La belle, le bon et lextase 5/8
Imaginer sa tête dans les journaux, qui va payer pour cela ?
Je nai rien changé à ma vie. Ce travail me passionne de plus en plus. Francine a revu Gilles lavocat ! Elle a bien essayé de me faire parler à celui-ci, mais je ne suis pas encore prête à affronter les regards des autres, les yeux de ceux qui resteront sceptiques quoiquon puisse leur dire. Si lon se rencontre souvent elle et moi, nous navons plus refait lamour toutes les deux. Quand je pense que ce gaillard ma refusé sous prétexte dune homosexualité prononcée. Je ris de voir comment il a vite changé davis avec Francine. Enfin tant mieux pour elle ! Je pense quelle a trouvé en lui un meilleur compagnon et le couple nouveau quils forment désormais entoure les enfants dune infinie tendresse. Gino, un soir est venu pour me parler. Je lai éconduit poliment, ne voulant pas entendre pleurnicher ce grand type au teint mat. Puis un jour Mélanie a appelé ma collègue dans son bureau. Les cris qui ont suivi mont laissé penser quelle parlait de lex-mari de mon amie.
En claquant la porte, jai vu une furie ressortir du bureau patronal. Sans un mot, Francine a ramassé ses affaires et quand elle sest penchée vers moi pour me dire au revoir, elle ma aussi murmuré :
Tu savais ? Tu savais pour elle et Gino ? Depuis longtemps ?
Non ! Je tassure, javais eu quelques doutes un jour mais aucune certitude. Je ne tai pas trahie.
Je sais, mais cette salope ! Oui. Alors je me casse, ça vaut mieux pour nous tous. Je nai quune envie, lui casser la figure ! Cest bon ! Gilles prendra soin un peu plus de moi, en attendant que je retrouve un autre job
Et moi ? Je deviens quoi, moi, là-dedans ?
Jai dit cela avec un immense sourire et elle sen est allée en haussant les épaules. Sur le pas de la porte, elle sest pourtant retournée et ma crié :
Passe nous voir ! Alix et Milan seront heureux de te faire un bisou et puis tu as sans doute des choses à dire à mon Gilles ! Non ?
Je nai fait que lever mon pouce dans un signe dassentiment. Francine avait déjà un pied hors de ma vie, combien de temps faudrait-il pour que le second le soit aussi ? Chienne de vie qui sacharne à nous éloigner de ceux que nous aimons ou alors est-ce seulement mon lot ? En tout cas, Mélanie nest pas bonne à prendre avec des pincettes après cela. Je suis sur mon ordinateur et je me moque bien de ses états dâme. Je sais quelle a mérité la réaction de mon amie. Après, cest chacun pour soi et nous néchappons nullement à cette règle de base. Je suis plus touchée par le départ précipité de ma collègue et mon retour chez moi ne va pas arranger les choses. Alors je traine un peu en ville.
Jai besoin de voir du monde, de me sentir moins seule. La rue est un bon compromis. Du monde partout circule dans les artères animées du centre et ce remue-ménage me convient. Je flâne, jinspecte les vitrines et principalement celles des fringues. Des chiffons il y en a partout, de toutes les couleurs, de toutes sortes. Je suis en extase devant une devanture regorgeant de petites culottes et de soutien-gorge de toutes formes. Perdue dans la contemplation de ces deux pièces qui me font rêver, jai un sursaut incroyable lorsquune main se permet de frapper deux petits coups sur mon épaule. Dun seul mouvement de défense, je me retourne sur ce que je prends pour un assaillant.
Eh ! Cest bien toi Claude ? Je me disais aussi que javais déjà vu cette silhouette quelque part.
A Alain, cest toi ?
Ben, ne me dis pas que tu ne me reconnais pas ! Jai tellement changé ? En tous cas toi, tu es restée celle que enfin, tu es toujours aussi belle. Que fais-tu par ici ?
Je travaille en ville et Danièle ? Des nouvelles delle ? Elle a toujours cru que cest moi qui avais
Non ! Je ne lai pas revu depuis notre divorce Un moment difficile aussi ! À la mort de Michel, elle en a voulu à la terre entière, et surtout cest vrai, à toi, en particulier.
Elle changera peut-être davis un jour sur ce sujet
En ce qui me concerne je nai jamais pensé que tu pouvais avoir enfin, je tai toujours crue. Et tu sais quoi ? À la mort de mes parents, avec largent que nous avons partagé mes frères et moi, jai fait un truc dingue. Je savais bien quun jour nous nous reverrions, mais je nai pas su quand tu étais sortie.
Cest donc vrai ! Cest toi qui as racheté notre maison ?
Oui je me suis dit quun jour tu aimerais la revoir et la récupérer. Elle est toujours à toi. Les gens nont pas vraiment compris, mais cétait vital pour moi de te la conserver en létat. Tu ne voudrais pas que nous allions discuter dans un endroit tranquille ?
Je nai pas grand-chose à dire. Je ne veux pas remuer le passé.
Oh ! Oui ! Mais jai vu un grand flic qui est venu me poser des questions. Je croyais que laffaire était close, mais il ma dit que des faits nouveaux avaient refait surface. Il ma aussi parlé dun de nos copains communs à Michel et à moi. Je crois que Jules est mort depuis quelque temps, ça ma surpris. Tu sais comment sont les policiers, ils nen disent jamais beaucoup.
Lhomme qui me parle est un souvenir ! Il revient dun passé lointain, oublié et pourtant, il me semble quil na pas pris une ride. En y regardant de plus près, cest vrai que ses tempes sont plus grisonnantes, quil a un peu plus dépaisseur, mais il est toujours un bel homme. Je me souviens de ces yeux dun bleu profond et des rires de Michel qui me taquinait tout le temps avec ceux-ci. Je balance entre menfuir à toutes jambes ou accepter son invitation et aller prendre un pot, comme au bon vieux temps. Il me semble me souvenir aussi que ses regards étaient parfois par trop insistants sur mes formes. Je navais jamais trouvé de gestes déplacés chez Alain, juste des coups dil furtifs, peut-être des envies camouflées.
Le couple quil formait avec la sur de mon mari battait de laile depuis longtemps quand le drame était survenu. Ça navait pas dû arranger les choses et le revoir comme ça, un jour ou tout semble aller de travers, cest joserais dire, rassurant. Pourtant jhésite à renouer avec les vestiges de cette vie davant. Je reste là, dubitative sur la suite à donner à sa demande.
Allez ! Viens, ne te fais pas prier Juste un verre si tu veux. Sois sympa, nous avons tant de choses à nous dire !
Je nai plus beaucoup de choses à raconter moi, tu sais ! Ma vie sest brutalement écroulée il y a aura bientôt sept ans dans quelques jours.
Nous pouvons parler de lavenir si ce qui est derrière nous te gêne à ce point. Viens ! Jen ai autant besoin que toi, ça nous sera peut-être salutaire.
Tiens ! Au coin de ses yeux, les petites pattes doie qui sont là, cest nouveau. Il a quand même un peu vieilli, mais cest nous tous qui avons changé, alors pourquoi aurait-il, lui, échappé à ce genre de désagrément ? Je me surprends à le revoir quand il tentait, apparemment en vain, de sauver du naufrage programmé son union avec Danièle. Elle, cétait tout linverse de son frère. Une fille pas facile à cerner, compliquée qui ne sépanouissait que dans des amours sans lendemain. Alain lavait pour un temps calmé, mais chasser le naturel et cest à cheval quil revient. Mon mari me lavait toujours dit quelle ne serait pas capable de le garder cet homme. Pourtant cétait un type bien ajoutait-il toujours !
Oui ! Un type bien qui, aux regards de son épouse apparaissait comme un paumé sans le sou. Elle navait pas eu la patience donc dattendre quil hérite ! Mais je nai jamais posé de question, et pas moyen de savoir ce quelle est devenue ! Un jour, sans doute elle et moi serons nous en mesure de faire la paix. Cette guerre ne provenait que de linterprétation des choses de cette soirée où nos vies avaient toutes, quelque part, basculé dans lhorreur.
Tu sais Claude, je crois que Michel tenait encore un peu sa sur, mais son départ a précipité ma chute. Je suis devenu celui qui nétait bon à rien, le sans le sou quelle a vite rejeté. Pourtant, merde, comme elle ma manqué longtemps. Mais la vérité ! Cest que toi aussi ton absence ma fait réfléchir.
Oh ! Pardon ! Tu me parlais Alain ? Excuse-moi, je suis un peu dans la lune en ce moment. Lambiance du bureau sest un peu dégradée depuis un moment et je me sens ailleurs.
Raison de plus pour venir boire un verre. Et tiens ceci tappartient plus que jamais.
Alain me tend un objet, ou plus exactement plusieurs objets serrés autour dun anneau. Surprise de ce quil me colle dans la paume, je suis sidérée et jai un grand froid qui me parcourt léchine.
Quest-ce que
Allons ! Je te lai dit, elles tattendent depuis si longtemps ! Prends-les ! Cette maison cest la tienne et je ne veux que te la rendre. Tu verras, je nai rien touché à lintérieur ! Jy passe de temps en temps, y reste quelques minutes pour respirer cette odeur du bonheur qui y flotte encore maintenant.
Bonheur ? Tu en as de bonnes toi. Et je ne veux rien devoir à personne. Je ne peux accepter ces clés.
Tu me rembourseras le prix que jy ai mis, quand tu pourras, ça me fait tellement de bien de te revoir là ! Comme tu es restée toute pareille que dans ma mémoire cest fabuleux ! Si tu as peur, je taccompagne pour la visiter !
Non ! Non Alain, allons prendre un pot et laisse-moi réfléchir, cest si soudain !
oooOOooo
Les clients du bar tournent sans arrêt autour de notre table. Ils vont, viennent, mais cest parfait pour moi ce manège sans fin. Je suis avec Alain et jécoute sans entendre les paroles qui se perdent dans les conversations du comptoir. Les regards quil me lance ne sont pas ceux que jattends. Cest comme si ses yeux sinfiltraient sous mes vêtements, comme sil me voyait différente et surement plus nue. Cest ce style de regards que Michel avait déjà décelé chez son beau-frère et il me disait souvent que celui-ci était surement plus amoureux de moi que de Danièle. Il ajoutait aussi fièrement quil avait la chance de mavoir rencontrée le premier. Je haussais les épaules dans ces moments, le traitait de fou. Mais il avait surement raison. Et je vois quau fil du temps, rien na changé vraiment.
Prudemment, je bois un diabolo fraise. Il est souriant, détendu. Mais je narrive pas à renouer de cette façon brutale avec tout ce temps qui remonte en moi. Lui parle, autant avec les mains que par la bouche. Une autre image se superpose à celle de cet enchanteur qui jase devant une bière fraiche. Lentement, les souvenirs sestompent et ce sont ses traits qui restent là devant mes mirettes gardées ouvertes. Alain, que fais-tu là, dans ce bar à discuter, tu ne vois pas que ce nest quun long monologue, juste ponctué par quelques oui, dautres non, que je débite machinalement. Les clés que jai mises dans mon sac à main me brulent. Cette baraque, cest vrai quelle a été un refuge heureux, où il faisait bon vivre, mais elle ma aussi apporté tellement de malheur.
Il a pris ma main sans même que je ny prenne garde, comme par réflexe. Je nai pas envie de le contrarier, je suis certaine quil doit imaginer des choses, de belles choses. Mais je suis loin de toi mon pauvre beau-frère, si éloignée de ta réalité. Ces souvenirs que tu ramènes à la surface, je men serais aisément passée. Tu es là, je ne vais pas pour autant te chasser, mais surement pas non plus reconstruire sur les ruines de deux vies vides de sens. Quand jai terminé ma limonade, je reprends mon baise-en-ville. Il faut que je quitte cet endroit, que je file le plus loin possible de ce moulin à paroles. Mais il sincruste, tentant mon poignet comme si lavenir dépendait de ce simple geste.
Lâche-moi ! Alain ! Sil te plait, je ne suis pas prête pour envisager un retour dans cette vie que tu souhaiterais moffrir je le comprends bien. Les mots ne franchissent naturellement pas le stade de ma pensée, mais je tire sur ce bras quil doit se résoudre à laisser filer. La rue mest salutaire, je suis happée par ces inconnus qui marchent avec un but précis dont jignore tout. Je nen ai plus quun, me réfugier dans mon appartement, en fermer la porte et ne plus écouter mon cur qui bat, qui me secoue trop fort. Je ne veux plus rien dautre que cette solitude que jexècre au plus haut point. Alors je cours, je vole vers ma chère oasis, vers mon ile, à la recherche dun grand silence. La fermeture enfin massure dun calme auquel jaspire.
Putain de fantômes ! Celui trop vivant qui porte le nom dAlain il me poursuit alors que je ne veux que dormir. Avec lui, ce sont des muscles bien huilés, des bras massifs, des poils sur des torses qui dansent une effrayante sarabande dans ma caboche. Et une horrible alarme qui me vrille les tympans aussi se met en route. Je crois que je vais exploser et dans un grand sursaut, le sommeil agité duquel je suis arrachée me laisse deviner que ce nest que le téléphone qui sonne. Je me relève, endolorie de partout, mal dans ma peau et la voix qui me parle ne me dit rien.
Madame allo, Madame ! Vous mentendez ?
Ah oui ! Qui, qui êtes-vous ?
Jean-Marie ! Le commissariat : vous vous souvenez, je vous ai reçu dans mon bureau.
Oui ! Ça y est jy suis ! Pardonnez-moi, je métais assoupie.
Je voudrais vous voir, cest possible ?
Quoi ? Là maintenant ? Mais où avez-vous eu mon téléphone et mon adresse ?
Je suis de la police cest mon métier et oui jaimerais vous parler, tout de suite. Ce que jai à vous dire cest mieux de le dire de vive voix.
Bon alors venez que voulez-vous que je vous réponde de mieux !
Je remets le combiné en place et peste muettement contre tous les emmerdeurs de la terre. Quest-ce qui peut bien urger au point de me déranger dans la nuit ? Ma montre mindique quil est à peine dix-neuf heures. Cest trop fort ça, javais limpression de mêtre endormie depuis des heures. Je remets de lordre dans ma tenue et jai juste terminée quil est déjà là. Assis derrière un bureau, il ne mavait pas donné limpression dêtre aussi imposant. Cest un gaillard qui me dépasse dune bonne tête. Ses cheveux bruns bien coupés, rasé de près, il se dégage de lui une assurance, une force tranquille. Cet homme respire la santé. Il me sourit et ses dents me fascinent. La main quil me tend pour serrer la mienne et massive et franche.
Bonsoir ! Excusez mon intrusion tardive, mais je me devais de vous mettre au courant des développements de mon enquête. Demain, vous serez dans tous les journaux du matin, et je ne voudrais pas que ce soit désagréable de voir votre visage en première page, même si cest pour une bonne cause.
Je ne comprends strictement rien. Asseyiez-vous et dites-moi tout sans précipitation. Je suis à demi endormie. Je vous sers un verre, je nai pas trop grand-chose, mais peut-être un fond de « Chablis » ! Ça peut vous convenir ?
Si vous trinquez avec moi pas de souci. Bien ! Comme je vous en avais parlé lautre jour nous avons entendu le nommé Albert, lami de Jules et comptable de Michel votre mari. Pour faire suite aux déclarations écrites du même Michaux. Des confessions post-mortem en quelque sorte !
Cest du chinois pour moi !
Ah ! Mis en garde à vue, il a fini au bout de plusieurs heures par nous raconter la véritable histoire de la mort de votre mari. Cet Albert donc a eu une altercation avec Michel pour une affaire de détournements de fonds de la société de votre mari. Quand celui-ci lui a demandé des comptes, ils se sont battus et lautre a abattu Michel avec son propre révolver. Il aurait eu soi-disant peur que votre mari navertisse la police. Sur ces entrefaites, Jules Michaux qui devait aussi sentretenir avec votre mari a vu sortir du bureau Albert. Alors ce salaud a décidé en menaçant Michaux pour quil témoigne contre vous, de vous faire porter le chapeau. Ils vous ont donc attendue sur les lieux. Cachés tout près, ils ne pouvaient pas vous rater ! Ils navaient plus quà avertir la police et celle-ci vous a trouvé près du corps de votre mari, les mains pleines de sang ! Comme vous aviez aussi ramassé le flingue près de lui, il nen fallait pas plus pour que vos empreintes se retrouvent sur larme du crime. Ensuite, cétait une question de mental, vous étiez en transe et vous navez ni confirmé, ni du reste infirmé cette thèse ! Tout le monde vous a cru coupable et ceci a été sanctionné par ces dix années de détention. Bien sûr votre bonne conduite vous a fait sortir par le biais des remises de peine au bout de six piges. Voilà, vous savez ce que les journaux titreront demain à leur une.
Mais vous vous êtes certain quils vont mettre tout cela dans les canards ? Et pourquoi mettraient-ils ma photo à la première page ?
Vous navez donc pas saisi ? Vous êtes passée du statut de meurtrière à celui de victime et qui plus est, dune machination que la police na pas été capable de découvrir ! Attendez-vous à un assaut de journalistes en mal de copie. Ils vont vous traquer de la même manière quils lont fait quand ils vous jugeaient coupables. Ça risque dêtre pénible pour les jours prochains ! Vous voulez que je vous mette sous protection ?
Non ! Non et non, je veux rester libre ! Je suis contente que tout ceci soit dit, que les gens cessent de me regarder comme si jétais le diable en personne. Puis vous savez ce que je pense de la justice de notre pays
Je vous présente des excuses pour tout le mal qui vous a été fait, mais cest aussi vrai que tout avait été bien ficelé par le tueur. Et sans les aveux tardifs de Michaux vous seriez restée la femme qui a tué son mari
Je verse machinalement deux verres de vin blanc et cest comme dans un rêve que nous trinquons. Je ne sais pas si je dois être heureuse de ce qui se passe, ou si je dois trembler à la seule idée de faire à nouveau les grands titres de la presse. Dun côté, je suis soulagée et de lautre jai une trouille denfer.
Il est bon votre « Chablis » ! Un vrai régal. Eh ! Ça ne va pas, vous êtes toute pâle ?
Je ne sais plus trop où je suis. Lémotion est trop forte. Je sens que mes jambes ne me soutiennent plus ! Mon esprit senfonce dans une ouate extrêmement dense, dans un monde de douceur, loin de toute cette agitation promise. Comme cest beau ces roses, ces bleus, ces jaunes. Toutes les couleurs de larc-en-ciel défilent sous mes paupières qui se ferment et je suis aux abonnées absentes. Quand je suis tirée de ce paradis blanc, cest le sourire du flic qui me surplombe que je devine en premier. Il me passe une main sur le front, se détend un peu.
Eh ben ! Vous mavez foutu une de ces peurs ! Vous ne faites pas semblant vous quand vous vous évanouissez.
Jai soif, sil vous plait, un peu deau.
Ne bougez pas de là ! Vous pensez que je peux vous laisser seule une seconde, le temps de vous apporter de leau fraiche ?
Oui ! Oui, cest le bonheur de savoir quenfin
Chut ! Ne parlez pas, je nen ai que pour une seconde
Faite, faite, je vous en prie.
Il est prévenant, attentionné, ce Jean-Marie. Je sens que jadore ses petits gestes qui ne sont que pour moi. Sa manière de remonter sur mon front une frange de cheveux humidifiée par leau avec laquelle il éponge la sueur de mon visage, je me sens vraiment mieux, presque bien. Je reprends mes esprits et il reste là à me regarder. Je voudrais bien que ces doigts reviennent, même juste un instant, une seconde sur ma joue. Seulement pour ressentir la chaleur quils me dispensent. Il est assis tout proche de moi et son souffle glisse sur mon cou ! Je me demande ce qui marrive ! Je dois devenir folle, cest un flic et je me sens, pareille à une gamine lors de son premier rendez-vous ! Il mattire comme un aimant. Jose ou pas ? Je fais ce mouvement qui pourrait mengager tout entière ?
Il est toujours penché sur moi, allongée sur mon canapé. Comment mes bras passent-ils autour de son cou ? Pourquoi mes lèvres se lovent elles soudain sur les siennes ? Jai la sensation dagir comme une cochonne, comme une Marie couche-tôt là, en un mot comme en mille, comme une salope. Mais jai besoin de me sentir aimée, aimée physiquement. Ce soir, il me faut du cul à létat brut, de la queue pour me ramener sur terre et il est là, plutôt bien bâti ! Alors pourquoi ne me servirais-je pas ? La justice me doit bien cette petite compensation non ? Il na aucun réflexe de recul, ce qui serait plutôt de bons augures, enfin je trouve ! Je persiste et signe dans ce registre, folle de ce désir qui menveloppe totalement, et il ne se fait pas prier.
Est-ce moi ou lui qui arrache ses vêtements ? Je ne men souviens pas. Toujours est-il quil est rapidement à poils et quand je dis à poils cest bien le bon terme. Il en est couvert, une véritable toison dours des cavernes. Il entreprend, tout en tendresse et en douceur, de se défaire des miennes de fripes. Mon ventre est en ébullition ! Je ne suis plus quune femme ouverte qui veut se laisser monter et létalon est une belle pièce. Un court instant, mais vite éteint, je pense que son nom, hormis son prénom, me sont totalement inconnus. Du reste, lui lest, encore tout autant. Seul son pistolet mintéresse et surtout je prierais pour quil soit rechargeable, pour quil ne tire pas quun seul coup. Mais en voyant loutil quil arbore fièrement, celui-là même qui frappe sur ma cuisse alors quil membrasse tendrement, je suis tout à fait rassurée.
Notre corps à corps séternise, les figures sont toutes libres. Il revient sur des épures, des ébauches partiellement terminées, puis il se fait chaton à la recherche de la chatière, se fait charmeur pour lover son serpent. De mon côté, je ne suis pas en reste, usant de toutes ces choses que la vie nous offre, en grappe ou solitaire. Je cueille le fruit encore vert de cette envie quil trimballe fièrement. Je brule la chandelle par les deux bouts, menivrant de ces saveurs que distille notre partie de jambes en lair. Lequel soupire le plus fort, lequel est le plus impatient de mordre dans ce dessert que nous nous promettons sans un mot ? Quelle voie royale que celle quempruntent mes doigts pour pomper une tour bouillante, un mât de cocagne qui redresse sa tête rose, sans se faire prier !
Quel bonheur aussi que ces phalanges qui vont et viennent, sans jamais se lasser, parcourant tous les versants de mon corps qui apprécie sans rechigner, qui rappelle même les artistes pour un salut prometteur. Combien de levers de rideaux faudra-t-il pour quenfin mon ventre soit rassasié ? Aurais-je encore le courage de supporter un nouvel assaut ? Finalement, les canards matinaux sous les rotatives ne sauront vraisemblablement jamais que grâce à la peur que leurs machines minspirent, mon corps lui se donne dans le plus grand secret de mon appartement. Je suis emportée par des lames de fond au relent de ceinture de corail dont je ne vois plus que lencre des seiches qui coule de partout, mais celle-là na rien dindélébile.
Flic ou voyou, quelle importance dans ces moments magiques que ce digne fonctionnaire moffre ! Quel don de soi, quelle victime consentante pour une vengeance sur la justice dégueulasse qui ma un jour, broyée pour des années ! Quel bonheur que de me taper un des représentants de ces uniformes qui un jour nont pas daigné écouter mes plaintes ; lui au moins devra les entendre, jusquau bout de cette nuit qui nous tombe dessus, sans crier gare. Il est bâti comme une forteresse et il sait se retenir, gentleman, jusquau bout du sexe. Ses baisers me sont doux, ils me font oublier toutes les humiliations, toutes ces heures où les gardes nous épiaient, nous suivaient à la trace. Nous faisons lamour encore et encore, il me baise comme une reine, mais je devrais sans doute user du mot : chienne, plus approprié au sport que nous pratiquons ! Jen ai envie, jen ai besoin et il ne renâcle pas au labeur. La tâche qui lattend nest pas aussi ingrate que cela, et après tout je le vaux bien.
Si je replonge dans un océan de spasmes, cest que la mer de mon corps se déchaine en vagues que je ne veux pour rien au monde juguler. Il men donne pour toutes ces journées perdues ! Je sais bien que le temps qui est passé ne se rattrapera jamais. Mais jai encore bien le droit de rêver et dy croire, tout en sachant que je suis en dehors du monde des gens normaux. Tout cela parce quune poignée de fumiers a fermé les oreilles et les yeux, pour ne pas ressentir ma peine et ne pas écouter mes suppliques. Ils crèvent tous dans cet orgasme qui me fait râler et cest le meilleur dentre eux qui me fait monter au plafond. Ils crèvent tous pour mon salut, pour notre plus grand bonheur ! Ce soir, je les emmerde tous ces ânes qui mont fait souffrir. Lui moffre la paix et sa bite magique.
oooOOooo
À suivre