9.
Le lendemain, Manon partit travailler. Elle remit sa tenue fétiche, jean basket, nettement plus pratique et surtout moins voyante dans le métro. A plusieurs reprises, elle avait eu à faire avec des importuns dont elle avait parfois du mal à se débarrasser. Et vu la réaction de Julia quand elle la vit en jupe, elle nosait pas imaginer leffet quelle ferait à une heure de grande affluence.
Elle rentra le soir, vannée et pris une douche réparatrice. Puis shabilla comme la veille. Elle se maquilla, pas aussi bien, mais assez pour se trouver changée et très femme. Puis elle se rendit dans le dressing et chercha dans les chaussures de sa compagne qui avait la même pointure. Elle jeta son dévolu sur une paire descarpins à talons fins dune dizaine de centimètres.
— si Julia y arrive, pourquoi pas moi, se dit-elle.
Elle glissa ses pieds et manqua de tomber. Elle se retint aux montants du dressing et tenta dapprivoiser ces échasses.
— imagines que tu marches sur une ligne, dit soudain une voix dans son dos
Manon sursauta et se retourna.
— tu es diablement sexy, chaton, dit Julia qui était entrée à pas de loup.
— tu mas fait peur !
Elle approcha en se tenant toujours au dressing.
— donne-moi ta main et marche en mettant un pied devant lautre, comme si tu suivais une ligne blanche.
Manon suivit les consignes et petit à petit, elle prit un peu plus dassurance. Mais pas encore au point de lâcher la main de sa douce et tendre.
— attends deux secondes, dit Julia.
Elle partit vers le dressing et Manon entendit les boites bouger.
— bon, ça ne a pas trop avec la tenue, mais ça devrait être plus facile, dit-elle en lui tendant une paire de sandale blanche à talons un peu moins haut mais plus larges.
Manon les enfila, puis les retira, ainsi que ses bas et remit les sandales.
— mieux non ?
— avec du vernis sur les ongles, ce sera parfait, confirma Julia.
Manon repris les exercices, et cette fois elle put lâcher la main de Julia.
— entraîne-toi avec. Et quand tu te sentiras à laise, tu reprendras les autres. Je suis très fière de toi mon petit chat damour.
Manon jugea que lentrainement était fini et remit ses escarpins plus adaptés à ses compétences.
— tu es très jolie, très femme, dit Julia. Je taime
— je te plais ?
— mais bien sur mon chaton. Nen doute pas un instant.
Elles continuèrent de dîner.
— je tai un peu parlée de mes amies, dit Julia.
— oui.
— demain soir, je te les présenterais.
— oh, fit Manon, une pointe de panique dans sa voix.
— ne ten fait pas mon cur. Elles ont hâte de te rencontrer. Elles sont très gentilles et elles ne vont pas te manger. Quoique elles toutes homos comme moi. Et toi maintenant.
— daccord mon amour.
En rentrant le lendemain soir, Julia tendit un paquet cadeau à Manon.
— cest pour ce soir, dit-elle.
Julia laissa Manon et senferma dans la salle de bains pour se préparer.
Manon déballa le paquet pour y découvrir une petite robe noire. Elle quitta la tenue quelle avait prévue pour la soirée et enfila son cadeau. La robe lui arrivait à mi-cuisse, un peu trop courte pour ses bas autofixants, surtout quand elle sasseyait. Mais elle lui fait un joli décolleté malgré sa poitrine menue. Mais ce qui lui plaisait le plus cétait tout le haut, le dos et les manches trois-quarts en dentelle.
Elle quitta la robe pour changer ses dessous blanc pour du noir et enfila un collant.
Julia apparut bien plus tard. Manon eut du mal à la reconnaître avec son maquillage que naurait pas reniées les pinups des années cinquante : teint pâle, lèvres rouge, yeux cernés de noir. Sans parle de sa tenue marquée par une jupe crayon serrée, des escarpins aux talons très fin et très hauts.
— je te plais ? demanda Julia.
— beaucoup ! répondit Manon, la voix sèche
— tu es très jolie aussi.
— merci pour la robe. Elle me plait beaucoup aussi.
— tu la mérite. Allez, on y va. On est déjà en retard.
Julia conduisit à travers la capitale et gara sa voiture dans un parking souterrain du cinquième arrondissement. Puis elles entrèrent dans un immeuble et lascenseur les emmena au quatrième étage.
— ah vous voilà enfin, dit la femme qui leur ouvrit la porte.
Manon, intimidée suivit Julia dans limmense salon où neuf autres femmes bavardaient. Manon les regarda rapidement et constata quelles étaient presque toutes apprêtées de la même façon que sa compagne. Exceptée une des invitée au look gothique, elle était lexception de cette assemblée.
Julia fit les présentations. Manon était la plus jeune. Mais ce qui létonna le plus était le couple que formaient Aminata et Yoko, rencontre improbable entre une camerounaise et une japonaise.
— donc voici celle qui a réussi à faire plier notre célibataire endurcie, claironna Ghislaine, la maîtresse des lieux. Chapeau Manon, car on avait fini par croire la cause définitivement perdue. Et pourtant ce nest pas faute de lui avoir présenté des prétendantes.
— ah ben parlons-en de tes prétendantes ! Entre les psychopathes et les camionneuses, tu parles dun choix.
— cela dit, ajouta Patricia, la compagne de Ghislaine, la méthode est plutôt violente. Faire une tentative de suicide.
— tentative ratée, murmura Manon.
— heureusement chaton. Je men serai voulue toute ma vie sinon.
— chaton ! Comme cest mignon ! railla Ghislaine.
— gna gna gna, répliqua Julia.
Ghislaine les invita à sinstaller. Manon, toujours aussi intimidée, se colla à Julia.
Les discussions allaient bon train. Parfois un baiser était échangé ci et là. Julia se plia à lexercice qui qui mit mal à laise Manon.
— je dois te parler du club, dit Julia à Manon
— du club ?
— oui. Nous toutes avons formé un club, club qui n rien dofficiel. Il a pour nom le club Louboutin, string et bas nylon. On est toutes adeptes de bas, porte-jarretelles, et talons aiguille. Même Karine, même si ça ne se voit pas au premier abord. Et si tu prends les initiales, ça donne le club LSBN. Lesbiennes donc. Ce soir, cest la cérémonie de ton entrée dans notre club.
— et quest-ce que je dois faire ?
— rien, juste te laisser faire.
— viens, dit Ghislaine en la prenant par la main.
Elle lattira au centre du salon et toutes les femmes sauf Julia lentourèrent. Elles la déshabillèrent complètement. Manon frissonna au contact de toutes ses mains. Mais très vite la sensation devint très excitante. Elle fut couchée sur le tapis. Dix bouches, vingt mains caressèrent son corps, embrassèrent sa bouche, pénétrèrent son sexe. Lorgasme monta rapidement. Elle jouit en silence mais inonda le tapis.
— ah ben merde alors ! sécria Patricia. Jul tu ne nous avais pas dit que ta copine était une fontaine !
— ben tu ne me las pas demandé, répondit Julia, taquine.
— ça ta plus ? demanda Valérie, la copine de Karine.
— oui, cétait
— on a vu ! dit Yoko.
— bon, ce nest pas fini, dit Ghislaine. Assied-toi sil te plait.
Manon obéit et Patricia revint avec une trousse de maquillage.
En deux tours de main, elle fut démaquillée. Intérieurement, elle ragea. Elle avait mis du temps à soigner son maquillage. Puis les mains saffairèrent sur son visage. Sans voir le résultat.
— parfait, dit Samia. Chérie, tu amènes les dessous.
On linvita à se mettre debout. Raissa, la compagne de Samia lui attacha le soutien-gorge, non sans en profiter pour caresser ses seins. Samia ajusta le porte-jarretelles. Puis on lassit. Aminata et Yoko glissèrent des bas le long de ses jambes. Remise debout, Cathy et Isabelle vérifièrent lalignement des coutures et attachèrent les bas aux jarretelles. Puis Karine déposa un baiser sur les lèvres intimes avant de les enfermer dans un écrin de dentelle noire.
— Jul, à toi maintenant, dit Ghislaine en lui tendant une boite.
Julia sagenouilla devant sa chérie et ouvrit la boite.
— il ne reste plus que le « L » pour que tu sois des nôtres mon petit chat.
Julia glissa des Louboutins noires à ses pieds. Manon chancela avant de trouver son équilibre en se tenant à Julia.
— viens, dit Ghislaine.
Manon la suivit, se tenant encore à Julia. Elles entrèrent dans une chambre et Manon put enfin se voir dans le miroir. Julia se tenait derrière elle.
— bienvenue dans notre club mon amour.
Manon détailla la lingerie tout en dentelle et vue la qualité, hors de prix. Le maquillage était semblable à celui de Julia. Elle était devenue elle aussi une pinup, lalter égo de Dita Von Teese, celle-là même quelle trouvait diablement sexy quand elle la voyait à la télé ou dans les revues people.
— je taime chaton.
— moi aussi mon amour.
Manon se retourna et embrassa passionnément sa compagne.
.oOo.
Ghislaine laissa échapper le bouchon de la bouteille de champagne dans un « boum » tonitruant.
— à tes deux ans parmi nous, Manon, dit Ghislaine en trinquant.
— joyeux anniversaires ! crièrent tout le monde.
— merci les filles, merci ! Cest gentil. Mais il ne fallait pas.
— bien sûr que si quil fallait ! dit Karine. Sinon, on naurait pas doccasion de boire.
Deux ans que Manon avait été intronisée dans le club LSBN. Si elle continuait de travailler en jean basket, depuis un an et demi maintenant, elle se changeait dès quelle rentrait pour se plier aux codes du club. Les talons hauts navaient plus de secret pour elle. Il lui arrivait même de courir avec pour attraper un métro peu patient. Julia nen était que plus heureuse.
Les amours saphiques ne la gênaient plus et elle couchait sans réticences avec ses amies du club, mais aussi des inconnues quelle rencontrait en boite lors de sortie avec Julia.
Depuis, son emménagement à Paris, Julia lavait amenée à goûter à tous les plaisirs. Plaisirs à deux, à trois et à plusieurs, plaisir de la pénétration vaginale et anale.
Plus les jours passaient et plus le couple était amoureux.
Les femmes continuèrent à trinquer. Chacune y alla de son baiser. Julia fut la dernière à lembrasser, une étreinte longue et passionnée.
Puis soudain, elle mit un genou au sol et prit ses mains dans les siennes.
— Manon, mon petit chat, mon chaton, mon amour. On sest rencontré presque par hasard mais tu as su en payant le prix fort attire mon attention. Depuis tu partages ma vie, toujours présente, jamais envahissante. Tu es aux petits soins pour moi, tu ne te plains jamais, tu dis oui à tout ce que je te demande. Mais surtout, tu remplis ma vie de soleil et de bonheur. Manon, mon petit chat, mon chaton, mon amour, veux-tu mépouser ?
— tu tu es sérieuse ?
— je nai jamais été aussi sérieuse mon amour.
Manon la força à se relever. Elle planta son regard dans ses yeux soulignés dun large trait deye-liner.
Un silence assourdissant sinstalla.
— oui, je le veux, dit Manon tout doucement.
Des hourras fusèrent.
— la dernière en couple, la première mariée ! Cest un comble, dit Ghislaine dun air faussement dégoûtée.
Fin