— La mère: Lilianne, 50 ans.
— La fille ainée: Isabelle, 25 ans.
— La deuxième fille: Emma, 20 ans.
Emma se précipite vers sa voiture, une fine pluie fait miroiter la lumière bleutée du magasin, en face, sur le véhicule.
D’ une main tremblante, elle cherche les clés dans son sac… en vain.
— Merde! Fais chier!
Elle renverse le contenu du sac sur le trottoir, tombe à genoux pour fouiller dans les reliefs de son quotidien.
Les clés trouvées, le sac retrouvant son contenu, la serrure de la porte difficilement ouverte, la voiture démarre enfin.
Les émotions se bousculent… stupeur… dégoût… tristesse… incompréhension.
Le maquillage du petit clown tombe en lambeau.
L’ image de sa soeur entre les cuisses maternelles se superpose au paysage urbain qui défile dangereusement alors que son pied rageur appuie sur la pédale d’ accélération.
Sans s’en apercevoir, elle grille un feu rouge.
— Putain! Merde! c’est quoi ça! Hurle-t-elle en donnant des coups de poings sur le volant.
Surprise, elle se retrouve garée devant son immeuble. Elle ferme les yeux, le son des gouttes de pluie sur le véhicule apaise les pensées déchaînés.
Le son lointain d’un klaxon la réveille d’un demi sommeil.
Les marches sans fin de l’escalier, la lumière blafarde du couloir, le silence parfois brisé par l’écho des téléviseurs insomniaques.
Emma balance le sac dans son salon, éjecte ses chaussures d’un geste rageur, plonge sur le lit réconfortant.
Le sommeil l’ emporte rapidement.
Rêves étranges… corps discordants enlacés… sentiments de fuite,d’abandon.
Elle est réveillée au petit matin par le téléphone, trop loin, pour aller décrocher.
Une seconde fois par la sonnerie persistante, la chanson « happy » de Pharell Williams.
Une troisième fois.
— Haaaaaaa! Hurle-t-elle en balançant l’oreiller sur le mur de la chambre.
.. Foutez-moi la paix!
D’interminables minutes passent tandis qu’elle essaie de retomber dans l’inconscience.
Finalement, Emma se lève péniblement sous l’ agressive lumière du jour.
Elle prend le téléphone dans le sac explosé sur le sol, lit « appel de Lilianne », « appel d’ Isabelle ».
— Comme si j’ allais répondre! murmure Emma en balançant le téléphone sur le divan.
L’ appareil rebondit dans un bruit sinistre sur le sol.
Café préparé… Litanie télévisuelle de la chaîne d’information… Lancinant mal de tête.
— Allez vous faire foutre! marmonne-t-elle en éteignant la télé.
Trois jours passent. Emma a désertée son travail.
Isabelle a cessée de téléphoner, la facette froide de sa personnalité a repris le dessus. Après le clash de cette soirée dantesque, elle est partie précipitamment pour, finalement, ne plus répondre aux appels de Lilianne.
Elle s’oublie dans les impératifs du travail, comme si cette nuit n’était qu’un mauvais rêve.
Lilianne a vite compris que son aînée faisait comme si rien ne s’ était passé, écourtant la conversation quand la mère insistait pour trouver une solution a ce désastre.
Elle a souvent hésité a se présenter au domicile de la cadette pour implorer son pardon, mais une profonde intuition l’ en a dissuadée.
Un appel à son amie, une Lilianne elle aussi, lui a apportés un peu de réconfort.
— Ne t’ inquiète pas ma Lilianne, tout va s’arranger… Tu devrais venir nous voir ce week-end, José nous fera une bonne grillade.
— Je sais pas trop Lilly, ton José n’ aimerait pas l’ humeur qui m’accompagne en ce moment.
— Ho! On s’ en fiche de mon José, il regardera ses émissions de football! Répond son amie d’un ton léger et haut perché.
.. Tu ne veux toujours pas me dire ce qu’il s’est passé avec tes filles?
— Pas pour le moment… mais merci d’être toujours là pour moi.
— Je t’aime ma Lilianne.
— Moi aussi Lilly… je ne pense pas venir ce week-end mais ça m’a fait du bien de parler avec toi.
Emma finit par répondre à un appel, celui de sa grand-mère.
— Bonjour mamie. Dit Emma d’ une petite voix.
— Bonjour Emma… Ca fait longtemps que je ne t’ ai pas eu au téléphone.
.. Comment vas-tu?
Quelques secondes passent.
— Je me sens un peu… fatiguée en ce moment.
— Je connais cette voix, toi tu as des soucis! Dit la grand-mère d’ une voix chaleureuse, rassurante.
— J’ ai juste besoin d’ être seule en ce moment, de réfléchir…
— Ca ne te ressemble pas de t’ isoler. D’habitude, dès que tu as un problème, tu en parles soit à ta mère, soit à moi.
Nouveau silence.
— Pas cette fois mamie, il y a des problèmes que l’ on doit régler seul. Répond Emma en étouffant un sanglot.
De grosses larmes commencent à couler.
— Ma chérie, je ne vais sûrement pas te laisser seul en pleurs chez toi. J’ arrive!
— Non, non, je ne veux pas mamie, ne viens pas s’ il te plaît. Implore Emma, la voix voilée de chagrin.
— Ce n’ était pas une question chérie, j’ arrive!
La grand-mère raccroche.
Le regard embué, Emma regarde, incrédule, le téléphone où clignote: « appel terminé ».
Les larmes semblent ne plus vouloir s’ arrêter de couler. Elle se sent comme une petite fille.
L’ oreiller mouillé accueille un sommeil bienfaiteur.
La sonnerie de la porte d’ entrée la réveille brutalement, elle se redresse et reste immobile quelques secondes, le regard hébété.
La sonnerie retentit à nouveau, plusieurs fois, traduisant un doigt paniqué.
— Non, pas mamie! Pense Emma en se rappelant le coup de téléphone.
Vêtue de son pyjama rose orné de motifs lunaires, elle se résigne à aller ouvrir.
Sans prendre le temps de fermer la porte, la grand-mère l’ enlace immédiatement.
Malgré son âge, Claudia reste agréable à regarder. Cheveux argentés tirés en arrière, en queue de cheval, jean délavé et chemise blanche aux manches évasées.
Ses grands yeux bleus trahissent l’ éternel jeunesse derrière la peau froissée d’ un visage, que l’ on devine, habitué au sourire.
Emma se laisse aller dans les bras réconfortants. La forte odeur de patchouli de sa grand-mère lui rappelle ses jeunes années où elle allait confier ses premiers chagrins auprès de cette seconde maman si douce, toujours sereine.
— là, ça va chérie, mamie est là. Chuchote Claudia entre deux baisers sur les yeux gonflés de sa petite fille.
La grand-mère ferme doucement la porte avec son pied et emmène Emma s’ asseoir sur le divan.
— Je vais ouvrir la fenêtre chérie, ça sent le renfermé ici.
Le souffle matinal du vent d’ été parcourt agréablement la pièce.
— Toi tu n’ as pas mangé correctement ces derniers temps, tu es toute pâle!
— Je n’ ai pas faim mam…
— Tut-tut, pas d’ objections, je vais te préparer un café et de bonnes tartines beurrées. Tu as de la confiture j’ espère?
Sans attendre de réponse, Claudia se dirige vers la cuisine et commence à préparer le petit-déjeuner.
Emma s’ allonge sur le divan. Le bruit des préparatifs est apaisant, l’ odeur du café se mêle étrangement aux effluves persistantes du patchouli.
La grand-mère revient déposer un plateau chargé sur la table basse. Elle aide Emma à se relever et
s’ asseoit à côté en lui caressant le dos.
— Bon, tu vas manger cette petite collation, ensuite nous discuterons de ce qui ne va pas.
Obéissante, Emma commence à croquer dans les tartines grillées généreusement arrosées de confiture.
Claudia observe silencieusement sa petite fille se détendre au rythme des bouchées entrecoupées de gorgées de café.
Emma termine son petit déjeuner. La présence aimante de la grand-mère apporte un réconfort innatendu.
— Très bien chérie, à présent tu vas me dire ce qui pèse sur ton petit coeur.
— Je ne peux pas mamie. Répond Emma en baissant les yeux.
— Bien sûr que oui, tu peux! Tu sais que je ne partirai pas sans que tu te sois confiés à ta vieille
grand-mère.
Le bruit lointain d’ une moto les fait sursauter.
— Mamie, tu ne te rends pas compte…
— Quoi? C’ est le garçon avec qui tu sors? Il t’ a fait du mal?
— Non, ça n’ a rien à voir.
.. C’ est au sujet d’ Isabelle et de maman.
Le simple fait de parler d’ elles à sa grand-mère procure un soudain soulagement.
Intriguée, Claudia affronte une avalanche de pensées confuses.
— Que s’ est-il passé chérie? Demande Claudia en caressant la joue de sa petite fille.
— Je suis allé manger avec elles chez maman il y a quelques jours… Commence Emma avant de se mordre les lèvres.
— Oui, et? Vous vous êtes disputés?
— En quelque sorte… Hésite Emma en triturant son pyjama.
— Ce n’ est pas la première fois qu’ Isabelle te met en colère.
.. Ce n’ est pas grave! Qu’ a-t-elle encore fait? Dit Claudia en souriant.
Emma, en essayant de prendre une dernière gorgée de café, renverse la tasse sur le plateau.
— Ce n’ est rien chérie, laisse, je m’ en occupe.
Claudia emmène le plateau dans la cuisine avant de revenir s’ asseoir.
— Alors, qu’ est ce qui à causé ce gros chagrin?
Devant les grands yeux lumineux, Emma craque.
— Il y a une facette d’ elles que tu ne connais pas mamie…
.. J’ ai vu quelque chose de malsain la dernière fois.
— Ta mère et Isabelle ont encore abusées de la boisson, c’ est ça?
— Non… oui.
.. Je les ai surprise en train de faire quelque chose d’ inimaginable.
— là tu m’ intrigues chérie. Répond Claudia en fronçant les sourcils.
— Elles… elles étaient dans la salle de bain.
.. Isabelle était agenouillée par terre, entre les cuisses de maman, elle…
La voix d’ Emma se brise.
Claudia sent venir la suite, son souffle s’ arrête.
— Elle léchait maman sur les toilettes!
La grand-mère voit ressurgir les années de complicité sexuelle entre ses deux filles.
Ces fois où elle les regardait, telle une statue, dans la pénombre.
Un silence pesant s’ installe.
— Je vois… Finit par répondre Claudia en réajustant les coussins du divan.
— Tu te rends compte mamie? Mais qu’ est ce qui ne va pas chez elles?
— Calme-toi chérie… Tu es sûr d’ avoir bien vu?
— Carrément, oui, pas de doutes possibles!
.. Et je te passe certains détails.
Les images de sa fille et d’ Isabelle se bousculent dans un mélange de honte et d’ excitation. Claudia serre inconsciemment les cuisses.
— Ok chérie, calmons-nous. Dit la grand-mère en déglutissant péniblement.
— Tu as entendu ce que j’ ai dis mamie?
— Oui Emma, j’ ai entendu. Répond Claudia d’ une voix posée.
.. Ecoute, tout n’ est pas si simple, j’ ai peut-être une part de responsabilité dans tout ça.
Emma n’ en croit pas ses oreilles.
— Qu’ est ce que tu veux dire mamie?
Claudia place un coussin sur ses genoux, le serre nerveusement.
— Chérie… Lorsque ta mère était plus jeune, je l’ ai surprise avec sa soeur en train de faire des coquineries.
— Quoi?
— Et je n’ ai rien fait…
— Mais c’ est pas possible, c’ est quoi ce binz?
— Ecoute chérie, j’ étais dans une réflexion alternative par rapport à notre société.
.. Et puis en fait, qu’ est ce qui il y avait de mal? Elles pratiquaient des jeux sexuels sans conséquences.
— Sans conséquence? S’ exclame Emma en tentant de se relever. Elle se cogne le petit doigt de pied sur la table basse et se rassoit immédiatement en gémissant.
Claudia lui prend le pied et souffle, telle une marraine fée, sur le petit doigt.
— Emma, en quoi leurs jeux étaient-ils malsains? Elles étaient toutes les deux consentantes, personne n’ était trompé.
.. Pour toi, entre quelqu’un qui trompe son conjoint et deux personnes d’ une même famille qui font
l’ amour, quel est le plus grave?
Emma est perturbée par le discours de sa grand-mère. Des pensées opposées commencent à lutter dans son esprit déchiré.
Claudia laisse son raisonnement faire du chemin dans la conscience de sa petite fille.
— Je vois où tu veux en venir mamie.
.. Mais c’ est si étrange.
— Oui chérie, notre société privilégie certains vices et écarte des émotions qui peuvent êtres nobles, des actes qui ne causent pourtant aucuns dommages.
.. Entres adultes consentants bien sûr!
— Je n’ y avais jamais pensé de cette façon…
— Si ta mère et Isabelle se sentent heureuses, pourquoi les juger? Même si ça parait étrange, elles ne font rien de mal.
— Mamie, tu as vraiment un don pour éclairer mes journées. Répond Emma en se jetant dans les bras de sa grand-mère.
Elles manquent de rouler hors du divan.
— Du calme ma puce! Dis Claudia en rigolant de soulagement.
.. Ca va mieux?
— Ho que oui mamie, merci!
Emma enlace sa grand-mère. Les rayons du soleil choisissent ce moment pour auréoler les deux femmes d’ une chaleureuse lumière.
— Alors voilà ce qu’ on va faire, je vais appeler Lilianne et organiser un rendez-vous…
— Non mamie, pas maintenant, je ne me sens pas prête à les voir.
— Plus tu attendras, plus ce sera dur!
.. Il faut remonter en selle rapidement chérie, fais-moi confiance.
Emma cède d’ un signe de tête devant le regard assuré de sa grand-mère.
Claudia prend le téléphone de sa petite fille et lance l’ appel vers Lilianne.
— Allô, Emma? Répond rapidement Lilianne d’ un ton soulagé.
— Non, c’ est ta mère.
.. Je viens d’ avoir une discussion avec ta fille…
— Ho non… Maman, attends…
— Calme-toi Lilianne, tout va bien. Emma est prête à discuter de tout ça calmement.
— C’ est vrai? C’ est merveilleux, merci Maman.
Lilianne bénit silencieusement sa mère.
— Je vais appeler Isabelle, on se retrouve toutes les quatre, ce soir, chez toi.
— Maman, ce clash a réactivé la partie austère d’ Isabelle…
— Ne t’ inquiètes pas ma duduche, elle viendra!
Incroyablement soulagée, Lilianne répond.
— très bien, merci Maman, merci!
.. A toute à l’ heure.
— A toute à l’ heure Lilianne, bisous. Dit Claudia en raccrochant.
Sa petite fille la regarde, partagée entre l’ appréhension et un sentiment libérateur.
— Tout va bien se passer chérie.
Claudia serre Emma. Elle observe calmement le désir monter en elle tandis que le souvenir de ses deux filles, la visualisation de Lilianne avec sa propre fille, inonde son pantalon dénué de culotte.