« Hé, Jane ! Tu m’écoutes ? »
Elle secoue la tête pour revenir à ses esprits. Ses pommettes saupoudrées de taches de rousseur virent au rouge et un sourire gêné vient souligner son petit nez pointu et légèrement retroussé. Elle secoue encore ses boucles châtain clair qui frôlent ses épaules en fermant les yeux, pour chasser les images qui viennent monopoliser chaque parcelle de son esprit. Kazumi lui affiche un visage au sourire vicieux et se retourne vers la direction dans laquelle son regard vert émeraude s’est égaré juste avant. L’asiatique aux yeux noirs perçants la dévisage avec cette expression si malicieuse qu’elle seule à sa connaissance est capable d’afficher.
« J’en étais sûre, lui dit-elle sur son ton naturellement joyeux. Il te suffit de l’avoir quelques secondes dans ton champ de vision pour que ton imagination s’envahisse de tes fantasmes. Dis-moi à quoi tu pensais juste cette fois, s’il te plaît !
Tais-toi, lui murmure Jane sur un ton agacé et gêné à la fois. Quelqu’un va finir par t’entendre…
Et qu’est-ce qu’il pourrait se passer de mal ? raille Kazumi. Lui et toi dans un corps à corps torride ? Je vais finir par te croire vierge, ma petite Jane.
Arrête… lui supplie la femme de petite taille en rougissant encore plus. Ils vont passer derrière toi. S’il te plaît ne dis ri… »
Elle cesse subitement sa phrase dans son élan pour deux raisons. Ses yeux viennent de croiser ceux de Sergei, d’un bleu azur profond. Et elle vient maladroitement de présenter le diable à la succube. Elle a juste le temps de détourner son regard vers l’expression indécente de la Japonaise, que cette démone est déjà en train d’ouvrir la bouche.
« Tu devrais aller lui parler puisqu’il te fait tant d’effet, lâche-t-elle tout haut. Il faut bien que tu débarrasses ton bas-ventre de tes désirs, au bout d’un moment. »
Les deux hommes se stoppent net dans le dos de Kazumi. Ulrich, blond au visage fin et anguleux, présente un sourire grivois qui lui ressemble bien. Son regard claque comme une main sur la croupe de Kazumi sans complexe. Sergei n’a levé qu’un sourcil surpris, mais l’intensité de son regard bleu suffit amplement à exprimer la moindre de ses émotions. Jane se dit souvent que ses yeux seuls peuvent sourire pour tout son visage, lui étant souvent assez peu expressif. Aussi, elle a capté derrière ce regard quelque chose qui l’attire depuis le début, sans savoir trop quoi. Sûrement l’intensité de cette personne qui se cache derrière un visage de marbre souvent trahi par ses beaux yeux.
« Hé ben, fait Ulrich. Si l’une de vous a besoin d’un service, on peut toujours s’arranger.
Je veux bien que tu m’en rendes un, lui répond aussitôt Kazumi d’un ton exagérément érotique. Tu serais un amour si tu pouvais aller transmettre à Archam qu’une Technicienne Militaire des Forces Spatiales Japonaises l’attend dans la soute de stockage des outils D47. »
L’Allemand se renfrogne face au violent sarcasme bien placé de Kazumi. Il faut dire que depuis le temps qu’il l’attend, il vient d’obtenir une réponse claire et précise à des avances trop entreprenantes qu’il travaille depuis trop longtemps. Jane ne peut s’empêcher d’étouffer un rire qui lui fait oublier un instant son malaise, ainsi que le le fait qu’elle s’appuie sur une table haute circulaire du réfectoire. Son coude dérape sur la surface lisse et elle chute en avant en emportant bien sûr avec elle les deux tasses de thé à peine entamées.
Le Russe au regard envoûtant amortit sa chute de justesse de ses deux bras puissants. Il la relève comme si elle n’était pas plus lourde qu’une poupée. Elle est assez proche pour sentir son odeur, elle devine son après-rasage, et l’odeur suave qui le suit lorsqu’il revient de son entraînement. Ses mains fermes épaisses la tiennent par ses fines épaules. Elle en sent l’agréable chaleur et le poids rassurant. « Est-ce que ça va ? », lui demande-t-il de sa voix vibrante au léger accent slave.
Elle relève son regard vers son visage. Son crâne rasé à un millimètre et sa mâchoire carrée aux muscles saillants qu’on peut voir se mouvoir sous sa peau lui donnent un air intimidant. Le front de Jane arrive à peine à hauteur de la naissance de son cou épais. À côté de cette montagne de muscles surentraînés, elle se sent comme une frêle brindille à côté d’un chêne millénaire.
« Ça va, parvient-elle à articuler en baissant son visage qu’elle sent rougir de honte. Je sais pas ce qui s’est passé.
Fais attention, lui répond-il. »
Les deux militaires tournent les talons et retournent à leurs occupations. Jane se maudit de sa maladresse qui vient toujours la déranger dans les moments les plus gênants. Elle nettoie les dégâts à l’aide de son amie au culot un peu trop forgé. Les tasses s’en sont sorties indemnes, contrairement à sa modeste fierté.
« Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi maladroit que toi à l’armée, finit par lui dire Kazumi d’un ton amusé. Comment est-ce qu’on recrute en Amérique ?
C’est pas le moment… soupire Jane.
C’est déjà quelque chose de tout renverser en tombant dans un moment pareil, poursuit Kazumi. Mais si tu t’étais au moins excusée pour le thé sur son pantalon, tu aurais même pu lui glisser une petite allusion subtile. »
La militaire engourdie sent son cur rater un battement.
« Le thé… sur son pantalon ? demande-t-elle en écarquillant les yeux.
Non, t’es pas possible, ma petite Jane… soupire Kazumi. Tellement absorbée par tes pensées perverses que tu ne fais vraiment attention à rien. Tu peux bien te justifier par le fait que les relations soient interdites au sein de l’équipage. Mais j’en pense que là, c’est presque un besoin médical de te faire prendre par ce type. Tu deviens complètement détraquée.
Arrête, s’il te plaît…
Non, je suis sérieuse. Je sais que je te l’ai déjà dit, mais je peux t’obtenir le code de sa soute…
C’est gênant ! finit par s’énerver l’Américaine. Arrête, maintenant. »
Cette fois, les railleries se taisent. Pendant quelques secondes.
« C’est dommage, reprend la Japonaise. Tout ça m’avait pourtant rappelé une précieuse information que je devais te donner à son sujet… »
Jane reste muette, décidée à ignorer les sarcasmes sans limite de son amie. Comment peut-elle être si crue dans sa personne ? Et comment peut-elle avoir toujours de la ressource ? Depuis les quelques semaines qu’elle la connaît, jamais elle ne l’a vue à court de munitions dans quelconque domaine. Une femme aussi compétente peut bien se permettre d’être aussi sûre d’elle. Et elle est si belle de sa silhouette élancée, de ses longs cheveux noirs et lisses, de son fin visage aux traits si félins… Un pur concentré de charisme d’un dynamisme déroutant.
Jane la déteste en cet instant de faire ainsi bouillir son esprit. Elle brûle d’envie de lui demander cette « précieuse information », mais elle sait qu’en attendant un peu, Kazumi ne saura se retenir très longtemps.
* * *
« Fais attention ? lui dit Ulrich d’un air déconcerté quelques mètres plus loin. Tu te mets à rêvasser dès que tu la vois et une fois qu’elle te saute dans les bras, tu la refroidis façon FSB ! »
L’Allemand surexcité se met à mimer une scène aux expressions délurées. « Oh, fuck me like a Tsar, my big Russian bear ! », fait-il avec des yeux de biches et une horrible voix aiguë. « YA ub’yu tebya ! (Je vais te tuer !) » imite-t-il en rehaussant exagérément les épaules et en bombant le torse, avec une voix grave peu convaincante et un accent Russe trop caricatural.
« C’est pas ce que je voulais dire, répond froidement Sergei.
Je sais, rétorque Ulrich. T’es juste absolument pas doué avec les femmes.
On parle de toi ? répartit le Russe.
D’accord, j’ai une approche un peu… spéciale. Mais crois-moi, ça finit tôt ou tard par porter ses fruits. Tu verras.
Plus tard que tôt, à mon avis. Et avec au moins une bouteille de descendue et l’accord du désespoir.
C’est bien, se vexe l’Allemand. Reste poète et ignorant des femmes si tu le souhaites. En attendant, moi, je sais comment réagir quand une telle femme me saute dans les bras. »
Sergei se sépare de son ami bruyant et agité devant sa soute vide et silencieuse. Il n’est pas d’humeur ce soir à rejoindre ses semblables autour des tables animées par leur énergie débordante. Il n’y est pas souvent d’humeur ces derniers temps, d’ailleurs. Lui pourtant habituellement si friand de ces soirées riantes aux jeux de dés et de cartes divers et variés, aux bras de fer et autres jeux de couilles puérils, aux milles histoires tantôt trop fantasques pour être crues, tantôt trop tristes et réelles pour être oubliées. Ces soirées vivantes en compagnie de sa seule grande et chaleureuse famille.
Il compose le code de ses appartements, qu’il avait même changé pour mettre le numéro de matricule de cette femme afin de ne pas l’oublier. Il avait décidé que si les négociations avec les aliens échouaient, il la prendrait dans son escouade et la protégerait jusqu’à la fin. Lui-même se trouve dangereusement amoureux, mais également incapable d’ignorer ce sentiment profond. Cette douce lame qui caresse son âme lui fait oublier les immondices et atrocités qui se sont entassées dans son esprit au long de sa carrière.
Depuis qu’il a croisé cette femme merveilleuse, chaque morceau de son temps libre est consacré avec ou contre son gré à penser à elle. Sa petite taille et sa mince silhouette qui la rendent si fragile de l’extérieur, et cette incroyable force qui se dissimule presque parfaitement derrière son regard émeraude… Et ce hasard qui croise si souvent leurs chemins, ce cruel hasard qui aide son sadique esprit à le torturer avec ses fantasmes… Rien pour l’aider.
Pas de relation entre membres de l’équipage. Le règlement, qu’il a lu et relu durant les mois insoutenables pendant lesquels il espérait une réponse positive à sa promotion, est formel. Et malgré tout, Ulrich a raison. L’ours Russe Sergei ne peut s’empêcher de penser à elle dès qu’il franchit le seuil de ses appartements, si vides de la moindre trace d’un quelconque souvenir d’une quelconque personne ou d’un quelconque endroit, qu’on le croirait inhabité.
Sous la douche, il pense à elle. Lorsqu’il s’en va arpenter les couloirs nocturnes vides et silencieux pour aller regarder la Terre dans le pavillon panoramique, il pense à elle. Lorsqu’il soupire seul dans son lit en étreignant ses draps, il pense à elle. Et en cet instant, il pense à elle.
Il secoue la tête vainement, elle ne veut pas sortir de sa tête. Il soupire, ouvre sa combinaison et la laisse tomber négligemment au sol avant de se diriger vers la douche. Il fait couler l’eau brûlante sur son corps lisse aux reliefs impressionnants. Il revoit son regard vert pétillant qui croise le sien, son visage délicat au teint pâle, ses pommettes rougies. Il sent le toucher délicat de ses fines mains qui s’agrippent à ses biceps lorsqu’il la rattrape, son poids presque insignifiant pour une personne aussi intensément troublante. Son parfum discret et sucré lui revient, l’odeur de ses mèches bouclées qui frôlent ses fines épaules, la vue interdite de sa moyenne poitrine moulée sous sa combinaison… Il imagine ses doigts rugueux se poser sur son fin menton, ses fines lèvres au sourire timide qui s’approchent des siennes… Il revient à lui, lâchant un long soupir de frustration.
En sortant de la douche, l’envie lui prend comme souvent d’aller passer une heure ou deux dans le pavillon panoramique. Il attrape une nouvelle combinaison de son placard mural, plus confortable mais pas moins formelle pour son grade. Comme chaque nuit, il constate avec satisfaction qu’il est le seul à avoir l’idée de se promener dans le vaisseau à ces heures. Dans le pavillon, il se pose à sa place habituelle, au plus près de la vitre, face à la Terre dans toute sa sphère. Ici, aucun bruit. Seuls les crépitements et grésillements légers des machines aux diodes dansantes, qui font partie du silence depuis déjà plusieurs semaines.
* * *
« Si ça peut t’aider à me pardonner, je vais te lâcher cette information, ma petite Jane. »
Elle la scrute en attendant son regard suppliant, Jane le sait. Mais n’en pouvant plus, elle finit par capituler en levant ce regard vers Kazumi.
« Me regarde pas comme ça, raille cette dernière. Bien sûr que j’allais te la donner quand même. Figure-toi que ça va très probablement t’être utile dans ta grande quête de la chevauchée spatiale… »
Ah, cette façon de mettre du suspens partout où on en veut pas, l’Américaine ne s’y est toujours pas fait. Elle n’aime pas trépigner de cette façon devant ce qui pourrait n’être qu’une miette de pain sous une cloche de platine. Pourtant, elle le fait à chaque fois et maintenant encore. Cette Japonaise perverse n’a aucune limite.
« Le pavillon panoramique, finit-elle par lâcher. Ça fait déjà trois fois depuis la semaine dernière que je l’aperçois seul là-bas entre minuit et deux heures. »
Jane se garde de lui demander ce qu’elle pouvait bien faire dans cette zone-là dans ces heures-ci. Son imagination travaille déjà contre son gré sur une scène qui menace son bas-ventre de prendre feu immédiatement. S’y rendrait-elle ce soir ? Le croiserait-elle ? Que se passerait-il ?
« Tu es déjà en train d’y penser ! la taquine Kazumi. Tu me raconteras demain ? Tu me dois bien ça. »
Jane évite de croiser son regard, toujours par cette crainte qu’elle puisse voir les images indécentes de son esprit. Elles arrivent enfin aux appartements de l’Américaine.
« Courage, poursuit la femme obsédée. Et ne te fatigues pas trop sous la douche, gardes-en pour lui. »
Jane lui rend un bref sourire gêné, et elles se quittent. Elle la trouve fatigante à ne jamais relâcher la pression, une vraie batterie nucléaire. Mais au moins, elle l’aide à se rapprocher de ses fantasmes… Dans sa chambre désordonnée, elle lâche un soupir d’excitation qu’elle retient depuis que son imagination a un nouveau terrain de jeu à exploiter. Le pavillon panoramique ? Quoi de moins caché, quoi de plus découvert et de plus absurde pour faire naître une relation aussi interdite ?
Elle ouvre sa combinaison et la laisse glisser sur son corps jusqu’à ses pieds, puis se dirige vers sa salle de bains. Sous la douche, elle ne parvient pas à retenir ses mains de la caresser partout où elle désire les siennes. Dans son lit, elle ne parvient pas non plus à trouver le sommeil. Son regard se promène entre le vide et le réveil. Dans une demi-heure, il sera peut-être là-bas en train de contempler l’espace. Elle est plus sensible à ses propres pensées qu’habituellement, elle respire plus fort. Son ventre se tord d’un mélange d’angoisse et de désir. Car elle sait au fond d’elle qu’elle ne saura se retenir d’y aller. Et qu’elle ne saurait non plus quoi faire si elle le rencontre seul ce soir…
Et quelques dizaines de minutes plus tard, elle l’observe d’un recoin sombre du pavillon, le cur battant à toute allure. Il est debout à quelques centimètres de la baie vitrée, le regard plongé dans les étoiles. Depuis une dizaine de minutes, elle est incapable de bouger. Elle se demande à quoi il pense. Dans le reflet, elle voit son visage de marbre figé dans ce qui semble être une profonde réflexion.
* * *
Il sent son odeur l’atteindre, ses douces mains chaudes parcourir son large dos, se laisser aller sur ses épaules aux trapèzes trop souvent tendus. Il sent la caresse de ses ongles monter et descendre derrière son crâne, sur sa nuque… Il cligne des paupières, revient à lui avant de ne plus savoir arrêter son esprit, se frotte les yeux et se retourne. Il cligne de nouveau des paupières, se frotte encore les yeux, et scrute de nouveau la pénombre de la grande pièce. Cette fois, ce n’est pas son imagination. Elle est là, le caressant de ses grands yeux verts, se mordillant nerveusement le dos de l’index.
Il distingue sa silhouette entre mille. Elle parait si chétive à côté des autres femmes de l’équipage… Il reste quelques longues secondes estomaqué. Malgré le fait qu’il ait déjà imaginé semblables scènes des dizaines et des dizaines de fois, il n’est pas prêt. Comme à chaque fois, son cerveau se fait une crampe en réfléchissant trop vite et trop fort à la situation. Bien moins simple qu’un champ de bataille, cette femme… Comme toujours, Sergei finit par être un idiot.
« Qu’est-ce que tu fais ici à cette heure ? demande-t-il sans contrôler son ton impassiblement froid. »
Il distingue un léger tressaillement dans l’obscurité, et s’insulte d’être si rustaud.
« Désolée… murmure-t-elle fébrilement. Je… Je pensais aux négociations en cours… Je voulais voir un peu la Terre… »
Elle fait aussitôt volte-face. Le cerveau de Sergei est en feu, il retient son envie de se frapper la tête contre n’importe quelle surface dure. Il se maîtrise difficilement. Il imagine son cur s’arracher de sa poitrine et continuer de palpiter au sol en sautillant… Tant pis, il doit réagir.
« Attends, dit-il d’une voix qu’il réussi à faire plus douce. Excuse-moi, s’il te plaît… Tu peux venir regarder avec moi. Si tu en as envie… »
Jane se tourne de nouveau face à lui, le dévisage quelques longues secondes de ses grands yeux verts. « D’accord. » finit-elle par lâcher. Sergei aperçoit un bref et timide sourire sur ses lèvres parfaites. Son abdomen chauffe gravement, son cur veut exploser. Le temps semble se dilater tandis qu’elle marche vers lui, se dévoilant dans la lumière opaque argentée.
La démarche de Jane semble un peu hésitante. Il baisse le regard et se flagelle mentalement de l’avoir observée aussi longuement sans détourner le regard. Il se tourne vers la Terre, se sentant rougir de toutes ces émotions en fusion. L’odeur de son aimée l’achève. Il n’est plus capable de lâcher un seul mot. Il reste là, planté comme une tige, elle à ses côtés. Il ose un regard bref en biais. Elle semble plongée dans ses songes, inquiète. Lui, les négociations étaient passées en second plan dans son esprit. Un second plan complètement dissimulé par la présence de cette beauté redoutable… Elle le regarde de biais à son tour.
« Tu penses que tout se passe bien, en bas ? demande-t-elle finalement après ce pesant silence.
Je l’espère, répond-il d’un ton qu’il parvint à maintenir à peu près serein. »
Il cherche que dire, mais la question n’est pas dans les couleurs de ses pensées actuelles. Il se concentre quelques secondes sur sa respiration. Diminuer son rythme cardiaque, comme sur le champ de bataille. Réfléchir de façon rationnelle. Il plonge son regard dans le sien, éclatant de sa beauté intérieure. Autant être sincère sans pour autant risquer son cur…
« Si jamais ça se passe mal, je serai là pour te protéger. »
Après tout, et si la Terre explose là maintenant ? Le protocole ne dit rien à ce sujet. Et il ne dirait plus jamais rien, de toutes façons. Il brûle d’envie d’étreindre tendrement son petit corps contre lui, de déposer ses lèvres contre son front dont les sourcils se levaient d’un air étonné. Et ses doigts, dans ses boucles châtain clair… Et ses fines épaules, avec lesquelles il l’a vue retourner quelques rudes soldats pourtant plutôt habiles durant les entraînements. Ulrich compris. Elle est juste parfaite…
* * *
« Ne t’en fais pas autant pour moi, répond-elle. »
Non, ce n’est pas ce qu’elle voulait dire ! Jane se raidit, elle ne sait plus où se mettre sauf contre lui. Contre son torse. Le seul endroit du vaisseau qui lui est inaccessible, c’est le refuge qu’il pourrait lui faire entre ses bras. À la réception de sa réponse, Sergei affiche une grave expression remplie de gêne et se referme aussitôt. Le cur et l’esprit de la soldate s’emballent, elle ne trouve pas les mots pour se faire comprendre. Elle se referme elle aussi.
« C’est vrai que tu es forte, lâche Sergei quelques minutes plus tard.
De loin pas autant que toi, répartit-elle spontanément.
Ça, personne ne le sait, rétorque son supérieur. Et moi je sens quelque chose en toi. Quelque chose de spécial. Quelque chose d’écrasant. »
Jane ne sait quoi répondre. Sa répartie se liquéfie alors qu’elle souligne du regard les clavicules de son fantasme. Elle remet ses pensées à peu près en ordre avec difficulté, tandis que l’odeur du Lieutenant l’envahit toute entière. Ses organes lui supplient tellement de choses inavouables…
« Nous devrions nous reposer, dit le Russe. Et se tenir prêts au cas où…
Tu as raison, répond-elle sans réfléchir. »
À l’intérieur, elle panique. Non, pas maintenant ! Pas déjà… Elle veut parler plus avec lui, à défaut de pouvoir faire encore mieux. Elle a son obsession pour elle seule, là devant elle, pour la première fois. « Bonne nuit à toi, lui dit-il avant de tourner les talons vers la sortie. Repose-toi bien. » Son esprit chauffe, tourne à une vitesse furieuse. Et si tout se termine cette nuit ? Elle ne peut pas le laisser fuir… Non, vraiment pas. Tant pis… Elle va jouer de sa maladresse, et de la perversion bien connue de Kazumi. Quand elle prononce ces mots, elle ne se reconnaît pas. Quand Sergei se retourna, elle ne le reconnaît pas non plus.
* * *
« Zastav’ menya lyubit’. »
Ces mots, il les a senti pénétrer son échine. Jane les a prononcés si naturellement… Il bloque de longues secondes sans bouger, estomaqué. Comme un coup d’estoc porté précisément au milieu de son cur qui, après avoir raté un battement, en enchaîne une déferlante qui pourrait aisément rivaliser avec celui d’une kalachnikov. Il se dit que son esprit avait du lui jouer un sale tour, ou qu’elle avait peut-être simplement mal prononcé autre chose. Pourtant, son accent était parfait, comme si elle avait répété cette courte phrase.
Il se tourne vers Jane. Elle le transperce de ses grands yeux verts, avec une expression qu’il n’a encore jamais vue. En même temps, il se délecte de son visage, tient son abdomen frétillant d’une main et sa poitrine tambourinante de l’autre. Quelques longues secondes encore, le visage béa. Enfin, il parvient à articuler un mot, presque un murmure.
« Comment ? »
* * *
Jane n’eut aucun mal à prendre un air gêné, puisqu’elle l’était réellement malgré sa petite comédie. Sa main se perd nerveusement dans ses cheveux à l’arrière de son crâne. Son cur balance entre la peur et l’excitation. Elle poursuit :
« Euh… ’’Bonne nuit’’ en Russe… Non ? »
Sergei semble bloquer de nouveau, mais la surprise quitte son visage. Il semble réfléchir, ses yeux plissés toujours plongés dans les siens. Elle frissonne en songeant qu’il ne s’étaient jamais regardés mutuellement aussi longtemps que ça. Elle doit le tenir, tant pis. Son corps entier a besoin de son corps entier. Et elle désire le connaître plus que ce qu’elle sait de lui par le biais de sa carrière militaire. Confirmer ce qu’elle pense de lui, si modeste de sa personne, si discret malgré sa carrure, si doux derrière son masque de marbre. Lorsqu’il l’a rattrapée, il a été si délicat et attentionné en un si court instant que c’en est encore inexplicable. Il l’a laissée complètement fiévreuse de lui…
« C’est Kazumi qui t’a dit ça ? finit-il par lâcher. »
Bingo ! Jane se promet de remercier demain son amie de sa réputation grivoise. Elle cache derrière ses mains son visage rougissant pour continuer.
« Oui… Oh non… C’est encore une blague débile de sa part, j’imagine. J’aurais dû me douter… Et je suis encore ridicule, c’est ça ? Cette femme est un serpent. »
Sergei commence à rire doucement et nerveusement, avec un air gêné. Jane le suit dans le même pattern émotif. Le rire s’accentue, jusqu’à devenir complètement incontrôlable quelques minutes durant. Ils se calment avec quelques pics de rechute, Jane sent la panique s’évaporer. Sergei semble beaucoup plus détendu aussi.
« Pardonne-lui, répond-il finalement en essuyant ses larmes. Elle a un humour d’une sacré qualité et toujours l’énergie de le faire valoir. On a besoin de ça dans ces périodes de tension. Ah, ça fait du bien…
Je suis d’accord, mais je tâcherai quand même de lui rendre ça. »
Le sourire de Sergei s’étire. Son visage a changé, comme s’il s’était enfin animé pour de bon. Il est gravement beau… Incroyablement craquant.
Je comprends. C’est pareil avec Ulrich et les autres. On est parfois vaches entre nous, mais je leur pardonne et je leur rend bien. C’est comme une petite famille, tout ce monde… »
Sergei a grandit dans un orphelinat. Ça, Jane l’a appris au détour d’une conversation que sa fine ouïe avait interceptée entre lui et un de ses camarades. Elle s’en veut de le savoir, mais moins maintenant qu’il vient presque de lui confier cette information confidentielle. Et de plus…
« Une petite famille… dit-elle à mi-voix. C’est ce que je ressens aussi. Du moins, je pense. Je n’ai jamais eu de famille. Mais à l’armée, c’était différent. Surtout dès les premières batailles… »
Leurs regards se croisent, teintés d’une sorte de tristesse étouffée.
« Toi aussi, tu as grandi à l’orphelinat ? lui demande-t-il.
J’étais turbulente autrefois, avoue-t-elle. Bien plus qu’aujourd’hui. Personne n’a voulu de moi. Parce que je n’ai voulu de personne. En sortant de l’orphelinat, on m’a directement emmenée en maison de redressement. J’y suis restée un an, puis j’ai réussi à me faire engager dans l’armée. Tout a changé, et j’en suis là aujourd’hui. »
Elle se surprend à parler naturellement de ça. Elle en parle très peu, en temps normal, si ce n’est jamais. Elle hésite à renvoyer la question à son propriétaire, et préfère finalement attendre que son regard bleu revienne se poser sur elle. « J’ai pas été tellement mieux… lâche-t-il simplement. »
* * *
Sergei n’a plus envie de fuir. La panique s’est complètement dissoute dans le fou rire, grâce à Kazumi. Il n’a pas envie de gâcher cet instant par les souvenirs de son passé. Jane le dévisage sans retenue, et cela ne lui fait plus peur. Il lui rend sa fascination, souriant, apaisé. Mais il fallait qu’elle perturbe ce moment de sérénité…
« Tu ne m’a pas dit ce que ça voulait dire, s’enquiert-elle.
De quoi ? répond-il spontanément. »
Il sait très bien de quoi elle parle… Il avait complètement oublié ce maudit détail qui aurait mieux fait d’aller se perdre dans le vide spatial.
« ’’Zastav’ menya lyubit’.’’ Tu ne m’as pas dit ce que ça voulait dire. »
Puis après tout, il ne peut pas lui mentir, elle l’apprendrait tôt ou tard de Kazumi. Sergei ne se perd pas dans la panique cette fois. Il réussit à faire simple.
« Ça veut dire ’’Fais-moi l’amour’’. Ton amie est une perverse, dit-il avec un sourire gêné.
Euh… Tu veux dire qu’elle a voulu… Nous… »
Encore quelque chose auquel il n’a pas pensé… Jane nourrit le feu dans son abdomen… Ils rougissent bêtement ensemble. Ulrich l’aurait raillé jusqu’à sa mort s’il avait assisté à rien que cette petite scène absurde. Ils ont dans la trentaine tous les deux, et ils sont bêtes comme des gamins amoureux, et même bien moins habiles. Sergei retient un soupir, maudissant ses pensées obscènes et abandonnant à nouveau cette bataille contre lui-même.
« On devrait vraiment aller se reposer, dit-il en se levant avant de se diriger vers le sas menant au couloir. Spokoynoy nochi. C’est comme ça qu’on dit. »
Son corps va finir par se liquéfier, ou s’enflammer, ou n’importe quoi de complètement fou. Il se souvient à peine comment marcher naturellement. Sa tête, en dehors d’être rouge, est habitée par le chaos. Sa poitrine, il est certain que les battements frénétiques doivent en être bien audibles à l’extérieur. Elle le stoppe quelques secondes plus tard en quelques mots qui le percutent encore. Il s’arrête net, stupéfié.
« Zastav’ menya lyubit. »
Il avait presque atteint la sortie lorsqu’elle avait prononcé cette phrase. Son ton mêlait de l’excitation et autre chose de plus complexe. Une lumière jaune aveuglante illumine le pavillon quelques secondes. Puis un craquement effroyable, comme si l’univers se déchirait, suivit aussitôt d’un long grincement sourd du côté du couloir. Sergei se retourne aussitôt et court rejoindre son aimée, face à la baie vitrée, le visage dans les mains. La Terre, aussi petite que Séléné vue de cette dernière, s’enflamme d’une lueur semblable à l’éclair précédent. Alors c’est vraiment arrivé. La fin de l’humanité…
Ils se retournent pour ne voir que les débris lointains du reste de la station. Le pavillon semble être la seule pièce indemne. Cruel hasard… Le Lieutenant reste estomaqué. Jamais auparavant il ne s’est senti aussi impuissant. Le sentiment qui commence à le dévorer est inexplicable. Désormais plus aucun repère dans l’univers. Il n’y a plus aucune place pour lui nulle part. Ni pour Jane, qui se tient l’abdomen, la bouche ouverte, les yeux trempés. Enfin si. À elle, il lui reste une dernière place, et il est grand temps qu’il lui présente…
* * *
Jane est tétanisée. Elle n’a plus rien d’autre à perdre que leurs vies, désormais aussi insignifiantes que ces débris dehors. Tout a été pulvérisé. Tout sauf cette pièce, et eux. Elle frissonne lorsque Sergei passe ses bras autour de ses épaules. Le dos contre son torse chaud, elle se laisse choir complètement. Elle sent une larme tiède perler dans sa nuque. Elle se dégage, et se jette de face dans les bras de son amour. Dans le silence, ils se serrent, échangent leur tristesse, pansent leurs blessures du passé, se choient intensément, sans oser échanger un regard. Elle sent ses mains qui passent dans ses cheveux, glissent sur ses épaules. Elle s’attarde sur son torse et son abdomen, dessine leurs formes. Elle s’enivre de lui, pour tout oublier. Tout oublier sauf lui.
« J’aurais aimé te protéger, murmure-t-il d’un voix enrouée. Pour toujours. »
Elle ne sait pas répondre, sachant qu’au moindre mot, la bulle dans sa gorge éclatera en sanglots. C’est le haut parleur saturé de l’IA de la station qui le fait à sa place.
« Alerte générale. Alerte générale. Dommages critiques de la station. Dommages évalués à plus de quatre-vingt-dix-huit pourcent. Impossible d’établir une liaison avec la Terre. Impossible d’établir une liaison avec une autre station. Balise d’urgence dysfonctionnelle. Calcul de l’état de la situation. Sept heures et vingt-huit minutes d’oxygène restantes. Générateur de gravité de secours fonctionnel pour une heure et vingt minutes. Collision avec la Terre estimée dans une heure et cinquante-quatre minutes. Collision estimée à un kilomètre par seconde. Chances de survie de l’équipage : Nulle. »
Les pronostiques sont infâmes, mais aucunement surprenants. Au moins, ce ne serait pas l’asphyxie… Elle s’écarte de Sergei le temps de faire taire le funeste message qui se répète en boucle. Ils se regardent quelques longues secondes, accablés, désorientés. Leur fin est certaine. Ils ne leur reste que quelques pages à vivre… Jane se blottit à nouveau contre Sergei, qui l’accueille avec toute la chaleur humaine qu’il reste dans cette galaxie. Elle sent ses lèvres tendres et tièdes se poser contre son front. Elle savoure les quelques baisers qu’il dépose sur son visage, trop perturbée pour être surprise. De toute façon, elle n’a plus rien à perdre, et encore lui à gagner. Elle lève son visage vers celui du Lieutenant, qui ne l’est plus pour personne à part elle. Elle enfonce son regard dans le sien sans plus aucune crainte. Il se laisse sonder, montre du désir derrière une foule d’émotions qui se bousculent dans la panique. Comme elle, son cerveau doit être dépassé par la situation. Il prend son visage entre ses mains, la scrute jusqu’au fond de son esprit.
« Je t’aime, confie-t-il avec toute la sincérité de l’univers sur son visage triste.
« Ya tebya lyublyu, soupire-t-elle, larmoyante. »
Il prend délicatement son menton entre ses doigts, relève son visage vers le sien. Puis ils unissent leurs lèvres. Les siennes sont épaisses, consistantes, hésitantes mais désireuses. Elle aime sentir glisser ses grandes mains sur ses hanches, tandis qu’elle caresse toute la surface possible de son dos large et puissant. Elle se sent entièrement à lui, rien qu’à lui, juste pour lui. Elle oublie tout, sauf lui, et ses fantasmes. Il est à elle, entièrement à elle, rien qu’à elle et juste pour elle. Enfin.
* * *
Ses fines lèvres sont douces, agiles et gourmandes des siennes. Elles ne se séparent que pour se retrouver aussitôt. Ils se dégustent, comme s’ils s’étaient regardés plusieurs siècles avant de pouvoir se toucher enfin. Il sent la pointe mouillée de la langue de Jane venir caresser sa lèvre inférieure. Par réflexe, la sienne vient à sa rencontre. Ils se tâtent un peu maladroitement, puis finissent par s’accorder dans un baiser fusionnel. La fougue monte lentement. Il a tant à découvrir de cette merveille… Il se délecte de ses caresses attentionnées, et lui rend sa tendresse avec une passion à peine retenue. Ce corps, il le chéri déjà dans ses songes depuis trop longtemps. L’idée d’être en train de rêver file dans son esprit, et s’égare dans l’oubli. Tout peut bien rejoindre le néant, ça lui est bien égal. Tout sauf elle et cet instant présent.
Sa fine nuque dans le creux de sa main, il sent au bout de ses doigts son cur palpiter dans son cou. Il défait l’étreinte de leurs langues, et descend déposer dans ce cou de légers baisers, qu’il appuie de plus en plus à mesure que l’Américaine laisse s’échapper de cette gorge chaude de doux gémissements de satisfaction. Elle caresse l’arrière de son crâne de ses ongles, l’invitant à continuer de plus belle. Son odeur, sa chaleur, ses attentions… Tout le bonheur de son monde imaginaire enfin matérialisé…
Les boucles de Jane glissent sur son visage et ses épaules. Sergei ne résiste pas à l’envie de reprendre ses lèvres entre les siennes, tandis qu’elle ouvre le zip de sa combinaison dans son dos. Ces mains qui se promènent sur son corps, il sent ses muscles en fondre, et lorsqu’elle fait glisser le haut de sa combinaison sur sa taille pour le toucher encore et encore, et embrasser son torse, faire glisser ses doigts, et ses ongles dans son dos, il en frissonne de plaisir et d’excitation. Entre ses jambes, la combinaison devient affreusement étroite et insupportable, mais ce n’est pas grand-chose à côté des attentions qu’elle lui offre. Elle parcourt ses quelques cicatrices de ses doigts, de ses lèvres… Même son regard, il le sent sur sa peau.
À son tour, il fait glisser la fermeture le long de la courbe de son dos, jusqu’à la naissance de ses fesses, puis il tire doucement sur son col. Elle défait ses manches à mesure que sa combinaison glisse, et offre à sa vue désireuse sa poitrine libérée. Il perd son regard sur sa peau laiteuse, sur son ventre marqué par sa rigueur sportive, ses beaux seins ronds aux pointes roses pâles, ses bras aux muscles fins et dessinés par l’entraînement, ses hanches courbées qui épousait la forme de son bassin à la perfection… Elle rougit de nouveau, et vient aussitôt poser ses seins chauds contre son torse saillant. Il l’encercle de ses bras quelques secondes, profitant de chaque instant, chaque sensation…
* * *
Son amant se met à genoux devant elle. Ses lèvres douces et tendres se posent sur son ventre, ses mains parcourent sa chair frissonnante, massent ses seins. Avec ses doigts, il joue tendrement et fermement avec ses pointes durcies. Ses trapèzes se contractent sous ses ongles, qui vont l’encourager en caressant l’arrière de sa tête. Elle le sent frissonner lorsqu’elle passe sur sa nuque et dans le creux de son cou. Il mordille tendrement la peau de son ventre, avant de la chérir encore de baisers charnus et appuyés…
Elle se laisse glisser contre lui, il la retient contre son grand corps par les fesses, afin de pouvoir embrasser sa poitrine. Ses lèvres pincent tendrement ses pointes, sa langue les caressent fougueusement, ses dents les mordillent tendrement. Jane prend un plaisir fou à le laisser découvrir et aimer son corps de la sorte. Doucement, elle descend encore pour sentir sa bouche chérir son cou… Son corps a eu beau imaginer ce genre de choses avec lui des centaines de fois, c’était bien mille fois meilleur maintenant… Plus sensationnel même que son premier voyage spatial, alors que c’était le dernier…
* * *
Sa poitrine soyeuse aux pointes dures contre le haut de ses pectoraux, son ventre chaud contre son sternum, son cou palpitant, le creux de ses reins, son odeur, ses soupirs… Elle est incroyablement fantastique de son être entier. Et ses lèvres encore… Elle frotte doucement son entrejambe contre la bosse endolorie de son pantalon, jusqu’à ce que sa respiration se saccade et qu’elle ne sache plus se concentrer sur le baiser. Sergei la soulève par le dessous des cuisses et la repose sur une chaise roulante non loin. Il se contrôle à peine, trop enivré d’elle. Jane jette ses chaussures quelque part plus loin, et il se charge de faire glisser sa combinaison le long de ses superbes jambes.
Entièrement dénudée, elle ne lui cache rien de sa beauté. Il sourit lorsque son regard se pose sur le petit cur châtain sur son pubis. Elle se mordille les lèvres, son regard fiévreux et impatient alterne entre son visage, son torse et son sexe douloureusement entravé. Il s’agenouille de nouveau, parcourt ses jambes de ses baisers, remontant vers le creux de ses cuisses aux lèvres gonflées, brillantes et entrouvertes. Elle s’agite en frissonnant, encore plus lorsque ses lèvres rencontrent sa fente déjà trempée. Son odeur embrase sa fougue mais il se retient encore. Il embrasse tendrement son pubis, mordille le creux de ses cuisses, pose quelques baisers sur ses lèvres. La main de Jane derrière son crâne se crispe, l’invitant à arrêter la torture. Il caresse tendrement sa chair entre ses dents, puis pose ses mains à l’intérieur de ses cuisses. Des pouces, il ouvre sa douce fente mouillée, et sort sa langue pour aller l’engloutir dans l’orifice de son aimée. La fougue reprend doucement le dessus.
Du bout des lèvres, il embrasse son clitoris, qu’il lubrifie ensuite de la pointe de la langue. Il tourne autour de son bouton de chair en le frôlant. Elle halète chaudement, son bassin bouge d’avant en arrière sur la chaise. Il lui jette de furtifs regards, la voyant rougir et sourire, rejeter ses cheveux en arrière quand elle se cambre en soupirant… Elle caresse ses seins d’une main, tandis que l’autre plante doucement ses ongles dans son cuir chevelu. Il appuie un peu plus sa caresse humide, lape son plaisir, le prend entre ses lèvres, le lèche de ton son long, le mordille avec attention… Il prend un plaisir astronomique à lui faire échapper de vibrants gémissements, de plus en plus longs alors qu’elle s’agite de plus en plus. Son corps se crispe, elle manque parfois de lui briser la nuque entre ses cuisses, ses expressions perdent en pudeur.
Sans cesser son baiser clitoridien, Sergei insère doucement son index dans l’intimité chaude et soyeuse de son amante. Elle approuve d’un gémissement sincère, pendant qu’il étire son tendre clitoris en l’aspirant délicatement. Du bout du doigt, il recherche contre la paroi haute de son vagin, cet endroit relié à ce petit bouton d’amour entre ses lèvres. Il le trouve, légèrement plus rugueux qu’ailleurs, et elle lui confirme d’une nouvelle expression positive. Tout en s’appuyant sur les douceurs de sa langue, il malaxe sagement son intérieur sensible, joue avec, le déforme tendrement. Elle lui tient la tête entre les mains et se tortille plus intensément sur la chaise. Ses jambes s’écartent aussi grand qu’elles le peuvent, et se referment autour de ses épaules. Ses pieds le tirent vers elle, il s’intensifie dans son action. Elle le serre de plus en plus fort. « Oui… Oh… Aaah… Ouiiiiiiiii… »
Un rien d’elle le met dans un état d’excitation brûlant… Elle jouit un long instant de satisfaction suprême, alors qu’il ne relâche pas son plaisir des lèvres. Puis elle le repousse doucement et se relâche, la respiration bruyante. Elle sourit, les pommettes rouges, ses yeux d’émeraudes brillants le caressent et le mordent du regard. Féline, sensuelle, dangereuse et affective. Elle se lève, lui aussi. Elle embrasse son torse, fait glisser ses ongles en descendant sur les reliefs de son abdomen. À travers le tissu, elle palpe sa verge serrée par la matière élastique et solide de sa tenue, qui a été taillée pour épouser toutes les formes de son corps. Toutes, exceptée celle dont elle parcourt le long du creux de sa douce main.
Elle finit par libérer son sexe de cette douloureuse étreinte, puis se rassoit sur la chaise. La délivrance… En se mordillant la lèvre inférieure, elle passe ses ongles sur son pubis rasé, saisit sa verge aussi gonflée que possible, rougie par la constriction de la tenue. Elle le tire jusqu’à ses lèvres, se met à laper doucement son gland. Elle doit sûrement sentir les palpitation au creux de sa main quand elle commence à engloutir son sexe. C’est un râle de soulagement qu’il laisse s’échapper alors que ses lèvres coulissent le long de son imposante érection. Il sent sa langue le caresser à l’intérieur, se perd dans ce qu’elle lui offre. Il caresse son visage, écarte parfois ses mèches qui viennent le barrer.
Elle s’arrête, se lève et échange leur position. Elle s’agenouille et le pousse sur la chaise. Elle écarte ses jambes et se cale entre ses cuisses, pour le lécher sur tout son long, le mordiller tendrement, l’accueillir entre ses fines lèvres encore… Sans s’en rendre compte, il perd ses doigts dans ses mèches bouclées. Elle lui offre un délicieux moment de tendresse buccale tiède et humide, avant de se relever.
* * *
Il la contemple avec une expression fiévreuse de désir dont Jane se délecte. Elle décide d’enjamber son amant, mais elle n’a pas le temps de s’appuyer sur un des accoudoirs de la chaise. Sergei les écarte d’un coup sec des deux bras, ils se brisent net. Il allonge le dossier au maximum, pose ses mains sur ses hanches et la porte sur lui. Elle l’embrasse fougueusement, sur les lèvres, sur le torse. Il lui dévore le cou d’une passion ardente. Elle saisit son sexe raide et chaud et constate son état en quelques frottements humides entre ses lèvres excitées, avant de l’engloutir lentement dans son ventre, tandis qu’il lui pétrit les fesses et lui écarte sa chair tendrement.
Leurs fronts sont collés, ils partagent à travers leurs regards enflammés leurs émotions qu’ils ne sauraient décrire avec des mots si tant est qu’ils étaient tentés de parler en cet instant. Leurs bouches se rejoignent, leurs langues s’étreignent, leurs respirations saccadées se mêlent. Elle le sent serti dans sa chair, la remplissant de lui, sa verge palpite. Elle la prend entièrement en elle, sentant le passage de la moindre de ses veines, il touche le fond de son bas-ventre et lui extirpe un doux râle de satisfaction qu’il lui rend. Elle s’appuie sur son torse et bouge son bassin pour bien le sentir calé dans son corps, puis elle sort presque entièrement, et le renfonce un peu plus amplement.
La chaleur se diffuse dans son abdomen, douce, agréable. Il l’aide dans ses mouvements en soulevant son bassin, alors qu’elle accélère doucement. Chaque passage lui intensifie cette chaleur, la diffuse un peu plus loin dans son corps. Elle attrape ses mains de passage sur ses seins, les serre. Elle enfonce son regard dans le sien, comme elle enfonce sa verge palpitante dans la fermeté charnelle de son intimité.
Elle se redresse davantage. Les mains sur son abdomen, elle le domine, le fascine, en témoigne ses yeux obnubilés par les mouvements de ses seins. La chair claque doucement, son plaisir grimpe. Elle sent les petits coups de bassin qui la soulèvent un peu chaque fois, comme s’il voulait aller encore plus au fond. Bientôt, il tient fermement ses fesses et donne bien plus d’intensité à son mouvement. Elle lâche des gémissements incontrôlable dans son cou alors qu’il caresse tout son intérieur trempé. Son gland qui uvre à coulisser de plus en plus fermement en elle, ses râles qui se faufilent dans ses chauds soupirs, son corps qui se contracte dans l’effort et le plaisir…
Sergei suit parfaitement la montée en intensité de cette chaleur orgasmique, ou peut-être est-ce le contraire. Il se redresse, la soulève par les cuisses, la colle avec attention contre la baie vitrée, et poursuit son action sans se faire attendre. Avec toujours autant d’attention et de fougue sexuelle mêlés. Il se remet en elle, son bassin se heurte au sien. Elle s’agrippe à ses épaules contractées, l’encercle de ses jambes et attrape sa lèvre inférieure entre ses dents avant de l’embrasser sans retenue. Il se prend dans le rythme qu’elle lui impose dans son baiser, s’accélère. Jane se raidit, se cambre contre la vitre. Il la rehausse un peu et la pénètre plus ardemment, expirant sa passion sexuelle contre sa peau.
E