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Comment je suis devenue Monica – Chapitre 7

Comment je suis devenue Monica - Chapitre 7



En quittant le restaurant, j’ai de nouveau senti la peur m’envahir. La peur d’être vue telle que j’étais. Mon maquillage avait-il tenu bon ? Étais-je encore présentable ? Et tous ces passants qui me regardaient, ne mesuraient-ils pas quelle affreuse caricature j’étais devenue ? Et puis il y avait la douleur, de plus en plus forte à chaque pas; j’ai cru que j’allais perdre connaissance, à cause des souliers, bien sûr, qui meurtrissaient de nouveau mes pieds, mais surtout à cause du corset qui enserrait ma taille et rendait pénible la moindre respiration. Or Dan et Robert marchaient d’un pas rapide, et j’avais peine à les suivre sans défaillir.

— « Allez! Grouilles-toi. On n’a pas toute la nuit ! »

C’est qu’ils étaient pressés, les gars, de profiter au maximum de cette « dégénérée » dont ils avaient possession pour trois heures à peine. « Dégénérée ! » C’est le nom qu’ils m’avaient donné, sur le ton d’un mépris volontairement accentué, sitôt après le départ de Monica. Et cela correspondait bien à ce que je ressentais, en imaginant ce que je projetais comme image : une fausse femme aux traits fatigués, outrageusement déguisée en putain de luxe, gambadant sans élégance derrière les deux mecs qui « se l’étaient payée », trébuchant presque à chaque pas dans ses souliers trop hauts et trop étroits, incapable de répondre autrement que par des sourires niais aux deux machos qui ne se gênaient pas pour commenter avec vulgarité les moindres détails de son anatomie !

Et pourtant, était-ce l’air frais de la nuit, la gêne causée par cette nouvelle exposition aux regards des passants, ou simplement le délice de la souffrance, mais je sentis peu à peu l’excitation revenir.

Dan s’assit au volant de sa Toyota rouge. Robert s’installa contre moi sur la banquette arrière. À peine avions-nous démarré qu’il abaissa la fermeture-éclair de sa braguette et brandit un formidable pénis en érection. « On n’a pas beaucoup de temps à perdre, ma p’tite dégénérée… Alors montre moi c’que tu sais faire comme Blow job. »

Voilà ! C’est comme ça que je fus initiée au culte du phallus ! Je n’avais jamais sucé un pénis. Et si j’avais souvent vécu pareille situation, dans mes fantasmes de travestie, jamais je n’avais ressenti avant ce soir-là le désir de franchir la barrière de l’imagination. Plus de fuite possible, désormais. Monica l’avait décidé pour moi.

Je fis un sourire complice à Robert, saisit son membre frémissant entre mes doigts et fis un effort pour y apposer mes lèvres. Mais le corset-étau qui m’enserrait la taille jusqu’à la hauteur de mes seins m’empêchait pareille gymnastique. Je me dégageai de l’emprise de Robert, vint m’agenouiller dans l’espace trop étroit entre les banquettes, esclave soumise au pied de son « prince » conquérant.

La vue en gros plan de ce pénis d’homme, et peut-être plus encore la vue de mes ongles en celluloïd rouge vif, oscillant en lentes caresses sur ce pénis étranger, l’odeur de musc qui envahissait mes narines, toute cette situation si nouvelle pour moi me parut dès lors envoûtante. Je sentis mon propre pénis s’exciter, en phase avec celui que je caressais. J’ouvris grand ma bouche. Robert pressa avec douceur ma nuque pour envelopper son sexe dans l’ouverture de mes lèvres. Je fis, de ma langue, le tour de son gland circoncis. Le goût était salé. En lubrifiant de salive l’organe qui s’agitait de plus en plus, j’entrepris un mouvement de va-et-vient méthodique avec mes lèvres, variant avec subtilité la pression sur ses muqueuses sensibles. Robert se laissa prendre au jeu. « Ooooh oui ! J’aime ça ! Ooooh oui ! Haaa… Continue… Continue… Ouiiii ! Comme ça… Haaa. C’est vrai que tu suces bien ma cochonne… Dan ! Tu sais pas ce que tu manques… Cette fille… Ooouuu ! C’est l’pied, mon Danny ! »

Plus Robert gémissait de plaisir, plus j’étais moi-même excitée. Des images se bousculaient dans ma tête, où je me voyais réduite à ce rôle de prêtresse du sexe pour deux étalons insatiables. Qu’aurais-je donné alors pour que l’autre stationne la voiture, et vienne se joindre à notre orgie, enfonçant son membre dans mon orifice anal, pendant que Robert laisserait jaillir son sperme contre mon palais, jusque dans ma gorge assoiffée. Mais la Toyota trop exiguë n’était pas propice à de telles parties. Aussi, quand Robert fut prêt à exploser dans ma bouche, après quatre ou cinq minutes, je décidai de freiner son ardeur en serrant entre mes doigts la base de son sexe, question de ne pas consommer trop vite cette excitation. Robert n’apprécia guère la manuvre. Je reçus à pleine joue une formidable gifle : « Qui t’as dit d’arrêter, ma garce ? Quand on te demande de sucer, tu suces jusqu’au bout ! »

— « Pardonnez-moi, m’sieur », répondis-je, servile, en utilisant par réflexe le vouvoiement de l’esclave. Je repris mes caresses orales sans prendre le temps de masser ma joue endolorie.

— « Bon ça va… Comme ça c’est mieux… C’est bon ma p’tite ».

En quelques secondes à peine, je perçus de nouvelles pulsations le long de son membre. « Je viens. Jeeee viens. Ouiiii ! Avales tout… Ouiiii ! » Le jet de sperme ne vint pas tout de suite, pourtant. Robert se retenait, pour faire durer le plaisir d’avant l’orgasme, ce moment unique où l’homme se sent réduit à un sexe en fusion, et un esprit qui plane. Mais je sentais, à travers les veines gonflées de cette formidable tige de chair, et sous la peau du gland pressé près de ma gorge, les saccades internes de l’éjaculation naissante. J’appréhendais le goût de la semence, autant que je la désirais.

Le puissant jet de foutre me prit malgré tout par surprise. C’était un goût acide, un peu trop salé; vaguement semblable au goût beaucoup plus familier du liquide vaginal, mais plus prononcé, plus excessif. Plutôt désagréable en première impression. Mais dès que le second puis le troisième jaillissements vinrent emplir mon arrière-gorge, dès que j’eus la bouche pleine, le nez assailli par l’odeur, et que je commençai à avaler la substance laiteuse, ma perception se transforma. J’avalai de nouveau. Puis de nouveau encore, et encore. Jusqu’à ce que, de pulsation en pulsation, le pénis emprisonné dans mes lèvres se fut vidé de tout le sperme accumulé pendant cette soirée où Robert avait rêvé de moi, assise à l’autre table. J’en voulais de plus en plus. Je cherchais à pomper avec énergie les dernières gouttes de cette sève qui coulaient désormais sans pression de ce membre en retrait progressif.

Quelle délicieuse communion que de sentir ainsi sa bouche nourrie directement à l’organe de passion de l’être convoité. Sans cesser de parcourir de ma langue cet organe épuisé, à la recherche éperdue des derniers écoulements, des dernières odeurs, je jetai un regard rapide en direction du visage de Robert. Il paraissant comblé. Je le trouvai d’une beauté extraordinaire, à me donner envie de lui à nouveau.

Je m’étais déjà interrogée, à cause de ma fascination pour le travestissement, sur mes orientations sexuelles. En tant que femme, je fantasmais souvent sur l’homme qui allait me séduire, me prendre, me faire jouir. Mais c’était une autre femme, fictive, qui jouissait en moi. Une femme imaginaire mais entière, avec des seins et un vagin. Et dans le réel, l’homme que j’étais, lui, n’était attiré que par les femmes. Je demeurais de glace devant les autres hommes. Aucune pulsion. Aucune attirance. Seule la vue de ces travesties, brandissant leur pénis sur les scènes minables, me donnait quelque excitation, quelque envie de goûter aux plaisirs homosexuels. Encore que c’était plus souvent en prenant leur place en imagination que je me trouvais excitée.

Ce jour-là, quand Monica m’avait inséré le godemiché dans la bouche, j’avais pour la première fois ressenti la possible attraction d’un pénis. Puis au restaurant, j’avais été séduite par le désir de ces hommes. Mais cette première expérience avec le sexe d’un homme, cette première communion intime, dépassait tous mes fantasmes. Oui ! J’étais homosexuel. Ma bouche allait dorénavant rechercher cette sensation unique, lorsque le membre pris en charge vit et se vide en elle, lorsque le goût du sperme envahit tout, juste le temps d’une extase. Puis lorsque l’autre, apaisé, pose avec tendresse ses mains contre ma nuque, le temps d’une caresse.

Je regardais toujours Robert, le visage illuminé par la satisfaction obtenue. Tout chez lui me plaisait. J’étais séduite par les stéréotypes mâles que je lisais sur ses traits. Oui, je venais de basculer de l’autre côté de l’amour. Ou plutôt, non ! Je n’étais pas homosexuel. J’étais femme, tout simplement ! Monica m’avait transformée si totalement, que cette nouvelle orientation du désir n’en était qu’une conséquence inévitable.

Une pensée me vint alors. Je venais de connaître, dans cette simple « pipe », sur la banquette arrière d’une Toyota, avec un inconnu, une satisfaction quasi-totale. Et pourtant, je n’avais pas, pour ma part, connu l’orgasme. La tension du désir, la sensation de la jouissance de l’autre, le contact intime avec son plaisir, le goût sublime du liquide séminal puis son écoulant en volutes le long de mon sophage, tout ça avait suffi pour me procurer une satisfaction telle que l’orgasme me paraissait superflu. Indésirable même, s’il risquait de venir rompre le charme de l’excitation qui me faisait tant apprécier mon état présent, malgré la compression du corset et la meurtrissure de mes pieds.

Alors je me dis que, peut-être, je pourrais un jour me mettre aux hormones. Faire pousser de vrais seins sur mon buste, rendre ma voix conforme à ce que j’étais devenue, adoucir mes traits, ma

peau, mes muscles. Devenir femme. Et tant pis si les hormones diminuent souvent l’activité du pénis. Qu’avais-je besoin de cette queue de mâle en érection trop flagrante, si j’étais devenue femme, dans mon être comme dans mes désirs, et si je n’allais plus jamais cesser de l’être désormais.

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