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Le récit angoissexy de Neopassenger – Chapitre 1

Le récit angoissexy de Neopassenger - Chapitre 1



La déchéance d’un ange à la fête des morts

Musique écoutée pour la dernière partie du texte : Beautiful Lie, de Hans Zimmer and Junkie XL (après les 15 premières secondes)

— Bah vous regardez pas la télé ?

Ah, la vla elle. Blondine. On n’aurait pu imaginer mieux porter un prénom. Elle était la responsable marketing de McTrump dans le département, la célèbre entreprise de restauration rapide qui s’est enrichie en troquant des billets de papier contre des morceaux de cadavres sanguinolents ou huileux, suivant les préférences. Le tout accompagné de boissons gazeuses contenant à peu près autant de sucre que certains sirops naturels. On pourrait certes trouver ça un peu criminel. D’un autre côté, avec les problèmes de santé que cela entraine sur le long terme chez les consommateurs, c’est aussi une manière insidieuse de lutter contre la surpopulation. Enfin, ne soyons pas cyniques, pas comme elle, avec son injonction à s’asseoir devant TF1 ou M6 tel un acéphale complaisant.

— Non, on discute, on est bien, répondit Thomas en souriant, l’un des experts de l’annulingus envers la hiérarchie.

Je m’étonnais qu’elle nous incite à nous aliéner avec médiocrité devant cette boîte qui distille de la merde éléctromagnétique. Elle considérait sans doute la télévision comme une distraction honorable et épanouissante. M’enfin, après tout, chacun comprend le monde depuis son niveau de perception. 

Et à propos de perception, vous vous demandez sans doute qui je suis et ce que je fais ici, entourée de gens que je méprise, à quelques exceptions près. Je m’appelle Ambre, j’ai 21 ans et je suis ici parce que même si mes parents sont plutôt aisés financièrement, ils veulent que « j’acquiert le sens des valeurs » pendant ma vie d’étudiante en droit. Autrement dit, ils refusent de me passer de l’argent de poche, donc je dois bosser si je veux pouvoir vivre comme tout le monde, sortir le soir, et m’acheter des trucs pendant les soldes. Ça n’empêche pas mon père de nous payer des voyages à l’étranger tous les 2 mois. Enfin bref. C’est donc à cause du sens très particulier qu’on mes parents de la pédagogie que j’ai postulé pour travailler ici au début de l’année, bien malgré moi. Ils m’ont rappelé fin septembre pour commencer début octobre. Ça fait donc un peu plus de deux semaines que je suis ici.

Pour ce qui est de mon enveloppe charnelle, j’ai de longs cheveux châtains, que mes amis aiment caresser et coiffer quand ils me prennent pour leur animal de compagnie. J’ai de jolis yeux noisette et un sourire digne d’une pub pour un dentifrice (côté artificiel stéréotypé compris). 

Ma silhouette est longiligne, et sans être une planche à pain (comme Laetitia haha), je dirais tout de même que je manque de sensualité. Je suis assez allergique à cette manière qu’on certaines filles de se pavaner en ronronnant comme une chatte en chaleur auprès des mecs qui sont incapable de les voir comme autre chose qu’un « trou à boucher » (véridique, entendu mot à mot le week-end dernier). Et je me suis probablement construite un peu en opposition avec cet archétype de la salope (appelons un chat un chat), bien qu’en soi je n’ai rien contre les femmes qui aiment prendre du plaisir au lit. Il se trouve juste que je n’en suis pas une. 

 

Mais je vous vois venir, lecteur. Vous vous dites sans doute que je suis l’archétype de la juriste psychorigide, étoile de mer au lit, et que si je n’ai jamais vraiment pris mon pied dans un plumard, c’est à moi qu’en incombe la faute. Vous ajouterez peut-être en voyant de la violence dans mes propos que je suis encore une enfant dans ma tête, trop couvée par mes parents pour me cogner à la violence du réel et grandir, que je n’ai jamais rien vécu. Que je suis Issue de la génération des enfants roi, cette machine productrice d’imbéciles heureux, intolérants à la frustration et tyranniques dans leur relation aux autres. 

C’est facile, hein, de penser par clichés. Ça évite de trop réfléchir, d’utiliser un cerveau qu’on n’a peut-être jamais pris la peine d’exercer. On n’a d’ailleurs peut-être jamais eu besoin de le faire. 

 

Mais sache, lecteur, que tu ne me connais pas, tu ne sais pas ce par quoi je suis passé, les combats que j’ai menés et les souffrances que j’ai endurées, alors je t’interdis de me juger. Alors oui, OUI, je me sens persécutée, je suis pas bien dans ma peau, dans ma tête, et pas bien ici. Et ça me rend imbuvable même quand je ne suis que la narratrice d’un récit. Parce que je n’aime pas les gens, et que les gens que j’aime m’aiment pas. Ou du moins ne font pas attention à moi. Et ça me rend folle. Voila. De qui je parle ? Bah de lui… 

Lui, Maxime, un collègue qui travaille la plupart du temps en cuisine (du côté des morceaux de cadavres frits dans l’huile, par opposition à l’autre partie de la cuisine avec les produits sanguinolents cuits sur le grill). Je sais pas pourquoi il me fait cet effet la, mais rien a faire, j’arrête pas de penser à lui. Le truc c’est que lui il s’en fout de moi. Il ne me regarde jamais, les seules fois où il me parle c’est quand il me passe un sandwich qui est en commande (que j’ose pas lui demander, vu que j’ose pas lui parler). C’est ridicule à mourir, et ce qui me rend folle c’est que je suis certaine que ça se voit, par moments, que je suis gênée en sa présence. Enfin bref. Il faut que j’aille pointer, et je suis au regret de vous annoncer que je vais devoir vous laisser en faisant une ellipse. En effet, les rush du dimanche soir à McTrump sont assez intense quand on est en caisse, et j’aurai plus trop le temps de penser…

***

— On va au Labyrinthe demain soir tous ensemble, tu veux venir ? Ils font une soirée spéciale Halloween et tout, ça va être sympa. 

Le rush était enfin fini, et j’étais parti en pause pour 30 minutes. La routine : se faire insulter par les clients, attendre 15 ans que les gens en cuisinent arrête de discuter de League of Legend pour se décider à faire les sandwichs, et gérer la mesquinerie des collègues sans gêne qui nous piquent nos produits pour leurs propres commandes, quand bien même on les attendrait depuis plusieurs minutes. Et comme après chaque rush du soir, on se retrouvait tous serrés dans la petite salle équipier, pour dévorer des repas « gratuits » (mais néanmoins déduisant 50 euros par mois sur notre fiche de paye. Mais bon, vu que la plupart des équipiers ne savent pas la lire, que certains ne mangent jamais sur place, et que les autres s’en foutent, ça n’est à peu près un problème pour personne…)

— Euh, je sais pas trop, j’aime pas vraiment ce genre de choses… répondais-je timidement.

Quoi, les labyrinthes ? 

— Non, les sorties en groupe comme ça, les « afterwork »… ajoutais-je avec une pointe de dégout assez perceptible. 

— On amènera de l’alcool. Peut-être même d’autres choses. Et puis… Maxime sera là aussi, conclut-il avec un sourire entendu.

— Maxime ? Et alors, qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? répondis-je sur la défensive, au moment où je me levais pour jeter mon plateau, avant de retourner bosser. 

— Oh rien, rien, j’ai dit ca pour te taquiner. Anyway, si tu veux venir, on se retrouve demain après le rush, vers 23h sur le parking. Comme ça on pourra covoiturer. A toi de voir ! On sera une dizaine normalement. Pense juste à prendre de quoi payer pour l’entrée. C’est genre dix-huit euros je crois. 

— D’accord. Bah on verra demain du coup. Bonne soirée, je dois y aller.

Putain, je déteste faire la close. C’est le terme technique qu’on utilise ici pour signifier « faire la fermeture du restaurant ». C’est-à-dire que quand tout le monde se barre entre 21 et 23h, nous (on est généralement quatre personnes), on reste jusqu’à 1h30 du matin pour tout astiquer et préparer pour le lendemain. 

Ambre ouvrait d’un coup de pied rageur la porte du « trash », cette pièce confinée ou s’entassent les sac poubelles du restaurant la journée, avant d’aller tout mettre à la benne le soir, après que les emballages et aliments en décomposition aient bien eu le temps de macérer dans leurs sacs. Le protocole de base interdit de laisser les sacs ici. Mais entre la théorie et la pratique… il y a un certain fossé qui dépend du niveau d’autonomie de la personne et de sa capacité à utiliser sa conscience individuelle pour traiter des informations. Cogito, sum ! Du reste, dès qu’aucun observateur extérieur n’est présent pour nous conditionner à coup de renforcements skinneriens, punitions ou récompense, on n’obéit jamais qu’aux règles que l’on a comprises et intégrées. 

Alors pour revenir à ces sacs, bien sûr qu’on nous a dit de les jeter dans la journée. Mais je ne vais quand même pas m’emmerder à aller dehors devant les clients pour vider des sacs poubelles dès que l’un d’entre eux est plein. J’ai autre chose à foutre, des clients à servir. Sans quoi je me ferais engueuler par le manager parce que je suis pas assez rapide. Alors de deux mots, je choisis le moindre. 

C’est toujours comme ça que ça marche, avec le cerveau humain. Il obéit à des règles émotionnelles. Mais va expliquer ça aux managers de McTrump, quand déjà la direction fonctionne selon une logique hiérarchique stricte et estime ne pas avoir de conseils à recevoir d’un « petit équipier ». Ou quand ils écoutent les conseils en feignant l’attention soutenue comme ils ont été formés à le faire, cela n’a ensuite aucune conséquence. La moitié d’entre eux sont des abrutis qui ont intégré l’entreprise juste après le lycée parce que faute de donner un sens à leur vie et de faire un métier qu’ils aiment vraiment, ils ont fait un choix de vie leur permettant d’obtenir de l’argent. Pour quoi faire ? Se divertir, souvent. Divertissement pascalien pour ne pas faire face à l’absence de sens de leur existence. Mais je m’égare… revenons en a nos sacs poubelles. 

En plus ils sont dégeulasses, ces sacs. Argh. Je m’en suis mis sur les chaussures, et ça goutte de partout. Les gars de la cuisine vident systématiquement la graisse fondue de leurs viandes dans la poubelle, sous prétexte que la vider dans les égouts pourrait boucher les canalisations. Résultat, le trash est tout le temps dégeulasse. Et qui c’est qui doit nettoyer ? C’est moi. Parce que je fais la close. C’est injuste. A celui qui chie de nettoyer sa merde. Je suis pas venue bosser à McTrump pour ça, moi. Le mec qui m’a recruté m’a dit que je serais en caisse, devant. Pas à ramasser les poubelles le soir. Et pas à faire la fermeture du restaurant avec les autres, la. Entre Mickael, toujours puceau a 45 ans qui me reluque comme si j’étais une déesse grecque et qui devient tout rouge dès que je lui adresse la parole, et l’autre, Thomas, qui passe son temps à faire des blagues misogynes pas drôles… 

Pour aller jeter les poubelles jusqu’au compacteur, qu’un camion viendra récupérer le lendemain matin, il faut sortir à l’extérieur, ou bien entendu il n’y a pas d’éclairage. Du coup, la plupart d’entre nous utilise un téléphone portable pour s’éclairer avec le flash en mode lampe torche. Les plus audacieux y vont sans lumière, mais c’est aussi avec ce genre de d’ambition que Mickael (encore lui) s’est rétamé la gueule par terre il y a de ca quelques jours. Heureusement qu’il est tombé sur le sac poubelle plein d’emballages plastiques, sinon il se serait sans doute vraiment fait mal, sur le bitume. Le pauvre est déjà pas aidé, faudrait quand même pas en rajouter. Enfin au moins maintenant il s’éclaire, lui aussi. Comme quoi, l’apprentissage par essai-erreurs marche même à l’âge adulte. 

J’ouvre le compacteur pour y mettre les sacs poubelles, ce qui précisons-le n’est pas pratique avec un téléphone dans la main, avant de jeter un premier sac dans la gueule béante. Le bruit à l’impact n’est pas le même que d’habitude. C’est curieux. Je lette le deuxième sac que j’avais apporté avec moi, et même chose. 

J’éclaire le compacteur pour voir, et bordel, c’est vraiment dégeulasse. Il y a plein de sang sur les sac poubelles. Je parle que certains n’ont pas bien fermés les sacs et que la graisse sanguinolente s’est répandue partout. Et la il y a vraiment beaucoup de sang. Ils ont mis des steak crus en charpie dans les sacs ou quoi ? Genre ils ont jeté des trucs périmés ? Enfin faut pas chercher. Certains sacs ont des formes un bizarres aussi, comme s’il y avait des gros morceaux de plastique rigide à l’intérieur. Ils ont dû jeter les PLV (les machins en plastique on sont écrit les prix des sandwich, qu’on voit quand on passe au Drive. Ca veut dire « prix sur lieu de vente » pour info). J’ai jamais compris pourquoi ils les jetaient, et ne les gardaient pas pour plus tard, vu que les sandwich reviennent régulièrement par périodes… Mais bon c’est le néolibéralsime, hein. Il faut consommer, acheter du plastique aux entreprises qui font les PLV, ca fait travailler les gens. N’est-ce pas. Mais que cela soit bien dit ou non, il faut aller cultiver notre jardin. Finir la close, quoi. 

***

— Tu es venue finalement ! Je suis content que tu sois la, déclara Thomas avec une touchante sincérité. 

— Ben je suis jamais allée au Labyrinthe, alors je me suis dit que ca pourrait être sympa d’y aller avec vous… 

Ne me fais pas regretter d’être venue, ajoutais-je en pensée.

— Ça va être super, tu verras, pour Halloween ils font des événements spéciaux. Et en plus la nuit, même pour des adultes, c’est assez flippant…

— Euh, moi j’aime pas trop ce qui est flippant, répondis-je, méfiante. 

— Bah, on sera ensemble, on se rassurera tous ensemble, tel un troupeau d’homo-sapiens dans la nature… 

Ouais, ouais, des singes. Tu crois pas si bien dire… Je me demande si Maxime est déjà arrivé ou pas. Il n’est pas vraiment du genre grégaire, lui non plus. Ah, je le vois, il est dans sa voiture, en train de regarder son téléphone. Ce qui veut dire qu’il a pas jugé bon de venir me dire bonsoir… 

— Bon, tout le monde est là ? On peut y aller. Maxime, tu viens ? On t’attend !

— J’arrive. 

Je me demandais si ça avait été une bonne idée d’accepter de venir. On n’était pas encore rendus au labyrinthe que j’avais déjà peur de marcher, comme ça, dans le noir, le long de la Loire. J’avais l’impression de voir l’ombre d’un voleur ou d’un assassin derrière chaque buisson. Et plus on s’approchait, plus on voyait les tiges de mais de plus de 3m de haut, comme une prison qui s’apprêtait à nous retenir captifs. Et dire que j’ai revu Harry Potter 4 le mois dernier. Ça n’arrange rien. 

L’entrée du labyrinthe est plutôt grotesque. Deux vendeurs, une sorcière et une sorte de monstre… assez informe, sorte de Frankenstein raté, nous accueillent, troquant notre argent contre de l’adrénaline et un sentiment d’appartenance à un groupe socio-culturel.

— On reste ensemble dans le labyrinthe hein ?

— Oui oui t’inquiète. Tu veux qu’on se tienne la main, même ? 

— Euh, non. 

J’étais peut-être un peu froide sur le coup. Mais bon. Il n’avait qu’à pas me prendre pour une gamine. 

 

Aussitôt dans le labyrinthe, l’atmosphère est tout de suite plus flippante. Déjà il n’y a quasiment pas de lumière. On devinait la présence des autres parce qu’ils étaient en mouvements, mais il était facile de se cacher dans cette obscurité. 

— On reste bien ensemble, les gens hein, moi je veux pas me retrouver toute seule la dedans, annonça Mélanie, d’un ton très peu assuré. 

Et immédiatement, une partie du groupe s’est mise à courir droit devant en rigolant. 

— Eh oh vous allez où ?? Bande de connards ! continua Mélanie, mi amusée mi paniquée.

On entendait des gens crier un peu partout. A croire, fait surprenant, qu’on n’était pas les seuls à avoir eu l’idée de venir à la soirée Halloween. Pourtant on n’avait quasiment pas eu besoin de faire la queue en arrivant. 

On entendait de tout, des cris amusés, des rires, des cris de terreur, des courses poursuite, et des monstres qui hurlaient. Vu le prix de l’entrée, il était logique d’imaginer que des gens étaient payés pour jouer des rôles, pour faire peur aux gens. C’est un peu comme de regarder un film d’horreur, mais avec l’immersion en plus. 

Il ne restait que 5 personnes du groupe qui n’était pas parti en cavalant comme des collégiens après avoir piqué des carambars dans la brasserie du coin. Moi, Mélanie, Thomas, Simon et… et Maxime. 

Thomas était resté parce qu’il était le petit ami de Mélanie et qu’il n’écarterait sans doute pas les cuisses pour lui s’il lui avait fait un coup comme ca, et qu’il n’était pas du genre à manquer une occasion de se vider les couilles, quitte à jouer les toutous fidèles toute la soirée. 

Simon, lui, c’était sans doute parce qu’il était trop flemmard pour courir avec les autres, ou qu’il voulait pas forcer vu qu’il a été opéré du pied récemment. Puis il se plie rarement aux mouvements de foule de ce genre. Et Maxime… Tiens, ou il est ? Il était la ya juste une seconde… je…. Je comprend rien. Enfin. C’est un truc à la Batman, sans doute. Genre on s’en va sans faire de bruit histoire d’être bien flippant. Dommage, se retrouver en petit comité aurait été un prétexte pour discuter un peu, et se sonder mutuellement. 

— Faudrait essayer de retrouver les autres, je suis sur qu’ils vont essayer de nous faire peur, supposa Simon. 

— Tu veux qu’on les trouve avant que eux nous trouve ? s’amusa Thomas. 

— Euh c’est mort moi je vais pas les chercher. Déjà qu’on va galérer à trouver la sortie, alors si en plus faut jouer au chat et à la souris… protesta Mélanie. 

— Maxime est plus la au fait, ajoutais-je, au cas ou les autres n’avaient pas remarqué.

— Ah oui tiens. Bah. Il est peut-être allé répondre à des messages, comme d’hab, plaisanta Thomas. Tu veux qu’on le cherche aussi ? 

— Eh ou, je vous rappelle ou on se trouve, dans un labyrinthe, c’est la sortie qu’il faut chercher, par les gens, ils se démerdent ! C’est pas notre fauAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!!

Un monstre squelettique venait de surgir silencieusement des ténèbres, faisant hurler Mélanie de surprise. 

— Ah, bonjour Monsieur Jack ! Je crois que vous avez fait peur à ma copine, s’amusa Thomas, tout sourire. 

— Milles excuses, mortel. Mais ne savez-vous donc pas que le 31 au soir, les morts sortent de leurs tombes ? Attendez-vous à croiser d’autres de mes semblables. Et, oh ! Je dois vous prévenir : tous ne sont pas aussi courtois que votre serviteur. Soyez sur vos gardes, car la nuit est sombre, et pleine de terreurs. 

— Pleine de…?? Vhalar Morghulis !!!

— Vhalar Dorhaelis. Bonne visite du labyrinthe hantée, messieurs dames. Et vivement la saison sept. 

Puis l’homme déguisé en squelette disparut aussi rapidement qu’il était arrivé, en silence. 

— La saison 7 ? De quoi il parle ? demandait Mélanie.

— Tu connais pas la série ? répondit Thomas.

— Non. Vous croyez qu’ils utilisent des passages secrets, les gens qui travaillent ici ?

— Euh, des raccourcis sans doute, commença Simon. Mais le concept de « passage secret », je suis pas certain. 

— Oui bon rho commence pas à jouer sur les mots… des passages que les touristes ne connaissent pas quoi. Des trucs qu’on pourrait utiliser, nous, pour sortir plus vite d’ici. 

— Comment tu veux sortir plus vite si tu ne sais pas ou faut aller ? questionna Thomas.

— Ah ouais c’est pas faux, s’amusa-t-elle. Bon ben on va par où ? Tout droit ? 

— Il parait que les aventuriers ne vont jamais tout droit. Dixit le maitre du donjon de…

— Ouais on connait c’est bon on n’a pas 10 ans. Bon, on va à gauche. Pour sortir il suffit d’aller toujours dans la même direction, et on finit forcément par sortir. 

— Euh, moi en fait je crois que je vais essayer de retrouver Maxime, je sais pas ou il est parti tout à l’heure, et au pire on se retrouve après, ça vous va ? 

— Euh, tu es sérieuse ? Tu veux aller le chercher toute seule ? 

— J’ai mon téléphone au pire, t’inquiète. 

— Bon ben on se retrouve a la sortie alors, si on se recroise pas avant ! Comme ca après on va tous ensemble chez Mélanie pour finir la soirée, conclut Thomas. 

AH. Enfin. Enfin débarrassée. Ils sont insupportables. J’ai peur du noir, hein, ca me fait flipper ce que je viens de faire, de marcher seule dans un labyrinthe essentiellement éclairé par l’éclat de la lune. Mais eux ils me donnaient des boutons, sérieux. Entre les deux qui passent leur temps à flirter verbalement, d’une manière presque obscène. Et lui la, qui se prend pour un philosophe alors qu’il passe ses week-ends à cuire des Big Fat. 

Ambre arrivait près d’une petite tente fumante, ou une vieille dame l’aborda avec un air faussement désespérée. 

— Bonsoir ma belle, voudrais tu que je lise ton avenir dans les lignes de ta main ?

Le désespoir feint, qui plus est par une mauvaise actrice, avait quelque chose de profondément agaçant. 

— Nan. Je sais déjà quel est mon avenir, et c’est pas de travailler ici comme vous le faites encore à l’approche de la retraite. 

L’air feint de la diseuse de bonne aventure se transforma en surprise, puis en tristesse, sans même passer par la colère. Voilà, comme ça tu auras plus besoin de le simuler ton désespoir. Je continuais mon chemin d’un pas assuré, tournant un peu au hasard des chemins, me laissant plus guider par les voix des gens que par un sens de l’orientation que de toute façon je n’avais pas. Je ne pensais qu’a retrouver Maxime. Qu’est-ce que je lui dirais si je le trouvais ? Déjà que j’ai du mal à lui parler à McTrump, mais alors la, en dehors du travail…

— Pelletier !!!!

Ah, ca c’était Violette. Elle faisait partie du groupe d’autistes qui étaient parti devant au début. Violette, c’est la chatte publique de McTrump, la moitié des mecs ont couché avec elle. A moins que ce soit elle qui se soit tapé la moitié des mecs, pour peu que la distinction soit pertinente. Actuellement elle a deux mecs différents : son « vrai » mec, avec qui elle habite au quotidien, et Kévin, qui travaille aussi à McTrump, un gamin immature qui apprend la résistance du réel, et qu’il suffit pas d’offrir des cadeaux hors de prix à une femme pour la conquérir. Surtout quand la femme en question est une polygame assumée. Quand une personne trompe son conjoint pour soi, il faut s’attendre à ce qu’elle nous trompe ensuite pour le prochain.

Mais bon. La métacognition n’est pas le propre des équipiers Mctrump. Et même s’il a été prévenu par tout le monde qu’elle se foutait de sa gueule et qu’il allait souffrir, il fonce quand même, et continu de foncer. Que peut la raison face à la pression darwinienne de la transmission des gamètes ? Pas grand-chose sans doute, quand on n’a guère pris la peine durant son enfance et son adolescence de s’élever au-dessus du singe.

La elle appelle Kévin par son nom de famille, comme elle le fait toujours, sans doute pour être la seule à l’appeler comme ca. Elle ne se rend sans doute pas compte à quel point c’est ridicule. Elle a du le perdre de vue peu après la course poursuite, et visiblement elle est pas rassurée, vu le ton de sa voix. 

En continuant son chemin, Ambre arrive dans une petite cour ou se trouve un grand carrosse en forme de citrouille. Flippant. Vous avez déjà vu une citrouille de deux mètres de large vous regarder ? Bah c’est pas rassurant. 

Puis deux personnes en sortent en riant. Mika et Ophélie, qui ont probablement marqué leur territoire, comme tant d’autres d’ailleurs, dans ce lieu d’intimité.

— Est-ce que vous avez vu Maxime ? 

— Non, répondit Ophélie en riant, par contre on a vu Kévin qui cherchait Violette partout. 

— Ouais le chien a perdu sa maîtresse, surenchérit Mika. 

Et les deux de partir en fou rire, de ceux qui déforment les visages, sans que l’on sache bien si c’est du plaisir ou de la souffrance. Point qu’a le rire en commun avec l’orgasme et la torture d’ailleurs. 

— Je crois que Violette le cherche aussi, je l’ai entendu l’appeler. 

— Ouais ? Bah ils vont finir par se retrouver de toute façon. Au pire le labyrinthe ferme a 2h du matin. S’ils peuvent survivre 2h séparés l’un de l’autre ! 

Et le rire qui repart de plus belle. A croire qu’ils ont consommé je ne sais pas quelle drogue euphorisante. Mieux valait repartir en chasse. C’est marrant parce qu’il y avait quand même du monde, au moins 30 ou 40 personnes, mais le labyrinthe était tellement grand que j’avais croisé autant de gens de Mctrump que d’inconnus. Faut dire qu’on représentait pas loin de 30% des gens présent. 

En tournant cette fois à droite, Ambre tomba nez à nez avec une vision effroyable qu’elle ne s’attendait certainement pas à voir, pas même durant la fête des morts. 

Au sol gisait Violette, dans une mare de sang, inerte. Le sang sous l’éclairage lunaire était d’ébène, et faisait ressortir la pâleur de la peau sans vie. Après les quelques secondes de sidération, Ambre hurla. Ambre hurla comme quelqu’un qui fait face à la réalité terrifiante de la mort pour la première fois. La mort d’autrui renvoyant à sa propre finitude existentielle. 

Mais le monde y était indifférent. Elle pouvait bien crier, tout le monde s’en foutait. C’était un endroit destiné à faire peur, et on était le soir d’Halloween. Tout le monde criait, dans ce maudit labyrinthe. 

— C’est moi que tu cherchais, non ? Eh bien voilà, tu m’as trouvé. 

Maxime était désormais juste à côté d’elle, et la regardait calmement, en souriant. Malgré l’obscurité, on devinait qu’portait un objet dans la main. Une lame. C’est à ce moment qu’Ambre compris, en écarquillant les yeux, fixant Maxime. 

— C’est… c’est toi ! Tu… tu… 

Sa respiration saccadée par l’adrénaline l’empêchait de s’exprimer. 

— Je t’expliquerai tout, si tu viens avec moi. Maintenant. 

— Je… heu… 

Il lui prend délicatement la main. 

— Tu vas comprendre. Fais moi confiance. Je sais qu’on s’est pas beaucoup parlé jusque la. Mais c’est pas trop tard. On ne peut pas rester la, de toute façon. Viens. 

Il l’entraîna avec lui en lui tenant la main, sans violence, mais avec une légère pression. 

— Je connais le chemin, il passe par deux raccourcis. 

En continuant leur progression, ils tombent à nouveau sur Thomas et Mélanie. 

— Tiens, tu as retrouvé Maxime ! remarque Thomas, tout sourire. Vous restez ensemble du coup ? 

— Oui, et je vous parie qu’on sera sorti avant vous, répond Maxime, sur un air amical de défi.

Ambre, muette, ne pouvait articuler le moindre mot. Violette était morte. Violette. Des millers d’images lui revenaient en mémoire, des souvenirs forgés par sa présence depuis son arrivée à McTrump. 

— Ça c’est ce qu’on verra ! Répondit Mélanie presque en criant. Viens Thomas !

Et eux de partir dans les ténèbres. 

— Ils sont mignons, comme des petits poussins… en réalité la sortie est à vingt cinq mètres vers la droite, si on passe par là. Viens. 

Et en s’enfonçant dans un petit passage invisible dans le noir, on est rapidement arrivés à la sortie. Il n’était pas garé très loin. Pendant que la voiture s’éloignait, on entendait de nouveaux cris de terreur dans le labyrinthe, mais beaucoup moins de rires. Puis les sonneries des voitures de police, qui illuminèrent les ténèbres.

***

En arrivant à l’appartement d’Maxime, Ambre était toujours mutique, comme en état de dissociation. Elle s’assis sur le lit, pendant qu’Maxime fait quelques manipulations pour éteindre son ordinateur qui était encore allumé. Puis il vient la rejoindre sur le lit. 

— J’imagine que tu dois te poser pas mal de questions. Et tu dois avoir peur. Peur de moi, et peur de ce qui va arriver. 

— Pourquoi ? commenca-t-elle en contenant sa colère. Pourquoi tu as fait ca ? 

— Parce qu’elle me l’a demandé, Ambre. J’ai l’air d’un meurtrier sanguinaire tu trouves? Je n’ai pas fait ca par plaisir, mais parce que c’est ce qu’elle voulait et que je le pouvais. 

 

— Mais, mais, tu vas aller en prison, Maxime ! Pourquoi elle voulait que tu la tues ? Si c’est vrai, et ca j’en sais rien du tout.

— Elle voulait que je la tue parce qu’elle avait foutu sa vie en l’air et qu’elle ne pensait qu’au suicide, mais était incapable de le faire elle-même. Elle me l’a demandé comme un service en échange… pour ne pas qu’elle balance à tout le monde ce que j’avais pu lui confier à l’époque ou on était proches. 

— Mais c’est absurde ! cria-t-elle, en commençant à pleurer. On tue pas les gens comme ca, on demande pas aux gens de nous tuer comme ca. C’est quoi ce monde de merde. C’est absurde ! Les larmes coulaient le long de ses joues. Maxime remonta doucement sa main le long du visage d’Ambre, pour essuyer délicatement une larme, et rapprocher sa tête de son torse, pour la prendre dans ses bras. 

— Ce monde est absurde, Ambre. Tu connais le vieil adage, la réalité dépasse la fiction.

Disant cela, il lui caressais doucement les cheveux, en sentant les soubresauts du corps frêle qu’il avait dans les bras. 

— Ce qui est absurde, aussi, c’est qu’on ne se soit jamais parlé avant aujourd’hui. Qu’il ait fallu un drame pareil pour qu’on prenne le temps de se découvrir et d’apprendre à se connaitre.

Le ton paisible d’Maxime avait quelque chose de rassurant, qui détendit Ambre. 

— Je sais que tu m’aime bien. Mais ce que toi, tu ne sais pas, c’est que je t’apprécie, moi aussi. Même… si je le montre pas forcément… 

Elle se dégage doucement de son étreinte, en regardant vers le sol. La main d’Maxime quitte le dos d’Ambre pour remonter le long de son bras, vers son menton, qu’il relève doucement, pour qu’elle le regarde. Ses yeux sont rougis par les larmes, mais ils brillent d’une magnifique lueur, celle de l’espoir. 

Alors il rapproche son visage délicatement. Connaissant la suite, elle ferme les yeux pour accueillir ces lèvres tant désirées sur les siennes. Le baiser est doux et sensuel, le silence étant brisé par les timides gémissements d’Ambre, et les frottements de leurs vêtements à mesure qu’Maxime resserre son étreinte contre Ambre. 

Ils furent rappelés à la réalité quand leurs deux téléphones se sont mis à vibrer à peu près en même temps. Mélanie et Simon, qui essayaient de les joindre. 

— Il faut que je réponde, annonça Ambre. Sinon ils vont s’inquiéter. 

— Oui oui tu as raison, vas-y. Essaie de les rassurer, d’accord ? Ils vont croire qu’on est parti ensemble pour… enfin bref. 

— Ouais, Thomas se doute de… de ce que je ressens. T’inquiète je vais pas leur dire. Allo ? 

Tout en envoyant rapidement un SMS a Simon pour le prévenir que tout allait bien, Maxime était pendu aux lèvres d’Ambre pour écouter chacun de ses mots, et la tonalité avec laquelle ils étaient prononcés, afin de déterminer leur puissance causale, et dans quelle mesure cela pourrait attirer les soupçons sur lui par la suite. 

Elle semblait sincère, elle ne voulait vraiment pas leur dire. Mais une oreille avertie aurait tout de suite entendu que quelque chose clochait dans le timbre de voix d’Ambre. Fort heureusement, Mélanie, avec qui elle était au téléphone, n’était pas ce genre d’oreille. Une fois raccroché, Maxime s’estimant satisfait de l’appel se colla à nouveau à Ambre, et l’embrassa, cette fois plus fougueusement, introduisant sa langue entre ses lèvres accueillantes. 

Qu’est-ce que je suis en train de faire, pensa-t-elle. Je le connais à peine. Et puis je prends pas la pilule. Je… 

La raison se fit écrasé par la puissance de son désir, son désir de faire l’amour, de le sentir en elle, et s’unir à lui. Et le reste n’avait plus d’importance. Tel était le pouvoir de la chimie sur l’esprit rationnel. 

Une pulsion animale s’emparait progressivement d’Maxime, qui mu par son désir parcourais de ses mains le corps d’Ambre, embrassant son cou, caressant ses seins à travers le tissu de son pull en laine. Il s’aventura entre ses cuisses, et pour la première fois depuis des années, Ambre accueillait cet esprit conquérant, le laissait parcourir son corps, entrer dans son imité. Plus encore, elle désirait qu’il entre dans sa bulle. Qu’il en fasse partie. 

Nul besoin de se faire prier, ils se déshabillèrent mutuellement, dans un tourbillon fougueux de désir. Il l’allongea sur le lit, et sans détour, se plaça entre ses jambes pour pénétrer son sexe ardent et déjà bien lubrifié. 

Ses coups de reins étaient comme un bélier lors d’un siège médiéval, et entrainaient des râles de plaisir de la part d’Ambre, qui pour la première fois de sa vie, ressentait vraimetn du plaisir avec son sexe. Elle se demander si elle allait enfin connaitre l’orgasme, à mesure que le plaisir montait, montait… Mais cela n’arriva pas. Au bout d’une minute à peine, Maxime avait déjà répandu son essence sexuelle au fond de son vagin, et déjà il se retirait d’elle, pour aller prendre une douche. 

Son corps était déçu, mais son esprit était heureux d’avoir partagé ce moment d’intimité avec lui. Lui… Elle se retourna dans le lit, sentant la fatigue pointer le bout de son nez, et à mesure que la magie du moment se dissipait comme un nuage sous le soleil, elle commençait à nouveau à douter. 

Putain mais je qu’est-ce que j’ai fait. Je suis trop conne. Non, je suis folle, complètement cinglée. Il vient de tuer une personne de sang-froid. Et moi, moi… Bon. Demain je vais au commissariat pour leur expliquer…

A suivre…

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