un jour, enfin, un ou deux jours. Enfin, je veux dire, juste le temps nécessaire pour récupérer, si je ne gêne pas ?
Il m’a regardé étrangement, avec un léger sourire. « C’est bien » se contente-t-il de dire.
L’attaque ratée du jaguar fait l’évènement, un évènement riche en émotion. Les Indiens éprouvent le besoin d’en parler et reparler. Je passe le reste de l’après-midi avec les femmes. Taima est venue s’asseoir à côté de moi. La curiosité a maintenant remplacé la retenue. Elles sont fascinées par mon physique, et Kanuna la première ne manque pas de commentaires élogieux… tout en me tâtant sous toutes les coutures : les muscles des bras et des jambes, les seins, les hanches…
— Tu as des seins généreux. Et des hanches larges. Tu es faite pour avoir beaucoup de bébés ! Tu as un mari chez les blancs ? Tu as combien d’enfants ?
Oh putain ! Je réalise alors l’écart existant entre le mode de vie des Amérindiens et des Occidentaux. J’explique ou je vis, un pays lointain appelé la France. Elles sont stupéfaites quand je leur dis que j’ai vingt-cinq ans (officiellement…) mais que je n’ai jamais eu d’enfant ! Elles sont tellement choquées que je finis par leur dire que j’ai un homme, Alex, mon mari…
Taima me fait alors des présentations détaillées, me cite les couples, celle-ci est la femme de celui-là. Lui est avec elle, etc. Toute la tribu y passe. Sauf Pawin ?…
— Pawin n’a pas repris femme, me dit doucement Taima. Il avait une femme dans une autre tribu, il est né ici, mais il a vécu là-bas, et un serpent a pris la vie de sa compagne à la dernière saison sèche. Alors il est revenu vivre ici. Il a appris beaucoup de choses là-bas, sur les blancs, sur leur monde. Il dit qu’il n’y a rien de bon à attendre des blancs. C’est vrai ?
Que répondre ?…………………
Les enfants viennent aussi me voir de près. Ils sont fascinés par mes cheveux blonds. Elles sont toutes comme Kirin, les blanches ? Parmi eux, un petit bout de chou de même pas un an, vient m’escalader à quatre pattes. De grands yeux noirs au milieu d’un petit museau sale, la mine curieuse. Il me fait craquer ! Il est trop mignon.
— Tu peux le prendre, me dit doucement Taima.
Je le soulève, le prends dans mes bras. Il s’accroche à mes cheveux et presque aussitôt, je me mets à rire : il cherche mes seins !
— Oh le petit coquin ! Mais bébé, je n’ai pas de lait ? Il faut que tu ailles voir ta maman si tu as faim ? Elle est où ?
Taima prend délicatement l’enfant et l’installe dans ses bras. Aussitôt, le bébé se saisit d’un des seins de l’adolescente et se met à téter…
— Je l’ai appelé Dyami. C’est mon enfant.
J’en reste bouche bée… Taima est maman ??? Presque encore une enfant et déjà mère !… Je réalise alors l’immense gouffre qui sépare notre conception de la société et celle des Amérindiens. Dans cette tribu, je le découvrirai ensuite, le passage à lâge adulte est simplissime. Quand une jeune fille a ses règles pour la première fois, elle est considérée comme une adulte et peu importe son âge réel. Idem pour les garçons : lorsque la voix vire au grave et que quelques poils pubiens apparaissent, ils sont considérés comme hommes et en âge de prendre femme. C’est aussi simple que ça.
Ce soir mon statut a changé. Je suis confortablement installée dans un hamac frais tissé que Pawin en personne a accroché près du sien. Ce soir, je dormirai au sec ! Je me détends. Les Indiens aussi ont besoin de se détendre. L’attaque du fauve de la journée a créé un stress qu’ils éliminent à leur façon. Je vois des couples se former, des femmes rejoindre le hamac de leurs maris ou inversement.
Bientôt, j’entends venant de différentes directions des soupirs, des halètements, des gémissements. J’entends le claquement des pubis les uns contre les autres, ou de bas-ventres contre des fesses rebondies. Oh les salauds ! Et moi qui suis toute seule. Si j’osais… Non, j’ai d’autres soucis et c’est encore trop tôt. J’ai glissé une main dans ma chatte, je la pousse aussi loin que possible dans mon vagin, j’y rentre ma main tout entière. Quand je la ressors, c’est pour masser vigoureusement mon petit bouton, avant de replonger dans mon intimité détrempée. L’autre main torture mes seins. Je me laisse griser par les soupirs qui s’échappent de tel ou tel couple.
Tous ne font pas l’amour dans les hamacs. Entre deux frémissements, je vois Taima se glisser hors du hamac suivi par un jeune homme à peine plus âgé qu’elle : son mari. Je la vois s’agenouiller par terre, lancer un regard suppliant à son compagnon, se mettre à quatre pattes. Il vient derrière elle, la prend en levrette, lentement d’abord, puis de plus en plus rapidement. Taima gémit de plaisir, laisse échapper de petites plaintes, fait de profondes inspirations, halète de plus en plus souvent.
Finalement je vois son compagnon se redresser, lâcher plusieurs jets de liquide tandis que Taima, astiquant frénétiquement son bouton jouit bruyamment à son tour. Je n’ai pas perdu une miette du spectacle. J’en peux plus ! Dents serrées, je suis submergée par une violente jouissance que j’espère silencieuse.
Je reprends mon souffle, enfin apaisée. Et soudain je croise le regard de Pawin, allongé à côté de moi dans son hamac. J’en rougis presque de gêne, il a été témoin de toute mon extase ! Il ne dit mot, son regard n’exprime rien de particulier, mais je devine son sexe gonflé à se faire mal, tant la tension de la cordelette qui le retient doit être intense.
Je lui tourne le dos, je suis embarrassée. Oui je suis apaisée, mais perplexe, presque désemparée. Aujourd’hui, j’ai laissé se déchaîner toute mon énergie à un niveau que n’importe quel immortel a pu déceler à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Or il n’y a eu aucune réaction de la part de qui que ce soit !
Et je ne sais toujours pas qui est Viracocha.
A suivre