En tant qu’auteur, je dois vous prévenir que certains passages peuvent être un peu plus violents que d’habitude. Pour ceux qui suivent Xanths depuis le début, vous êtes au courant que les personnages évoluent dans un monde difficile et remplis de dangers en tout genre, mais pour les autres, vous voilà prévenu. Ces passages n’étant pas absolument nécessaires à la compréhension du récit, je vous indiquerez où ils se trouvent et comment les passer.
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Heichkâ rejoint Zvolk dans la grande pièce centrale. Lui non plus n’arrive pas à dormir : c’est qu’après tout ce temps passé aux côtés de Romane et de Septima, ses pensées ont tendances à se bousculer dans sa tête. Mais il faut se rendre à l’évidence : quoi qu’elles fassent, leur destin est scellé. Alors il pioche dans les réserves d’eau, et essaie de manger un morceau.
— Tu leur as rien dit en fait, tout à l’heure.
Heichkâ a un moment d’hésitation.
— Voies-tu, mon chez Zvolk, je ne tiens pas spécialement à être décapité par Nathanaël. Ce qu’on fait est déjà beaucoup, et en plus tu me mets des bâtons dans les roues. Tu me gênes, et de toute façon je n’ai aucune raison de les aider : ces furies veulent détruire Xanths, mais tout au mieux elles finiront à Xanthos. Comme des milliers d’autres avant elles, et des milliers d’autres après.
Zvolk grogne : il commence à douter de lui.
— J’ai jamais vu une intervention de la super-garde ? Elles t’ont cru ces idiotes. Evidemment, t’es le plus intelligent ici. Je m’en fous, quand elles reviendront je vais leur dire.
— Et leur dire quoi ?
— A propos des autres. Tu sais très bien.
Heichkâ se met à rire.
— Et puis quoi encore ? Ah non ! Ça non alors ! Serais-tu devenu encore plus stupide ? Que crois-tu qu’il se passera lorsqu’elles sauront à propos de ça ? Regarde toi, tu trembles de peur rien qu’en l’évoquant. Moi je n’ai pas peur, les super-gardes sont là pour cette raison. Quand elles apprendront l’existence de ton village de fou dangereux, elles voudront s’y rendre. Et toi ? Le bon Zvolk ! Eh bien, tu vas vouloir les accompagner, parce que tu es comme ça. Là ils te tueront sans la moindre hésitation, et à vue, tu peux me croire. Les humains sont comme ça, ce sont des monstres, les mêmes qui t’ont rejeté. Mais pire encore, car eux n’hésiteront pas à te tuer.
Zvolk commence à pleurer.
— Pas si je leur explique. Si je les accompagne pas, au début, ils pourront leur expliquer. Heichkâ j’en ai marre. J’en ai marre d’être rejeté par tout le monde. Mon père. Mon peuple. Mes amies. C’est pour ça que je leur ai pas dit : je suis bien ici. Evidemment c’est pas la vie dont elles rêvent, mais moi je suis bien, pourquoi je pourrais pas penser à moi ?
Heichkâ se met à rire, encore. Zvolk éclate en sanglots.
— Ce n’est pas possible, mon cher Zvolk. Tout simplement parce que tu es mal né. Bossu. Petit. Bleu alors que ceux de ta race sont violet ou gris. Et par pitié, range-moi ton sexe en foutant un pagne, c’est chiant de te voir te balader à poil tout le temps. Les hobgobelins sont vraiment des attardés. Si elles reviennent, tu ne leur diras rien à propos de moi. Sinon, je leur déballe tout sur le village, tu m’entends ? Je déballe tout, et tu la connais : quand Romane est attentive, rien ne l’empêche d’écouter.
— Fais pas ça
— Si, je le ferais. Elles partiront, et tu seras forcé d’être de nouveau seul, sans quoi tu mourras. C’est là le lot de ta vie : tu es un raté, malheureusement pour toi, et bien heureusement pour les personnes comme moi, assez intelligentes pour en profiter. D’ailleurs, tu apprécies beaucoup Romane il me semble, alors voilà ce que nous allons faire : tu vas me laisser engrosser Septima, et tu emmèneras Romane loin d’ici. Elle, de toute façon, ne t’aime pas : tu feras ce que tu veux de l’autre, et moi je partirais de mon côté, heureux faune étant parvenu à sauvegarder sa lignée.
Zvolk écarquille les yeux : il sent la colère monter en lui, mais sait également qu’il devra fournir des explications s’il touche au faune. Et c’est un très mauvais menteur ; Septima ne lui ferait pas confiance : elle le ferait avouer. En fait, il n’a pas d’autre choix.
— S’il te plait, Heichkâ. Demande moi ce que tu veux, mais pas de trahir Romane.
— Oh pitié ! Epargne-moi ta compassion et ta fausse amitié mal placée. Tu n’es qu’une bête stupide et sans intérêt, elle finira par te laisser tomber, comme tout le monde l’a fait avant elle. Tu sais quoi ? Je t’offre une chance, une vraie chance de prolonger son amitié pendant encore quelques temps. Ça ne te convient pas ? Je n’en ai rien à faire. Le plus fort fait ça loi, et ne t’en déplaise, le plus fort de nous deux, c’est bien moi. Tu feras ce que je te dis de faire, point à la ligne. Et tu obéiras.
Zvolk réfléchit : il sait Romane et Septima intelligentes. Déjà elles vont revenir. Ensuite, il trouvera un moyen d’éveilleur leur méfiance, ou il s’expliquera. Non. Zvolk n’est pas prêt à prendre ce risque. Mais il sait les filles assez intelligentes pour éviter le danger.
— Elles te laisseront pas faire.
Amusé, Heichkâ place de côté sa nature profonde de pipelette pour concentrer tout son flux en quelques mots :
— Tu me connais
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Septima (x)
— J’en peux plus Vous êtes trop gros
— Eh bien, ton amie à l’air de vraiment prendre plaisir. Tu ne veux pas la laisser où elle est ?
J’ai plongé la main dans ma sacoche, cherchant un sort de puissance. Les deux ogres ont commencé à la soulever, pour la lâcher, l’empalant sur leur membre. Les monstres J’ai assisté à la scène, presque impuissante : l’adrénaline m’est montée à la tête et malgré toute ma hargne, mes mains se sont mises à trembler. La chose a sauté sur la branche, manquant de me faire tomber : un sort s’est échappé de ma sacoche, avant d’atterrir à quelques mètres des deux monstres au sol. L’idée était de lancer le sort pour pouvoir les atteindre avant qu’ils jouissent dans son ventre. Mais je n’ai pas pu y parvenir. La chose m’a foncé dessus, mais je suis parvenue à lui assener un coup de couteau au niveau de l’épaule : en un simple coup d’aile, il m’a repoussé.
— AHHH
Le cri de Romane a fendu les cieux. Elle a tellement crié fort, et longtemps, que je n’ai pas pu m’empêcher de la regarder. La haine m’est montée au ventre : j’allais tuer tous ces monstres. La créature s’est avancée, et j’ai fait volteface : la branche sur laquelle je me tenais était étroite, bien trop pour me permettre de me battre comme je l’aurais voulu. Lâche
— Allons, Septima. Un petit effort : tu ne te souviens pas de moi ? Je suis très déçu
J’ai encore plongé la main dans ma sacoche : finalement n’importe quel sort ferait l’affaire. Le problème, c’est qu’il s’en ai rendu compte ; il a commencé à rire, ne se gênant pas de le faire assez fort, alors que j’avais essayé d’être la plus discrète possible. Heureusement, les hurlements de Romane nous ont couverts.
— Attend, tu comptes te battre ? Ma belle c’est trop tard Regarde ta jeune amie : c’est fini, elle a pris beaucoup de plaisir, et va mourir par ta faute. Oh ! Ne t’avances pas trop, sinon je la brise.
J’ai rejeté un il à ce qui se passait en bas : Romane s’est faite possédée par un seul ogre, et je me suis retrouvée pétrifiée de peur.
— Et oui. C’est fini. Dans quelques secondes il relâchera sa semence entre ses cuisses, et sans cette petite chose, son sort est scellé. Mince alors Tout ça par ta faute. Parce que tu t’es laissée allée au beau spectacle qu’elle offrait.
— C’est faux.
— Tu n’as pas tort, mais peu importe. Je suis très déçu que tu ne te souviennes pas du plaisir que nous avons partagé. Dans mon souvenir, tu étais un peu plus avenante.
Ma bouche est tombée. Son il s’est mis à perdre de sa lueur rouge, mais il a souri.
— Je voie que la mémoire te
— Comment ? Le faune nous a dit que tes pouvoirs avaient diminué, comment est-ce que tu as fait pour nous suivre ?
— Oh, ma chère, tu me blesses. Effectivement, mes pouvoirs ont beaucoup diminué. Le nain bleu aussi savait, Romane, et puis toi bien sûr. J’ai failli te perdre à plusieurs reprises, mais je me suis accroché : j’ai concentré tous mes pouvoirs sur toi, et j’ai presque tout perdu. Mes capacités d’emprise, de contrôle Au final, je ne pouvais plus que te localiser, et malheureusement pour moi tu ne te sépares pas souvent de tes amis. Peu importe. Tu m’as offert la meilleure opportunité à laquelle je n’ai jamais été confrontée.
Le popobawa. Il a ri ; Romane a hurlé, et l’ogre s’est déversé dans son ventre. La scène s’est déroulée au ralentit, et j’ai pris conscience que ce qui s’était passé était ma faute. Encore une fois, je n’aurais pas dû écouter Romane, et aurait dû intervenir dès que la patrouille a pointé le bout de son nez. Pourquoi est-ce que je l’avais écouté ? J’ai été coupée dans ma réflexion.
— Oh je t’en prie ne pleure pas, tu peux toujours réparer ta faute après tout. C’est mignon, il semblerait que vous soyez attachées l’une à l’autre. Plus que la dernière fois en tout cas. Alors nous allons passer un marché simple. Voies-tu, il y a dans cette petite fiole bien plus de liquide de natalité qu’il n’en faut pour la faire accoucher. En fait, il y en a assez pour deux.
— Je ne passerai aucun marché avec toi. Tu es perfide et
— Tu n’auras pas le choix. En fait si, mais tu n’as que deux possibilité : m’offrir ton ventre ou voir mourir Romane. Si tu choisis le second, ce sera entièrement ta faute.
Il a posé la fiole entre deux branches, bien trop haut pour que je puisse l’attraper. Il s’est approché, et je n’ai pas osé bouger. J’ai regardé Romane : le deuxième ogre s’est acharné entre ses cuisses. De toute façon le premier avait déjà joui en elle. Le popobawa s’est approchée, le sourire aux lèvres.
— Donne-moi ton petit sac. Voilà Sois docile comme je t’aime. Tu la récupèreras plus tard : sois heureuse : vous allez bientôt partager une grossesse commune, mais dépêche-toi, avant que les gardes ne l’emportent. Soulève-moi cet ignoble accoutrement.
J’ai fait ce qu’il m’a demandé, me retrouvant à moitié nue devant son regard lubrique. Je déteste les hommes : ce sont tous les mêmes, il ne pense qu’à posséder un trou bien chaud et étroit, ce sont leur seul désir. Il a passé son doigt sur mon sexe, puis a fait glisser un peu de ma mouille sur mes fesses : Xanths opérait, et la moindre source de désir était amplifiée mille fois. J’ai relâchai un petit gémissement.
— Tu voies, quand tu veux Est-ce que Romane sait que tu essaies de copier sa coiffure ? Ce n’est pas celle-ci, tu devrais lui demander qu’elle te montre. Ou pas, d’ailleurs Allez, viens t’assoir, je vais te posséder.
Il s’est allongé le long de la branche, stabilisant son corps avec ces ailes. Il s’est mis à bander ; la situation devenait d’autant plus critique que les deux bêtes ont commencé à se chamailler, plus bas. J’ai dû agir très vite. J’ai remonté un peu plus mes peaux, et me suis assise sur son membre, jusqu’aux couilles, l’opération ayant été facilitée par la mouille dégoulinante de ma fente. Il a gémi.
— Ah, il me semblait bien. Dans mon souvenir, tu n’étais pas très étroite. Apparemment, il doit être difficile d’être aussi mignonne sans perdre par ailleurs.
Sa remarque l’a fait rire.
— Crois-moi, j’ai satisfait une armée de gros porcs comme toi. Vous aimez tous la même chose, et contrairement à ce que vous croyez, ce n’est pas l’étroitesse du sexe de la femme.
J’ai commencé à bouger mes hanches, cherchant le plaisir là où la situation aurait plutôt mis en valeur la peur ou la détresse. Cet idiot a été étonné : j’ai joué avec les muscles de mon sexe, les contractants au gré des mouvements de bassins que je lui assenais. Il a ri, alors que les deux ogres en bas se sont agités. Le plaisir est monté malgré mes réticences. Sa queue était plus importante que celles de mes maîtres : évidemment j’avais dû apprendre à les satisfaire, avec le temps. Lorsque j’étais enfant, ces chacals ne s’en souciaient pourtant guère.
— Je me suis trompé sur ton compte, tu es une femme remplie de talent.
— Tais-toi, je surveille ceux d’en bas.
Effectivement, les ogres s’étant rendu compte de la disparition de leur fiole, ils se sont presque entretués pour savoir ce qu’il en était devenu. Avec le sort de souvenir, je suis parvenue à me rappeler quelques détails de leur conversation ; Romane étant encore toute fatiguée de ces précédents coïts. Pour faire taire le popobawa, j’ai amplifié mes mouvements, ralentissant mes hanches lors des remontées et gigotant mes fesses lors des descentes. Je devais veiller sur lui aussi : la situation a failli m’échapper au fur et à mesure que le plaisir a grimpé.
— Non, mais elle est pas dans le second pagne non plus.
— Quoi ?
— Putain mais j’ai regardé partout, t’as du la faire tomber en balançant ton pagne.
— Aide-moi à chercher, alors ! Bordel, on va se faire tuer.
Plusieurs brides m’ont tout de même échappé, mon regard étant porté sur le popobawa et les expressions difficilement déchiffrables de son visage. La bête a plaqué ses mains sur ma poitrine, j’ai plaqué les miennes sur son torse : les hommes adorent cette sensation. Je l’ai légèrement griffé, et il a adoré ça. A ce moment-là, le plaisir m’a dépassé, et j’ai dû faire un gros effort pour contrôler ma jouissance, manquant au passage un bon bout de conversation.
— Daïl, putain Daïl, c’est pas bon, c’est pas bon du tout là. Je veux pas crever, qu’est-ce qu’on fait ?
— Calme-toi, merde ! Y a pas quarante solutions de toute façon.
— Mais elle va crever ? Genre y a pas d’autre possibilité ?
— Dmark. Calme. Toi. Oui elle va crever, c’est pas grave on est pas à une près. Mais faut pas la laisser là, par contre. Après tout, elle était sympa. On va être sympa aussi.
Heureusement que je suis parvenue à faire attention : ils ont voulu abréger ses souffrances, pensant qu’il serait pire pour elle de mourir éventrée de l’intérieur. Le popobawa s’est mis à donner de grands coups de hanche, tapant le fond de mon sexe dans de petits « flocs » de mes sécrétions. Il m’a fait de l’effet, et ma venue s’est rapprochée. Il fallait que je détourne l’attention de la patrouille, alors je me suis mise à gémir. Le popobawa n’a pas très bien réagi, bizarrement. Sa réaction m’a fait rire, je suis entré dans son jeu : autre technique utile pour les faire venir plus rapidement.
— Mais Mais qu’est-ce que tu fais ? Mais enfin, tais-toi, tu vas les attirer.
— Maître C’est que vous êtes trop gros. Je suis proche, je vous en prie, venez en moi.
— Mais Mais Enfin, baisse d’un ton, qu’est-ce que tu crois que
— Hé ! Qui c’est là-haut ?
Mon plan a fonctionné à merveille. Le popobawa a tourné la tête vers le sol pour se rendre compte que les deux ogres le regardaient avec incompréhension : j’ai profité de ce moment d’inattention pour glisser une main sur les peaux de ma poitrine, activant le sort de puissance qui y était caché, et que j’avais réservé spécialement pour ce type de situation. Le sort était très petit : donc pas susceptible de fonctionner longtemps, mais juste assez pour me sauver de ce contexte. Immédiatement, j’ai senti la puissance affluer dans mes veines : je débordais d’énergie. J’ai donné un grand coup de hanche en serrant les cuisses, tordant la queue du popobawa qui s’est mis à hurler de douleur. J’ai pris appuie sur son torse et me suis soulevée : ça m’a extirpée. Avec l’élan, pied joints, j’ai donné un grand coup sur son ventre, me propulsant sur la branche du dessus et faisant craquer celle sur laquelle il s’était allongé.
Le popobawa est tombé pile devant le nez des ogres, qui se sont regardés avec un air stupide. J’ai bondi sur la fiole, puis sur ma sacoche : j’ai récupéré un couteau. Trois contre un : même avec un sort de puissance, je me suis dit que ce serait le combat le plus difficile à mener de toute ma vie, surtout que les effets allaient s’estomper rapidement. J’ai eu peur, et activé un deuxième sort de puissance.
Puis c’est le noir.
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(Note de l’auteur: Voici le passage en question, il contient quelques éléments un peu violent. Après, ce message est plus préventif qu’autre chose étant donné que je ne suis pas sûr du tout d’avoir les compétences nécessaires, en terme d’écriture, pour choquer un lecteur. Mais dans le doute, je préfère prévenir. Le passage en question comprend le récit de Romane, qui suit, et celui du narrateur omniscient, juste derrière. Entre les deux, on trouve un autre passage de dialogue entre Romane et Septima qui lui, est tout à fait lisible par tous.).
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Romane
Un rayon de soleil s’est lentement glissé sur mon visage. J’étais courbaturée absolument partout, et n’avait pas bougé d’un cil. Un souvenir me revint à l’esprit : Septima sautant du vide sur la créature qui était tombée de l’arbre. Elle était Non, j’avais dû rêver. Nous étions toujours au même endroit : en me redressant, je me rendis compte que Septima dormait à quelques mètres de moi, sur le ventre. Oui, j’avais rêvé : elle était parfaitement normale. Ce n’était pas le cas des deux ogres : la vue me glaça le sang, et j’en fais encore des cauchemars.
L’un deux, Dmark il me semble, était empalé sur la branche d’un arbre, plusieurs mètres au-dessus du sol, du sang coulait tout le long de son corps, et ses yeux étaient grands ouverts. Son visage semblait crispé par la peur. Le deuxième était caché derrière un tronc, de l’autre côté de la clairière. En voulant m’approcher, je marchai sur quelque chose : cela me fit vomir. Je regardai de nouveau Dmark : malgré son état, il possédait encore ses deux mains. Je n’eus donc pas le courage d’aller constater l’état du second. Je m’assis, et pleurai.
Mettons-nous d’accord, aujourd’hui, cela fait plus d’une dizaine d’années que nous parcourons ce continent : il est magnifique. Malgré le fait que je souhaite toujours rentrer chez moi, pour des raisons évidentes, Xanths est de loin la plus belle chose qui soit arrivée dans ma vie : il lui a donné un sens, une mission. Il nous a fait découvrir des centaines de lieux, naturels, tous plus magnifiques et ravissant, au sens latin du terme, les uns que les autres. Mais ce versant : cette réalité, le combat que l’on doit mener pour survivre C’est le revers de la médaille. Toutes ces horreurs me hantent, et j’ai parfois du mal à fermer les yeux, la nuit. Il faut que je prenne l’air.
***
Heureusement qu’elles sont à mes côtés. Bref. Après avoir passé plus d’une demi-heure à vider toutes les larmes de mon corps, potentiellement exposée au moindre danger de la forêt, j’avais réveillé Septima. Elle n’avait absolument aucune blessure. Elle avait mal à la tête, un bien moindre mal par rapport au sort réservé aux autres. A la seconde où elle prit conscience, elle palpa mon ventre : ça me fit rire.
— Tu as réussi. T’as bien veillé sur mes fesses.
J’éclatai en sanglot, et la prit dans mes bras : un peu de chaleur humaine me fit le plus grand bien, même si nous parlons de Septima. J’en rigole : à l’époque, je voie aujourd’hui qu’elle avait été profondément gênée, tapotant maladroitement mon dos. Mais elle était aux bords des larmes, elle aussi. Une question demeurait : quelle créature pouvait bien avoir massacré cette patrouille ? J’eus la réponse un peu trop rapidement à mon goût. La pauvre arrivait à peine à articuler, malgré sa force de caractère que je lui connais. Elle devait vraiment avoir eu peur : je m’en voulais de l’avoir laissé seule face à ces monstres.
— Il est revenu. C’est pour ça que je n’ai pas pu Le popobawa Il a volé la fiole. J’ai dû le laisser entrer Sinon tu serais morte J’ai
— Je suis désolée. Je n’aurais jamais dû te laisser les affronter seule. J’aurais dû faire beaucoup plus attention, je ne sais pas ce qui m’a pris. C’est entièrement ma faute.
Nous étions restées là pendant près d’une dizaine de minutes, nous remettant difficilement de la nuit. Je m’en voulais énormément : par ma bêtise, j’avais perdu le contrôle de mes émotions, laissant les ogres profiter de mon corps. Le plaisir avait été à la hauteur du danger, et bien plus encore, mais à quel prix En nous relevant, je cherchai la fiole des yeux : elle n’était nulle part. Nous avions fouillé l’endroit, récupérant ce que nous étions venues chercher : le miroir était étendu par terre, légèrement cassé sur un côté, et baignant dans une flaque de sang. J’eus un haut-le-cur, et dû aller le laver. Septima parvint à retrouver l’instrument utilisé par la patrouille pour m’extirper sans difficulté de la Marre, mais elle n’en retrouva que la moitié. Pas de trace du popobawa ; aucune idée de ce qui l’avait amené à tuer la patrouille, aucune idée de ce qui l’avait amené à fuir.
Nous ramassâmes nos sacoches, et partîmes en direction de la cachette. Le retour dura toute une journée. Toute une journée au cours de laquelle aucun mot ne fut prononcé, jusqu’à ce que l’on se retrouve au pied de la falaise.
— Septima ?
Elle me regarda.
— Merci, tu m’as encore sauvé la vie. Merci du fond du cur. Mais ce sera la dernière fois. J’en ai marre de faire des erreurs, et de te laisser assumer. Je suis désolée d’être un poids.
Elle hocha légèrement la tête, avant de tout de suite détourner le regard.
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***
Kruedus parvient à entrer dans sa grotte. Cela fait cinq jours qu’il erre dans toute la forêt. Son aile droite est brisée, tout comme son bras droit ; il a perdu son aile gauche, quelques dents et son honneur. Lui se souviendra longtemps de cette fameuse nuit, au cours de laquelle il a presque perdu la vie. Il ressasse sa colère, sa peur, sa haine et sa terreur. La petite n’a pas hésité une seconde : elle a délibérément utilisé un second sort de puissance pour venir à bout de ses ennemis. Il se met à rire, dans l’ombre : elle est têtue. Mais lui est satisfait de son intervention : la prochaine fois, ce sera plus facile.
Il doit juste attendre plus longtemps, se régénérer et prendre des forces. Elle finira bien par l’oublier, et à cet instant, il la possèdera. Quelque chose a changé, entre temps : son pouvoir est plus fort. Quelqu’un l’a oublié, un jour après son intervention. Il rit ; il sait, après tout : une personne de moins à connaître son existence, ça équivaut à beaucoup de pouvoirs supplémentaires. Une menace de moins, c’est cela de pris. Malheureusement, c’est également une proie en moins également : tant pis, il se repaitra d’autres cadavres, ses ennemis durent rarement très longtemps. Sauf cette jolie blonde, qui l’intrigue.
Elle n’est pas très étroite, mais elle très belle. Elle a du caractère, têtue comme une mule, mais elle lui résiste. Et quelle tigresse, au combat Surtout Surtout ! C’est le meilleur coup qu’il n’a jamais tiré : elle est très douée pour les choses de l’amour, et lui donnera une vaste descendance s’il parvient à la dompter au nez des patrouilles. Il fera un effort en allant contre sa nature : il se fait une promesse. Cette petite, il ne la tuera pas après qu’elle ait engendré son enfant. Il ne laissera pas son enfant se repaître du cadavre de sa mère. Non : il va la dompter. Il faudrait faire un petit effort, voler discrètement, mais après tout il y était parvenu cinq jours auparavant : le liquide de natalité ne lui a pas échappé. Reste à trouver une autre patrouille. Il faudra penser, tout de même, à écarter la petite de ses sorts à l’avenir. Question de survie.
***
***
Septima (x)
Mission accomplie, à peu de chose près. Je ne suis pas parvenue à m’expliquer la raison pour laquelle je n’étais pas satisfaite. Beaucoup trop de choses sont restées sans réponse : où est passée la fiole ? En utilisant mon deuxième sort de puissance, j’ai entendu un bruit de verre brisé : il était dans ma main. Je l’aurais cassé ? Non, Romane n’est pas morte, donc je lui ai donné. Où est passé ce chacal de popobawa ? Même avec un sort de puissance je ne suis pas capable de soulever un ogre, encore moins le projeter à plusieurs mètres du sol, donc pourquoi est-ce qu’il leur a fait ça ? Pourtant j’ai eu des flashs, mais pas de ça : de petits éclairs qui me sont revenus au cours du retour, en réfléchissant à ce qui s’était passé. L’un des gardes a tenté de m’attraper. Le popobawa a foncé sur Romane : j’ai agi sans m’en rendre compte, sans le savoir. Quelque chose a dû prendre le contrôle de mon corps ; c’est la seule explication.
Nous sommes entrées dans la grotte menant à la cachette que l’on avait creusée à même la roche. Romane a eu une nausée : elle a trébuché sur un caillou. Au point où on en était Je lui ai donné un coup de main en l’aidant à se relever. Lorsque nous sommes entrées dans la cachette, éclairée comme en plein jour par un sort de lumière, nous avons trouvé l’ogre bleu assit sur le banc. Il nous a à peine regardées quand nous sommes entrées. Puis il nous a annoncé quelque chose comme :
— Heichkâ est mort.
Romane a fait tomber sa sacoche, et elle m’a regardé dans les yeux pour être sûre d’avoir entendu comme moi. J’ai foncé sur l’ogre, et l’ai attrapé par la gorge en le soulevant de terre. Je l’ai immédiatement reposé, constatant que le sort de puissance était toujours actif. L’ogre s’est expliqué, mais j’ai entendu ses paroles comme à travers un mur :
— Il voulait vous baiser. Il a commencé à préparer des trucs, y a tout dans notre chambre, vous pouvez vérifier. J’ai essayé de lui dire d’arrêter, mais il a pas voulu. Alors je l’ai tué, et je l’ai enterré.
Romane est passée sur ce fait : elle m’a regardé et a pris mes mains, étant toujours sous le choc de ce qui nous était arrivé un jour avant. Elle n’a même pas pris le temps de s’arrêter sur la mort du faune :
— Zvolk, on en parlera plus tard, il y a plus urgent. Comment est-ce que Septima peut être toujours sous l’influence du sort de puissance ? Ça fait plus de vingt-quatre heures.
— Mais Je ne sais pas, c’est impossible. Normalement, leurs effets diminuent rapidement. Le maximum que j’ai vécu c’est un demi-soleil.
— C’est pour ça que je m’inquiète, tu voies. Il n’existe pas d’autre moyen d’obtenir de tels pouvoirs ? Ça peut devenir permanant ?
Les deux ont commencé à émettre tout un tas d’hypothèse. Moi je n’ai rien compris. Ils se sont pris la tête pendant plusieurs minutes. Ils ont parlé trop fort, jusqu’à ce que je les interrompe :
— J’en ai utilisé deux.
L’ogre bleu et Romane m’ont regardé avec les yeux grands ouverts.
— Tu as fait quoi ?
— Euh Romane était en danger Il y avait les deux gardes, et le popobawa juste à côté Et Et puis le premier que j’ai lancé était vraiment très petit, je n’étais pas sûre de pouvoir tenir tout le combat avec
Un silence s’est abattu dans la cachette. Personne n’a osé le rompre. J’ai regardé Romane : elle s’est montrée aussi perdue que moi. L’ogre bleu, par contre, a perdu ses moyens :
— Non mais t’es complètement malade ? T’as eu de la chance que le premier soit petit, crois-moi. Tes muscles auraient pu craquer sous la pression, tes os se briser, et tes tendons disparaître en une demi-seconde. Il fallait garder l’autre sous la main et attendre que
— Je n’ai aucune leçon à recevoir de toi ! T’as tué le faune ! Je savais que vous étiez des traitres, j’en étais sûre. Romane, je ne te l’avais pas dit ? Il ne faut pas croire ce qu’il raconte, il va nous trahir. Romane, ne me regarde pas comme ça, réveille-toi !
Au moins, nous étions reparties sur des bases connues :
— Mais qu’est-ce qui cloche, chez toi ? On parle de toi, là. Pas de Zvolk. On ne connait pas les effets que deux sorts peuvent produire sur ton corps, tu comprends.
— J’ai fait ça pour te sauver la vie, espèce d’idiote !
— T’as surtout fait ça aux dépend de la tienne, mais qu’est-ce que t’as dans la tête ? Pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ? On aurait peut-être pu faire quelque chose !
— La prochaine fois je te laisserai t’amuser avec la garde, t’as eu l’air de beaucoup prendre plaisir !
— Garce.
— Idiote.
Nous aurions pu durer comme ceci un certain temps. Mais nous avons été interrompues : Zvolk s’est mis à pleurer. Des larmes ont coulé le long de ses joues. C’est à ce moment-là que je me suis rendue compte qu’il portait un pagne. Ca changeait. Avec Romane, nous nous sommes tues.
— Je vous ai pas trahi. S’il vous plait, me laissez pas tout seul. Ils m’ont tous abandonné, me laissez pas seul. Je veux plus. J’en peux plus. S’il vous plait…
Romane et moi l’avons observé, en silence pendant une longue minute. Puis elle s’est assise à côté et l’a pris dans ses bras ; j’ai senti la colère monter en moi. Elle a ce pouvoir : celui d’apaiser les gens quand ça va mal. Elle a frotté son dos en lui disant des bêtises, des mensonges. J’ai pensé qu’il fallait faire attention : la nuit dernière nous avait encore montré à quel point les hommes sont tous les mêmes. Et j’étais sûre que cet ogre bleu n’échappait pas à la règle. Enfin, j’étais presque sûre.
Je suis partie.
***
***
— Dans ces deux secteurs, en moins de trois mois d’intervalle.
Le Quatrième se lève, contourne ses frères et rejoint le Septième, devant la carte de Xanths. Les autres sont bien alignés à leur place. Le Quatrième prend la parole.
— Vous nous avez fait venir pour cela ? Des patrouilles disparaissent tous les jours. Ce n’est qu’une coïncidence. Vous n’avancez que des suppositions.
Le douzième prend la parole :
— Qui plus est, cette région se trouve à une centaine de kilomètres d’Hoppe. Nous ne pouvons pas être sûrs qu’il ne s’agisse pas d’une de leurs excursions.
Le Septième reprend la parole :
— Hoppe n’a jamais entrepris d’excursions, et il faut éviter que trois insurrections se lèvent dans des secteurs trop proches. Je pense que l’on devrait y envoyer un escadron de super-garde. Nous rasons le terrain, et nous repartons sur des bases plus saines. Qu’en dites-vous ?
Les Douze votent à main levée. Le Premier se lève :
— Septième, votre proposition est rejetée à Sept contre Cinq.