1 L’Auralienne
Sarah vérifia une dernière fois les paramètres du rétro propulseur, le système d’alerte resta muet, l’écran de contrôle ne signalait aucune anomalie. Elle confia la manuvre au pilote automatique pour se concentrer sur l’image renvoyée par la caméra de haute précision sur le fuselage du vaisseau, les capteurs ne décelaient pas le moindre signe de vie dans les alentours malgré la luxuriance de la végétation qui n’était pas sans rappeler celle de la forêt amazonienne sur Terre.
L’astronef posé sans encombre dans une clairière, la jeune femme alluma aussitôt le bouclier de camouflage du Mirage, le vaisseau devint invisible. Elle s’attela ensuite à la réparation du condensateur d’énergie sans lequel les voyages intergalactiques seraient impossibles. Suivant un paramétrage algorithmique complexe, le boîtier identique à une tablette numérique terrienne permettait d’effectuer des sauts entre les univers. Ainsi, une seconde suffisait pour passer d’un bout à l’autre du système solaire.
Sa bonne vieille Terre âgée de seulement 4, 54 milliards d’années, une jeunette si on la comparait à d’autres monde, Sarah Dodgers avait l’intention d’y prendre un peu de repos après le dernier affrontement contre l’armée de Faraak ; les habitants de la planète Selinia devraient apprendre à vivre sans le dictateur qui les avait longtemps maintenus en esclavage. Au moins, la paix avec les autres mondes du système Karris était rétablie, et les Selinians parlaient désormais de Faraak le borgne.
La réflexion n’empêchait pas la jeune femme de travailler vite et bien, elle s’imagina bientôt en vacances dans la maison familiale isolée près du lac Tahoe en Californie, à déguster les délicieux petits plats de maman Judith, à profiter de mémorables parties de pêche avec papa John. Unique rescapée d’un drame de la route, les vêtements poisseux de produits chimiques à usage militaire, la fillette de 6 ans avait passé quinze mois dans une unité médicale spécialisée avant d’être recueillie par les Bolton.
Quand d’étranges prédispositions physiques et psychiques se manifestèrent, séquelles de l’absorption de certaines substances par l’organisme au cours de l’accident, le couple d’éleveurs soutint l’adolescente de son mieux. Nick Fury, patron peu orthodoxe d’une agence chargée de protéger la Terre, convainquit Sarah de rejoindre le S. H. I. E. L. D. afin de l’aider à contrôler ses pouvoirs. Âgée de 28 ans, animée d’un esprit d’indépendance, la jeune femme était devenue une aventurière intergalactique.
Sarah inspecta la fiabilité de la connexion du condensateur réparé puis brancha le circuit interne, l’écran digital s’éclaira. Le court-circuit dû à une surcharge de tension tiendrait le coup ; Carol Danvers l’aiderait à augmenter la capacité des conducteurs, une sorte de batterie intégrée au système de propulsion supra-luminique mis au point à la hâte pour permettre aux Skrulls d’échapper à l’armée Kree. L’idée de partager une bière avec Captain Marvel lui donna soif.
« Vie détectée dans le périmètre » annonça sobrement l’ordinateur de bord comme une hôtesse de l’air aurait prévenu les passagers d’un atterrissage réussi.
Où ça ?
Sarah se précipita sur l’écran de contrôle de la caméra extérieure en riant de se parler à haute voix. L’idée de créer un interface de communication orale avec le vaisseau lui traversa l’esprit.
Tu verras ça plus tard, ma grande.
Malgré les premières constatations, Aural était une planète habitée. L’image d’une silhouette titubante apparut, la jeune femme ou présumée telle paraissait mal en point ; Sarah vérifia en vain une éventuelle autre présence dans le périmètre. Rassurée, elle se décida à intervenir.
L’inconnue dormait sur la couchette inférieure de la cabine, le scanner n’avait révélé aucune blessure. Hormis un déficit hormonal sans doute consécutif au stress, elle était de nature humaine sur le plan physique et organique, Sarah avait pu s’en assurer en la libérant de ses vêtements déchirés. D’une vingtaine d’années, la mystérieuse apparition était plutôt mignonne ; les traits harmonieux, les courts cheveux châtain entretenus, la peau lisse trahissait une bonne santé malgré une légère déshydratation.
Aussi soudainement qu’elle avait perdu connaissance, l’inconnue recouvra une partie de ses esprits. Les épais sourcils froncèrent sur les grands yeux sombres, la bouche aux lèvres un peu fines s’arrondit de surprise. Les souvenirs revinrent par bribes, signe de la confusion émotionnelle consécutive à un choc ; la fuite, la peur de se faire rattraper, la forêt sombre, la soif bientôt accompagnée par la faim, l’impression d’une présence dans la clairière, puis le néant.
Qui… qui êtes-vous ? bégaya-t-elle en langage universel à la femme aux cheveux roux lumineux.
Maraudeuse, et toi ?
Le nom de code donné par l’agent du S. H. I. E. L. D. lui était venu à l’esprit. Sarah tendit une gourde d’eau à l’inconnue ; une injection de solution H2O vitaminée ne valait pas la méthode traditionnelle en cas de déshydratation.
Kira, minauda la jeune femme intimidée de se trouver en présence de l’aventurière célèbre dans de nombreuses galaxies.
Bois doucement, tu te sentiras mieux.
Incapable de se contrôler, l’inconnue s’assit sur la couche pour avaler d’une traite la moitié du contenu de la gourde. Un mince filet d’eau ruissela entre les seins lourds, les tétons roses pointèrent sous l’effet de la surprise. Alors seulement, la conscience d’être nue la frappa ; occupée à dissimuler sa poitrine d’une main tremblante, elle en oublia le pubis couvert d’une toison sombre exposé sans pudeur. Sarah extirpa une combinaison en fibre de textilène enrichi d’un coffre sous la banquette.
Tiens, ça devrait t’aller. Tes fringues sont bonnes pour l’incinérateur.
Kira s’empressa de se couvrir ; les formes moulées par le vêtement, elle ne se sentit pas moins nue sous le regard lascif de Maraudeuse.
Qu’est-ce que vous m’avez fait ?
Rien encore, pouffa Sarah, tu es toujours vierge.
Les joues de la jeune femme abasourdie se teintèrent de rose.
J’ai vérifié que tu ne souffrais pas de blessures. L’examen gynécologique, c’était pour m’assurer de ta nature humaine, je déteste les surprises. On peut poursuivre cette discussion en mangeant. Tu aimes la nourriture terrienne ?
Je n’en ai jamais goûtée, admit Kira incapable de se défaire de sa timidité.
Hormis une très longue conservation, la nourriture lyophilisée offrait l’avantage de prendre peu de place à bord de l’astronef. Sarah servit une seconde ration de couscous au poulet à son invitée.
Alors ?
Je suis l’héritière du trône d’Ashor, un peuple pacifique vivant de l’autre côté de la forêt maudite.
L’aventurière sourit, magnanime ; sa question concernait les qualités gustatives des sachets réhydratés avec de l’eau bouillante.
Ce qui explique l’absence d’animaux…
Oh il y en a, tapis dans leurs terriers en attendant la nuit, comme les hommes lancés à ma poursuite. Le Svorah ne chasse que le jour.
Sarah avala une lampée d’alcool de contrebande acheté sur l’astéroïde comptoir de Dalax, le lieu de ralliement des mercenaires intergalactiques ; il y avait toujours une guerre à mener dans l’un ou l’autres des multiples univers sous le joug de la Fédération des Étoiles.
Donc, tu avais le choix entre la bestiole et tes poursuivants. Pourquoi la forêt ?
Kira effleura la main de l’aventurière.
Eh ! se défendit celle-ci d’un bond en arrière. Je n’apprécie pas de me faire sonder l’esprit par une télépathe, aussi mignonne soit-elle.
Consternée face au regard larmoyant, Sarah se radoucit ; la peur contraignait parfois à utiliser des armes détestables. Par chance, la princesse n’avait pas eu le temps de saisir le trouble qu’occasionnait sa présence à bord du Mirage. La solitude devenait vite un fardeau dans les profondeurs interstellaires.
Tu as ressenti mon arrivée, n’est-ce pas ?
Oui, et je ne suis pas la seule. Mon frère Kiros possède le même don.
Laisse-moi deviner, il convoite le trône. Pas besoin de lire dans les pensées pour le savoir, ses hommes passeront à l’action cette nuit.
Kira s’autorisa une exceptionnelle gorgée d’alcool, au risque de provoquer un choc dans ses émotions. Cette femme lui viendrait en aide car sa bonté naturelle l’y obligeait. Toutefois, le premier devoir d’une princesse était de privilégier le bonheur de ses sujets au détriment de toute autre considération.
Malheureusement, son ambition ne s’arrête pas là, il veut faire de notre système planétaire un empire à sa solde. Le peuple incapable de se protéger, seule l’armée est en mesure de l’arrêter.
De telles situations, Sarah en avait connues d’autres dans ses aventures, la convoitise se tenait en tête de la longue liste des tares universelles. Elle se redressa, déterminée à obtenir des réponses.
Pourquoi tu n’as pas tenté de la rejoindre ?
Elle est basée sur un planétoïde en orbite au-dessus d’Aural. La flotte marchande disséminée à travers les univers, tu es la seule à posséder un vaisseau.
Beaucoup d’éléments manquaient à une vision concrète de la situation ; néanmoins, l’impulsivité qui avait poussé Sarah à abandonner les Avengers prenait l’avantage sur la prudence. De plus, elle n’entendait pas faire ses adieux à la belle Kira dans l’immédiat.
Comment établissez-vous le contact ?
Kiros à fait détruire le module de communication avant d’assassiner notre père puis d’armer ses partisans.
Une planète satellite en orbite, ça ne doit pas être difficile à trouver, gronda Sarah convaincue de ne pas rester neutre. Viens.
La princesse, curieuse de connaître la raison de certains regards équivoques, hésita à simuler un malaise. L’aventurière ne la laisserait certainement pas tomber, il lui serait aisée de profiter d’un contact pour s’immiscer dans son esprit. Elle préféra la suivre au poste de pilotage à bonne distance.
Une végétation de type continental humide grouillante de vie recouvrait le planétoïde de la taille de la lune terrestre, nommé Aural 2 par facilité. Si les forêts n’abritait pas de monstres comme sur la planète mère, l’existence devait s’écouler paisiblement ; mais, il y avait toujours un mais, l’homme se révélait souvent le pire des prédateurs. À peine dans l’atmosphère, les capteurs du Mirage détectèrent trois vaisseaux prêts à faire feu dans son sillage.
Tu devrais dire à tes amis de rester calmes, grommela Sarah à l’intention de Kira d’un geste du menton en direction de l’écran de contrôle face au siège du copilote. Ce vieux truc fonctionne très bien.
Ravie de la confiance accordée, la jeune femme entra les paramètres d’une fréquence radio puis actionna le commutateur.
Ici la princesse Kira à bord de l’astronef, je dois rencontrer le général commandant de toute urgence.
La minute d’attente parut interminable dans le poste de pilotage. Sarah, nerveuse, fixait le haut-parleur du module de communication comme si la puissance de son regard pouvait suffire à provoquer une réponse. Elle s’autorisa un soupir de soulagement quand les capteurs enregistrèrent la disparition du faisceau de guidage missile des vaisseaux dans le sillage du Mirage.
Enfin ! Ils sont durs de la feuille, tes copains.
Kira tenta d’analyser la proclamation en fonction de la situation présente ; sans doute s’agissait-il d’une formule expressive propre au monde de l’aventurière, intraduisible en langage universel. Un timbre synthétisé évadé du haut-parleur mit un terme provisoire à la réflexion.
Bienvenue sur Aural 2, votre altesse. Est-ce vous qui pilotez ?
Non, je suis avec Maraudeuse de la planète Terre, un danger nous menace, on vient demander l’aide de l’armée.
Bienvenue, Maraudeuse, signifia avec respect la voix synthétisée. Je prends la tête, suivez-moi en vitesse lente.
L’aventurière ravala un sourire suffisant, sa réputation de femme d’action au service de la justice la précédait. Elle laissa la silhouette élancée d’un astronef se positionner à l’avant de la grosse masse du Mirage, puis calqua son allure sur celle de leur guide.
Nous amorçons la descente, cracha le haut-parleur.
Au sol, la végétation se clairsema pour bientôt disparaître au profit de constructions de diverses tailles, une petite cité se profila à l’horizon.
Oh non ! hurla Kira la tête entre les mains. Mon frère est ici, je sens sa présence.
Quoi ? Je croyais qu’il n’y avait pas de vaisseaux sur Aural.
C’est le cas, bredouilla la princesse au bord des larmes, ça signifie…
Sarah activa d’un même geste le système de propulsion et le bouclier anti-missiles, le Mirage rompit la formation. Attentive à la montée en puissance du vaisseau, elle acheva la phrase.
Que l’armée est de son côté, au moins le général.
Convaincue d’avoir semé ses poursuivants avant même d’avoir quitté l’atmosphère du planétoïde, Maraudeuse introduisit des coordonnées dans l’ordinateur de bord qui calcula la route à suivre. La trajectoire rectifiée, le moteur supra-luminique prit la relève du système de propulsion classique, le vaisseau disparut dans une fenêtre sidérale pour réapparaître par une autre à des années lumières d’Aural.
On va où ? demanda Kira le regard plongé dans le noir interstellaire à travers le hublot du poste de pilotage.
Réfléchir à la situation, grimaça Sarah amère, le Mirage nous mènera sur Dyonisa. On y sera dans une huitaine d’heures.
L’emplacement de la planète des Nymphes était un secret bien gardé, partagé par de rares initiés. Sous une apparence quelconque, les patrouilleuses venaient au secours des femmes et recueillaient les jeunes orphelines. Les guerrières instruites dans le respect de l’ancien code maîtrisaient toutes les formes de combat, leur seule présence permettait parfois d’éviter un bain de sang. Même la puissante Fédération des Étoiles préférait ne pas s’immiscer dans leurs affaires.
La reine est une amie, confia Sarah désinvolte. Nous avons combattu côte à côte à la bataille de Dharan.
Deux ans auparavant, une patrouille de Nymphes délivra des jeunes femmes retenues contre leur gré à bord d’un cargo. Les ravisseurs, de vulgaires contrebandiers, voulaient les vendre à Nikolos, grand pourvoyeur d’esclaves sexuels dans plusieurs univers. La poigne des guerrières prête à se refermer sur lui, des hommes intéressés à l’odieux trafic levèrent une armée forte de quinze mille soudards.
À une contre trois, les Nymphes se défirent de la troupe dans une bataille d’une rare violence au cours de laquelle une jeune inconnue répondant au nom de Maraudeuse se distingua. La Terrienne poursuivit ensuite les esclavagistes à travers les galaxies, les retrouva un à un et, selon la légende, les fit disparaître. En réalité, Sarah les ramena sur Dyonisa pour y être jugés par la reine Callimaque.
Tu pourras intervenir en ma faveur ? osa Kira fébrile.
Avant, tu dois tout me dire de la situation sur Aural.
Maraudeuse ouvrit les yeux, sensible à la moindre altération de l’oxygène standard généré par le réacteur supra-luminique, comme l’eau rendue potable grâce à l’apport de minéraux. Un gémissement confirma ses doutes, Kira souffrait d’un sommeil perturbé sur la couchette inférieure, peut-être d’un malaise dû aux événements récents. Un coup de reins la projeta au sol de la cabine baignée d’une lumière tamisée, elle se réceptionna en silence, féline.
Le spectacle inattendu du corps nu étendu sur le dos éveilla aussitôt son intérêt. La poitrine gonflée, les tétons turgescents, le ventre agité par un souffle haletant, les jambes flageolantes, la princesse fourrageait son entrecuisse d’une main nerveuse. Les effluves de cyprine flattèrent les narines de la voyeuse qui, gagnée par l’excitation, commença à se masturber.
Je…, sursauta Kira abasourdie, qu’est-ce que tu fais ?
« Comme toi ! », se retint de hurler Sarah frustrée, convaincue de l’innocence de sa protégée. Fille de roi, la pauvre avait certainement été éduquée dans la négation du désir sexuel par une vieille préceptrice austère ; néanmoins, ce n’était pas la peine de rejeter la faute sur les autres.
Tu te caressais dans ton sommeil, pouffa-t-elle, ça m’a excitée, alors…
Le front plissé, les sourcils froncés, Kira essaya de comprendre le sens commun des paroles étranges ; sa connaissance du langage universel était peut-être limitée malgré les compliments de ses professeurs.
Excité, qu’est-ce que ça veut dire ? Et comment peut-on avoir envie de se caresser là où tu avais ta main ?
Je ne sais pas, sourit Sarah de manière à ne pas laisser supposer qu’elle se moquait, comment faites-vous les bébés sur Aural ?
Kira haussa des épaules.
On prélève des ovocytes pour les féconder avec des spermatozoïdes, l’embryon est ensuite placé sous surveillance dans un incubateur pendant 9 mois. L’enfant est remis aux parents quelques jours après la naissance.
Assaillie par un doute, Sarah ouvrit le kit médical d’urgence posé près du coffre sous la couchette. Elle en extirpa un petit cylindre.
Donne-moi un doigt, je vais te prélever un peu de sang. Ce n’est pas douloureux, promis. Tu avais un médicament à prendre tous les jours ?
Kira obtempéra, méfiante.
Depuis mes 11 ans, une gélule de vitamine chaque soir avant le repas. Tu crois que je suis malade ?
L’analyse allait révéler la présence d’hormones, cette fois, Sarah en était convaincue.
Non, grinça-t-elle, outrée.
Installée près de Maraudeuse devant l’écran de l’ordinateur dans la salle de contrôle située près du poste de pilotage, la jeune Auralienne se faisait violence pour ne pas la toucher face au défilé des images suggestives de la base de données terrestre, surtout qu’aucune des deux n’avait songé à se vêtir. Le souffle court, les narines pincées, elle ressentait une furieuse démangeaison entre les cuisses.
Oh ! elle y prend du plaisir ?
Sarah avait cru bien faire en lui lisant le poème explicite « Printemps » de Verlaine ; l’ingénue avait rapidement exprimé une préférence pour les illustrations friponnes de Louis Berthommé Saint-André.
C’est le but recherché.
De la chaleur corporelle de Kira, des grands yeux sombres brillants d’une excitation mal contenue, des lèvres fines tremblantes de désir, de l’arrogance des seins lourds aux pointes tendues dans les belles aréoles roses ou de la naïveté, elle n’aurait su dire ce qui aiguisait son appétit ; peut-être le trésor tapi sous la toison noire. Incapable de contenir davantage ses pulsions, Sarah fit pivoter le fauteuil de la jeune femme sur son essieu ; mieux valait fixer le mobilier au plancher dans un vaisseau spatial.
Le premier effleurement persuada Kira de s’abandonner, les pensées de Maraudeuse valaient toutes les bases de données sur « la baise », cette curieuse communion physique tant appréciée des Terriens, un échange de fluides corporels capable de leur faire perdre le sens des réalités. Le fait de saisir ses intentions une fraction de seconde à l’avance lui permettait de juxtaposer les deux ressentis. Elle allait caresser ses seins, les malaxer, en apprécier la fermeté, lécher puis mordiller ses tétons jusqu’à les sentir durs.
Laisse-toi faire, éructa Sarah.
Obéissante, Kira posa une main sur la tête de Sarah et mit l’autre en contact avec l’écran de l’ordinateur, l’image de la bouche flattant sa poitrine lui apparut en gros plan. Elle savoura les joies simultanées de voir les pointes se dresser d’orgueil entre les lèvres de son initiatrice, le bruit de succion qui ajoutait à son excitation, et un ressenti indescriptible, l’essence même du plaisir.
La langue glissa le long de la paroi abdominale afin de la rendre réceptive jusqu’au nombril qu’elle investit, insidieuse. Kira ne put contenir un râle. Une main descendit sur son ventre qui se contracta par à-coups sous l’effet d’une douce chaleur, bientôt suivie par la bouche gourmande. Sevrée de ce plaisir trop longtemps, Sarah voulait « se repaître de son antre, se régaler de sa mouille » ; elle s’amusa un instant avec les poils soyeux du pubis pour ne pas l’effaroucher.
Lèche-moi, je veux sentir ta langue dans ma chatte, souffla l’Auralienne persuadée que son amie voulait entendre ces mots.
Sonnée par l’appel inattendu, l’aventurière s’empressa de satisfaire la demandeuse. La bouche ouverte, elle lissa le sillon recouvert d’un fin duvet avec dévotion, y dénicha une perle de sueur ; toutefois, seul un autre nectar pouvait étancher sa soif. Empoignant les cheveux roux, Kira l’incita à davantage d’audace, la promesse de la félicité ne lui suffisait plus.
La télépathe n’avait plus besoin de l’écran pour voir la langue audacieuse se faufiler dans les chairs tendres de sa vulve. L’amertume de sa cyprine la surprit, mais, loin de la dégoûter, elle s’en délecta. vagabondant d’un rôle à l’autre au gré des sensations, la tête pleine des mots de Sarah, la jeune femme profitait de l’ambivalence de l’instant avec un plaisir accru.
Quel bonheur de sentir une main palper ses seins à l’aveugle, en titiller les pointes d’une savante caresse, de percevoir la langue folâtrer sur les muqueuses de son intimité, de surprendre son corps se liquéfier, se fondre dans l’éther. Et Sarah n’était pas moins heureuse de lui faire découvrir tant de félicité.
L’instant se répéta encore et encore, comme des points tracés finissaient par former une ligne continue. Lasse de refouler les vagues successives de plaisir qui menaçait de la submerger, Kira décapuchonna son clitoris saillant. Inconsciemment, Maraudeuse lui révélait ses secrets. Quand les lèvres se fermèrent sur le petit organe sensible, elle offrit à son amante de caresser « son cul somptueux ».
L’orgasme s’invita, s’imposa comme une évidence, un lien abstrait entre elles, bien réel pourtant, le seul qui vaille d’oublier tout le reste. Kira se laissa aller en silence pour ne pas troubler la voix de Sarah dans sa tête qui l’encourageait : « Oui ma belle, prends ton pied, jouis. »
Elle se sentit envahie par une curieuse sensation de plénitude absolue, en symbiose parfaite avec chacune des cellules de son organisme irradié d’énergie vitale, et sombra dans un état de conscience parallèle.
L’aventurière se redressa, insensible à ses genoux meurtris, se lisait dans les grands yeux brillants le bonheur teinté d’une légère satisfaction d’avoir offert à la jeune femme ce que personne encore n’avait pu lui donner, d’avoir ouvert son esprit à la perspective d’un plaisir unique, inconditionnel, celui qu’on n’hésitait pas à nommer « petite mort » sur la Terre.
Kira contempla les seins en forme de grosses poires dont les tétons refusaient de se faire discrets, le large cratère du nombril profond, la toison rouge vif taillée en forme de flamme sous laquelle le fruit mûr restait gorgé de sève, les cuisses pleines légèrement écartées comme une invitation à s’y plonger.
Hum, toussota l’interphone, désolée de déranger un moment aussi intime. Je peux repasser plus tard…
Sarah, les mains sur les hanches, se tourna sans complexe face à la fenêtre virtuelle de la cloison connectée selon le principe élémentaire de la transmission directe, de bien meilleure qualité toutefois qu’une webcam. Kira tenta maladroitement de se tasser au fond du fauteuil afin de dissimuler sa nudité à l’observatrice dont le regard en gros plan exprimait un vif intérêt.
Laisse tomber, Sentence, s’esclaffa Maraudeuse hilare. Où te trouves-tu, ma veille complice ? En patrouille dans votre espace cosmique, d’après ce que je vois. Nous, on devrait être en approche de Dyonisa.
Le Mirage bipe sur nos radars depuis si longtemps que les observatrices en sont devenues sourdes. Je vole juste à côté de vous.
Zut alors ! Je n’ai pas vu le temps passer.
La Nymphe se contenta de sourire, charitable.
C’est compréhensible. Veux-tu que je vous remorque avec le rayon tracteur ? Ça vous permettra de prendre une douche.
Excellente idée, ma chère Sentence, comme d’habitude. On est encore loin de la grande cité blanche ?
À vingt-six minutes terrestres. Aramis brille sur Opaline, la température au sol est de 21° centigrades, inutile de vous couvrir.
C’est O. K. pour nous, pouffa l’aventurière. Commande un petit-déjeuner complet, je meurs de faim.
Attends, gronda Kira d’une voix pesante, presque douloureuse.
La main sur la porte de la cabine de douche située à l’entrée de la chambre, Sarah perçut dans l’intensité du regard sombre la détermination de la jeune femme à lui faire l’amour, même si une Auralienne ignorait cette notion.
Tu ne me dois rien, ma belle.
Non, mais j’en ai envie.
Malgré la tentation de déniaiser la princesse, de lui faire connaître les innombrables subtilités du sexe au féminin, l’aventurière repoussa l’offre ; le Mirage allait bientôt se poser dans la capitale des Nymphes, le comité d’accueil devait déjà se presser près de la piste principale réservée aux invités de marque.
On n’a pas le temps…
Si, viens là.
Kira posa la main droite sur son propre front et la gauche sur celui de Sarah. Celle-ci accepta le contact, incapable de ne pas lui faire confiance.
Ferme les yeux, ouvre ton esprit.
Agrippée à la tignasse brune entre ses cuisses, adossée à la cloison dans un équilibre précaire, Maraudeuse feula de bonheur. Kira à genoux la léchait divinement, un bras levé lui permettait de caresser ses seins, de pincer les tétons longs et durs. La langue papillonnait dans son antre à la recherche de la sève odorante, un doigt fébrile malmenait son clitoris.
Incapable de résister au traitement, à la limite de la suffocation, la jeune femme se laissa submerger par une déferlante de plaisir irrationnel, une jouissance d’une intensité rare dispersa son être en un milliard d’étoiles livrées aux vents cosmiques. La retombée fut longue comme un jour sans fin, d’une infinie douceur.
Kira rompit le contact, Sarah ouvrit de grands yeux éberlués. Le souffle lui manquait, sa poitrine soulevée de spasme, elle devinait la cyprine chaude maculer le haut de ses cuisses flageolantes.
Qu’est-ce que tu m’as fait ?
L’amour, sourit la princesse heureuse. Je peux lire dans les pensées, aussi induire des images résiduelles pour créer des souvenirs.
Pourtant, j’ai vraiment…
Joui ? bien sûr. Je suis une élève très douée.
Kira prit la bouche de Sarah. Malgré la maladresse du baiser, celle-ci retrouva dans la salive de sa protégée l’amertume de sa propre cyprine.