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L'héritier de Protée – Chapitre 15

L'héritier de Protée - Chapitre 15



Comment peux t-on clore une histoire tout en laissant une porte ouverte sur l’avenir ? C’est la fin de mon histoire… du moins, la fin du début. Toute fin en soi n’est-il pas que le début d’autre chose ? C’est ce que je me demande en écrivant cette histoire, comme je me suis posé la même question pendant qu’Alex et moi nous dirigeons vers l’hélicoptère qui va nous ramener sur Athènes.

Si vous êtes amateurs de situations érotiques extrêmes, de sexe torride, de descriptions salaces, aujourd’hui passez votre chemin. C’est ultime chapitre n’est pas pour vous.

Quelque chose s’est brisé en moi, et il me faudra du temps pour me reconstruire suffisamment. Hélène m’a serré affectueusement contre moi. Je suis une de ses filles à présent. Je sais que je peux revenir quand je le voudrai. Paolo, toujours aussi souriant espère me revoir rapidement pour perfectionner mes techniques de nage et autres. Quant à Vanessa, on s’est étreintes avec émotion, avec une petite larme à l’il. Antinea me le dira plus tard, je ressemble un peu à Harmonie, sa fille préférée Je l’ignorais.

J’ai salué Hadrien beaucoup plus froidement. Une simple poignée de main. Il semble sincère quand il me souhaite « bonne continuation ». Mais il m’a détruite. Je ne serai plus jamais la même

— J’étais à deux doigts de capituler, lui dis-je. Tu as failli me faire craquer, il aurait suffi que tu continues à me torturer un peu plus longtemps.

— Qui te dis que tu ne l’as pas fait ? me répond t-il énigmatiquement.

Je ne comprend pas ce qu’il a voulu dire Cherchait-il simplement à m’amener à la limite de ma résistance sans la dépasser ? Je ne le saurai pas aujourd’hui.

Daniel le barman, toujours souriant et jovial, nous fait un ultime cadeau : un cocktail de sa composition, spécialement fait pour nous, en rajoutant que « nous lui en dirons des nouvelles ». Et au fait, un immortel, membre des fondateurs, expert en alcools, vins et spiritueux, j’imagine que vous avez deviné sous quel nom on l’appelait dans l’antiquité ?

Antinea et Kostia nous accompagnent. Antinea pilote, et Kostia a tenu à mettre son jet privé à notre disposition lequel va nous ramener à Nice. Alors que l’aéroport grossit rapidement, une réflexion me traverse l’esprit.

— Monsieur Kostia, vous savez que vous êtes le seul parmi les immortels présents a ne pas m’avoir baisé, du moins sous votre forme humaine ?

— Ma foi c’est exact répond-il avec un petit rire. Je n’y avais pas fait attention. Je te regardai, pour te jauger, savoir si tu étais digne d’acquérir des facultés disons réservées. Et d’ailleurs, quoique tu ne t’en sois pas rendue compte, je t’ai fait moi aussi cadeau de quelques pouvoirs !

— Quoi ? Comment çà ???

— Primo, je t’ai donné le pouvoir de prendre le contrôle des esprits, d’influencer les autres.

— Comme les Jedis dans Star Wars ?

— Oui. C’est une sorte de talent d’hypnose.  Ça te sera utile si tu viens à tomber sur des personnes qui douteraient de ton identité, un douanier, un agent de police par exemple. Mais attention je te mets en garde : c’est quelque chose dont tu ne dois pas abuser. Tu n’as pas le droit de priver quelqu’un de son libre arbitre pour obtenir des faveurs, par exemple sexuelles pour ne parler que de çà. C’est ce pouvoir que Hadrien a utilisé sur toi dans sa salle de torture pour t’empêcher de t’enfuir. Et c’est le seul endroit ou je lui tolère de l’utiliser. Ais-je ta parole ?

— Vous pouvez me faire confiance, c’est juré.

Il prend alors une brique a coté de lui, une brique banale, d’aspect ancien, terre cuite, rouge, ordinaire

— Que penses tu de ceci ? Me dit-il.

— Ma foi, elle est assez ordinaire ? Oh ! Très ancienne ! Fabriquée en l’an six cent douze de notre ère, au début de l’été. Mais..

Je m’arrête stupéfaite, Comment je peux savoir çà ??? C’est comme si la pierre m’avait parlé !

— Les pierres, les statues, tout objet façonné par l’homme, tous ont une mémoire. Elles rayonnent plus ou moins en fonction de l’époque ou elles ont été façonnées. Désormais, tu seras capable de les dater sans erreur. Tu es antiquaire n’est-ce pas ? Ce don te seras très utile dans ton activité quotidienne. Mais je te rassure, tu peux comme toutes tes autres facultés les mettre sur « off » dans la vie courante, parce que ce ne serait pas facile à gérer,

— Eh bien je merci, je waouh ! Ça alors !

Je suis tellement stupéfaite que je réalise à peine que nous sommes arrivés. Nous traversons quelques bâtiments séparant la zone réservée aux hélicoptères de celle ou sont stationnés les jets privés.

— Un dernier détail, me dit-il. Que pourrais tu me dire à propos de ce manutentionnaire ?

Je ne comprend pas ou il veut en venir. Tout indique qu’il est Grec, d’age moyen, en tenue d’employé de l’aéroport, une personne ordinaire, sans histoire. Et puis je comprend.

— Oh mon Dieu ! Cancer du poumon avec métastases ! Sous traitement anticancéreux, mais je ne lui donne pas un an avant de de mourir.

–  Bonne réponse.

— Co comment j’ai fait çà ???

— Très simplement, et c’est le dernier de mes cadeaux. Toute maladie ou blessure déclenche de faibles changements biologiques en nous. Je t’ai simplement rendue sensible à ces changements, ce qui te permettra à l’avenir de diagnostiquer n’importe quelle pathologie chez les autres. Je crois que ce sera très utile aussi.

Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de cette faculté ? Il a son idée mais laquelle ? Je me le demande encore au pied de l’échelle d’accès au Falcon. C’est le moment des adieux.

— Merci pour tout Monsieur Kostia. C’est bête à dire mais vous avez changé ma vie !

— Ta vie ne fait que commencer. Je suis content que tu aies si bien supporté les épreuves qui nous ont permis de juger ton potentiel, Mais je dois te prévenir d’une chose : la plus dure de tes épreuves est encore à venir, pratiquement dans un an.

Qu’est-ce qu’il a voulu dire ?

— Au revoir ma sur, me dit Antinea.

Antinea ! Que mon sentiment est fort envers cette fille ! Comment exprimer les sentiments que j’éprouve envers elle ? On s’étreint avec passion, avec émotion. On s’embrasse fougueusement une dernière fois à pleines langues. Oh punaise,  j’ai déjà partiellement récupéré, j’ai à nouveau envie de baiser !

— Au revoir Antinea. Tu viendras nous rendre visite à Digne ?

— Bien sur ! Et toi tu reviendras à Mikro Kea, n’est-ce pas ma chérie ?

— C’est juré. Au revoir Athéna. Au revoir amour.

Ah flûte je l’ai dit… Elle me prodigue alors un de ses plus beaux sourires, un de ceux qui n’appartiennent qu’à elle, et me fait un dernier et tendre baiser….

Les semaines se succèdent. L’été passe, puis l’automne. C’est à cette époque que se passe l’épisode que je relate dans le premier chapitre des « Chroniques immortelles » lorsque Antinea a failli mourir sous mes yeux. Puis les mois ont passé.

Nous sommes à la fin du printemps 2015. J’habite toujours Digne en compagnie  d’Alex, mais je fais de fréquents séjours en Grèce. En retour j’en accueille des visiteurs, Antinea, mon amour, ma biche (!) en premier lieu. Mais bien des choses ont changé.

Tout d’abord, j’ai fait mourir Jacques Gautier Pauvre Monsieur Gautier, soixante quinze ans seulement, qui était si aimé et si apprécié à Digne. Une crise cardiaque dans son sommeil… Pour la circonstance, Alex a pris l’aspect du vieux professeur le temps d’être examiné par un médecin, et il m’a suffi de « manipuler » l’esprit du médecin pour qu’il soit déclaré mort. Puis j’ai renouvelé la manipulation mentale envers les croque-mort pour qu’ils ne se rendent pas compte qu’ils mettaient deux sacs de sable dans le cercueil ! Mais c’était une belle cérémonie et l’église Notre Dame du bourg était bien petite pour accueillir toute l’assemblée.

Par testament, j’ai légué mes biens à mes deux petits neveux Christine et Cyrille. Finalement, il est bien pratique que je n’ai jamais eu d’enfant. Le problème d’ovaire qui a emporté ma femme plus tard s’est déclaré très tôt.

J’ai donc rouvert le magasin d’antiquité au nom de Christine, et grâce au « cadeau » de Kostia, j’ai été désagréablement surpris que des pièces que je pensais authentiques étaient en réalité des faux bien plus récents. Mais j’ai découvert aussi que quelques pièces auxquelles je n’avais pas porté attention étaient de véritables trésors. Alex a ouvert une boutique de vins et spiritueux, et grâce à l’enseignement de Daniel, il est reconnu comme un sommelier de premier plan. Son magasin marche du tonnerre et on vient de loin pour dénicher un cru rare.

Quant à moi, en plus du magasin, j’ai intégré le corps des sapeurs-pompiers volontaires Je ne sais pas si c’est ce que Kostia avait en tète, mais il n’en a rien laissé paraître quand je lui en ait parlé. Là j’ai pu utiliser au mieux mes nouvelles facultés. Mes chefs sont impressionnés de ma connaissance, de ma compréhension et de mon mépris du feu. Aucun point chaud ne m’échappe (il faut juste que fasse mes « yeux de chat » discrètement). Et lorsqu’il s’agit de secours aux personnes, c’est la justesse de mes diagnostics qui les a ébahi. Je suis à présent bien connue aux urgences du centre hospitalier, au point que l’on dit là bas que « quand c’est Christine qui amène des clients, pas la peine d’appeler un urgentiste, le diagnostic est déjà fait » ! Et comme j’ai eu l’occasion par ailleurs de montrer à quel point je suis à l’aise dans l’eau, mon chef de corps m’a proposé de suivre une formation pour les interventions en milieu aquatique, ce que j’ai accepté bien évidement. Une vie bien remplie, mais qui nous laisse du temps à Alex et moi, pour nous livrer à notre occupation favorite : baiser.

Ce mercredi là, nous sommes en retard pour ouvrir nos magasins respectifs. Il faut dire qu’on est si bien dans la position du missionnaire J’adore çà ! Il me prend, je l’embrasse durant de longues minutes. Il y a quelques temps sur un coup de folie, nous nous sommes fait poser un piercing sur la langue et le jeu consiste à attraper le piercing de l’autre avec notre langue ! Inutile de dire que dans ces conditions, les embrassades sont longues et torrides ! Nous baisons à un rythme assez lent pour espacer nos jouissances et éviter ainsi d’en arriver trop vite à l’évanouissement en cas d’orgasmes trop rapprochés .

Soudain, un étrange frisson nous traverse, quelque chose d’inconnu. Nous sommes tellement surpris que nous arrêtons instantanément nos jeux Nous éprouvons une sensation bizarre, qui se maintient.

— Tu as senti ?

— Oui, dis-je étonnée, c’était quoi ?

— Je ne sais pas…

Aux aguets, nous nous levons et parcourons la pièce. Nous sommes à la recherche de quelque chose. Nous ne savons pas quoi, mais il y a quelque chose, ici, quelque part. Presque en même temps, nous nous arrêtons devant la statuette de Protée, cette fameuse statuette à l’origine de ma nouvelle vie. Il émane quelque chose d’elle, une signature énergétique inconnue, particulièrement forte.

— Quel jour sommes nous ? Dis-je.

— On est le 24 juin, pourquoi ?

— Un an jour pour jour

— Un an pile aujourd’hui ?

— Oui. Un an qu’il a fait de moi une immortelle. Protée a réintégré sa prison

Nous comprenons alors la nature du frisson que nous avons ressenti. C’est l’esprit du dieu qui nous a traversé quand il a regagné la statuette.

— Dépêchons nous dis-je. Il est encore temps, mais nous n’en avons pas à perdre. Habille-toi, on y va.

— Tu es toujours décidée ?

— Plus que jamais.

Je revêt rapidement ma tenue des service des pompiers et nous sautons dans ma voiture. Du centre ville, il ne faut que quelques minutes pour rejoindre le centre hospitalier. Nous entrons par les urgences, et saluons la secrétaire.

— Oh ? Bonjour Christine. Tu es de service aujourd’hui ?

— En réalité non, je suis venue faire une visite. Dis ; je sais que ce n’est pas l’heure, mais comme je prend la garde cet après-midi, on peux monter dire bonjour à Marion ?

— Bien sur. Tu es ici chez toi, allez-y.

Rapidement, nous gagnons le service d’oncologie. Je frappe doucement à la porte d’une des chambres. Une faible réponse. Nous entrons Une jeune fille, très pale sous perfusion. Elle sourit en nous voyant.

— Christine, c’est gentil de venir me voir

— Bonjour Marion. Comment çà va aujourd’hui ?

Je m’assoie sur le lit à coté d’elle. Son visage se crispe annonçant les larmes.

— Je n’ai pas trop mal La morphine est efficace, mais il m’en faut de plus en plus. Oh Christine, j’ai peur, j’ai tellement peur !

Elle se blottit dans mes bras, elle sanglote, elle me brise le cur, comme la première fois que je l’ai vue. Il y a trois semaines,  je faisais partie de l’équipe qui l’a transportée d’urgence à l’hôpital. Elle a failli y passer. Elle se tordait de douleur. On l’a rattrapée de justesse. Mais à quoi bon ? Cancer du pancréas en phase terminale, espérance de vie à ce jour, moins de quinze jours. Sa mère en larmes m’a longuement parlé d’elle. Elle rêvait de devenir violoniste, elle a du talent, soif de vivre, soif de découvrir, soif d’aimer. Elle riait, était toujours de bonne humeur. Saloperie de crabe J’ai du mal à ne pas me mettre à pleurer à mon tour. Je prends la boite que j’ai emmené avec moi.

— Ne pleure pas Marion. Tiens regarde plutôt, j’ai un petit cadeau pour toi.

— C’est quoi ? Une statuette ? Elle est jolie Elle représente quoi ?

— Il paraît que c’est le dieu Protée, un dieu Grec qui pouvait changer de forme à volonté.

— Et l’inscription, c’est du grec ? Ça veut dire quoi ?

— Ah çà, je te l’ai écrit sur ce papier. Tiens, lis le à haute voix

— C’est curieux comme phrase, qu’est-ce que çà signifie ? « Oh Protée, ou que tu sois, apparaît, fait ton don et prend ton dû » ?

— Déjà ? Lance alors une voix masculine dans un coin.

Quelques minutes plus tard, Alex et moi quittons l’hôpital. Protée est déjà reparti dans la nature. Marion est sauvée. Une nouvelle immortelle est née. Elle est la nouvelle dépositaire de la statuette. Et tout le monde va se demander pourquoi aujourd’hui, elle rayonne de bonheur…

Elle va vivre longtemps et dans  quelques temps, elle deviendra une grande violoniste. Sur nos conseils, sa guérison « apparente » se fera en une quinzaine de jour, mais déjà, le cancer qui la ravageait est mort. Ce qui reste de la tumeur va être éliminé par son organisme et les médecins se perdront en conjecture sur cette guérison « exceptionnelle » et tellement rare avec ce type de cancer.

Je retourne la voir demain matin, Il y a tellement de choses qu’elle doit savoir, que je dois lui apprendre. Il fait beau, il fait doux, j’ai des amis un peu partout, un amant exceptionnel, un destin exceptionnel. Et pourtant je me sens mal, tellement mal ! Je me blottis dans les bras d’Alex, surpris.

— Christine ? Qu’y a t-il ? Tu devrais être heureuse ?

— C’est… ces gens, tous ces gens, tous ces malades Il y en a tellement qui vont mourir ici. Alex ! On pourrait guérir tellement de monde, tout le monde ! Pourquoi je ne peux pas le faire ? J’ai réussi à le faire avec Antinea quand on lui a tiré dessus ! Pourquoi je ne peux plus ???

Il me serre contre lui, j’ai envie de pleurer il prend un ton grave, le ton d’un sage né il y a mille quatre cent ans.

— Quand tu as guéri Antinea, ta peur, ton immense peur t’a permis d’atteindre pendant quelques secondes un niveau de puissance que seuls les fondateurs possèdent et tu as pu induire chez elle une transformation physique. C’est quelque chose que ne peuvent pas faire les immortels du second cercle, et pourtant tu l’as fait. Je comprends ce que tu ressens. Tu trouves que c’est injuste. Tu voudrais pouvoir guérir tout le monde. Mais tu n’avais qu’une seule possibilité avec Protée. Et aujourd’hui Christine, tu as sauvé UNE vie, une vie qui se serait brisée si tu n’avais pas été là, si tu n’avais pas fait ce choix. Rien que pour cette vie, tout ce que tu as connu au cours de cette année, çà en valait la peine.

Je m’appuie contre son épaule tout en marchant. Il a raison mais c’est tellement dur !

— J’ai du décider, moi, seule,  qui allait vivre et qui allait mourir… Zeus m’avait prévenue. Aujourd’hui j’ai du affronter la plus terrible des épreuves qu’il m’avait préparé. Il savait que quelque soit mon choix, ce serait un déchirement. Parfois je voudrai n’être qu’une simple mortelle !

Je passe mes bras autour de son cou. Je l’embrasse tendrement, puis le regarde droit dans les yeux. Je ressens quelque chose de nouveau. Un envie brûlante m’envahit.

— Tu as raison, aujourd’hui, c’est la vie qui est gagnante. Alex… je crois que j’aimerai avoir un enfant…

FIN

…du début.

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