Le nouvel an était passé. Une période que Cécilia détestait par-dessus tout. Tout le monde faisait la fête, se saoulait avec la famille et les amis pour se dire qu’une nouvelle année commençait et allait normalement être meilleure que la précédente. N’importe quoi. Pour elle, les années se ressemblaient, tout semblait fade. Elle passait ses journées sur son ordinateur, tantôt pour envoyer des papiers pour trouver un travail, tantôt pour jouer afin de tuer le temps. Pour dire vrai, elle passait plus de temps à jouer et à se lamenter qu’à trouver de quoi gagner sa vie. Plus rien ne l’intéressait depuis quelque temps. En fait… Tout avait changé à sa rupture avec Vincent. C’était son premier amour. Un amour de jeunesse dirait-on. Sa première rencontre avec lui, c’était en classe de collège. Un cours banal soldé par une demande assez originale qu’elle n’avait pu refuser car elle avait flashé sur lui. Eh oui, leurs camarades s’étaient bien moqués ! Un gars qu’ils appelaient un idiot avec une fille que tous considéraient comme une intello ! Mais ce que les deux amoureux voyaient, ce n’était pas le physique, c’était plus sentimental, intérieur, psychique.
C’était l’alchimie qu’ils avaient réussi à développer instinctivement, la complémentarité dont ils avaient fait preuve. Mais du jour au lendemain, après cinq ans de romance, tout s’était arrêté. Ils s’étaient séparés car tous deux avaient des perspectives d’avenir complètement différentes à deux endroits différents, et l’amour sur une longue distance ne pouvait fonctionner dans l’esprit d’aucun des deux. Mais malgré cela, ils n’avaient pas perdu le contact, ils étaient restés amis. Perdue dans ses pensées, repensant à ses instants, elle fut ramenée à la réalité par un bruit provenant de son ordinateur. Un bruit qu’elle connaissait bien ; elle venait de recevoir un message. Vincent justement.
— Hello
Elle sourit. Rien qu’un bonjour de sa part lui remontait le moral. C’était comme si leurs cerveaux étaient connectés et qu’il savait quand elle avait besoin de réconfort ou de compagnie. Elle posa ses doigts sur les touches de son ordinateur et elle répliqua immédiatement.
— Hello, ça va ?
Trois petits points de suspension se mirent à danser presque instantanément. Il était en train de lui répondre. Elle attendait sa réponse avec impatience, bien entendu.
— Oui, et toi ?
— Ça va, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas parlé
Cinq secondes, dix secondes passèrent. Aucun retour. Peut-être était-il un peu occupé ? Mais finalement, trente secondes plus tard, il lui répondit enfin.
— Quoi de beau ?
— Pas grand-chose, je cherche toujours du taf. Toi ?
— Je pars en formation sur Paris pendant quatre jours
— C’est cool ça ! Tu fais quoi comme formation ? Tu fais ça où dans Paris ?
— Une formation sur une nouvelle génération de matériels et la formation se fait chez un fournisseur (du nom de d2b). Du coup je vais dormir à l’hôtel IBIS d’en face
— Tu en as de la chance, moi je nai rien de prévu. Pas même un rendez-vous…
— Ouai, enfin… C’est très exceptionnel. BREF, je vais aller préparer ma valise ^^
— OK, c’est quoi tes horaires de formation ? Pour qu’on puisse se parler sans se louper ?
— Ça finit vers 17h mais je commence à 9h
— OK, alors bonne préparation ! Tu m’envoies un message quand tu arrives et que tu commences la formation, hein ?
— Pas de souci, je le ferai
La conversation se termina, et très vite, Cécilia se mit à sourire de nouveau. Cette discussion l’avait mise de bonne humeur. Dommage qu’elle ait dû arriver à la fin de la soirée, au moment d’aller dormir ! Très vite, elle se surprit à piquer du nez et ses yeux se mirent à brûler. Peut-être avait-elle eu besoin de cela pour s’endormir ? Mais ce qui lui sembla durer quelques minutes dura des heures, car lorsqu’elle rouvrit les yeux, les rayons hivernaux du soleil s’engouffraient dans la chambre à travers les rideaux. Il était passé dix heures. En un instant, ses pensées étaient tournées vers quelque chose. Ou plutôt vers quelqu’un. En une fraction de seconde, elle ouvrit le clapet de son ordinateur et l’alluma. Direction Internet et Facebook afin de voir si Vincent lui avait laissé un message avant le début de sa formation aujourd’hui. Quelle ne fut pas sa surprise en voyant qu’il l’avait fait, comme promis.
— Hello, le voyage s’est bien passé. Je rentre en formation, je nai même pas le temps de déposer mes valises ! DSL pour ce message assez tôt
Pourquoi être désolé ? Cécilia commençait sa journée de la meilleure des façons. Elle pensait à tant de choses. Cela faisait des années qu’ils ne s’étaient pas vus, qu’ils ne s’étaient pas trouvés aussi proches l’un de l’autre. Elle avait une idée, mais elle n’osait pas la développer : Vincent se trouvait à moins de 2h d’elle. Elle voulait sauter dans le premier train, l’attendre de pieds fermes à l’accueil de son hôtel et ensuite… Elle n’osait pas y penser. Dans le pire des cas, repartir presque immédiatement avec le dernier train. Elle activa un moteur de recherche et lui demanda où se trouvait le lieu de formation dont ils avaient tous les deux parlé la veille, afin de voir où il se trouvait dans Paris et peaufiner son plan. Finalement, elle le trouva et regarda s’il était connecté au réseau de métro ; elle devait arriver avant 17h à coup sûr. Elle nota son parcours, regarda pour prendre un billet. Elle avait environ trois heures devant elle pour se préparer. Souriante, elle sauta hors du lit, direction la douche.
Elle devait tout préparer à la perfection, au cas où tout se passe comme elle l’imaginait. En tout cas, elle souhaitait de toutes ses forces que cela se passe ainsi. Laissant l’eau chaude couler sur son corps, elle ferma les yeux tout en shampouinant ses longs cheveux châtains et légèrement ondulés. Peu de temps après, elle se rasa presque intégralement. Elle qui avait pris l’habitude de se délaisser, il était hors de question de se présenter à Vincent dans un état déplorable. Comment allait-elle s’habiller pour tenter de lui plaire et de le surprendre ? Elle n’était pas féminine, elle devait l’avouer. Ce n’était tout simplement pas son genre. Mais elle devait lui prouver qu’après six ans, elle avait changé, elle s’était transformée. Elle devait acheter quelque chose pour l’occasion. Une jupe, une robe, peu importe. Et des collants, parce qu’on était en janvier et qu’il faisait assez froid dehors. Elle sortit de la douche, s’essuya et s’habilla vite fait d’un jean et d’un t-shirt à manches longues, mit ses bottes.
Une fois ses cheveux séchés, elle mit son manteau et une écharpe et sortit ainsi de son appartement. En moins de trente minutes à pied, elle était en centre-ville dans son magasin de vêtements préféré. Très vite, elle posa les yeux sur une robe noire légèrement ouverte sur les côtés. Si ses souvenirs étaient corrects, c’était exactement le type de vêtement que Vincent aimait. Elle chercha sa taille et trouva bientôt son bonheur. Il lui fallait aussi une paire de collants assez épais pour contrecarrer le froid parisien, et aussi un haut décolleté. Là encore, elle trouva son bonheur rapidement ; un magnifique décolleté en V qui lui faisait de l’il et qui descendait probablement sur les hanches en petites lanières. Elle ne regarda pas combien tout cela allait coûter, car cela en valait sans doute la peine. Elle s’empressa de rentrer et se déshabilla en vitesse afin de porter les vêtements qu’elle venait d’acheter. Plus qu’une heure avant de prendre son train. Elle prit son maquillage, très peu usagé évidemment ; elle mit une couche de fond de teint, puis passa du fard argenté au niveau du coin de ses yeux noisette ainsi que la première moitié de ses paupières, et termina par une couche dorée.
Elle mélangea les deux couleurs au milieu afin de créer un dégradé. Elle décida de ne pas mettre de mascara, ses cils étant déjà assez épais pour jouer leurs rôles, mais elle prit son eye-liner pour créer un trait sous ses yeux pour leur donner du volume et de la profondeur. Avec cela, il ne fallait plus qu’utiliser le bon rouge à lèvres. Sans doute du corail métallisé ? Oui, c’était une bonne idée. Elle en mit une couche et glissa l’objet dans son sac à main. Elle dégrafa ses cheveux et les laissa tomber sur ses épaules, créant une raie sur le côté gauche et passant une fine couche de laque dessus afin de faire tenir la coiffure. Tout était presque fin prêt. Elle regarda l’heure. 13h. Il fallait y aller pour ne pas rater le train.
Le voyage fut d’une lenteur à tuer des morts ! En tout cas, c’était ce qu’elle croyait. Ses pensées étaient tournées vers une seule et unique personne. Et elle pensait à comment Vincent allait réagir en sa présence. Elle se faisait des scénarios, du moins chanceux au plus torride. Peut-être se faisait-elle des films ? Elle secoua la tête pour chasser ces pensées, et se concentra à nouveau. Tout allait bien se passer. Au pire elle se prendrait un râteau, au mieux… Elle sourit nerveusement. Elle souhaitait de tout cur que son meilleur scénario se réalise. Le train arriva en gare et elle descendit pour longer le quai. Elle savait qu’elle devait descendre deux à trois étages afin d’avoir le bon métro qui allait l’emmener directement à l’hôtel où Vincent allait loger pour ces prochains jours. En trente minutes, elle y était et son cur battait à cent à l’heure. Elle angoissait. Elle regarda sa montre. 16H30. Encore 30 minutes à l’attendre. Nerveuse, elle fit un pas. Ses jambes tremblaient, mais elle entra tout de même dans le bâtiment et prit la direction de l’accueil.
Elle stoppa net devant un homme assez grand. Son visage légèrement renfrogné l’effrayait un peu, mais elle ne dit rien et ne le montra pas non plus.
— Bonjour, en quoi puis-je vous aider ?
— Euh.
Elle ne savait pas quoi dire ; les mots se perdaient en chemin. L’homme aux cheveux blond cendré fronça les sourcils, ne comprenant sans doute pas le comportement de la femme devant lui. Mais Cécilia sut se ressaisir ; elle toussa un bon coup avant de commencer son explication.
— Je recherche un homme, du nom de Vincent Leménager. Il a réservé une chambre ici.
— Laissez-moi vérifier… Oui, en effet.
— Est-ce que ce serait possible de me prévenir lorsqu’il arrivera s’il vous plaît ?
— Je suis désolé, madame, mais notre politique nous l’interdit, mentit-il.
Il connaissait ce genre de situation ; souvent il s’agissait d’une petite amie jalouse qui souhaitait se venger d’un possible adultère. Intérieurement, il riait aux éclats.
— S’il vous plaît. C’est… Vincent est un ami de longue date, et… Et il ne sait pas que je suis ici. Je voudrais lui faire une surprise.
Peut-être que cette fois, ce n’est pas le cas, pensa le réceptionniste. Il laissa échapper un long soupir alors qu’il observait Cécilia baisser la tête. Il la trouvait honnête, vraie et… Comment une femme comme elle pouvait mentir ?
— Très bien. Veuillez patienter dans le petit salon je vous prie. Lorsqu’il arrivera, je lui demanderai de passer vous voir.
— Merci, merci beaucoup.
L’espoir venait de renaître en Cécilia, son sourire se raviva et elle trépigna à nouveau d’impatience. Dirigée par le jeune homme de l’accueil, elle entra dans le salon et se dévêtit légèrement. L’hôtel était chauffé, et son manteau ainsi que son écharpe étaient totalement inutiles à l’intérieur. Pourquoi avait-elle si chaud d’un coup ? Était-ce l’excitation ? Ou bien autre chose ? Elle ressentait une boule au niveau de l’estomac, une première goutte de sueur venait assombrir son fond de teint. Elle repensait une énième fois à comment allait réagir Vincent. Allait-il la reconnaître ? Après toutes ces années ? Si elle lui faisait la bise, était-ce approprié ou était-ce trop tôt ? Au vu de leur passé commun… Bon sang, combien de temps allait-elle encore attendre ? Elle regarda à nouveau sa montre. 16H45. Encore quinze minutes. Comment était Vincent à présent ? Maigre ? Gros ? Toujours la même taille ? Encore plus grand ? Et ses cheveux ? Les avait-il coupés ou il les avait laissé pousser ? Et ses yeux azur, étaient-ils toujours aussi magnifiques et envoûtants ? Oh… Cécilia venait de remarquer que son ardeur venait de se traduire par un… Léger accident de culotte.
Comment pouvait-elle autant excitée ? Mais, en la voyant, il allait forcément le ressentir qu’elle était complètement chamboulée ! Okay Cécilia, pense à autre chose. Mais cela ne marchait pas ; plus elle devait arrêter de penser à lui, plus ses sous-vêtements s’humidifiaient. Elle sortit du salon, son manteau et son écharpe sous le bras, et se dirigea à nouveau vers le réceptionniste à l’accueil.
— Pardonnez-moi monsieur, serait-il possible que je vous emprunte vos toilettes ?
— Oui, bien évidemment », lui annonça-t-il. « Juste ici, à votre gauche.
— Merci beaucoup, sourit-elle avant de se diriger vers la porte.
Elle avait plus que dix minutes pour se nettoyer et arranger tout cela. Elle entra, et prit immédiatement du papier. Ce qu’il ne fallait pas faire ! À peine eut-elle posé les feuilles que son doigt ripa sur son petit bouton, et cela lui provoqua une vague de chaleur intense. Elle mordit sa lèvre inférieure tout en fermant les yeux afin d’étouffer son cri. Elle devait aller au bout pour se sentir mieux. Elle se caressa, se massa jusqu’à ce que son orgasme s’efface, et jeta ensuite le papier toilette qu’elle avait utilisé avant de tirer la chasse d’eau. En remettant ses vêtements, elle se rendit vite compte que sa culotte était trop humide pour la garder. Elle décida de la retirer et de la ranger au fond de son sac, avant de se rhabiller intégralement et de remettre une fiche couche de maquillage sur ses lèvres. Elle regarda sa montre. 17H. Bon sang ! Elle devait rejoindre le salon au plus vite ! Elle sortit des toilettes et se mit presque à courir pour rejoindre le petit salon afin que Vincent ne la voie pas, rapidement suivie des yeux par le fameux réceptionniste.
Et justement, pile au moment où elle arriva dans le salon, Vincent passait la porte d’entrée de l’hôtel et se dirigea vers l’accueil.