Bonjour,
Pour celles et ceux qui auraient déjà lu "To be or not to be", cette nouvelle histoire leur dira surement quelque chose…
Ce nouveau roman comportera 18 chapitres. Toutefois, il faudra être patient avant de pouvoir lire les premières scènes croustillantes.
Enfin, je précise que toute ressemblance avec des personnages, des histoires ou films, existant ou ayant existé n’est peut-être pas si fortuite que ça.
Bonne lecture.
LN
1-
19 janvier 2015.
Mon nom est Thierry Laffont. J’ai vingt-cinq ans et je travaille depuis peu dans une société de services informatique. Mon premier job, en attendant de trouver quelque chose de mieux, et surtout mieux payé.
Ma journée était enfin terminée et e quittai le parvis de la Défense pour m’engouffrer dans les escaliers qui me mènent aux quais du RER.
Je croisai plusieurs militaires, en tenue de combat, gilet pare-balles sur le dos et Famas à la main. Les attentats contre Charlie Hebdo et l’hyper casher étaient toujours dans les esprits.
Pour une fois, le RER n’était pas trop en retard, mais toujours aussi bondé. Je descendis à la station du Vésinet Centre. L’air froid du soir me piqua le nez et je marchai vers le centre-ville. Pas le temps d’attendre le bus et un peu de marche ne me fera pas de mal après dix heures enfermés, le cul posé sur mon fauteuil. Les écouteurs rivés dans mes oreilles, je ne fis pas attention à la camionnette noire qui me dépassa et s’arrêta juste devant moi. La porte s’ouvrit, un homme sauta sur le trottoir. Un chiffon sur ma bouche. Je perdis connaissance…
Je me réveillai dans une pièce aux murs blancs, éclairée par une faible lumière. Je tentai de me redresser. Une violente douleur traversa mon bras droit. L’aiguille d’une perfusion.
Je m’assis sur le lit avec précaution et fis le tour de la pièce. Trois autres lits occupés par trois hommes, eux aussi raccordés à une perfusion.
Depuis combien de temps j’étais là, et surtout qu’est-ce que je faisais ici. Pourquoi et pourquoi moi ?
Mes colocataires s’agitèrent. Je les laissai émerger avant de les questionner.
— Bonjour. Ça va ? demandé-je. Je m’appelle Thierry.
— Bonjour. On est où ? répondit mon voisin de droite.
— Qu’est-ce qu’on fout là ? demanda l’autre homme au fond de la chambre.
— Bonjour, mon voisin de gauche, la voix encore pâteuse.
On continua de discuter et d’ergoter sur notre sort. Mon voisin de droite s’appelait Fabien Lassalle. Il était ouvrier chez Renault, à Flins. Celui de gauche, Arnaud Despré, était instituteur dans une classe de CP. C’était son premier poste. Enfin, Jean-Claude Froman, commercial pour une société d’électronique. On avait tous le même âge, entre vingt-trois et vingt-six ans, on mesurait tous un mètre soixante-dix pour soixante-dix kilo. Il était donc clair que l’on avait été choisi plus sur nos caractéristiques physiques plutôt qu’intellectuelles.
La porte s’ouvrit.
— Alors les belles au bois dormant, on est enfin réveillées ?
L’homme était un militaire si on se fiait au treillis.
— Où on est ? demanda Fabien.
— Plus tard les questions ! répondit-il sèchement. Pour le moment, une infirmière va passer voir comment vous allez. Demain, on passe aux choses sérieuses. Réveil à six heures.
— On va bien rigoler, continua-t-il pour lui-même en tournant les talons.
Deux infirmières arrivèrent quelques minutes plus tard mais ne furent pas plus loquaces. Elles firent les soins en silence et emmenèrent les perfusions avec elles.
On était tous nus sous notre drap. Mais la première chose qui me frappa était l’absence de poils. Certes, je n’étais pas un gorille mais mon torse, mes bras, mes jambes étaient lisses. Seul un triangle de poils courts faisait de la résistance au-dessus de mon sexe.
— Ils nous ont même rasé, dis-je.
— Oui. Et c’est pas pour me rassurer, dit Jean-Claude. Va savoir quel genre d’expérience, ils ont fait sur nous. Vous avez de la famille ?
— Mes parents sont décédés, dis-je. Il y a deux ans.
— Moi aussi mes parents sont morts, ajouta Arnaud.
— Mon père n’est plus là et ma mère en maison de retraite. Elle souffre d’Alzheimer, dit Jean-Claude, avec une pointe de tristesse dans la voix.
— Je viens de la DDASS, dit Fabien. Je suis passé de famille d’accueil en foyer. Donc personne ne va me chercher.
Je sentis qu’il avait prononcé ces derniers mots avec une certaine angoisse.
— Donc, ils nous ont choisi parce qu’en plus on n’avait pas d’attache. Vous avez des copines.
J’eus un non collégial. Juste des coups d’un soir ou d’un week-end. Des amis bien sûr. Mais se lanceraient-ils dans des démarches de recherche. Fort probablement, mais pendant combien de temps.
Le temps passa, toujours à chercher une raison valable à notre enlèvement. Une des infirmières revint.
— Vous avez des vêtements dans les placards à votre nom. Habillez-vous, je vous emmène à la cafèt’.
Malgré notre gêne de nous montrer tout nu, surtout devant cette femme, on se dirigea vers nos caissons. Première surprise : il était quasiment vide. Deuxième surprise, notre tenue se composait d’un short blanc et d’un t-shirt … rose pale.
— C’est une plaisanterie, s’insurgea Jean-Claude
— Habillez-vous, dit l’infirmière sur un ton ferme.
On chaussa le tennis blanches et nous suivîmes l’infirmière dans un dédale de couloirs. On arriva à la cafétéria où l’on croisa pour la première fois d’autres personnes. En fait, l’endroit était rempli de monde. Je regardai autour de moi. Des civils mais aussi des militaires en uniformes de l’armée de terre mais aussi de l’air. Je vis même un officier de la marine. Mais ce qui nous frappa, ce fut les regards qui se détournaient de nous. J’avisai aussi la pendule. Dix-neuf heures. Et les gamelles remplies de pâtes à la tomate.
On était donc le soir.
On suivit l’infirmière devant les différents îlots. Il me semblait qu’il y avait une éternité que je n’avais pas mangé. Je me rabattis sur une entrecôte-frites, tout comme Arnaud et Fabien, tandis que Jean-Claude préféra un plat de spaghetti.
On s’installa à une table avec un plateau qui débordait presque.
— Pourquoi personne ne nous dit rien ? demanda Fabien
L’infirmière ne répondit pas, se contentant de manger et parler que lorsque c’était nécessaire. Puis elle nous ramena dans notre chambre.
— On vous a mis votre planning sur la table. On reviendra vous chercher demain matin à six-heure trente précise pour le petit déjeuner. Soyez prêts.
2-
Je jetai un coup d’il au-dit planning. Les journées allaient être longues, très longues. Quatre heures de sports en salle de musculation, de fitness ou de piscine et plus encore de cours. Cours de quoi, je ne savais pas. Mais le plus important était la tablette qui se trouvait sous la feuille. Enfin, j’allais avoir quelques réponses. Et en premier lieu la date, les infos. Je déchantai aussitôt. La tablette était vide. Pas d’accès internet, aucune application. Et surtout la date totalement farfelue.
Mes camarades d’infortune n’étaient guère plus joyeux et tous râlaient après cette situation ubuesque.
Je revins sur le programme de la journée. On était loin des trente-cinq heures avec quatre de sport et six heures de cours quotidiens.
Plutôt que de faire des plans sur la comète, je décidai de m’allonger sur mon lit et d’attendre.
Je discutai avec mes nouveaux collègues qui allaient, par force, devenir mes nouveaux amis. Le sommeil fut malgré tout long à venir.
La sonnerie du réveil émise par un haut-parleur retentit violemment dans la chambrée. Je jetai machinalement un il à ma tablette. Si la date était sans objet, l’heure, elle, était correcte. Six heures. Je me levai et allai prendre une douche qui, j’espérai, finirait de me réveiller.
Puis je fouillai dans ma trousse de toilette à la recherche du rasoir. Il n’y en avait pas. Je passai ma main sur ma joue et constatai finalement que je n’avais pas besoin de me raser. Étonnant, surtout après plusieurs jours.
Six-heures trente. Une autre infirmière pénétra dans la chambre pour nous emmener à la cafétéria. On s’habilla à la hâte et on la suivit dans ce même dédale de couloirs que je n’arrivai toujours pas à mémoriser.
— Prenez ça, dit-elle en nous donnant un petit gobelet rempli de gélules et autres comprimés
— Qu’est-ce que c’est ? demanda Arnaud
— Avalez ! ordonna l’infirmière.
On déjeuna copieusement puis on retourna à la chambre, toujours guidée par notre chaperon.
Elle nous emmena ensuite jusqu’à la salle de sport où nous attendait le militaire qui était venus nous voir à notre réveil.
— Bonjour. Je m’appelle Philippe Valeur et je vais être votre instructeur sportif pour les mois qui arrivent.
— Les mois ? s’étonna Jean-Claude.
— Oui, les mois, et même les années. Désormais vous m’appartenez, à moi d’abord, à la France ensuite.
— Je ne comprends pas, dis-je.
Notre instructeur ignora ma remarque.
— Montez sur un vélo et pédalez jusqu’à ce que je vous dise d’arrêter.
Alors, on pédala. Pendant deux heures. Notre instructeur faisait varier la facilité de pédalage. Moi qui n’aimais pas le sport, j’étais servi. A la fin, j’étais exténué et mes camarades n’étaient pas au mieux de leur forme non plus.
— Fillettes ! maugréa notre coach
On alla se doucher. Une tenue propre nous attendait sur le banc. Alors que je m’habillai, je regardai de plus près le slip que je trouvai bizarre. Je me dis que cela devait être le standard militaire.
Philippe nous emmena ensuite vers une salle. On s’installa autour des tables disposées en U et une femme entra.
— Bonjour, je m’appelle Nathalie. Je serai votre prof de maths, physique, et sciences en général. Vous recevrez sur vos tablettes les cours du jour et le QCM qu’il faudra faire en arrivant le matin. Quatre-vingt pour-cent de réussite est nécessaire pour valider le QCM. Si j’ai un conseil à vous donner, ne vous posez pas de question. Apprenez. C’est tout.
— Et si on échoue ? demanda Fabien
— Il ne vaut mieux pas, répondit Nathalie sur un ton sinistre.
Elle commença son cours niveau seconde environ. Mais heureusement, elle ne rentrait pas trop dans les détails. Seul Fabien avait du mal à suivre.
L’après-midi fut du même tonneau. Pas de vélo mais de la course sur tapis. On se prit quelques gamelles avant de pouvoir se synchroniser avec la vitesse de l’appareil. Puis cours de français et d’anglais.
Le soir arriva enfin. On n’était pas fâché de retrouver notre lit. Mais malgré tous ces efforts physiques hors du commun pour moi, je ne ressentais pas beaucoup de fatigue. Enfin, si, j’étais crevé, mais je pensais que je le serai bien plus. Je pris sous ma coupe Fabien qui avait pas mal de difficulté en maths. L’école ne n’était déjà pas son truc et avait très vite quitté l’enseignement général pour passer un CAP. Mon aide était donc la bienvenue.
Les journées se suivaient et se ressemblaient. On pédalait, on courait, on soulevait de la fonte, on faisait des abdos, des tractions. On apprenait des maths, du français, de l’anglais, un peu d’histoire, beaucoup de géographie, pas mal d’économie. Et plus surprenant, on avait des cours de géopolitique.
Malgré ce rythme effréné et insensé, on ne souffrait pas outre mesure. Le cocktail de médoc que l’on nous forçait à prendre tous les matins devaient y être pour quelque chose. A nous quatre, on devait être plus dopé que le peloton du Tour de France.
Autre fait étonnant, notre barbe et nos poils ne poussaient plus.
Tout ça ne répondait toujours pas à nos questions : où étions nous, pourquoi on était là, et qu’est-ce qu’on attendait de nous. Malgré tout, une personne daigna nous parler. Cela se passa à la cafétéria. J’apostrophai une femme en uniforme de l’armée de l’air devant moi, un lieutenant-colonel au vu de ses barrettes.
— Bonjour colonel, dis-je (on avait aussi appris tous les grades).
Elle ne répondit pas.
— Pourquoi personne ne nous parle ? dis-je excédé.
Elle se retourna et souffla.
— Sachez que personne n’a le droit de parler aux t-shirt roses. C’est tout ce que vous avez à savoir, répondit-elle en reprenant son plateau.
— Merci colonel
L’information avait fini de me démoraliser. Dès lors, on s’installait à une table dans un coin de la salle commune.
Trois mois après le grand sommeil. C’est comme ça que j’appelais ce moment où je fus enlevé et mon réveil dans cette chambre. Comme les prisonniers, j’avais pris l’habitude de compter les jours, les semaines, les mois sur le cahier qui nous avait été remis.
Depuis notre réveil, on n’avait pas vu le jour, au propre comme au figuré. On vivait dans un sous-sol sans fenêtre. Notre univers se limitait à la cafétéria heureusement copieuse et de qualité, bien loin devant le restaurant d’entreprise où j’allais tous les midis, la salle de sport, la salle de cours et notre chambre.
Chambre sur laquelle on avait collé un nom : Section TG. La section Ta Gueule. Car c’est la seule réponse à laquelle on avait droit.