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La Manif – Chapitre 5

La Manif - Chapitre 5



Depuis quelques semaines, je suis plus assidue à mes études, à la grande satisfaction de mes parents. Ma seconde année sest bien terminée. Au regard de mon travail et de mes résultats, je suis presque fière de moi.

Je pense assez souvent à Sylvie, surtout le soir quand je suis seule. Je sors de moins en moins. Je nai pas envie de rencontrer des gens. Surtout que chaque fois que je suis sortie, comme je suis seule, un mec vient me draguer. Je nai pas envie dun mec, et encore moins dune fille.

Je suis arrêtée au feu rouge ; je regarde machinalement les gens traverser. Là devant moi, à quelques mètres, Sylvie, main dans la main avec une autre fille. Jai juste envie de passer la première et de les écraser ! Sylvie regarde vers la voiture mais détourne aussitôt les yeux. Comme si elle ne mavait pas vue ! Elle passe son bras autour de la taille de la fille et continue son chemin. À ce moment, je comprends définitivement que je ne la reverrai plus. Elle a fait son choix.

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Je me suis fait une raison et une petite vie bien tranquille. Je passe mes week-ends chez mes parents, mes journées à la fac et mes soirées devant la télé.

Je suis assise devant une tasse de café, la tête dans mes pensées. Je ne remarque pas le brouhaha quil y a dans le bar.

Je peux masseoir ?

La voix me fait sursauter ; je regarde la femme qui vient de me parler.

Excusez-moi, il ny a plus de place ; je peux masseoir à votre table ?

Hein ? Euh oui, bien sûr.

Elle pose sa tasse de café, tire la chaise et sassoit. Je suis déjà replongée dans mes rêveries.

Vous avez lair triste. Chagrin damour ?

Je la regarde, et je crois bien que je la vois pour la première fois. Je navais même pas fait attention quand elle sest assise. Je navais même pas relevé la tête. Sa chevelure rousse, tombant en boucles sur ses épaules, ses magnifiques grands yeux verts, son accent irlandais ; elle me semble grande, plutôt mince. Je remarque ses lèvres fines souvrant sur des dents éclatantes de blancheur, dans un sourire sympa.

Euh Non, ça doit être le temps.

Cest vrai quil ne fait pas beau : trois jours de pluie ! Mais jai lhabitude : en Irlande, cest monnaie courante. Je viens darriver ici, je ne connais personne. Les gens ont lair pressé.

Cest Paris.

Vous êtes parisienne ?

Pas vraiment ; jy fais mes études. Enfin, jessaie.

En quoi, si ce nest pas indiscret ? Moi cest Aislinn. Et toi ?

Droit international ; Jennifer. Mon prénom, cest Jennifer. Et toi, tu fais quoi en France ?

Je suis aussi à la fac : je veux faire prof de français en Irlande ou prof danglais ici.

Cest bien. Je dois y aller.

Nous pouvons nous revoir si tu veux ; je ne connais personne ici, ce serait bien.

Je réfléchis un court instant, me demandant si jai envie de revoir cette fille. Pourquoi pas ? Après tout, elle a lair sympa. Je sors mon portable.

Tu as un numéro ? Je tappelle.

Oui, donne-moi aussi le tien.

Nous échangeons nos numéros ; surprise quand je la quitte quelle me fasse la bise. Jai adoré son parfum quand elle sest approchée et la douceur de ses lèvres sur mes joues.

Le soir même, mon portable sonne : cest Aislinn. Elle me demande si je suis libre pour la soirée. Elle voudrait visiter Paris. Ça ne menchante guère de sortir, je suis devenue casanière. Je trouve une excuse bidon mais elle insiste.

Je ne suis vraiment pas en forme, ce soir. Si tu veux, viens passer la soirée. Jai un excellent thé.

Vingt minutes plus tard, je lui ouvre la porte. Elle est toujours aussi ravissante. Elle sinstalle au salon, assise sur le divan, le temps que je serve le thé. Je minstalle dans un des fauteuils.

Nous parlons de tout et de rien, de Paris et de lIrlande, de chez moi et de chez elle, de sa vie et de la mienne. De ses parents, des miens, et nous en venons à nous faire quelques confidences.

Elle me parle de son copain, quelle a laissé en Irlande pour venir faire ses études en France. Et je lui parle de Sylvie, de mon amour et de son choix.

Je vois à sa gêne quelle accepte mal le fait que jaie aimé une fille, que jaime encore dailleurs. Pense-t-elle que je pourrais la draguer et me fâcher en essuyant un refus ? Je la vois fébrile et languissante de prendre congé. Je comprends son malaise. Pour ceux qui sont hétéros, lhomosexualité est difficile à comprendre. Suis-je homosexuelle, pour avoir aimé Sylvie ? Peut-être, je ne sais pas. Toujours est-il que depuis, les hommes ne me disent plus rien. Et jévite les femmes.

Elle se lève, prend son sac à main.

Je dois y aller, il est tard.

Comment es-tu venue ?

En taxi, la station nest pas loin.

Cest ce que je tai dit à propos de Sylvie qui te fait fuir ? Le fait que je soie lesbienne ?

Non, pas du tout ; mais demain jai cours.

Quel horrible mensonge Je ne ten veux pas, ta réaction est humaine. Quelle horreur quune lesbienne pour une hétéro ! Je ne te propose pas de dormir sur le divan : tu aurais sûrement peur que je te viole. Bonne nuit ; je suppose que je ne te reverrai pas. Je suis désolée.

Je referme la porte derrière elle, triste mais satisfaite denfin avouer mon homosexualité. Je voulais men cacher, la cacher, me mentir ; mais aujourdhui, jen suis presque heureuse. Adieu, Aislinn ; jaurais pu tomber amoureuse encore une fois.

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Je peux masseoir ?

Je lève la tête et regarde la petite brunette qui tient la chaise en face de moi. Décidément, ce bar est toujours bondé.

Sil ny a pas dautre place, pourquoi-pas ?

Merci. Jennifer, cest ça ?

On se connaît ?

Nous sommes souvent dans les mêmes cours. Jai entendu quelquun tappeler par ton prénom.

Et toi, cest ?

Valérie. Je te vois toujours seule ; tu nas pas de copain ?

Tu mespionnes ?

Non, pas du tout Excuse-moi.

Je nai pas de copain ; et toi ?

Non, je nai pas de copain.

Un but partout. Tu sais pourquoi je nai pas de copain ?

Non. Tu es très mignonne, pourtant.

Je te plais ?

Ce nest pas ce que je veux dire : tu dois plaire aux mecs.

Je préfère plaire aux filles ; ça te va comme excuse ?

Ça ne me dérange pas. Je nosais pas taborder, tu es très distante.

Les lesbiennes, cest mal vu. Je sors dune merde ; alors, si cest pour me draguer, passe ton chemin. En plus, tu nes pas mon genre : trop petite fille sage, et je naime pas les brunes.

Excuse-moi, je ne voulais pas tennuyer.

Elle se lève en écartant la chaise.

Je mexcuse : je ne suis pas à prendre avec des pincettes en ce moment. Reste, ça me fait plaisir.

Sylvie ta fait beaucoup de mal, pas vrai ?

Tu connais Sylvie ?

Je suis sortie avec elle pendant quelque temps. Elle parlait beaucoup de toi.

En mal, jespère ?

Elle na pas été sympa avec toi, cest tout ce que je sais. Elle ma raconté votre histoire ; elle a tout fait pour renouer avec toi, pour te laisser tomber quand tu as été amoureuse delle. Elle est juste jalouse de ce que tu as et quelle na pas.

Je lai compris un peu tard. Tu fais quoi, ce soir ? Ça te dit de passer la soirée avec moi ?

Oui, vraiment.

Voici mon adresse ; pointe-toi vers dix-neuf heures.

( A voir pour la suite)

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