Aujourd’hui, c’était jour de fête.
C’est étonnant comme les gens peuvent s’entendre parfois: durant toute la journée, les maris allaient tromper leurs épouses, et les épouses tromper leurs maris. L’incroyable ’’pureté de l’amour’’ dans laquelle les habitants se préservaient de moi me faisait toujours beaucoup sourire ce jour-là. Le soir, tout le monde allait forniquer dans le lit de son voisin.
Moi, je regardais. Pendant toute une journée, la grand’ place du village et son kiosque étaient le théâtre de tous les assauts les plus puérils. De jeunes midinettes qui ne demandent qu’à se dévergonder font les fines bouches pour finir la soirée entre elles – l’entrejambe de l’une consolée par les mains de l’autre (quand ce n’est pas autre chose) – et des petits mâles en chaleurs seraient éconduits après avoir eu droit – dans le meilleur des cas – à un baiser et quelques pelotages derrière un coin obscur, pour finir à leur tour par soulager leurs élans les plus vains seuls, la queue entre les mains, dans l’intimité de leur chambre.
J’observais tout cela avec attention. Le jour de la Grande Fête du village, je me faisais discrète. Mais le soir venu…
J’avais décidé de jouer pleinement un nouveau rôle: celui du lot de consolation. Ainsi, tous les soirs, les plus malheureux auraient droit de se soulager contre moi. Salir celle qui représente la saleté la plus absolue, ça vaut bien mieux que de salir ses draps.
En ce jour chaud de printemps, la nuit tombait vers vingt heures. L’obscurité aidait les langues à se délier, munie de ma plus jolie robe du moment – des carreaux rouges et blancs avec une dentelle blanche en bas arrivant aux genoux et une pareille en haut au ras des épaules, le tout rehaussé d’un très large décolleté – je guettais le moindre petit monsieur malheureux de son sort, pour l’attirer dans une ruelle de mon choix, accessible depuis la Grand’ Place après quelques tournants, mais qui ne donnait sur rien. Un vaste entrepôt de bric-à-brac, de vieux meubles et d’ordures, y permettait de s’y caler à peu près dans n’importe quelle position.
Le premier chanceux, si je puis dire, était en fait un groupe de quatre jeunes garçons, qui convoitaient tous une belle blonde, la fille d’un des plus influents de tous les exploitants du village. Aucun n’en démordit, et elle, lasse de leurs guerres intestines, les laissa seuls et s’enfuit courir après un jeune fermier déjà fiancé. En me voyant leur faire de grandes illades afin de capter leur attention, faisant virevolter les ondulations de ma robe en faisant de petits pas pour atteindre le cur de mon impasse, ils furent visiblement soulagés de savoir qu’ils ne repartiraient pas les bourses pleines de foutre.
Le premier à s’approcher était Gaëtan, un grand plutôt bien affûté aux cheveux courts et châtains dont quelques mèches volaient sur son front. C’est lui qui se montra alors le plus entreprenant:
— Alors, Justine, on s’est perdue?
— Je crois plutôt qu’elle cherche quelque chose, répondit Mathias, plus petit mais tout aussi athlétique, les cheveux noirs, le crâne presque rasé.
— Eh bien elle nous a trouvés, nous, reprit Gaëtan. Je crois qu’elle sait très bien ce qu’elle veut cette petite salope…
— Ouais, et on va le lui donner, hein? enchaîna Mathias
Un troisième, Olivier, plus petit, roux, un peu bouboule, les cheveux très courts, s’empressa de demander:
— Les gars, vous êtes bien sûrs que ça craint pas?
— Quoi?!? reprit Gaëtan, t’as peur de ce que pourrait dire ta mère? Comme si nos parents pensaient qu’à prier quand ils avaient notre âge… Allez, regardez plutôt comment on s’y prend avec les nanas.
Et il passa à l’action. Il ne me demanda pas mon avis, et puis, après tout, ce n’était pas bien grave. Je savais qu’avec ce genre de guignol ça ne serait jamais bien long. Son sexe l’était, pourtant, mais ça s’arrêtait là.
Il me souleva par les cuisses et me plaqua directement sur un vieux guéridon rouillé. En un éclair, je passais de la position debout, les fesses vaguement appuyées sur le rebord du meuble, à la position couchée, non sans fracas, sur ce meuble, n’ayant d’autre horizon à mon regard que le ciel à perte de vue. Il me tenait si fort que je n’arrivais plus à sentir mes membres, et je ne parvenais que par courts moments à redresser la tête pour voir ce qui se passait entre mes jambes.
Une fois couchée sur ce meuble, je fus dépouillée en un éclair de ma petite culotte blanche satinée à rubans roses; il n’eut qu’à tirer violemment sur l’élastique de la taille, pour la faire glisser le long de mes jambes et la jeter au sol. Il écarta alors mes jambes avec une force telle que je pris conscience pour la premier fois de la douleur que ressentaient ces petites coquines de gymnastes du club sportif du collège lorsqu’elles apprennent le grand-écart. Il déboutonna alors son pantalon et le fit tomber le long de ses jambes pour qu’enfin apparaisse son sexe, un pénis plutôt long même pour un adolescent de cet âge, large à la base et s’affinant en pointe jusqu’au gland, pas plus gros qu’une cerise encore rose. Il ne fit pas de manières pour me le planter entre les jambes, d’un coup, avec une violence inouïe. Je compris alors toute l’importance de la première fois était chez les garçons et l’intensité des sensations alors éprouvées. Plus tard je me souvins de Clément, qui avait fait preuve d’une douceur extrême avec moi dans un tel moment.
Gaëtan était fier. Il montrait sa force en permanence à son entourage. Ce soir, il voulait montrer sa force à tous ses camarades, mais aussi à la petite mijaurée du village qui s’était bien amusée à le faire travailler dans son pantalon jusqu’à présent, et avant tout (je pense) à lui-même. Après ce premier coup porté à mon entrejambe, qu’il marqua d’une violente expiration doublée d’un petit cri rappelant la stupéfaction que peut éprouver un tel jeune homme découvrant de telles merveilles, il reprit une grande inspiration, gonflant sa poitrine le plus fort possible, avant de pousser un nouveau souffle bruyant pour ponctuer son nouvel assaut. Et il recommença. Encore, et encore. À mesure qu’il répétait son geste, la cadence ne cessait d’augmenter, jusqu’à ce que ces halètements rappellent ceux d’un chien affamé courant après un os à ronger. Tout remuait autour de moi à tel point que je n’arrivais pas à fixer quoi que ce soit du regard. Très vite je compris que c’était moi qui gigotais. Tout mon corps, mon dos, mon cou, et ma tête, semblaient se disloquer sous l’étreinte de Gaëtan. Lorsque je parvins à focaliser mes pensées sur les objets de son désir et du mien, sur l’union de ces deux sexes, je commençai à apprécier ce pénis pour sa forme, et la sensation insolite que j’éprouvais lorsque je sentais les lèvres de ma petite fente s’ouvrir un peu plus à mesure qu’il gagnait en profondeur. Soudain je sentis une forte pression sur ma poitrine: il s’était enfin décidé à s’occuper un peu du reste de mon corps, et serrait dans chacune de ses mains un de mes seins – encore vêtus de ma robe – avec une violence telle que l’on aurait pu croire qu’il cherchait à s’agripper pour ne pas chuter de je-ne-sais-quoi. Mais je me trompais: lorsqu’il avait commencé à me torturer la poitrine, ses cris s’étaient déjà faits plus longs et plus bruyants, et ses assauts plus intenses encore. L’espace d’une seconde, il s’interrompit, avant de m’asséner un ultime coup d’une telle ampleur qu’il faillit bien me faire cogner le mur qui achevait l’impasse. Il resta quelques secondes, immobile, à me regarder, cherchant à capter mon regard, ses mains sur mes seins, son sexe à demi sorti du mien, déversant quelques salves de sperme chaud dans mes entrailles.
Puis il se retira et me tourna le dos aussi sec. Assez sonnée par cette brutale entrée en matière, je restai là, couchée, les jambes écartées, les bras ballants, reprenant mes esprits.
Lorsqu’il se rhabilla, Gaëtan ne put s’empêcher de se sentir triomphant, et lança:
— Vous avez vu? Je l’ai complètement défoncée. Bonne chance si elle a encore faim après ça! Désolé les gars, vous vous la taperez une autre fois!
En attendant des paroles aussi vaniteuses, je ne pus m’empêcher de penser à la déception de ses trois amis qui, me croyant repue, allaient quitter ma ruelle et rentreraient se branler chez eux.
Alors, je pris un peu sur moi et décidai de me relever, lentement. Assise sur le petit guéridon, après m’être recoiffée de façon très sommaire, je me mis à balancer mes pieds joints d’avant en arrière comme une enfant, regardant, les mains jointes de fierté et de curiosité, ce petit groupe de mâles qui soudainement me paraissait fort étonné de me voir encore en forme. Alors, avec une insolence sans borne, je lançai en l’air:
— Et maintenant, à qui le tour?