CHAPITRE VI
TRICHE
– Vous m’avez demandé, patron ?
– Tout à fait. Asseyez-vous.
Un peu troublé par sa volonté soudaine de s’entretenir avec moi, je prends un siège en fasse de l’imposant bureau de mon boss. Je n’ai jamais compris pourquoi il avait choisi un meuble aussi grand, la seule chose posée dessus étant son écran, son clavier et sa souris.
Il se rapproche un peu pour poser les coudes sur la table avant de me demander :
– Est-ce que le mot "Warda" vous dit quelque chose ?
Remontant un peu dans ma mémoire, je mets rapidement le doigt dessus.
– Ah oui… C’est l’une des nouvelles joueuses que j’ai accompagnées hier. Une jeune femme au physique oriental, si je me souviens bien.
Je me retiens d’ajouter "et aux fesses on ne peut plus attirantes", sans pour autant ne pas le penser.
– Précisément. Elle a commencé sa partie depuis un peu moins de 24 heures. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle s’en sort… Plutôt bien.
Il me jette un regard noir avant d’ajouter :
– Je dirais même… Beaucoup trop bien.
Sans que je comprenne où il veut en venir, son regard et son ton glacial suffisent à me faire frissonner.
– Où… Où voulez-vous en venir ?
– C’est pourtant simple… J’ai écouté l’entretien téléphonique durant lequel elle a pris connaissance du projet. Rien de plus que le strict nécessaire ne lui a été révélé. Autrement dit, vous êtes la seule personne qui ait discuté avec elle du jeu avant sa partie et dont je n’ai pas un enregistrement.
– Mais enfin… Je ne lui ai rien dit de plus que ce qu’elle avait à savoir ! La seule question qu’elle m’a posée était sur l’objectif du jeu… Je lui ai expliqué le système des hauts faits, sans lui en révéler un seul en détails. C’est tout !
C’était la vérité. Pourtant il fronce les sourcils, pas très convaincu.
– Je n’aime pas que l’on me mente. Encore moins l’un de mes propres employés. Laissez-moi vous faire un petit résumé de son parcours.
Il retourne son écran d’un quart, nous permettant à tous les deux de le regarder, et pose une main sur son clavier. En tapant quelques touches, il démarre une vidéo, où on voit le personnage de la jeune fille, totalement similaire à elle, se réveiller dans une clairière. Mon patron commenta la scène d’un ton toujours aussi glacial:
– Elle a choisi l’option d’import pour la création de son personnage. Une bonne idée quand on voit que ça lui a fourni la classe de prostituée, de loin la meilleure. Mais mettons ça sur le compte de la chance.
Il tape quelques touches de son clavier, passant en accéléré les minutes suivantes où elle marche dans la forêt. La vidéo reprend son cours normal alors qu’on la voit se faire prendre tour à tour de dos contre un arbre par trois soldats de base. Je change mes jambes de position pour essayer de dissimuler la trique qui me vient à la vue de cette scène.
– À peine arrivée, elle se jette sur une troupe d’esclavagistes, se laisse violer par trois d’entre eux avec le sourire et se laisse capturer comme esclave. Sans doute le moyen le plus rapide et le plus sûr de se faire transporter vers la ville la plus proche. Plutôt malin pour une joueuse qui n’avait lu ni les règles ni l’histoire du monde dans le menu de création, vous ne trouvez pas ?
Commençant à comprendre ses soupçons, je me mets soudainement à craindre pour mon poste.
– Attendez… Ça ne veut rien dire… Elle ne savait peut-être tout simplement pas que c’était des esclavagistes. Et puis rentrer dans une ville en cage, il y a mieux, non ?
– Eh bien on va voir ça… Accélérons un peu. Elle arrive dans l’après-midi dans la cité, et se fait vendre comme esclave en début de soirée à un joueur. Notez qu’elle a l’air de savoir par qui elle veut se faire acheter. Voyez plutôt !
L’écran la montre sur l’estrade du marché aux esclaves, fixant du regard le joueur qui participe aux enchères, adoptant des poses sensuelles et assez explicites. La voir se remuer ainsi me rappelle douloureusement à quel point mon pantalon est trop serré.
– Elle… Elle avait peut-être envie de se faire acheter par lui parce que… Parce qu’il lui plaisait ? Après tout, si elle a voulu participer, c’est probablement qu’elle aime ce genre de choses, non ?
– Supposons. Mais expliquez-moi quand même ça.
L’action s’accélère encore, elle est à présent sur un lit avec le guerrier qui l’avait achetée, en position de levrette. Elle se fait violemment sodomiser, et son expression du visage laisse supposer qu’elle y prend plus de douleur que de plaisir, ce qui est parfaitement compréhensible étant donné l’outillage de son propriétaire. Pourtant elle ne se débat pas, et endure sa peine jusqu’à laisser son amant se vider profondément en elle.
C’est effectivement difficile de comprendre pourquoi elle a accepté d’endurer ça aussi facilement. Pourtant, le regard de mon patron réclame clairement une explication.
– Elle… Elle était peut-être… Intimidée…
– Je vous rappelle que c’est elle qui a tout fait pour être achetée par ce type.
– Mais… Mais de toutes façons… Ça ne l’avantage pas non plus d’avoir fait ça, donc en quoi est-ce bien joué de sa part ?
– On y arrive… Le final de son plan… Regardez donc le lendemain matin.
Je la vois à plat ventre en face de lui, face à son maître allongé, en train de lui procurer une intense fellation. Lui semble épuisé, mais elle semble insister pour lui en procurer une deuxième, malgré le fait qu’il ne semble même plus parvenir à bander.
– Voilà. C’est précisément ça que je voudrais comprendre. Son but est clairement d’utiliser les compétences de sa classe de prostituée, puisqu’à chaque fois qu’elle fait jouir quelqu’un dans sa bouche, elle le vide un peu plus de son énergie. Elle savait qu’après deux pipes, son gardien tomberait dans le coma, la laissant libre d’agir comme il lui plait.
Effectivement, après l’interminable deuxième gâterie passée en accélérée, il s’évanouit littéralement, et elle en profite presque aussitôt pour voler sa bourse et s’en aller avec une petite fortune.
– Et voilà. Elle est à présent libre comme l’air, avec un butin équivalent à celui d’un joueur qui amassait ses gains depuis presque un mois, avec un indice sur un haut fait à accomplir. Le tout, je le rappelle, en moins de 24 heures.
Il retourne l’écran à sa position initiale, et croise les bras en me fixant.
– Que les choses soient claires. Si elle connaissait toutes les règles, astuces et compétences du jeu avant d’entrer, elle n’aurait pas pu démarrer d’une meilleure façon. Alors réfléchissez bien avant de répondre : que lui avez-vous révélé avant qu’elle ne commence sa partie ?
Je prends une profonde inspiration avant de dire d’un ton aussi calme je puisse y parvenir:
– Monsieur… Je n’ai strictement rien révélé de plus à cette joueuse que le principe même des hauts faits. Je suis aussi surpris que vous de la voir se débrouiller ainsi, et je ne comprends pas moi non plus, mais ça n’a aucun rapport avec moi. Après tout, peut-être n’était-ce juste que la chance du débutant ?
Il ferme les yeux. Ce n’était apparemment pas vraiment la réponse qu’il espérait.
– De la chance n’explique pas comment elle connaissait ses compétences sans avoir lu les règles. Aussi j’espère pour vous qu’elle fera rapidement des erreurs stupides prouvant son innocence, ou je me verrai contraint de vous retirer du projet. Et naturellement, tant que le doute subsistera, vous n’accompagnerez plus les nouveaux joueurs.
Je pousse un soupir en signe d’acceptation avant de me lever et de me diriger vers l’entrée. Alors que je tourne la porte de son bureau, il me rappelle, cette fois sans quitter son écran des yeux:
– Une dernière chose… Comme je ne veux prendre aucun risque de fuite, et que vous en êtes à présent un gros, vous ne quitterez pas ces quartiers tant que votre innocence n’aura pas été prouvée.
Je m’immobilise un instant. J’ai bien entendu ?
– Mais monsieur… Ça pourrait durer des jours… Où est-ce que je vais dormir ?
– Nos locaux disposent de canapés très confortables.
– Ma… Ma femme… Ma femme m’attend à la maison !
– Vous trouverez bien une excuse à lui dire. Mais pas depuis votre portable, toutes vos communications se feront par nos téléphones, dont les conversations sont enregistrées.
Il s’avachit sur son fauteuil en se tenant la nuque avant d’ajouter:
– Maintenant si vous voulez bien me laisser, j’ai beaucoup de travail.
Ben voyons… Je parie qu’il est en train de se repasser les scènes torrides de cette Warda et qu’il va sortir un paquet de mouchoirs dès que je serai sorti. Il n’essaie même pas de cacher le contraire.
Mais je n’ai pas vraiment le choix, et je sors du bureau en fermant convenablement la porte derrière moi.
Je suis dans une situation de dingue. J’ai pourtant dit la vérité: je n’ai strictement rien dit à cette joueuse ! Joueuse à cause de qui je vais peut-être perdre mon emploi et vais devoir trouver une excuse pour expliquer à ma femme pour rester plusieurs jours d’affilé au bureau.
Joueuse qui, en plus de ça, m’impose de passer aux toilettes pour retirer l’érection que ses vidéos ont provoquées.