« Tu es là, tu ne parles pas. Tu n’es même pas toi-même. Tu n’es qu’une ombre, rien qu’une ombre. Tu avances vers moi, l’air menaçant. Tu saisis ma gorge et tu m’embrasses comme si c’était ta toute dernière chance de le faire. Tu recules un peu et me regardes droit dans les yeux, serrant plus fort. Je manque d’air, lâche-moi mon amour. Tu finis par relâcher ta prise et te détournes de moi. C’est au moment où je pense être hors d’affaires que tu fais volte-face. Ta main se lève et fend l’air… Je vais avoir mal. »
J’ouvre les yeux en sursautant et il me faut quelques secondes pour réaliser que je suis chez Stéphane. L’appartement est vide, je suis seule sur le clic-clac, entièrement nue et seulement recouverte d’un drap froissé, qui va du haut de mes cuisses à ma poitrine. Mon sac à main gît par terre près de mon lit, une feuille volante est posée dessus et je tends le bras pour m’en saisir. C’est un mot de Stéphane, relativement banal. Il y dit qu’il a passé une super nuit et qu’il espère que ses ronflements ne m’ont pas dérangé. Il ajoute qu’il y a du café dans la cuisine et qu’il m’a laissé une clef de l’appartement sur le bureau, que je n’aurais qu’à mettre dans la boîte aux lettres en partant. Ce gentleman.
Nous sommes donc huit jours plus tard. Comme à son habitude, Steph fait le mort et moi, je continue ma vie. J’ai finalement décidé que cette histoire n’aurait que l’importance qu’on voudrait bien lui donner. Autrement dit, c’était à moi de prendre du recul et de ne pas trop me laisser envahir par le doute, la peur ou la culpabilité. Ainsi donc, je suis dans la rue, je tourne au coin d’un café et tombe nez à nez sur Stéphane et… Une fille ? Accrochée à son bras ? C’est une blague ?
— Oh, salut Eva, lance insouciamment Stéph.
Mes yeux sont littéralement fixés sur leurs bras entremêlés. Je m’en détache un instant pour étudier la femme que j’ai en face de moi. Elle est assez grande, plus grande que moi en tout cas, et très élégante. Elle porte un manteau noir, un jean moulant et des bottes en daim assorties à son sac à main. Ses cheveux sont lisses et aussi bruns que ses yeux. Je distingue un piercing sur le côté de son nez.
— Je te présente ma sur, poursuit Stéphane. Chloé. Chlo’, voici une amie, Eva, je t’ai déjà parlé d’elle je crois.
Instantanément, la fille change de regard et affiche une expression plus que chaleureuse. Elle m’offre son plus beau sourire avant de me faire la bise, insistant bien sûr chacune de mes joues.
— Enchantée Eva. Stéph m’a dit beaucoup de bien de toi, il paraît que tu fais médecine ? Quelle spécialité ?
— Euh, psychiatrie, répondis-je un peu sonnée.
Je me sentais bête. Il avait une sur, elle était canon, et moi j’étais jalouse.
Après quelques brèves et futiles discussions, ils repartirent de leur côté et moi du mien.
Dans la soirée alors que j’étais affalée sur mon lit devant une série, mon téléphone vibra. Mon cur eut un raté quand je vis le nom de Stéphane s’afficher. Il me proposait de passer chez lui. Folle de joie, je lui répondais le plus calmement possible, un simple « Pourquoi pas. » Je m’activais à la recherche d’un jean que je pourrais enfiler quand le second texto me parvint. Monsieur exigeait que je sois intégralement épilée, que je ne porte aucun bijou et que je lui garde ma nuit entière. Bien qu’un peu surprise, j’obtempérais.
Environs une heure plus tard, je me trouve devant l’appartement de Stéphane, des papillons dans le ventre. Peut-être se sent-il juste seul, peut-être a-t-il simplement envie de baiser. Mais peu m’importe, il n’y a rien d’aussi bon que de passer la nuit avec lui. Je m’avance vers la maison et trouve un mot sur la porte qui me dit d’entrer sans sonner. L’appartement est plongé dans le noir. Sans beaucoup de conviction, j’appelle Stéphane… Pas de réponse. Peut-être ferais-je mieux de lui téléphoner ? Je me mets à la recherche de mon téléphone quand quelqu’un se colle contre moi, enferme mes bras ainsi que ma taille et plaque une main sur ma bouche pour étouffer mes cris.
— Chuuut, Eva, ce n’est que moi, chuchote tendrement Stéphane dans mon oreille avant d’embrasser mon cou.
— Steph ?… Putain tu m’as fait peur, à quoi tu joues ?!
— Tu me fais confiance ?
— Bien sûr, répondis-je en levant les yeux au ciel, sans même réfléchir à la question.
Steph me retourna vers lui et m’agrippa par les bras.
— Non, Eva, dit-il fermement. Est-ce que tu me fais confiance ?
La sincérité, l’urgence dans son regard me toucha profondément, mes yeux se perdaient dans les siens, et avec une toute petite voix, je lui répondais que oui, je lui faisais confiance.
— Bien, alors laisse-toi faire, dit-il avec un ton dur avant de me pousser jusqu’à sa chambre.
Le lit était fait, la chambre était rangée. En revanche, une chaise en bois vernis avec des accoudoirs trônait en plein milieu. Une chaise que je ne me souvenais pas avoir vue chez Stéphane auparavant. Ce dernier me tenait encore par le bras quand il s’arrêta devant la chaise et entreprit de me déshabiller. Ou plutôt de m’arracher mes vêtements. Je ne l’avais jamais vu si impatient. Il me retira tout jusqu’à ce que je sois totalement nue et m’ordonna de m’asseoir sur la chaise.
— Mets tes fesses au fond du siège et tes avant-bras sur les accoudoirs. Il faut que tu sois bien assise, dit-il en entourant mon poignet et la chaise de ruban adhésif.
— Attends, je ne comprends pas, fis-je sentant la panique me gagner peu à peu. Stéphane m’était totalement hermétique, lui qui, d’ordinaire, ne se cachait pas de l’emprise que je pouvais avoir sur lui. Je le sentais concentré et déterminé. Mais pas avec moi. Il dut ressentir mon stress et sortit enfin de cet état autoritaire pour me sourire et m’embrasser.
— Détends-toi mon amour.
Ce salaud savait comment s’y prendre. Ces mots doux étaient pour moi plus puissants que tous les anesthésiants du monde.
Stéphane attacha mes poignets et mes chevilles à la chaise. Il y scotcha également mes genoux de façon à ce que je ne puisse refermer les cuisses. J’étais là, offerte à lui, mon intimité était ouverte. J’avais beau me sentir légèrement honteuse, assise et attachée dans cette position, mon désir était bien trop fort pour que je fasse marche arrière.
— Comment tu te sens ? Demanda mon amant.
— Terriblement excitée…
— Laisse-moi voir, dit-il en m’enfilant deux doigts dans la chatte sans crier gare. Tu dégoulines, salope.
Le geste me surprit autant que le commentaire, mais je ne m’en sentais que plus excitée.
— Lèche-moi ça, ordonna-t-il en présentant ses doigts devant ma bouche.
Je n’avais pas peur, pourtant mon corps disait tout le contraire. Mon instinct de survie prenait le dessus, me forçant à me méfier, à m’entêter. Je tremblais comme une feuille et défiais Steph du regard. Il ne m’y pas longtemps à me pincer le nez pour me forcer à ouvrir la bouche et y enfourner ses doigts encore dégoulinants de ma mouille.
— Ne pense même pas à me mordre ou tu le regretteras, dit-il.
Je fermais les yeux et suçais ses doigts comme je l’aurais volontiers sucé lui. Au bout de quelques minutes il retira sa main et me caressa le clitoris, une main sur la chaise, l’autre entre mes jambes en me regardant droit dans les yeux.
— Steph, gémis-je en basculant ma tête en arrière.
Il attrapa mes cheveux et me força à lui faire de nouveau face.
— Ne détourne pas les yeux salope, regarde-moi. Je veux voir le bien que je te fais.
Je me faisais violence pour ne pas fermer les yeux et me laisser aller à mes envies, à mes pulsions… J’ignorais pourquoi j’étais attachée comme cela, c’était loin d’être pratique ! A peine quelques minutes plus tard, ma tête rebasculait en arrière et il lâchait mon clitoris. Il se dirigea vers la porte de la chambre, jeta un dernier regard vers moi… J’étais essoufflée, brûlante et tremblante. Mon regard le suppliait de revenir vers moi, mais il sortit de la pièce en refermant la porte.
Le temps passait, je n’en avais plus la notion. Depuis combien de temps étais-je assise ici, nue, dans le noir ? Était-il parti ? Pourquoi m’avait-il attaché ? Le temps me semblait long, je ne sentais plus ni mes mains ni mes jambes. Je commençais à avoir peur.
La porte s’ouvrit enfin et Stéphane entra, suivi d’une fille assez grande, ne portant sur elle que des sous-vêtements noirs. Il lui tenait la main. Je ne voyais pas son visage, ses cheveux tombaient devant, elle fixait le sol. Elle resta debout tandis qu’il s’asseyait en face de moi.
— Détache-moi, dis-je furieuse qu’il ait osé ramener une autre fille alors que j’étais déjà là.
— Pas encore, répondit-il sévère. Viens par-là, toi, ajouta-t-il à l’attention de l’autre femme.
Alors qu’elle se déplaçait, je crus entrevoir quelque chose briller sur son nez. Elle s’assit sur les genoux de Steph, face à moi, les yeux toujours rivés par terre. Mon amant passa ses mains le long de ses jambes, remontant sur ses hanches, puis sur ses seins qu’il empoigna, avant de se saisir d’une poignée de cheveux à l’arrière de son crâne pour obliger la fille à me révéler son visage. Je crus me décomposer.